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Entretien de Mgr Aillet à Sud-Ouest du 02/12/09
« Sud Ouest ». Votre prise de fonction à Bayonne s’est rapidement traduite par une réorganisation administrative du diocèse. Est-ce volonté de rajeunissement ou une reprise en main ?
Monseigneur Aillet. Avec un évêque de 76 ans qui s’en va et un de 51 ans qui arrive, forcément, il y a des manières de fonctionner un peu différentes. Au départ, j’ai voulu apprendre la fonction, connaître ce diocèse avec une équipe qui était en place depuis un certain nombre d’années. Pendant les six premiers mois, j’ai rencontré beaucoup les prêtres, beaucoup entendu de fidèles laïcs engagés, et aussi des personnes qui ne sont pas du sérail. Mon but n’est pas de me contenter de gérer la boutique interne. Il y a combien de pratiquants dans le diocèse ? On dit 6 %, c’est bien au-dessus de la moyenne nationale, mais il y a plus de 90 % de gens qui ne sont pas là. Il faut que l’on se tourne vers l’extérieur.
Le signal donné en écartant des anciens semble avoir été assez rude pour les fidèles…
Je n’ai pas écarté. C’est vrai que j’ai fait appel à des hommes plus jeunes, de cette catégorie de prêtres, qui ont moins de 25 ans de sacerdoce et qui ne sont que 25. Je suis le 26e plus jeune prêtre de mon diocèse qui en compte encore 225 actifs. Je ne sais pas si vous vous rendez compte… Je ne peux pas engager l’avenir sans des forces plus neuves. Tout en conservant des personnes précieuses de l’ancienne équipe, j’ai pris des vicaires généraux plus jeunes. Qu’ils me ressemblent par l’âge, qu’ils se réclament de la génération Jean-Paul II, c’est vrai. Ce pape a accompagné ma formation sacerdotale et ma jeunesse cléricale jusqu’à l’âge des responsabilités.
Ressentez-vous comme atypique ce diocèse ?
Oui, ça, on peut le dire (il rit). Du fait de cette bicéphalie, le fait qu’il y ait le Pays basque et le Béarn, deux régions culturelles extrêmement identifiées, mais que je ne crois pas opposées.
La société basque a‑t-elle mieux résisté à la déchristianisation ?
Le Béarn a été plus traversé par des courants, des cultures extérieures. Le Pays basque accueille aussi beaucoup de pièces rapportées, mais on sent quand même que l’identité basque est plus profonde. J’ai été impressionné par cette culture basque, chrétienne, véhiculée par la langue.
L’Église vit-elle dans son temps avec ce qu’elle propose ?
L’Église est porteuse d’un message d’éternité. Qu’est ce que ça veut dire être de son temps ? Être à l’écoute des inquiétudes existentielles des gens ou adapté aux modes ? Je fais la distinction, il y a des choses beaucoup plus profondes que la mode.
Regrettez-vous d’avoir écrit à Didier Borotra, maire de Biarritz, au sujet de la Gay pride (1) ?
Non ! Je crois qu’un débat n’est vraiment démocratique que si les personnes de conviction qui sont des citoyens comme les autres, ont le droit de s’exprimer sans s’excuser. La distinction des pouvoirs ne veut pas dire que les sphères politique et religieuse sont opposées et séparées par un fossé infranchissable. Le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel peuvent entrer en dialogue. Cela dit, je n’en veux pas du tout à Monsieur Borotra de m’avoir répondu comme il l’a fait et ne veux pas alimenter une polémique que je n’ai pas ouverte.
Le pape Benoît XVI est visiblement soucieux de ramener les brebis égarées, disciples de Mgr Lefebvre. Le retour, à Bayonne, de la messe en latin procède-il de cette volonté ? Et vous-même, avez-vous rencontré les Lefebvristes ?
Je ne suis pas allé à la rencontre des Lefebvristes, mais je suis ouvert à tous. Je veux être un homme de réconciliation. À la suite de Jean-Paul II, Benoît XVI est animé de ce désir de ne pas alimenter les antagonismes. Quant à la messe en latin, c’est la messe sous sa forme extraordinaire du rite romain, selon le missel de 1962 publié par Jean XXIII avant le concile. La messe issue de la réforme liturgique de Vatican II étant la forme ordinaire que je pratique, quant à moi. C’est ma culture.
Une polémique est née à l’église Saint-André. Quelle place comptez vous accorder à la langue basque dans la liturgie ?
Un groupe de personnes qui fréquente cette messe chantée en basque aurait voulu que je déclare Saint-André église des Basques. J’ai dit non, je ne pense pas que ce soit juste. Saint-André est une église qui appartient à l’ensemble de la ville. Cette messe en langue basque a toute sa place, à deux conditions : l’Église n’est pas là pour conserver le patrimoine d’une langue mais pour la faire vivre dans la mesure où elle permet de rejoindre des personnes. Ensuite, je souhaite que ces fidèles attachés à la langue basque ne forment pas un groupe communautariste, un ghetto opposé aux autres.
En un mot, quelle est votre joie de faire ce « job » ?
Grande joie. La joie de rencontrer beaucoup de monde et de découvrir que l’Évangile, il est attendu.
La place des laïcs dans l’Église
« La diminution du nombre de prêtres constitue la grande souffrance des évêques, commente Monseigneur Marc Aillet. Cette pénurie nous a permis de mieux prendre conscience de la place des laïcs. J’en suis très heureux mais ce n’est pas pour ça que nous avons besoin de moins de prêtres. Le prêtre est irremplaçable dans la vie et la mission de l’église. C’est la présence des prêtres qui engage et entraîne les laïcs. »
« Deuxième chose, il ne faut surtout pas que l’on enferme nos fidèles laïcs dans des tâches intra-ecclésiales qui consistent à gérer des structures pour maintenir à tout prix notre position dans un maillage territorial. Pour moi le fidèle laïc est une présence chrétienne dans le monde. On en a besoin pour la catéchèse, la liturgie, mais n’enfermons pas le laïc dans cette tâche parce que l’on risque la cléricalisation. »
Par ailleurs, Mgr Aillet n’a pas souhaité commenter l’interdiction faite aux jeunes filles enfants de choeur de s’approcher de l’autel et au groupe Oldarra de se produire à l’invitation de la fédération des ikastolas en l’église Saint-André.
Propos recueillis par Emmanuel Planes et Dominique Bayle-Siot , in Sud-Ouest du 2 décembre 2009
(1) Mgr Aillet avait écrit au maire de Biarritz (le 18 juin dernier) pour dénoncer la présence des « Soeurs de la perpétuelle indulgence » dans le défilé de la Gay pride.