Après avoir considéré la « taxe carbone » comme un choix historique de la France, Nicolas Sarkozy a déclaré : « Cette taxe provoque des débats et c’est normal. C’est une grande réforme comme la décolonisation, l’élection du président de la République au suffrage universel, l’abolition de la peine de mort et la légalisation de l’avortement ». Confusion des genres. Après cette brillante déclaration, on peut tout attendre de la révision des lois concernant la bioéthique. Laquelle doit intervenir au début de l’année 2010.
Dans trois grandes villes de France ont été organisés des Etats Généraux de la bioéthique, histoire de dire que tous les Français étaient invités à s’exprimer. Bien sûr on s’est bien gardé, à quelques exceptions près, d’inviter les défenseurs de la vie. Vaste pantalonnade à l’usage des naïfs. Un peu comme sur Internet où certains sites demandent l’avis des uns et des autres par l’intermédiaire de sondages (Le Figaro, Portail Orange etc.). Mais en réalité il semble que les marques aient déjà été données par un rapport daté du 6 avril dernier : il émane du Conseil d’Etat fixant les limites de l’acceptable, histoire de rappeler qu’il existe et qu’en cas de recours à lui, il sait ce qu’il dira, à moins de se déjuger. Ce texte concerne plusieurs sujets comme les soins palliatifs, les dons d’organes, le don des gamètes. En matière d’euthanasie, il se réfère en gros à la loi Leonetti qui en principe rejette toute euthanasie ; mais il a l’inconvénient de considérer l’hydratation par voie parentérale ainsi que l’alimentation comme faisant partie des soins relevant de la thérapeutique. En clair il est possible de laisser mourir une personne de faim et de soif, alors qu” une récente découverte démontre que les comateux profonds continuaient d’avoir une vie sensitive. Ce que ne savait certes pas Monsieur Leonetti. Nonobstant cette question, il est assez extraordinaire que ce député UMP, ex-radical, ait entraîné fin 2008 une remontrance de l’ONU à la Hollande concernant les conditions d’application de l’euthanasie aux Pays-Bas. Les personnes âgées, de peur d’être euthanasiées, vont se réfugier en Westphalie ou en Rhénanie. Par ailleurs, la gauche vient de faire une fois de plus une tentative pour légaliser tant l’euthanasie, que le suicide assisté.
Non au clonage
Le Conseil d’Etat, dans des chapitres bien construits, n’évoque pas la question de l’avortement considérée comme acquise. Il considère que le statut de l’embryon pose problème dans la mesure où ce dernier est une vie humaine potentielle. Ce faisant, tout en avalisant la recherche considérée comme légitime, il en exclut la création. Donc, exit le clonage. Il prend acte des potentialités que de telles recherches peuvent entraîner. Il considère que le régime actuel permettant de travailler sur les embryons en déshérence est satisfaisant. Il en est de même pour les cellules souches embryonnaires qui en sont issues et dont l’efficacité est douteuse.. Mais il faut lire entre les lignes. En réalité ce type de recherche est confié à Pechanski dans le cadre de l’INSERM et de l’ISTEM (financé par le Téléthon). Il vient de connaître un échec cuisant en greffant ce type de cellules sur des patients atteints de la maladie de Huttington (ou danse de saint Guy) : une effroyable maladie caractérisée par des mouvements brutaux et incontrôlés des membres. Après un mieux, les patients sont morts d’une cancérisation des dites cellules. Il vient également de déclarer avoir réussi, à partir de cellules souches embryonnaires (de souris), à refaire des lambeaux de peau. Quid de la cancérisation ? Quid du rejet ? Pas un mot. Or depuis longtemps on cultive des fragments de peau saine de brûlés. Et conjointement la Fondation Lejeune a rendu compte de deux succès dans le domaine de réparation épidermique des brûlés : l’une à partir de cellules de moelle osseuse, l’autre à partir des cellules souches du cordon ombilical tout simplement injectées in situ.
L’élimination des plus faibles
Après cette réponse en demie teinte, est abordée la question du diagnostic prénatal. Il s’agit en réalité de ponctions de liquide amniotique destinées à recueillir des cellules fœtales en suspension, puis de les examiner. La sanction en cas d’anomalie grave ou de maladie incurable entraîne l’avortement en général tardif, bon gré, mal gré. Telle est la loi actuelle. En pratique quand Frydman se vante de faire des avortements tardifs sur des pieds bots ou des fentes palatines, il ne respecte aucune des conditions. Mais il a beau jeu de dire que les termes sont imprécis. Et sa notoriété le met au-delà de toute poursuite judiciaire. Qui y aurait intérêt ? En tous cas, ni la famille, ni l’Etat, ni sa propre poche dans la mesure où il peut demander des honoraires hors convention. Et effectivement les termes d” « anomalie grave et de maladie incurable » sont flous. Un exemple simple : le diabète est une maladie grave et incurable se contentant de la soigner et non de la guérir. Enfin, histoire de dire qu’il est au courant, le Conseil d’Etat mentionne la prise de sang permettant de dépister les probabilités de trisomie chez l’enfant in utero. Il conseille de la pratiquer au plus tôt. Traduction : tant qu’à faire, mieux vaut tuer tôt que tard.
Un eugénisme qui n’ose s’affirmer
Assez bizarrement il est mentionné par le Conseil d’Etat que l’homoparentalité (donc l’adoption d’enfants par des homosexuels) est une option acceptable. Rien d’étonnant qu’un humoriste ait qualifié cette institution de Conseil des Tatas. Mais la procréation médicalement assistée ne saurait intervenir dans ce cas de figure. De plus rien n’est écrit sur la question des mères porteuses. Enfin, sur la question du diagnostic préimplantatoire (prélèvement de cellules sur l’embryon pour détecter une anomalie fœtale), le Conseil d’Etat évoque l’eugénisme qui tout compte fait serait soumis à l’appréciation des géniteurs. Dans le fond un eugénisme individuel dont l’Etat se ferait l’exécuteur, mais laissant la liberté de choix aux parents.
Que va-t-il se passer maintenant. Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, s’est prononcée contre l’extension de la recherche sur les embryons. Sarkozy n’est pas favorable aux mères porteuses. Aimant les personnalités de gauche comme on le sait, il a écouté la femme de Jospin. Ceci explique probablement cela. Mme Agazinski, psychanalyste, y est formellement opposée. Ainsi, compte-tenu de ce que nous savons présentement, la révision des lois de bioéthique apparaît plutôt comme un coup d’épée dans l’eau.
Les envies du Pr René Frydman
Pourtant il n’est pas impossible que la demande de généralisation du diagnostic préimplantatoire demandée par Frydman soit prise en compte. Le père du premier bébé éprouvette préconise sa généralisation. Le nombre de fécondations in vitro [1] est de l’ordre 150.000 par an à 5000 euros l’unité. A cette dépense s’ajoute la prise en charge des prématurés nés de cette technique : les réductions embryonnaires sur grossesses multiples, les tumeurs variées, notamment cancéreuses dont peuvent être atteints les nouveau-nés, les soins des malformations diverses (becs de lièvre, atteintes digestives et cardiaques, retards mentaux). Toute une pathologie liée précisément à cette manière de faire qui brise la nature. Or la fécondation in vitro n’obtient de résultat positif que dans 17 % des cas. Il faut aussi compter l’argent dépensé à garder les embryons surnuméraires, les recherches des parents devant donner leur accord pour que l’embryon soit utilisé pour la recherche, les dépressions maternelles liées aux échecs etc. Cet acharnement procréatif, selon les propos de Jean-François Mattei et Axel Kahn, a un coût absolument astronomique de l’ordre de deux milliards d’euros représentant 10% du déficit de la Sécurité Sociale, laquelle ferme les yeux sur les fécondations multiples ou de femmes âgées dont l’espérance de procréation est infime.
Finalement ce sera des considérations financières qui règleront la vie ou la mort des plus petits d’entre les humains.
Dr. Jean-Pierre DICKES
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