L’Association italienne des donneurs de la cornée. l’Union italienne des aveugles, des savants cliniciens oculistes et membres de la médecine légale et parmi eux de nombreux professeurs d’Universités, ont été reçus en audience par le Saint-Père, le 13 mal. Répondant à leurs désirs, le Pape, dans une allocution dont toute la presse a fait état, leur a adressé, en français, les paroles suivantes :
Rome, près Saint Pierre, le 13 mai 1956
Vous Nous avez demandé, Messieurs, un mot d’orientation, d’approbation et d’encouragement pour votre Association qui veut aider les aveugles et ceux dont la fonction visuelle est atteinte au moyen des ressources techniques et scientifiques de la chirurgie moderne. C’est bien volontiers que Nous traitons dans cette brève allocution du but que vous vous proposez. La documentation abondante que vous Nous avez procurée dépasse de loin le thème précis que Nous avons l’intention de développer. Elle concerne l’ensemble du problème, de jour en jour plus aigu, de la transplantation de tissus d’une personne à l’autre, selon ses divers aspects biologique et médical, technique et chirurgical, juridique, moral et religieux. Nous Nous limitons aux aspects religieux et moraux de la transplantation de la cornée, non entre des hommes vivants (de celle-ci Nous ne parlerons pas aujourd’hui), mais du corps mort sur le vivant. Nous serons toutefois obligés de déborder ce cadre étroit pour parler de quelques opinions que Nous avons rencontrées à cette occasion. Nous avons examiné les divers rapports que vous Nous avez communiqués ; par leur objectivité leur sobriété, leur précision scientifiques, ses explications qu’ils donnent sur les présupposés nécessaires d’une transplantation de la cornée, sur son diagnostic et son pronostic ont fait sur Nous une profonde impression.
Question de terminologie
Avant d’aborder le thème proprement dit, qu’il nous soit permis de faire deux remarques plus générales ; La « terminologie » que Nous avons trouvée dans les rapports et dans les textes imprimés, distingue « autoinnesto », ou autogreffe, transferts de tissus d’une partie à l’autre du corps d’un seul et même individu ; « omoinnesto », ou homogreffe, transferts de tissus d’un individu à un autre de la même espèce ( c’est-à-dire ici d’homme à homme) ; « eteroinnesto » , ou hétérogreffe, transferts de tissus entre deux Individus d’espèces différentes (c’est-à-dire ici entre un animal et un organisme humain). Ce dernier cas appelle quelques précisions du point de vue religieux et moral. On ne peut pas dire que toute transplantation de tissus (biologiquement possible) entre individus d’espèces différentes, soit moralement condamnable ; mais il est encore moins vrai qu’aucune transplantation hétérogène biologiquement possible ne soit Interdite ou ne puisse soulever d’objection. Il faut distinguer d’après les cas et voir quel tissu ou quel organe il s’agit de transplanter. La transplantation de glandes sexuelles animales sur l’homme est à rejeter comme immorale ; par contre, la transplantation de la cornée d’un organisme non humain à un organisme humain ne soulèverait aucune difficulté morale si elle était biologiquement possible et indiquée. Si l’on voulait fonder sur la diversité des espèces l’interdiction morale absolue de la transplantation, il faudrait en bonne logique déclaré immorale la thérapie cellulaire qui se pratique actuellement avec une fréquence croissante ; on emprunte souvent des cellules vivantes à un organisme non humain pour les transplanter dans un organisme humain où elles exercent leur action.
Nous avons trouvé aussi dans les explications terminologiques de l’ouvrage imprimé, le plus récent une remarque qui concerne le thème même de Notre présente allocution. On y précise que l’expression « innesto » utilisée pour désigner le transfert de parties d’un corps mort à un homme vivant, est inexacte et employée improprement. Le texte porte « impropriamente, viene chiamato « innesto » anche l’impiego di tessuti « fissati » (morti e conservati) ; mentre sarebbe più esatto parlare di « impianto » o di « inclusione » di un tessto, morto in un tessuto vivente » [1]. Il vous appartient d’apprécier cet avis an point de vue médical ; au point de vue philosophique et théologique la critique est justifiée. Le transfert d’un tissu ou d’un organe d’un mort à un vivant n’est pas transfert d’homme à homme. Le mort était Un homme, mais Il ne l’est plus.
Il faut distinguer organisme physique et organisme moral
Nous avons relevé aussi dans la documentation imprimée une autre remarque qui prête à confusion et que Nous estimons devoir rectifier. Pour démontrer que l’extirpation d’organes nécessaires à la transplantation faite d’un vivant à l’autre est conforme à la nature et licite, on la met sur le même pied que celle d’un organe physique déterminé fait dans l’intérêt d’un organisme physique total. Les membres de l’individu seraient considérés ici comme parties et membres de l’organisme total que constitue « l’humanité » de la même manière – ou presque – qu’ils sont parties de l’organisme individuel de l’homme. On argumente alors en, disant que, s’il est permis en cas de nécessité de sacrifier un membre particulier (main, pied, œil, oreille, rein, glande sexuelle) à l’organisme de « l’homme », il serait également permis de sacrifier tel membre particulier à l’organisme « humanité » (dans la personne d’un ses membres malade et souffrant). Le but que vise cette argumentation, remédier au mal d’autrui ou du moins l’adoucir, est compréhensible et louable, mais la méthode proposée et la preuve dont on l’appuie sont erronées.
On néglige ici la différence essentielle entre un organisme physique et un organisme moral, ainsi que la différence qualitative essentielle entre les relations des parties avec le tout dans ces deux types d’organisme. L’organisme physique de l’homme est un tout quant à l’être ; les membres sont des parties unies et reliées entre elles quant à l’être physique même ; ils sont tellement absorbés par le tout, qu’ils ne possèdent aucune indépendance, ils n’existent que pour l’organisme total et, n’ont d’autre fin que la sienne.
Il en va tout autrement pour l’organisme moral qu’est l’humanité. Celui-ci ne constitue un tout que quant à l’agir et à la finalité ; les individus, en tant que membres de cet organisme, ne sont que des parties fonctionnelles ; le « tout » ne peut donc poser à leur égard que des exigences concernant l’ordre de l’action. Quant à leur être physique, les individus ne sont en aucune façon dépendants les uns des autres ni de l’humanité ; l’évidence immédiate et le bon sens démontrent la fausseté de l’assertion contraire, Pour cette raison, l’organisme total qu’est l’humanité n’a aucun droit de poser aux individus des exigences dans le domaine de l’être physique en vertu du droit de nature qu’a le « tout » de disposer des parties. L’extirpation d’un organe particulier serait un cas d’intervention directe, non seulement sur la sphère d’action de l’individu, mais aussi et principalement sur celle de son être, de la part d’un « tout » purement fonctionnel « humanité », « société, « Etat », auquel l’individu humain est incorporé comme membre fonctionnel et quant à l’agir seulement.
Dans un tout autre contexte, Nous avons déjà souligné auparavant le sens et l’importance de cette considération et rappelé la distinction nécessaire dont il faut soigneusement tenir compte, entre l’organisme physique et l’organisme moral. C’était dans Notre Encyclique du 29 juin 1943 sur le « Corps mystique du Christ ». Nous résumions alors ce que Nous venons de dire en quelques phrases, que des non théologiens ne pourraient peut-être pas saisir immédiatement à cause de leur forme concise, mais où ils trouveraient, après une lecture attentive, une meilleure compréhension de la différence que comportent les relations de tout à partie dans l’organisme physique et moral. Il fallait expliquer alors comment le simple croyant était partie du Corps mystique du Christ qu’est l’Eglise et la différence entre cette relation et celle qui existe dans un organisme physique. Nous disions alors :
Dum enim in nuturali corpore unitatis principium ita partes iungit, ut propria quam vocant, subsistentia singulae prorsus eareunt contra in mystico Corpore mutae coniunctionis vis, etiamsi intima, membra ita inter se copulat, ut singula omnino fruantur persona propria. Accedit quod, si tolius et singolorum membrorum mutuam inter se rationem ccnsideramus, in physico quolibet viventi corpore totius concretionis emolumento membra singula universa postremum unice destinantur, dum socialis quaelibet hominumi compages, si modo ultimum utilitatis finem inspicimus, ad omnium et unius cuiusque membri profectum, utpote personae sunt, pastremum ordinantur [2]
Acta Ap Sedis, a. 35. p .221–222
La psychologie de l’aveugle
Nous revenons à Notre thème l’appréciation morale de la transplantation de la cornée d’un mort sur un vivant, afin d’améliorer l’état des aveugles ou de ceux qui le deviennent ; à leur service se mettent aujourd’hui la charité et la pitié de beaucoup d’hommes compatissants, de même que les progrès de la technique et de la chirurgie scientifique, avec toutes leurs ressources inventives, leur audace et leur persévérance. La psychologie de l’aveugle nous permet de deviner son besoin d’une aide compatissante et comme il la reçoit avec reconnaissance.
L’Evangile de saint Luc contient une description vivante de la psychologie de l’aveugle qui est un chef-d’œuvre. L’aveugle de Jéricho, entendant passer la foule, demanda ce que cela signifiait. On lui répondit que Jésus de Nazareth passait par là. Alors il s’écria « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ». Les gens lui enjoignirent de se taire, mais lui continuait de plus belle « Fils de David, aie pitié de moi !». Jésus ordonna donc de le faire venir. « Que veux-tu que je te fasse ? – Seigneur, que je voie ! – Vois ! Ta foi t’a sauvé ». Et aussitôt il recouvra la vue et suivit Jésus en louant Dieu (Luc XVIII, 35–43). Ce cri, « Seigneur, faites que je voie ! », retentit aux oreilles et dans le cœur de tous, aussi voulez-vous y répondre tous, et prêter votre aide autant qu’il est en votre pouvoir . Vous Nous assurez que le transfert de la cornée constitue pour beaucoup de malades un moyen prometteur de guérison ou du moins d’adoucissement et d’amélioration. Eh bien ! Utilisez-la et aidez-les dans la mesure où c’est possible et licite, naturellement, en choisissant les cas avec beaucoup de discernement et de prudence.
La chirurgie de l’œil exclut des espoirs chimériques
La documentation que vous Nous avez fournie permet de se représenter en quelque sorte l’opération (que vous effectuez. On peut exécuter l’enlèvement de la cornée de deux façons, dites-vous, soit par des « kératoplasties lamellaires : cheratoplastiche lamellari », soit par des « kératoplasties perforantes : cheratoplastiche perforanti ». Si l’on observe soigneusement la technique requise, l’œil enlevé peut se conserver pendant quarante huit à soixante heures Si plusieurs cliniques ne sont pas trop éloignées les unes des autres, elles peuvent ainsi constituer une certaine réserve de matériel prêt à l’usage, et se prêter secours mutuellement selon les besoins des cas particuliers . Nous trouvons aussi dans votre documentation des renseignements sur les indication s de la transplantation de la cornée en général et sur ses possibilités de réussite. La majorité des aveugles, ou de ceux qui le deviennent ne sont pas susceptibles d’en profiter : Vous mettez en garde contre les espoirs utopiques, en ce qui concerne le pronostic des cas opérables. Vous écrivez « E bene che Il pubblico sapia che non sono possibili trapianti di altri tessuti oculari e tan to meno dell’ochuio intero nell’uomo, ma è solo possibile sostituire, e solo parzialmente, la porzione più anteriore dell’apparato diottico oculare » [3] .
Quant au succès de l’intervention, vous Nous apprenez que des 4 360 cas publiés entre 1948 et 1954, 45 à 65 pour 100 ont eu un résultat positif et que l’on rencontre un pourcentage semblable pour les cas non publiés vous ajoutez ; « Si è avuto un vantagio rispetto alle condizioni precedenti » [4] , dans 20 pour 100 des cas seulement on aurait pu obtenir « una visione più o meno vicina alla normale » [5] .
Vous signalez pour conclure que dans beaucoup de pays les lois et ordonnances de l’Etat ne permettent pas une utilisation plus large de la transplantation de la cornée et que, par conséquent, on ne peut pas aider un nombre plus grand d’aveugles ou de ceux qui perdent la vue. Voilà pour ce qui concerne le point de vue médical et technique de votre compétence.
Un problème religieux et moral
Du point de vue moral et religieux, il n’y a rien à objecter à l’enlèvement de la cornée d’un cadavre, c’est-à-dire aux kératoplasties lamellaires aussi bien que perforantes, quand on les considère en elles-mêmes. Pour qui les reçoit c’est ‑à-dire le patient, elles représentent une restauration et la correction d’un défaut de naissance ou accidentel. A l’égard du défunt dont on enlève la cornée, on ne l’atteint dans aucun des biens auxquels il a droit ni dans son droit à ces biens. Le cadavre n’est plus, au sens propre du mot, un sujet de droit, car il est privé de la personnalité qui, seule, peut être sujet de droit. L’extirpation n’est pas non plus l’enlèvement d’un bien : les organes visuels, en effet (leur présence, leur intégrité), n’ont plus dans le cadavre le caractère de biens, parce qu’ils ne lui servent plus et n’ont plus de relation à aucune fin. Cela ne signifie pas du tout qu’à l’égard du cadavre d’un homme il ne pourrait y avoir, ou il n’y ait pas en fait des obligations morales, des prescriptions ou des prohibitions ; cela ne signifie pas non plus que les tiers qui ont le soin du corps, de son intégrité et du traitement dont il sera l’objet, ne puissent céder, ou ne cèdent en fait des droits et des devoirs proprement dits. Bien au contraire. Les kératoplasties, qui ne soulèvent en elles-mêmes aucune objection morale, peuvent aussi par ailleurs ne pas être irréprochables et même être directement immorales.
Un cadavre d’homme n’est pas une chose quelconque. Quelles règles impose son respect ?
Il faut en premier lieu dénoncer un jugement morale ment erroné qui se forme dans l’esprit de l’homme, mais influence d’habitude son comportement externe et consiste à mettre le cadavre humain sur le même plan que celui de l’animal ou qu’une simple chose., Le cadavre animal est utilisable .presque .dans toutes ses parties, on peut en dire autant du cadavre humain considéré de façon purement matérielle, c’est-à-dire dans les éléments dont ii se compose.
Pour certains, cette manière de voir constitue le critère dernier de la pensée et le principe dernier de l’action. Une telle attitude comporte une erreur de jugement et une méconnaissance de la psychologie et du sens religieux et moral. Car le cadavre humain mérite qu’on le regarde tout autrement. Le corps était la demeure d’une âme spirituelle et immortelle, partie constitutive essentielle d’une personne humaine dont il partageait, la dignité ; quelque chose de cette dignité s’attache encore lui. On peut dire aussi, puisqu’il est une composante de l’homme, qu’il a été formé « à l’image et à la ressemblance » de Dieu, laquelle va bien au-delà des traces génériques de la ressemblance divine, qu’on retrouve également chez les animaux privés d’intelligence et jusque dans les créatures inanimées purement matérielles. Même au cadavre s’applique d’une manière le mot de l’Apôtre : « Ne savez-vous pas que vos membres sont le temple du Saint-Esprit qui habite en vous ? » (1 Cor, VI, 19).
Enfin, le corps mort est destiné à la résurrection et à la vie éternelle. Tout cela ne vaut pas du corps animal et prouve qu’il ne suffit pas d’envisager des « fins thérapeutiques » pour juger et traiter convenablement le cadavre humain. D’autre part, il est vrai également que la science médicale et la formation des futurs médecins exigent une connaissance détaillée du corps humain et qu’on a besoin du cadavre comme objet d’étude. Les réflexions émises ci-dessus ne s’y opposent pas . On peut poursuivre cette fin légitime en acceptant pleinement ce que Nous venons de dire. De là vient aussi qu’un individu veuille disposer de son cadavre et le destiner à des fins utiles, moralement irréprochables et même élevées (entre autres pour secourir des hommes malades et souffrants). On peut prendre une telle décision au sujet de son propre corps avec la pleine conscience du respect qui lui revient, et en tenant compte des paroles que l’Apôtre adressait aux Corinthiens. Cette décision il ne faut pas la condamner, mais la justifier positivement.
Pensez par exemple au geste de Don Carlo Gnocchi. A moins que les circonstances n’imposent une obligation il faut respecter la liberté et la spontanéité des intéressés ; d’habitude, on ne présentera pas la chose comme un devoir ou un acte de charité obligatoire. Dans la propagande, il faut certainement observer une réserve intelligente pour éviter de sérieux conflits extérieurs et intérieurs. Faut-il, en outre, comme il arrive souvent, refuser en principe tout dédommagement ? La question reste posée. Il est hors de doute que de graves abus peuvent s’introduire si l’on exige une rétribution ; mais ce serait aller trop loin que de juger immorale toute acceptation ou toute exigence d’un dédommagement. Le cas est analogue à celui de la transfusion sanguine : c’est un mérite pour le donneur de refuser un dédommagement ; ce n’est pas nécessairement un défaut de l’accepter.
Respect du droit des personnes
L’enlèvement de la cornée, même parfaitement licite en soi, peut aussi devenir illicite s’il viole les droits et les sentiments des tiers à qui incombe le soin du cadavre, les proches parents d’abord ; mais ce pourraient être d’autres personnes en vertu de droits publics ou privés, il ne serait pas humain, pour servir les intérêts de la médecine ou des « buts thérapeutiques », d’ignorer de sentiments si profonds. En général, il ne devrait pas être permis aux médecins d’entreprendre des extirpations ou d’autres interventions sur un cadavre sans l’accord de ceux qui en sont chargés et peut-être même en dépit de objections formulées antérieurement par l’intéressé Il ne serait pas non plus équitable que les corps des patients pauvres, dans les cliniques publiques et les hôpitaux, soient destinés d’office aux services de médecine et de chirurgie, tandis que ceux des patients plus fortunés ne le seraient pas. L’argent et la situation ne devraient pas intervenir quand il s’agit de ménager des sentiments humains aussi délicats. D’autre part, il faut éduquer le public et lui expliquer avec intelligence et respect que consentir expressément à des atteintes sérieuses à l’intégrité du cadavre dans l’intérêt de ceux qui souffrent, n’offense pas la piété due au défunt lorsqu’on a pour cela des raisons valables. Ce consentement peut malgré tout comporter pour les proches parents une souffrance et un sacrifice. Mais ce sacrifice s’auréole de charité miséricordieuse envers des frères souffrants.
Ce que peuvent les pouvoirs publics et ce qu’ils ne peuvent pas
Les pouvoirs publics et les lois qui concernent les interventions sur les cadavres doivent en général respecter les mêmes considérations morales et humaines, puisqu’elles s’appuient sur la nature humaine elle-même, laquelle précède la société dans l’ordre de la causalité et de la dignité. En particulier, les pouvoirs publics ont le devoir de veiller à leur mise en pratique, et d’abord de prendre des mesures pour qu’un « cadavre » ne soit pas considéré et traité comme tel avant que la mort n’ait été dûment constatée. Par contre, les pouvoirs publics sont compétents pour veiller aux intérêts légitimes de la médecine et de la formation médicale si l’on soupçonne que la mort est due à une cause criminelle ou s’il y a danger pour la santé publique, il faut que le corps soit livré aux autorités.
Tout cela peut et doit se faire, sans manquer au respect dû au cadavre humain et aux droits des proches parents, Les pouvoirs publics peuvent enfin contribuer efficacement à faire entrer dans l’opinion la conviction de la nécessité et de la licéité morale de certaines dispositions au sujet des cadavres et ainsi prévenir ou écarter l’occasion, de conflits intérieurs et extérieurs dans l’Individu, la famille et la société.
II y a presque deux ans, le 30 septembre 1954, Nous avons déjà exprimé les mêmes idées dans une allocution au VIIIe congrès de l’association médicale internationale et Nous voudrions maintenant répéter et confirmer ce que Nous disions alors dans un bref paragraphe :
« En ce qui concerne l’enlèvement de parties du corps d’un défunt à des fins thérapeutiques, on ne peut pas permettre au médecin de traiter le cadavre comme il le veut. II revient à l’autorité publique d’établir des règles convenables. Mais elle non plus ne peut procéder arbitrairement. Il y a des textes de loi contre lesquels on peut élever de sérieuses objections. Une norme comme celle qui permet au médecin, dans un sanatorium, de prélever des parties du corps à des fins thérapeutiques, tout esprit de lucre étant exclu, n’est pas admissible déjà en raison de la possibilité de l’interpréter trop librement. Il faut aussi prendre en considération les droits et les devoirs de ceux à qui incombe la charge du corps du défunt, Finalement, il faut respecter les exigences de la morale naturelle qui défend de considérer et de traiter le cadavre de l’homme simplement comme une chose ou comme celui d’un animal. »
Discorsi e Radiomessaggi , vol. XVI, p. 176
Avec l’espoir de vous avoir ainsi donné une orientation plus précise et facilité une compréhension plus profonde des aspects religieux et moraux de ce sujet. Nous vous accordons de tout cœur Notre Bénédiction apostolique.
PIUS PP. XII
- C’est improprement qu’on a appelé greffe l’emploi de tissus fixés (morts et conservés) alors qu’il serait plus exact de parler d’implantation ou d’inclusion d’un tissus mort dans un tissus vivant.[↩]
- Car, tandis que dans un corps naturel, le principe d’unité unit les parties de telle sorte que chacun manque entièrement de ce qu’on appelle substance propre dans le Corps mystique, au contraire la force de leur conjonction mutuelle, bien qu’intime, relie les membres entre eux de manière à laisser chacun jouir absolument de sa propre personnalité, En outre, si nous regardons le rapport mutuel entre le tout et chacun des membres, dans n’importe quel corps physique vivant , chacun des membres en définitive est uniquement destiné au bien de tout l’organisme : toute société humaine, au contraire pour peu qu’on fasse attention à la fin dernière de son utilité est ordonnée en définitive au profit de tous et de chacun des membres, car ils sont des personnes.[↩]
- Il est bon que le public sache que les transplantations d’autres tissus de l’œil et encore moins de l’œil entier de l’homme, sont impossibles ; mais qu’il est seulement possible de substituer et en partie seulement, la portion la plus antérieure de l’appareil dioptrique de l’œil.[↩]
- On a obtenu un avantage par rapport aux conditions précédentes.[↩]
- Une vision plus ou moins voisine de la normale.[↩]