Après la canonisation de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, le Saint-Père prononça l’homélie suivante à la gloire de l’insigne fils de Bretagne.
Homélie du 20 juillet 1947
D’après le texte latin des A. A. S., XXXIX, 1947, p. 330 ; traduction française de la Documentation Catholique, t. XLIV, col. 1423.
Lorsque Louis-Marie Grignion de Montfort, à qui Nous venons d’accorder, sous l’inspiration de la grâce divine, les honneurs suprêmes de la sainteté, se rendit dans cette auguste ville de Rome pour y vénérer dévotement le tombeau du bienheureux Pierre, il apprit de Notre prédécesseur le pape Clément XI, d’heureuse mémoire, qu’il était destiné non pas à prêcher la vérité évangélique aux nations étrangères, comme il le désirait, mais plutôt à rétablir les mœurs chrétiennes au sein de sa propre patrie.
C’est pourquoi, se soumettant très volontiers à cette exhortation, Louis-Marie Grignion de Montfort revint en France et durant toute sa vie ne négligea rien afin de répondre par une énergique activité apostolique à l’invitation et au conseil du Souverain Pontife. Plusieurs fois, la plupart du temps à pied, il parcourut toutes les régions de la France ; pèlerin apostolique, il se rendit dans les villes, les bourgades, les villages et jusque dans les hameaux les plus reculés. Partout où parvint ce prédicateur de la divine vérité et ce très zélé promoteur de la vertu fut obtenu un très heureux renouvellement de la vie chrétienne : les discordes sont apaisées, les différends arrangés, les haines éteintes, la foi réveillée revit, la charité produit les fruits salutaires les plus abondants.
Les erreurs qui s’insinuaient ici et là, souvent cachées sous le masque de la vérité, trouvèrent en Louis-Marie Grignion de Mont- fort un ennemi vigoureux et infatigable. Il combattit avec force certaines formes de piété peu légitimes qui étaient propagées et qui parfois même étaient contraires aux préceptes de l’Eglise, ainsi qu’aux normes et exemples donnés par des hommes vraiment saints. De cette façon, dans la mesure de ses forces, il obtint que l’intégrité de la doctrine catholique fût sauvegardée et que la religion catholique éclairât non seulement les esprits, mais exerçât une bienfaisante influence sur les mœurs privées et publiques.
Le plan de perfection chrétienne que Louis-Marie Grignion de Montfort suivait pour lui-même et qu’il poursuivit jusqu’à son dernier soupir, il le légua comme un héritage sacré aux deux Instituts religieux qu’il fonda. Si ces Instituts s’efforcent, comme ils le font, de marcher avec soin sur les traces de leur fondateur ; si principalement, ils rivalisent avec lui dans l’amour de Dieu et du prochain ; s’ils entretiennent à son exemple une dévotion ardente envers la Vierge Mère de Dieu ; s’ils imitent son humilité, son amour de la pauvreté évangélique, son application à une ardente prière, alors ils pourront sans aucun doute, comme leur père fondateur et législateur pourvoir parfaitement à leur propre salut et à celui du prochain.
Nous croyons inutile d’exhorter, à l’occasion de cet heureux événement, sa famille religieuse à réaliser ce que Nous venons d’indiquer : en effet les faits eux-mêmes parlent. Nous aimons mieux faire connaître dans les grandes lignes et brièvement par quel moyen Louis-Marie Grignion de Montfort a pu ramener au divin Rédempteur une si grande multitude d’hommes, entreprendre, missionnaire infatigable, tant de voyages, surmonter tant d’obstacles venant des choses et des hommes et, surtout, amener à réparer leurs fautes et à s’amender tant d’âmes endurcies dans leurs vices.
Toutes ces choses, Vénérables Frères et chers fils, on les comprend facilement si on considère l’amour dont Louis-Marie Grignion de Montfort était tout embrasé pour le Christ, ainsi que sa dévotion ardente, constante et éclairée envers la Mère de Dieu. Dieu lui était tout. C’est pourquoi, il n’avait rien plus à cœur, rien de plus agréable et de plus doux que de le voir, de le considérer, de l’aimer dans toutes choses. Il désirait se consacrer tout entier à accomplir sa volonté, à augmenter sa gloire. Quand il prêchait aux foules, la charité qui le brûlait intérieurement rayonnait tellement dans ses instructions lumineuses et dans les éclairs de ses images, qu’il attirait comme par un mouvement impétueux toutes les âmes à lui et, se les sentant attachées, les faisait revenir et d’une certaine façon les poussait de l’erreur à la vérité, du vice à la pénitence, de l’indifférence et du dégoût des choses célestes à un amour salutaire et à la pratique sérieuse de la vertu.
Donc, il n’y a pas que ceux qui ont été admis dans les Instituts religieux fondés par lui qui aient beaucoup à apprendre et à imiter de leur fondateur : tous les chrétiens aussi, à l’époque actuelle surtout, alors que la foi catholique s’affaiblit, que les mœurs sont très relâchées ou même perdues et que les discordes s’élèvent de tout côté portant un grave préjudice à la société, et que, comme il conviendrait cependant, ni le devoir ne les bride et les arrête, ni la charité ne les adoucît, ne les apaise et ne les règle.
Plaise à Dieu que la figure si lumineuse et si douce de ce saint du ciel réapparaisse devant les yeux et dans l’esprit de tous les hommes, qu’elle leur enseigne de nouveau qu’ils ne sont pas nés pour la terre mais pour le ciel ! Dès lors, qu’elle les excite à suivre les préceptes chrétiens, à obtenir la concorde fraternelle, à acquérir enfin comme un ornement cette vertu par laquelle ils pourront un jour avec le secours de la grâce divine jouir dans le ciel du bonheur éternel. Ainsi soit-il.
Le lundi 21 juillet, lendemain de la canonisation de saint Louis- Marie Grignion de Montfort, le Souverain Pontife reçut en audience la foule des pèlerins venus à Rome pour cette circonstance, de France surtout, et leur rappela en un long discours ce que furent la vie, les œuvres et les vertus de ce grand apôtre du Poitou, de la Bretagne et de la Vendée. Les deux familles religieuses fondées par saint Louis-Marie, les Missionnaires de la Compagnie de Marie et les Filles de la Sagesse étaient naturellement représentées par leurs Supérieurs généraux et de nombreuses délégations.
Discours aux pèlerins à l’occasion de la canonisation de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, le 21 juillet 1947
D’après le texte français des A. A, S., XXXIX, 1947, p. 408.
Soyez les bienvenus, chers fils et chères filles, accourus en grand nombre pour assister à la glorification Je Louis-Marie Grignion de Montfort, l’humble prêtre breton du siècle de Louis XIV, dont la courte vie, étonnamment laborieuse et féconde, mais singulièrement tourmentée, incomprise des uns, exaltée par les autres, l’a posé devant le monde « en signe de contradiction », in signum, cui contradicetur (Luc, II, 34). Réformant sans y penser l’appréciation des contemporains, la postérité l’a rendu populaire, mais par-dessus encore le verdict des hommes, l’autorité suprême de l’Eglise vient de lui décerner les honneurs des saints.
Un fils de Bretagne à la ténacité persévérante.
Salut d’abord à vous, pèlerins de Bretagne et du littoral de l’Océan. Vous le revendiquez comme vôtre et il est vôtre en effet.
Breton par sa naissance et par l’éducation de son adolescence, il est resté breton de cœur et de tempérament à Paris, dans le Poitou et dans la Vendée ; il le restera partout et jusqu’au bout, même dans ses cantiques de missionnaire, où par une pieuse industrie, qui réussirait peut-être moins heureusement à une époque plus critique et volontiers gouailleuse, il adaptait des paroles religieuses aux airs populaires de son pays. Breton, il l’est par sa piété, sa vie très intérieure, sa sensibilité très vive, qu’une délicate réserve, non exempte de quelques scrupules de conscience, faisait prendre par des jeunes gens primesautiers, et par quelques-uns même de ses supérieurs, pour gaucherie et singularité. Breton, il l’est par sa droiture inflexible, sa rude franchise que certains esprits plus complaisants, plus assouplis, trouvaient exagérée et taxaient avec humeur d’absolutisme et d’intransigeance.
C’est en l’épiant malicieusement à son insu, en le voyant et en l’entendant traiter avec les petits et les pauvres, enseigner les humbles et les ignorants, que plus d’un découvrit avec surprise, sous l’écorce un peu rugueuse d’une nature qu’il mortifiait et qu’il forgeait héroïquement, les trésors d’une riche intelligence, d’une inépuisable charité, d’une bonté délicate et tendre.
On a cru parfois pouvoir l’opposer à saint François de Sales, prouvant ainsi qu’on ne connaissait guère que superficiellement l’un et l’autre. Différents, certes, ils le sont, et voilà bien de quoi dissiper le préjugé qui porte à voir dans tous les saints autant d’exemplaires identiques d’un type de vertu, tous coulés dans un même moule ! Mais on semble ignorer complètement la lutte par laquelle François de Sales avait adouci son caractère naturellement aigre, et l’exquise douceur avec laquelle Louis-Marie secourait et instruisait les humbles. D’ailleurs, l’amabilité enjouée de l’évêque de Genève ne l’a pas plus que l’austérité du missionnaire breton mis à l’abri de la haine et des persécutions des calvinistes et des jansénistes et, d’autre part, la rudesse fougueuse de l’un aussi bien que la patience de l’autre au service de l’Eglise leur ont valu à tous les deux l’admiration et la dévotion des fidèles.
La caractéristique propre de Louis-Marie, par laquelle il est authentique breton, c’est sa ténacité persévérante à poursuivre le saint idéal, l’unique idéal de toute sa vie : gagner les hommes pour les donner à Dieu. A la poursuite de cet idéal, il a fait concourir toutes les ressources qu’il tenait de la nature et de la grâce, si bien qu’il fut en vérité sur tous les terrains – et avec quel succès ! – l’apôtre par excellence du Poitou, de la Bretagne et de la Vendée ; on a pu même écrire naguère, sans exagération, que « la Vendée de 1793 était l’œuvre de ses mains ».
Modèle des prêtres et de ses fils et filles.
Salut à vous, prêtres de tous les rangs et de tous les ministères de la hiérarchie ecclésiastique, qui portez tous dans le cœur ce souci, cette angoisse, cette « tribulation », dont parle saint Paul (II Cor., I, 8) et qui est aujourd’hui presque partout le partage des prêtres dignes de leur beau nom de pasteurs d’âmes. Votre regard, comme celui de milliers de vos frères dans le sacerdoce, se lève avec fierté vers le nouveau saint et puise en son exemple confiance et entrain. Par la haute conscience qu’il avait de sa vocation sacerdotale et par son héroïque fidélité à y correspondre, il a fait voir au monde le vrai type, souvent si peu et si mal connu, du prêtre de Jésus- Christ et ce qu’un tel prêtre est capable de réaliser pour la pure gloire de Dieu et pour le salut des âmes, pour le salut même de la société, dès lors qu’il y consacre sa vie tout entière, sans réserve, sans condition, sans ménagement, dans le plein esprit de l’Evangile. Regardez-le, ne vous laissez pas impressionner par des dehors peu flatteurs : il possède la seule beauté qui compte, la beauté d’une âme illuminée, embrasée par la charité ; il est pour vous un modèle éminent de vertu et de vie sacerdotale.
Salut à vous, membres des familles religieuses dont Louis-Marie Grignion de Montfort a été le fondateur et le père. Vous n’étiez, de son vivant et lors de sa mort prématurée, qu’un imperceptible grain de froment, mais caché dans son cœur comme au sein d’une terre fertile, mais gonflé du suc nourricier de sa surhumaine abnégation, de ses mérites surabondants, de son exubérante sainteté. Et voici que la semence a germé, grandi, qu’elle s’est développée et propagée au loin, sans que le vent de la révolution l’ait desséchée, sans que les persécutions violentes ou les tracasseries légales aient pu l’étouffer.
Chers fils et chères filles, restez fidèles au précieux héritage que vous a légué ce grand saint ! Héritage magnifique et digne auquel vous continuez comme vous l’avez fait jusqu’à présent à dévouer, à sacrifier sans compter vos forces et votre vie ! Montrez-vous les héritiers de son amour si tendre pour les humbles du plus petit peuple, de sa charité pour les pauvres, vous souvenant qu’il s’arrachait le pain de la bouche pour les nourrir, qu’il se dépouillait de ses vêtements pour couvrir leur nudité, les héritiers de sa sollicitude pour les enfants, les privilégiés de son cœur comme ils l’étaient du cœur de Jésus.
La charité ! Voilà le grand, disons le seul secret des résultats surprenants de la vie si courte, si multiple et si mouvementée de Louis-Marie Grignion de Montfort. La charité ! Voilà pour vous aussi, soyez-en intimement persuadés, la force, la lumière, la bénédiction de votre existence et de toute votre activité.
Salut enfin à vous aussi, pèlerins accourus de divers pays et apparemment bien différents les uns des autres, mais dont l’amour envers Marie fait l’unité, parce que, tous, vous voyez en celui que vous êtes venus honorer le guide qui vous amène à Marie et de Marie à Jésus. Tous les saints, assurément, ont été grands serviteurs de Marie et tous lui ont conduit les âmes ; il est incontestablement un de ceux qui ont travaillé le plus ardemment et le plus efficacement à la faire aimer et servir.
La Croix de Jésus, la Mère de Jésus, tels sont les deux pôles de sa vie personnelle et de son apostolat. Et voilà comment cette vie en sa brièveté, fut pleine, comment cet apostolat, exercé en Vendée, en Poitou, en Bretagne durant à peine une douzaine d’années, se perpétue depuis déjà plus de deux siècles et s’étend sur bien des régions. C’est que la sagesse, cette sagesse à la conduite de laquelle il s’était livré, a fait fructifier ses labeurs et a couronné ses travaux que la mort n’avait qu’apparemment interrompus : complevit labores illius (Sag., X, 10). L’œuvre est toute de Dieu, mais elle porte aussi sur elle l’empreinte de celui qui en fut le fidèle coopérateur. Ce n’est que justice de la discerner.
Ses dons naturels.
Notre œil, presque ébloui par la splendeur de la lumière qui émane de la figure de notre saint, a besoin, pour ainsi dire, d’en analyser le rayonnement. Il se pose d’abord sur les dons naturels, plus extérieurs, et il a la surprise de constater que la nature n’avait pas été vis-à-vis de lui aussi avare qu’il a pu sembler à première vue. Louis-Marie n’offrait pas, c’est vrai, le charme de traits agréables qui conquièrent soudain la sympathie, mais il jouissait, avantages en réalité bien plus appréciables, d’une vigueur corporelle qui lui permettait de supporter de grandes fatigues dans son ministère de missionnaire et de se livrer quand même à de rudes et très rudes pénitences. Sans s’amuser à éblouir son auditoire par les faciles artifices du bel esprit, par les fantasmagories d’une élégance recherchée et subtile, il savait mettre à la portée des plus simples le trésor d’une théologie solide et profonde – en quoi il excellait – et qu’il monnayait de manière à éclairer et convaincre les intelligences, à émouvoir les cœurs, à secouer les volontés avec une force de persuasion qui aboutissait aux courageuses et efficaces résolutions. Grâce à son tact, à la finesse de sa psychologie, il pouvait choisir et doser ce qui convenait à chacun, et s’il avait, par abnégation et pour être plus entièrement aux études et à la piété, renoncé aux beaux-arts pour lesquels il avait beaucoup de goût et de remarquables dispositions, il avait gardé les richesses d’imagination et de sensibilité dont son âme d’artiste savait user pour produire dans les esprits l’image du modèle divin. Toutes qualités humaines, sans doute, mais dont il s’aidait pour conduire les pécheurs au repentir, les justes à la sainteté, les errants à la vérité, conquérant à l’amour du Christ les cœurs desséchés par le souffle glacé et aride de l’égoïsme.
Sa vie d’union avec Dieu.
Incomparablement plus que sa propre activité humaine, il mettait en jeu le concours divin qu’il attirait par sa vie de prière. Toujours en mouvement, toujours en contact avec les hommes, il était en même temps toujours recueilli, toujours livré à l’intimité divine, luttant, pour ainsi dire, contre la justice sévère de Dieu pour obtenir de sa miséricorde les grâces capables de vaincre l’obstination des plus endurcis ; il semblait, comme le patriarche en lutte contre l’ange, répéter sans cesse la prière irrésistible : “Je ne vous laisserai point que vous ne m’ayez béni » (Gen., XXXII, 27).
Il n’ignorait pas non plus que sans la pénitence, l’abnégation, la mortification continuelle, la prière toute seule ne suffit pas à vaincre l’esprit du mal : in oratione et ieiunio (Marc, IX, 29). Et notre missionnaire joignait aux fatigues des plus intrépides apôtres les saintes cruautés des plus austères ascètes. N’a‑t-il pas observé presque à la lettre la consigne donnée par le Maître à ses envoyés : « N’emportez rien pour le voyage, ni bâton, ni pain, ni sac, ni argent et n’ayez point deux tuniques » (Luc, IX, 3) ? La seule soutane usée et rapiécée qu’il portait sur lui était si pauvre que les mendiants qui le rencontraient se croyaient en devoir de l’assister de leurs aumônes.
Crucifié lui-même, il était en droit de prêcher avec autorité le Christ crucifié (cf. I Cor., I, 23). Partout, envers et contre tous, il érigeait des calvaires et il les réédifiait avec une indéfectible patience, lorsque l’esprit du siècle, inimicus crucis Christi (cf. Phil., III, 18), les avait fait abattre. Il traçait moins un programme de vie qu’il ne peignait son propre portrait dans sa lettre « aux Amis de la Croix » : « Un homme choisi de Dieu entre dix mille qui vivent selon les sens et la seule raison, pour être un homme tout divin, élevé au- dessus de la raison et tout opposé aux sens, par une vie et lumière de pure foi et un amour ardent pour la Croix ».
Son grand secret : sa dévotion à Marie,
Le grand ressort de tout son ministère apostolique, son grand secret pour attirer les âmes et les donner à Jésus, c’est la dévotion à Marie. Sur elle il fonde toute son action ; en elle est toute son assurance, et il ne pouvait trouver arme plus efficace à son époque. A l’austérité sans joie, à la sombre terreur, à l’orgueilleuse dépression du jansénisme, il oppose l’amour filial, confiant, ardent, affectif et effectif du dévot serviteur de Marie envers celle qui est le refuge des pécheurs, la Mère de la divine grâce, notre vie, notre douceur, notre espérance. Notre avocate aussi ; avocate qui placée entre Dieu et le pécheur est toute occupée à invoquer la clémence du juge pour fléchir sa justice, à toucher le cœur du coupable pour vaincre son obstination. Dans sa conviction et son expérience de ce rôle de Marie, le missionnaire déclarait avec sa pittoresque simplicité que « jamais pécheur ne lui a résisté, une fois qu’il lui a mis la main au collet avec son rosaire ».
Encore faut-il qu’il s’agisse d’une dévotion sincère et loyale. Et l’auteur du Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge distingue en traits précis celle-ci d’une fausse dévotion plus ou moins superstitieuse, qui s’autoriserait de quelques pratiques extérieures ou de quelques sentiments superficiels pour vivre à sa guise et demeurer dans le péché comptant sur une grâce miraculeuse de la dernière heure.
La vraie dévotion, celle de la tradition, celle de l’Eglise, celle, dirions-Nous, du bon sens chrétien et catholique, tend essentiellement vers l’union à Jésus, sous la conduite de Marie. Forme et pratique de cette dévotion peuvent varier suivant les temps, les lieux, les inclinations personnelles. Dans les limites de la doctrine saine et sûre, de l’orthodoxie et de la dignité du culte, l’Eglise laisse à ses enfants une juste marge de liberté. Elle a d’ailleurs conscience que la vraie et parfaite dévotion envers la Sainte Vierge n’est point tellement liée à ces modalités qu’aucune d’elles puisse en revendiquer le monopole.
Et voilà pourquoi, chers fils et chères filles. Nous souhaitons ardemment que, par-dessus les manifestations variées de la piété envers la Mère de Dieu, Mère des hommes, vous puisiez tous dans le trésor des écrits et des exemples de notre saint ce qui a fait le fond de sa dévotion mariale ; sa ferme conviction de la très puissante intercession de Marie, sa volonté résolue d’imiter autant que possible les vertus de la Vierge des vierges, l’ardeur véhémente de son amour pour elle et pour Jésus.
Avec l’intime confiance que la Reine des cœurs vous obtiendra de l’Auteur de tout bien cette triple faveur, Nous vous donnons en gage, à vous, à tous ceux qui vous sont chers, à tous ceux qui se recommandent du patronage de saint Louis-Marie Grignion de Montfort et qui l’invoquent en union avec vous, Notre Bénédiction apostolique.
Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, année 1947, Édition Saint-Augustin Saint-Maurice.