Rome, 13 février 1945
Nous avons plaisir à vous souhaiter la bienvenue, membres distingués du corps médical de l’armée et à vous dire personnellement Notre satisfaction d’apprendre la tenue de votre congrès ici, à Rome. En dépit des nécessités d’une guerre violente qui ne connaît pas de répit, vous avez jugé possible, pour ne pas dire indispensable, de vous réunir durant quelques jours pour discuter des problèmes de votre profession et perfectionner par cette aide mutuelle les moyens de les résoudre. Cela montre que vous êtes très sensibles au premier devoir de tout médecin, à savoir d’augmenter continuellement sa somme de connaissances et de se tenir parfaitement au courant des progrès scientifiques qui se sont accomplis dans le champ de sa spécialité.
La maladie et la mort.
Ce devoir naît immédiatement de la responsabilité du médecin envers l’individu et la communauté. Dieu n’est pas l’auteur de la mort. Ce monstre a réussi à entrer dans le monde par le péché, ce péché originel qui, en éteignant la vie surnaturelle dans l’âme humaine, s’assura aussi une forte prise sur son corps en le privant de ce don de l’immortalité que Dieu avait voulu lui accorder à l’encontre des exigences de la nature.
Et l’homme commença cette lutte plus ou moins continue, plus ou moins vive, contre la faiblesse physique, la douleur, la souffrance et la décomposition qui, s’accusant toujours davantage, marquent les étapes de son chemin, jusqu’à ce qu’il atteigne le point où l’inexorable sentence, suspendue sur toute chair, lui permette de trouver le soulagement béni. Mais dans cette lutte, Dieu n’a pas abandonné la créature de son tout-puissant amour. « Le Très-Haut fait sortir de terre les remèdes, l’homme sensé ne les méprise pas. C’est lui aussi qui donne aux hommes la science pour qu’ils se glorifient de ses œuvres puissantes » (Si 38 , 4, 6). Ainsi s’exprime le livre de l’Ecclésiastique et l’écrivain inspiré poursuit : « Mon fils, quand tu es malade, ne te laisse pas aller…, aie recours au médecin, car le Seigneur l’a créé lui aussi, ne l’écarté pas, car tu as besoin de lui…» (Si 38 , 9, 12).
Oui, il est indispensable, et le besoin qu’en a l’homme sera la mesure des devoirs du docteur. Combien est élevé, combien digne de tout honneur le caractère de votre profession ! Le médecin a été désigné par Dieu pour satisfaire aux besoins de l’humanité souffrante. Lui qui a créé cet être consumé par la fièvre ou couvert de blessures qui est là entre vos mains, lui qui l’aime d’un amour éternel, il vous confie la tâche ennoblissante de le rendre à la santé.
Charité dévouée et désintéressée du médecin.
Vous apporterez dans la chambre du malade et sur la table d’opération quelque chose de la charité de Dieu, de l’amour et de la tendresse du Christ, le Maître médecin de l’âme et du corps.
Cette charité n’est pas un sentiment superficiel et non effectif ; elle n’écrit pas un diagnostic pour plaire ou se faire bien voir ; elle se refuse à considérer aussi bien les séduisants atours de la richesse que le misérable et déplaisant spectacle de la pauvreté et du dénuement ; elle est sourde aux invitations d’une méprisable passion qui chercherait une coopération dans le mal. Car c’est un amour qui embrasse tout l’homme, un frère en humanité dont le corps malade est encore vivifié par une âme immortelle que lient à la volonté de son divin Maître tous les droits dérivant de la création et de la rédemption. Cette volonté est clairement écrite pour ceux qui veulent bien la lire, d’abord dans la fin essentielle que la nature a manifestement attribuée aux organes humains, puis, de façon positive, dans le décalogue. Cet amour sincère exclura toute raison, si grave soit-elle, qu’on pourrait alléguer pour autoriser un malade ou un médecin, à faire ou à conseiller quelque chose qui contreviendrait à cette volonté suprême de Dieu.
Dieu, seul maître du corps et de la vie de l’homme.
Voilà pourquoi un médecin digne de sa profession, s’élevant jusqu’au sommet du dévouement désintéressé et intrépide à sa noble mission de guérir et de conserver la vie, méprisera toute suggestion qui lui sera faite de détruire la vie, si frêle et si humainement inutile que cette vie puisse paraître, sachant qu’à moins qu’un homme soit coupable de quelque crime méritant la peine de mort, Dieu seul et nul pouvoir terrestre ne peut disposer de la vie. En tant que ministre spécial du Dieu de la nature, le médecin n’encouragera jamais ce qui frustrerait délibérément l’inestimable pouvoir de la nature de transmettre la vie. D’une loyauté sans compromission à l’égard de ces principes et des autres principes fondamentaux de l’éthique et de la morale chrétienne, la profession médicale sera le plus ferme soutien de l’individu et de la société, le plus solide rempart contre les ennemis de l’extérieur et de l’intérieur, un véritable canal de bénédictions terrestres et célestes pour la nation qu’elle honore. L’habileté du médecin l’élèvera à une place éminente au milieu des hommes et en présence des grands on le louera ; les présents du roi lui seront réservés (cf. Si ou Eccli., 38, 2).
Que la bénédiction du Roi des rois descende sur vous, sur tous ceux qui vous sont chers, sur vos bien-aimés pays, et y demeure à jamais ! C’est le souhait et la prière qui montent de Notre cœur plein d’affection paternelle.
PIE XII, Pape.