Le jour de la Résurrection, le Pape célébra en la Basilique de Saint-Pierre la Messe Pontificale, au cours de laquelle il prononça l’homélie suivante :
Nous apprêtant à commémorer et à vénérer aujourd’hui le divin Rédempteur qui ressuscite victorieux de la mort, les paroles pleines de sagesse de l’Apôtre des nations qui écrivait du Christ Nous viennent à l’esprit : « Il fut livré à la mort pour nos péchés et il ressuscita pour notre justification. » (Rom., IV, 25.) C’est lui, en effet, par ses souffrances librement acceptées et par son sang précieux versé jusqu’à la mort, qui a expié nos péchés et nous a rachetés de l’esclavage du démon, pour nous redonner à la liberté des enfants de Dieu.
Il est sorti triomphant du Sépulcre. Par ce fait, non seulement il a alimenté et fortifié la foi des apôtres et la nôtre, non seulement, il nous a invités à son exemple à monter au ciel en sa compagnie, mais il nous a révélé par l’éclat de son corps glorieux quelque chose du bonheur éternel à atteindre, mais il a répandu aussi la plénitude des charismes divins et confié à l’Eglise fondée par lui la tâche de nourrir de la grâce céleste et de conduire à la vie nouvelle tous les hommes qui obéissent de bon gré à tous ses commandements. A ce sujet, le Docteur Angélique observe avec une clarté pénétrante ; « Du point de vue de l’efficacité, qui vient de la force de Dieu, aussi bien la Passion que la Résurrection du Christ sont causes de justification… Mais du point de vue de « l’exemplarité », la Passion et la mort du Christ sont causes du pardon de la faute et c’est par elles que nous sommes morts au péché. La résurrection du Christ, elle, est cause de la vie nouvelle, qui nous vient par le moyen de la grâce, c’est-à-dire par le moyen de la justice. » [1]
Dans les jours passés, et spécialement pendant la Semaine Sainte, nous avons tous rappelé d’une manière particulière les douleurs et les angoisses de Jésus-Christ et excité nos âmes d’une façon particulière à se purifier de leurs fautes et à détruire les péchés qui provoquèrent la divine Rédemption. Aujourd’hui, dans la lumière et dans la joie pascales, par la célébration même des divins mystères, nous sommes très suavement incités à une restauration et à un renouvellement de vie.
Nous sommes le Corps mystique de Jésus : là où est arrivée la gloire du Chef, là aussi est invitée à s’élever l’espérance du Corps. « Comme le Christ est ressuscité de la mort… ainsi vivons, nous aussi, d’une vie nouvelle. » (Rom., VI, 4.) Et comme « le Christ ressuscité de la mort ne meurt plus, la mort n’a plus sur lui d’empire » (Ibid., VI, 9.), ainsi devons-nous, attirés par son exemple et nourris de sa grâce, non seulement nous dépouiller « du vieil homme, corrompu par les convoitises trompeuses » (Eph., IV, 22.) ; mais aussi « nous renouveler dans notre esprit et dans nos pensées pour revêtir l’homme nouveau créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables » (Ibid., IV, 24.).
Ces merveilleuses maximes et exhortations de l’Apôtre des gentils semblent plus que jamais opportunes dans la solennité pascale de l’Année Sainte, quand les fidèles du monde entier — les trésors spirituels de l’Eglise leur étant ouverts — sont appelés non seulement à l’expiation de leurs propres péchés et à une forme plus parfaite de vie, mais à s’employer, chacun selon ses propres forces, à ce que tous les autres, après s’être purifiés de leurs fautes et dépouillés des erreurs et des préjugés, s’approchent avec un cœur bien disposé de Celui qui est la voie, la vérité, la vie [2].
Que tous sachent bien qu’il ne peut y avoir de tranquillité sereine pour les esprits ni pour les peuples, ni pour les nations, sinon à condition que tout soit établi dans l’ordre qui naît des préceptes de l’Evangile et qui est confirmé et fortifié par la grâce divine.
Que tous réfléchissent à ce que le Christ a dit aux Apôtres : « Je vous laisse le paix, je vous donne ma paix ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne. » (Joh., XIV, 27.) Nous savons par une triste expérience, combien de discordes, de meurtres et de guerres eurent pour cause le fait que les hommes abandonnèrent la route magistrale que le divin Rédempteur indiqua par la splendeur de sa lumière et consacra par son sang.
C’est à cette route qu’il faut revenir en privé et en public, et ne pas oublier que la paix stable ne pourra gouverner les Etats si elle n’inspire d’abord et ne guide l’esprit de chacun. Pour cela, il est nécessaire de les soumettre à la raison, et la raison à Dieu et à la loi divine. De ce point de vue, l’enseignement du grand orateur romain, bien qu’il soit païen, est excellent : « A ces perturbations que la sottise introduit dans la vie et excite comme des furies, nous devons résister de toutes nos forces et par tous les moyens, si nous voulons parcourir dans la tranquillité le peu de temps qui est concédé à notre vie. » [3]
Mais la « guérison de ces maux ne réside que dans la vertu » (Ibid. IV, c. XV.).
Que brille donc dans les esprits, que fleurisse dans la vie familiale, que triomphe au milieu de la société civile cette vertu chrétienne dont seule il est permis d’espérer le renouvellement des mœurs et la restauration juste et ordonnée du bien-être des nations, qui sont dans les désirs de tous.
Le Christ, comme vous le savez, ne se limite pas, à la manière des sages de ce monde, à enseigner la vertu, mais pour nous engager à la conquérir laborieusement, il nous instruit par son exemple, stimule notre volonté et la fortifie par sa grâce céleste. En outre, il nous attire et nous stimule en nous indiquant le but et la récompense que constitue le bonheur éternel.
Si tous se décidaient à le suivre, ils auraient part à l’intime sérénité qui est la perfection de la joie [4], même s’ils devaient subir des peines, des persécutions et l’injustice humaine ; en fait, il leur arriverait ce qui est déjà arrivé en d’autres temps aux apôtres qui « s’en allèrent joyeux de devant le Sanhédrin, heureux d’avoir été jugés dignes de subir des souffrances pour le nom de Jésus » (Act., V, 41.).
De plus, si tous jouissaient réellement de cette vraie paix intime qui se base sur la loi divine et trouve son aliment éternel dans la grâce divine, alors, une fois éteintes les haines, calmées les passions, distribuées les richesses selon un critère plus équitable de justice et de charité, pourrait finalement avec une certitude infaillible et une assurance sereine se lever pour les classes sociales, les peuples et les nations, ce que saint Augustin a appelé « la concorde organisée » [5].
Telle est la fervente prière que Nous adressons au divin Rédempteur dont Nous célébrons aujourd’hui le triomphe sur la mort, tandis que Nous ne cessons de répéter à Vous, Vénérables Frères et Fils Bien-aimés, les inoubliables paroles de l’Apôtre, plus que jamais adaptées à la célébration d’aujourd’hui : « Soyez dans la joie, rendez-vous parfaits, consolez-vous, ayez un même sentiment, soyez en paix, et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous. » (II. Cor., XIII, 2.)
Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-Maurice Saint-Augustin. – D’après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 279.