La Fraternité Saint-Pie X va connaître dans quelques semaines son troisième Chapitre général ordinaire, au cours duquel, notamment, sera élu le Supérieur général pour les douze années à venir. Qu’est- ce qu’un Chapitre général ? Comment se déroule-t-il ? Qui en fait partie ? Quelles sont les règles de l’élection du Supérieur général ? Telles sont les questions auxquelles nous avons tenté de répondre.
Le Chapitre général (qui, dans d’autres in tituts, peut prendre un nom différent : chez les Jésuites, Congrégation générale) est l’instance suprême et extraordinaire de la Fraternité Saint-Pie X (l’instance ordinaire étant le Supérieur général assisté de son Conseil).
Le Chapitre est le seul habilité, si le besoin s’en faisait sentir, à modifier les Statuts. Le Chapitre général statutaire (ou « ordinaire ») se réunit tous les douze ans. La Fraternité Saint-Pie X ayant été fondée en 1970, le troisième Chapitre général sta- tutaire aura lieu à partir du lundi 3 juillet 2006.
Le Supérieur général peut convoquer, pour des raisons exceptionnelles, un Chapitre extraordinaire : le cas ne s’est pas présenté jusqu’ici
. Enfin, le Supérieur Général peut convoquer un « Chapitre d’affaires », qui ne regroupe que les supérieurs en charge et qui n’a voix que consultative (il ne s’agit pas d’un Chapitre général au sens propre). Le but premier et essentiel du Chapitre général ordinaire (comme celui de 2006, donc) est de procéder à l’élection du Supérieur général et de ses Assistants. Son but second est de « vérifier si la Fraternité Saint- Pie X applique consciencieusement les Statuts et s’efforce d’en garder l’esprit ».
Le Chapitre général se compose d’abord de personnes désignées par leur « ofice », c’est-à-dire par leur charge dans l’ouvre.
Par office
Ce sont :
- le Supérieur général et ses deux Assistants ;
- les évêques ; – les anciens Supérieurs généraux ;
- Le Secrétaire général et l’Économe général ;
- les supérieurs de district ;
- les directeurs de séminaires majeurs ;
- les supérieurs de maisons autonomes.
- Le Chapitre se compose ensuite des membres prêtres les plus anciens, qui n’ont pas les charges ou offices précités, « dans la proportion d’un tiers des membres par office ».
Les « anciens »
Les membres du Chapitre de 2006 seront au nombre de 40. Et 30 d’entre eux le seront au titre de leur office. Les membres par ancienneté, « dans la proportion d’un tiers des membres par office », sont donc quant à eux au nombre de 10 (un tiers de 30) et représentent au final un quart du Chapitre. Ces « anciens » ont fait leurs engagements dans la Fraternité Saint-Pie X entre 1971 (pour les deux plus anciens) et 1974 (pour les deux plus récents). Ils ne sont pas dépourvus d’expérience de commandement : on y trouve notamment trois anciens supérieurs de district et un ancien supérieur de séminaire.
Une palette variée
II faut noter que le Chapitre, qui regroupe des personnes ayant de hautes charges ou une grande ancienneté dans l’ouvre, présente néanmoins une palette humaine variée, gage d’un regard multiple et sage sur le réel. Par exemple, si le plus âgé des capitulants a 66 ans, le plus jeune n’a que 32 ans. Le prêtre le plus ancien dans le sacerdoce a été ordonné en 1972, tandis que le plus récent n’a été ordonné pour sa part qu’en 2001 (et les deux séries parallèles ne coïncident pas). Les Français représentent 20 capitulants (dont 5 seulement résident en France), soit la moitié exactement. Ce chiffre est supérieur au poids des Français dans la Fraternité Saint-Pie X, où ils représentent un tiers des effectifs. En fait, la proportion est respectée dans les membres par office : les Français sont alors 11 sur 30 capitulants. Mais les anciens font basculer cette parité : les Français y sont 9 sur 10, témoignage qu’à ses tout débuts la Fraternité Saint-Pie X recrutait d’abord en France.
France et Europe
La domination des Européens, en revanche, est écrasante : ils représentent 32 capitulants. Ces Européens sont issus de six pays : Allemagne, Autriche, Espagne, France, Grande-Bretagne et Suisse. Les huit non Européens se détaillent ainsi : un Australien, un Africain du Sud, deux Argentins, deux Canadiens et deux États-uniens. Le monde slave, l’Asie, l’Afrique noire, le Maghreb n’ont donc, pour le moment, pas de représentants au Chapitre. L’Amérique latine est encore faiblement représentée, et même les États-Unis.
Préparation du Chapitre
Avant de se dérouler, le Chapitre est préparé. Tout d’abord, chaque membre de la Fraternité est invité à présenter ses suggestions. De son côté, le Supérieur général et son Conseil préparent les matières à soumettre au Chapitre, ainsi qu’un rapport sur la Fraternité Saint-Pie X au cours du mandat écoulé. Pendant ce temps, le Secrétaire général établit, selon les Statuts, la liste des capitulants, qui est définitivement fixée (sauf décès) six mois avant le Chapitre. Le même Secrétaire classe et rassemble en un seul document les suggestions arrivées à la Maison généralice. Puis le Secrétaire général expédie à chacun des capitulants la liste des membres du Chapitre et le document de synthèse des matières et des suggestions, pour étude personnelle et réflexion. Pendant ce temps, on offre dans toute la Fraternité Saint-Pie X des prières spéciales pour implorer les lumières du Saint- Esprit sur le futur Chapitre. A leur arrivée au Chapitre, pour se disposer à agir selon l’Esprit divin, les capitulants suivent une retraite spirituelle d’au moins trois jours.
Élection du Supérieur
Après ces préliminaires spirituels, ont lieu les prestations de serment prévus par le droit canonique, la vérification des titres des membres présents à participer au Chapitre, le rapport du Supérieur général sortant, et diverses réunions préparatoires. Puis vient l’élection du nouveau Supérieur général et de ses deux Assistants, à bulletins secrets. Le Supérieur général doit être élu avec au moins deux tiers des voix. Les deux assistants doivent être élus avec la majorité absolue. Tous trois doivent être prêtres, avoir au moins trente ans et être engagés définitivement dans la Fraternité Saint-Pie X.
Un autre, ou le même ?
Le Chapitre général réélira-t-il l’actuel Supérieur général, ou en choisira-t-il un autre ? Étudions brièvement les raisons en faveur de l’une ou l’autre option. Le premier argument pour un éventuel renouvellement du mandat actuel provient des Statuts eux-mêmes : Mgr Lefebvre a évoqué ce cas dans la première phrase qui traite du Supérieur général : « Le Supérieur général et ses deux Assistants sont élus par le Chapitre général pour douze ans. Ils sont rééligibles. » Mais on peut retourner cette même phrase des Statuts en faveur de l’élection d’un Supérieur nouveau, même si cet argument reste plutôt implicite. On peut raisonnablement estimer, en effet, que Mgr Lefebvre, en accordant au Supérieur général un mandat long, a voulu lui permettre de réaliser une politique suivie, avec l’idée qu’au terme du mandat, un autre le remplacerait et mènerait une politique éven- tuellement différente.
L’expérience
Le deuxième argument en faveur d’une réélection est celui de l’expérience. Un nouveau Supérieur aurait besoin d’une ou deux années pour se mettre au courant de toutes les affaires, tandis qu’après douze ans à la tête de l’ouvre, le Supérieur sortant serait immédiatement opérationnel et bénéficierait de tout son savoir-faire. A cet argument dont la valeur apparente est grande, il faut opposer celui d’une approche renouvelée des problèmes par un nouveau Supérieur, donc d’une capacité différente à les résoudre et à les affronter. Si l’argument de l’expérience était déterminant à lui seul, les responsables ne devraient jamais être changés : ce qui n’est ni raisonnable, ni conforme à la pratique usuelle de l’humanité. Le troisième argument en faveur d’une réélection est celui de l’habitude. Après douze ans, les qualités (et les défauts) du Supérieur sortant sont connues et tous savent dans quelle direction et de quelle manière il mènera l’ouvre. Tandis que confier la Fraternité à un autre, c’est faire un saut dans l’inconnu.
L’habitude, la notoriété
Un argument parallèle est celui de la notoriété. Le Supérieur sortant est bien connu, ce qui est un avantage pour représenter l’ouvre. Tandis qu’une « nouvelle tête » mettrait plusieurs années à se faire connaître, ce qui réduirait d’autant l’efficacité de son gouvernement durant ce délai. Ces deux arguments ne sont toutefois pas réellement déterminants. Certes, il est très humain de vouloir conserver ce que l’on connaît bien : « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. » Mais suivre universellement cette règle, sans tenir compte des circonstances, des personnes, du besoin de renouvellement de toute société humaine, c’est ouvrir la porte à la routine et à l’encroûtement. Comme on le voit, il n’existe aucun argument absolument probant dans un sens ou dans un autre. Et c’est bien ainsi que le veulent les Statuts. Ce sera aux capitulants, éclairés de la lumière du Saint-Esprit et faisant usage de leur raison, à choisir librement l’homme (un autre ou le même) qui guidera sagement la Fraternité Saint-Pie X durant les douze prochaines années.
Suite du Chapitre
Après cette élection, le Chapitre n’est pas achevé. Il se continue, au contraire, sous la présidence du nouveau Supérieur général. Le Chapitre étudie les diverses questions (celles de la Maison généralice, celles des membres de la Fraternité, celles soulevées au sein même du Chapitre) et vote, à la majorité absolue, des résolutions qui auront force de loi pour la Fraternité Saint-Pie X.
Abbé Michel Beaumont