Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

6 septembre 1949

Allocution aux membres de l’Union Catholique Italienne des Professeurs de l’Enseignement Secondaire

Table des matières

Le IIe Congrès natio­nal de l’Union Catholique ita­lienne des Pro­fesseurs de l’en­sei­gne­ment secon­daire tenait ses assises en sep­tembre, à Rome ; le thème des dis­cus­sions était : « La for­ma­tion du professeur ».

Les congressistes furent reçus en audience par le Pape qui leur dit :

Elle est par­ti­cu­liè­re­ment agréable à Notre cœur, chers Fils et Filles, cette ren­contre avec vous, qui avez consa­cré votre vie à la sublime fonc­tion de l’éducation reli­gieuse, morale, intel­lec­tuelle des jeûnes géné­ra­tions, les­quelles, aujourd’hui, plus que jamais, ont besoin de véri­té et de bonté.

La mission de l’éducateur est exaltante :

Vous n’êtes pas seuls en Notre pré­sence. Autour de vous, Notre esprit voit les innom­brables groupes d’ado­lescents, tels des bour­geons qui s’ouvrent aux pre­mières lueurs de l’aube. Prodigieuse et enchan­te­resse est cette pul­lulation d’une jeu­nesse issue d’une géné­ra­tion qui paraît presque condam­née à s’éteindre ; d’une jeu­nesse nou­velle et fré­mis­sante dans sa fraî­cheur et sa vigueur, aux yeux fixés sur l’avenir, à l’irrésistible élan vers des buts éle­vés, réso­lue à amé­lio­rer le pas­sé, à assu­rer des conquêtes plus so­lides et d’un plus grand prix pour l’homme, pèle­rin ici- bas. Les édu­ca­teurs sont les régu­la­teurs et les res­pon­sables de ce per­pé­tuel et impé­tueux cou­rant vers la per­fec­tion humaine, diri­gé et conduit par la divine Providence elle- même pour en réa­li­ser les des­seins. Il dépend d’eux en grande par­tie que le cou­rant avance ou recule, accé­lère sa course ou lan­guisse dans l’inertie, se hâte direc­te­ment vers son embou­chure, ou, au contraire, s’attarde, au moins mo­mentanément, en vains détours, ou pis encore, en méandres maré­ca­geux et malsains.

A la suite du Maître par excellence, les éducateurs doivent se faire les collaborateurs du Christ :

En rap­pe­lant à votre conscience d’éducateurs cette digni­té et cette res­pon­sa­bi­li­té, Nous-​même, Vicaire par une dis­po­si­tion divine, et de ce fait inves­ti des mêmes charges que Celui qui sur la terre aimait à être appe­lé « Maître », Nous-​même, Nous comp­tons dans le nombre de ceux qui repré­sentent, dans des mesures diverses, la main de la Pro­vidence condui­sant l’homme vers ce but suprême.

De même, ils doivent prolonger l’action de l’Eglise :

Notre Siège n’est-il pas prin­ci­pa­le­ment une chaire ? Notre pre­mière fonc­tion n’est-elle pas le magis­tère ? Le divin Fondateur et Maître de l’Eglise n’a‑t-il pas don­né à Pierre et aux apôtres le pré­cepte fon­da­men­tal : « Enseignez, faites des dis­ciples » ? (Matth. XXVIII, 19).

Le prêtre est par essence éducateur :

Oui, nous nous sen­tons et nous sommes des édu­ca­teurs d’âmes ; sublime école, qui ne passe pas au second plan dans l’Eglise, puisqu’une grande par­tie de la fonc­tion sacer­dotale consiste à ensei­gner et à éduquer.

Tout père — selon la chair et selon l’esprit — doit aussi éduquer l’âme de ceux qui lui sont confiés :

Il ne pou­vait en être autre­ment dans l’ordre nou­veau ins­ti­tué par le Christ, ordre fon­dé tout entier sur des rap­ports de la pater­ni­té divine, de laquelle dérive toute autre pater­ni­té au ciel et sur la terre (cf. Eph. III, 15), et de la­quelle pro­vient, dans le Christ et pour le Christ, Notre Pater­nité envers toutes les âmes. Or, qui­conque est père, est par là édu­ca­teur, car, ain­si que l’explique clai­re­ment le Docteur angé­lique, le droit pri­mor­dial péda­go­gique ne s’ap­puie pas sur un titre autre que celui de la pater­ni­té (cf. S. Th. IIa IIæ, q. 102, a. 1).

Les éducateurs doivent apporter leur concours à cette œuvre divine, ecclésiastique, sacerdotale et paternelle :

Voilà pour­quoi en vous expri­mant Notre gra­ti­tude, au moment où Nous vous accueillons, Nous vous par­lons comme à des col­la­bo­ra­teurs directs, dans l’œuvre qui est celle de Dieu et de l’Eglise, entre­prise la plus noble peut- être, d’après le juge­ment una­nime de la sagesse humaine elle-​même repré­sen­tée par Cicéron qui, d’ailleurs, regar­dait le monde avec des yeux païens : « Quod manus rei publi­cae afferre majus meliusve pos­su­mus, quam si doce­mus atque eru­di­mus juven­tu­tem ? ». Quel plus grand et meilleur ser­vice pouvons-​nous rendre à la République que d’instruire et d’éduquer la jeu­nesse ? » (De divi­na­tione, I, II, ch. II). Aussi bien grande est la res­pon­sa­bi­li­té que nous assu­mons ensemble, bien qu’à un degré dif­fé­rent, dans des domaines aucu­ne­ment sépa­rés : la res­pon­sa­bi­li­té des âmes, de la ci­vilisation, du per­fec­tion­ne­ment, et du bon­heur de l’homme sur la terre et dans les cieux.

L’école ne peut séparer instruction et éducation :

Si en vous par­lant en ce moment à vous, pro­fes­seurs de l’enseignement secon­daire, Nous avons abor­dé un sujet plus vaste, comme est celui de l’é­du­ca­tion. Nous l’avons fait dans la pen­sée que, désor­mais, on peut dire qu’elle est péri­mée, au moins en prin­cipe, la doc­trine erro­née qui sépa­rait la for­ma­tion de l’intelligence de celle du cœur.

Il faut toutefois réprouver les systèmes qui prétendent qu’instruction et éducation sont l’apanage de l’Etat ou de mouvements politiques :

Nous devons même regret­ter qu’en ces der­nières années, on ait outre­pas­sé les justes limites, en confon­dant en­seignant et édu­ca­teur, école et vie. Considérant la puis­sante valeur for­ma­trice des consciences que détient l’école, cer­tains Etats, régimes et mou­ve­ments poli­tiques, ont décou­vert là un des moyens les plus effi­caces pour gagner à leur cause ces foules de par­ti­sans dont ils ont besoin pour faire triom­pher des concep­tions de vie déter­mi­nées. Usant d’une tac­tique aus­si astu­cieuse que peu sin­cère, et pour des buts oppo­sés aux fins natu­relles elles-​mêmes de l’éducation, cer­tains de ces mou­ve­ments, du siècle pas­sé et du siècle pré­sent, ont pré­ten­du sous­traire l’école à la garde des ins­ti­tu­tions qui, outre l’Etat, avaient un droit pri­mor­dial de l’assumer : la famille et l’Eglise (cf. Pie XI Enc. Divini illius magis­tri, 31 déc. 1929), et ont ten­té ou tentent encore de s’en em­parer exclu­si­ve­ment, en impo­sant un mono­pole qui est, entre autre, une grave vio­la­tion des liber­tés humaines fondamentales.

Par respect pour les consciences, en vertu de sa mission divine, l’Eglise revendiquera toujours le droit de l’instruction et de l’édu­cation de la jeunesse qui est sienne par le baptême :

Mais le Siège de Pierre, sen­ti­nelle qui veille sur le bien des âmes et du véri­table pro­grès, de même qu’il n’a jamais abdi­qué dans le pas­sé ce droit essen­tiel, exer­cé du reste admi­ra­ble­ment et en tout temps, par l’intermédiaire de ses ins­ti­tu­tions, qui furent alors les seules à se consa­crer à cette tâche, de même il ne l’abdiquera pas dans l’avenir, ni dans l’espoir d’avantages ter­restres, ni par crainte des persécu­tions. Il ne consen­ti­ra jamais à ce que soient des­ti­tuées de l’exercice effec­tif de leur droit inné ni l’Eglise qui le dé­tient, en ver­tu d’un man­dat divin, ni la famille qui le re­vendique en ver­tu de la jus­tice natu­relle. Les fidèles du monde entier sont témoins de la fer­me­té dont fait preuve le Siège apos­to­lique dans la défense de la liber­té sco­laire dans tant de pays, au milieu de cir­cons­tances et par­mi des popu­la­tions bien dif­fé­rentes. Pour l’école, en même temps que pour le culte, et pour la sain­te­té du mariage, il n’a pas hési­té à affron­ter toutes les dif­fi­cul­tés et tous les périls, avec la conscience tran­quille de celui qui sert une cause juste, sainte, vou­lue de Dieu, et avec la cer­ti­tude de rendre un ser­vice ines­ti­mable à la socié­té civile elle-même.

Là où la législation reconnaît ces droits de l’Eglise, il faut que les catholiques usent efficacement de ceux-​ci pour former la jeunesse :

Enfin dans les pays où la liber­té de l’école est garan­tie, par de justes lois, c’est aux membres de l’enseignement qu’il appar­tient de s’en ser­vir effec­ti­ve­ment en exi­geant leur appli­ca­tion concrète.

Aujourd’hui, de nouveaux problèmes surgissent dans le domaine de l’enseignement :

Chers Fils et Filles, conscients de vos res­pon­sa­bi­li­tés, mais récon­for­tés par la pen­sée de votre soli­da­ri­té dans l’œuvre même de l’Eglise, vous atten­dez sans doute de Nous quelques pré­ci­sions concer­nant l’enseignement dans les temps modernes.

Tout d’abord, les professeurs doivent être soigneusement pré­parés afin de bien accomplir leur rôle :

A votre regard confiant tour­né vers la Chaire de Pierre, cor­res­pond la ferme espé­rance que Nous met­tons dans votre pré­pa­ra­tion pro­fes­sion­nels, de vous spé­cia­le­ment, qui faites par­tie d’une nation qui a tou­jours culti­vé la science et l’art péda­go­giques avec pro­fon­deur et amour.

Il faut faire la part de la tradition et la part du progrès pédagogique :

Aussi, en même temps que Nous vous exhor­tons à de­meurer fidèles, mal­gré les pré­oc­cu­pa­tions absor­bantes de l’heure actuelle, aux normes qui sont le fruit de conquêtes sécu­laires de la sagesse humaine, Nous vous met­tons en garde contre un atta­che­ment aveugle au pas­sé, sus­cep­tible d’annihiler toute l’efficacité de votre œuvre.

Les méthodes traditionnelles ont en leur faveur l’expérience passée ; il faut que les méthodes nouvelles soient à leur tour éprou­vées avant qu’elles ne soient généralisées :

Mais si c’est une excel­lente règle que d’apprécier gran­dement les sys­tèmes et les méthodes confir­mées par l’ex­périence, il faut pas­ser au crible, avec le plus grand soin, avant de les accep­ter, les théo­ries et les usages des écoles modernes de pédagogie.

De plus, il faut que les méthodes nouvelles soient réellement adaptées aux nécessités de l’Italie :

En effet, les bons résul­tats obte­nus dans cer­tains pays, étant don­né le carac­tère de leurs popu­la­tions res­pec­tives, et le degré de leur culture, dif­fé­rents des vôtres, ne consti­tuent pas tou­jours une garan­tie suf­fi­sante que ces doc­trines peuvent s’appliquer indis­tinc­te­ment partout.

Il faut de plus se garder des expériences pédagogiques :

L’école ne peut se com­pa­rer à un labo­ra­toire de chi­mie, où le risque de gas­piller des sub­stances plus ou moins coû­teuses est com­pen­sé par la pro­ba­bi­li­té de la décou­verte ; à l’école, il s’agit pour chaque âme de son salut ou de sa perte. Les inno­va­tions, par consé­quent, que l’on juge­ra oppor­tunes, regar­de­ront plu­tôt le choix des moyens et des méthodes péda­go­giques secon­daires, en main­te­nant fermes la fin et les moyens essen­tiels ; les­quels res­tent tou­jours les mêmes, comme est tou­jours iden­tique la fin der­nière de l’éducation, son objet, son prin­ci­pal auteur et ins­pi­ra­teur qui est Dieu, notre Seigneur.

Le Pape précise comme suit le rôle des professeurs :

Ces prin­cipes posés, regar­dez cepen­dant d’un œil assu­ré votre temps et l’heure actuelle, pour en exa­mi­ner les be­soins nou­veaux et étu­dier les remèdes appro­priés ; confiants, fixez votre regard vers l’avenir que vous façon­ne­rez de vos propres mains, dans les âmes de vos dis­ciples, et faites le chré­tien, impré­gné d’un esprit de jus­tice tou­jours plus éle­vé, s’inspirant d’une cha­ri­té tou­jours plus vaste et ouvert à une culture tou­jours plus pro­fonde et plus har­mo­nieuse. Dans l’exercice quo­ti­dien de votre fonc­tion, vous serez ain­si tou­jours pères d’âmes, plu­tôt que pro­pa­ga­teurs de connais­sances sté­riles. Oui, mais des pères qui pos­sèdent la vie dans la pleine vigueur, savent sus­ci­ter autour d’eux d’autres vies sem­blables à la leur. De là, le com­plet dévoue­ment que vous demande l’école, laquelle unie à la famille dont beau­coup d’entre vous sont des chefs, for­me­ra tout votre monde et absor­be­ra sans crainte de regrets, toute votre éner­gie. Un monde ain­si fait — où reli­gion, famille, et culture con­stituent l’atmosphère quo­ti­dienne — est plus que suf­fi­sant pour rem­plir la vie et payer de retour les renon­ce­ments qui en arrivent jusqu’à l’immolation totale de soi-même.

Etant donné le rôle éminemment social joué par les éducateurs, ceux-​ci ont droit à une rétribution par l’Etat, en proportion des services rendus à la communauté :

Cependant, la socié­té et dans le concret l’Etat, pour qui vous pro­di­guez votre vie — souvenez-​vous du majus meliusve cité tout à l’heure — n’en est pas moins obli­gé envers vous à une recon­nais­sance publique pro­por­tion­née et à une récom­pense qui pro­cure abso­lu­ment aux membres de l’enseignement des condi­tions éco­no­miques leur permet­tant de se consa­crer entiè­re­ment à l’école. Dieu n’agit pas autre­ment ; lui, le juste rému­né­ra­teur de nos oeuvres, il pro­met une récom­pense spé­ciale, dans le pas­sage bien connu de Daniel, aux édu­ca­teurs d’âmes : « Qui ad jus­ti­tiam eru­diunt mul­tos, ful­ge­bunt qua­si stel­lae in per­pe­tuas aeterni­tates » (Dan. XII, 3). Ceux qui en conduisent beau­coup à la jus­tice seront comme des étoiles éter­nel­le­ment et toujours.

L’éducateur devra surtout former ses élèves par l’exemple de sa propre vie :

Educateur qui tire son ins­pi­ra­tion de sa pater­ni­té, dont la fin est d’engendrer des êtres sem­blables à lui-​même, le maître for­me­ra des élèves par l’exemple de sa vie, autant que par ses pré­ceptes. Dans le cas contraire, il ne serait, sui­vant l’expression de saint Augustin « qu’un tra­fi­quant de paroles » (cf. Confess. LIV. chap. II — Migne P. L., tome XXXII, col. 693), et non un mode­leur d’âmes : les ensei­gne­ments moraux eux-​mêmes ne font qu’effleurer à peine les esprits, s’ils ne sont pas confir­més par les actes. L’exposé des matières sco­laires elles-​mêmes n’est pas pleine­ment assi­mi­lé par les jeunes gens, s’il ne jaillit pas des lèvres de celui qui enseigne comme une expres­sion vivante, per­son­nelle : ni le latin, ni le grec, ni l’histoire, et encore moins la phi­lo­so­phie ne seront accueillis avec un vrai pro­fit par les étu­diants, s’ils sont pré­sen­tés sans enthou­siasme, comme des choses étran­gères à la vie et à l’intérêt de celui qui enseigne.

L’éducateur doit former des jeunes chrétiens convaincus et prêts à réaliser l’enseignement reçu tant dans leur vie personnelle que dans leur vie sociale :

Educateurs d’aujourd’hui, qui pui­sez dans le pas­sé des direc­tives sûres, quel idéal d’homme devez-​vous pré­pa­rer pour l’avenir ? Il est per­son­ni­fié fon­da­men­ta­le­ment dans le par­fait chré­tien. Et en disant par­fait chré­tien, Nous enten­dons par­ler du chré­tien d’aujourd’hui, homme de son temps, qui connaît et uti­lise tous les pro­grès appor­tés par la science et par la tech­nique, citoyen non étran­ger à la vie qui se déve­loppe aujourd’hui sur terre. Le monde n’aura pas à se repen­tir si, un nombre crois­sant de tels chré­tiens s’en­gage dans tous les domaines de la vie publique et pri­vée. C’est en grande par­tie votre tâche à vous, membres de l’enseignement, de pré­pa­rer cette bien­fai­sante immix­tion, en inci­tant les esprits de vos élèves à décou­vrir les inépui­sables éner­gies du chris­tia­nisme dans l’œuvre d’amélioration et de renou­vel­le­ment des peuples. N’épargnez donc aucune fatigue pour éveiller, en temps vou­lu, leur conscience mo­rale, de manière qu’avec l’évolution des années, l’« hon­nête homme » ne sur­gisse pas presque par hasard, comme si c’était l’ultime aven­ture d’une vie qui a subi, plu­sieurs naufrages.

Les jeunes ainsi formés pourront recevoir avec fruit une instruc­tion scientifique :

Sur ce fon­de­ment, for­mez des hommes de science et de tech­nique. Ils n’inspireront pas de la crainte aux hommes, ain­si qu’il advient aujourd’hui, parce que la science a sus­ci­té — en même temps que l’admiration — une sorte de ter­reur d’elle-même par­mi les peuples, et intro­duit de for­mi­dables pro­blèmes poli­tiques, sociaux, inter­na­tio­naux ; contre-​coup, sans doute, du déta­che­ment vou­lu de la science des choses de la reli­gion. Certains du moins par­mi les savants eux- mêmes, souffrent de la dis­pro­por­tion créée par la tech­nique, entre les forces natu­relles déme­su­ré­ment accrues à la dispo­sition des hommes et la peti­tesse et la fai­blesse dans les­quelles sont res­tées leurs âmes (cf. H. Bergson, Les deux sources de la morale et de la reli­gion, 1933, p. 334–335).

Il faut veiller à donner une formation sociale et en particulier en donnant le sens du travail :

Formez des hommes forts qui soient à même de ré­pandre autour d’eux le bien et de diri­ger les autres à la lumière de prin­cipes bien nets, Nos temps veulent que les esprits des élèves soient orien­tés vers un sens de jus­tice plus effec­tive, en les débar­ras­sant de leur ten­dance innée à se consi­dé­rer comme une caste pri­vi­lé­giée et à craindre et esqui­ver la vie de tra­vail. Qu’ils se sentent et qu’ils soient des tra­vailleurs aujourd’hui même dans l’accomplissement constant des devoirs sco­laires, comme ils devront l’être demain, dans les postes direc­teurs de la socié­té. Il est bien vrai que, chez les peuples éprou­vés par le fléau du chô­mage, les dif­fi­cul­tés pro­viennent non pas tant du manque de bonne volon­té que du manque de tra­vail ; cepen­dant, il n’est tou­jours pas moins indis­pen­sable que les maîtres inculquent l’esprit de tra­vail à leurs dis­ciples. Que ces der­niers s’habi­tuent donc au sévère tra­vail de l’intelligence et qu’ils ap­prennent à sup­por­ter la dure­té et la néces­si­té du tra­vail afin de jouir des droits de la vie, asso­ciée au même titre que les tra­vailleurs manuels.

De même il faut élargir les horizons des élèves :

Il est temps d’élargir leurs vues sur un monde moins entra­vé par des fac­tions s’enviant réci­pro­que­ment, par des natio­na­lismes outran­ciers, aspi­rant à l’hégémonie, qui ont tant fait souf­frir les géné­ra­tions pré­sentes. Que la nou­velle géné­ra­tion s’épanouisse au souffle de la catho­li­ci­té et éprouve le charme de la cha­ri­té uni­ver­selle, qui embrasse tous les peuples dans l’unique Seigneur.

Les élèves doivent recevoir de leurs maîtres le sens exact de la responsabilité, de leur liberté et de l’usage qu’ils doivent faire de leur raison :

Donnez-​leur aus­si la conscience de leur propre respon­sabilité, et par­tant du pré­cieux tré­sor de la liber­té ; for­mez éga­le­ment leur esprit à la saine cri­tique, mais en même temps, ins­pi­rez le sens de l’hu­mi­li­té chré­tienne, de la juste sujé­tion aux lois et des devoirs de la solidarité.

L’Eglise a besoin de générations fortes et courageuses. C’est au personnel enseignant à les préparer :

Et encouragez-​les. Dites-​leur que l’Eglise et la socié­té espèrent beau­coup d’eux ; qu’il y a beau­coup à faire, que beau­coup de nobles entre­prises les attendent.

Religieux, hon­nêtes, culti­vés, ouverts et labo­rieux : ain­si voudrions-​Nous que sortent des écoles les élèves que les familles et la socié­té vous confient ; bien mieux, que Dieu lui-​même vous confie, car, avant d’être à la famille et à la socié­té, les âmes sont à Dieu, au Christ et à l’Eglise, par droit d’origine et de pré­émi­nence. Ayez cou­rage et con­fiance. Quelque grande que soit l’entreprise et ardue la fin, rien ne manque à l’é­du­ca­teur chré­tien pour réa­li­ser son œuvre. Vous dis­po­sez de moyens humains suf­fi­sants, mais sur­tout vous êtes riches des secours sur­na­tu­rels four­nis par la grâce, aux flots féconds de laquelle vous pou­vez pui­ser abon­dam­ment par les sacre­ments et par la prière.

Afin que s’accomplissent ces vœux qui nous sont com­muns, que des­cende sur vous et sur vos élèves, comme gage des divines faveurs, Notre pater­nelle Bénédiction apos­to­lique [1].

Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-​Maurice Saint-​Augustin. – D’après le texte ita­lien de l’Osservatore Romano du 7 sep­tembre 1949 ; tra­duc­tion fran­çaise dans La Documentation Catholique, t. XLVI, c. 1285.

Notes de bas de page
  1. Cf. Allocution au corps ensei­gnant, 4 novembre 1945 ; Discours aux ins­ti­tu­teurs catho­liques ita­liens, 8 sep­tembre 1946 ; Lettre pro­cla­mant Saint Joseph Calasance, patron de toutes les écoles catho­liques, 13 août 1948 (Documenta Pontificaux 1948, p. 276); Allocution aux ins­ti­tu­teurs catho­liques d’Italie, 11 sep­tembre 1948 (ibid., p. 311); Radiomessage au Congrès inter­amé­ri­cain d’éducation catho­lique à La Paz, 6 octobre 1948 (ibid., p. 367). []