Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

19 juillet 1939

Discours aux jeunes époux et à des nombreux autres groupes de pèlerins

L'union intime avec Dieu procure la vraie paix du foyer

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, le 19 juillet 1939

Le vœux que reçoivent les jeunes époux sont tou­jours et par­tout les mêmes : des vœux de bon­heur. C’est l’ex­pres­sion pre­mière et entière des sen­ti­ments et des sou­haits des parents, des amis, de tous ceux qui prennent part à leur joie. C’est aus­si la prière par laquelle l’Eglise ter­mine la messe de mariage : Quos legi­ti­ma socie­tate connec­tis, lon­gae­va pace cus­to­dias. « Dieu tout-​puissant, conser­vez dans une longue paix ceux que vous unis­sez par un lien légi­time. » C’est éga­le­ment le vœu pater­nel que Nous adres­sons aux époux qui viennent à Rome implo­rer la béné­dic­tion apos­to­lique, gage de faveurs célestes, de paix, de bon­heur pour tous ceux qui la reçoivent.

Pax vobis ! La paix soit avec vous ! Nous vous adres­sons aujourd’­hui ce vœu pro­fon­dé­ment chré­tien, pré­cieux legs du divin Maître, et il Nous plaît d’en rele­ver la haute signification.

La paix, source de vrai bon­heur, ne peut venir que de Dieu, elle ne peut se trou­ver qu’en Dieu : « Seigneur, vous nous avez créés pour vous, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en vous ! » Aussi n’est-​ce qu’au ciel, dans la vision de la divine essence, que l’homme connaî­tra le bon­heur abso­lu, le bon­heur entier et par­fait. Mais au milieu même de la vie ter­restre, la condi­tion fon­da­men­tale de la vraie paix et de la sainte joie est l’a­ban­don amou­reux et filial à la volon­té divine. Tout ce qui relâche et affai­blit cette confor­mi­té, tout ce qui atté­nue et brise cette union, est en oppo­si­tion avec la paix, avant tout et sur­tout le péché. Le péché est rup­ture et dés­union, désordre et trouble, remords et crainte, et ceux qui résistent à la volon­té de Dieu n’ont pas et ne peuvent pas avoir la paix : Quis res­ti­tit ei et pacem habuit ? « Qui lui a résis­té et est demeu­ré en paix ? » (Jb 9, 4). Au contraire la paix est l’heu­reux par­tage de ceux qui observent la loi de Dieu : Pax mul­ta dili­gen­ti­bus legem tuam ! « Grande est la paix pour ceux qui aiment votre loi. » (Ps 118, 165).

C’est sur ce solide fon­de­ment que les époux et parents chré­tiens bâtissent le bon­heur de leur foyer et qu’ils éta­blissent la paix de leur famille. Tout impré­gnée d’a­mour et de cha­ri­té, la famille chré­tienne fuit l’é­goïsme et la recherche des propres satis­fac­tions. Ainsi, alors même que dis­pa­raissent les fugaces attraits des sens, alors que se fanent et tombent, l’une après l’autre, les fleurs de la juvé­nile beau­té, alors que l’i­ma­gi­na­tion voit s’é­va­nouir ses illu­sions d’an­tan, même alors il reste tou­jours entre les deux époux, entre les parents et les enfants, il reste le lien des cœurs, il reste la grande âme de la vie domes­tique, l’im­muable amour, et avec lui le bon­heur et la paix.

Celui, au contraire, qui tient le rite sacré des noces chré­tiennes pour une simple céré­mo­nie exté­rieure qu’on accom­plit pour suivre une cou­tume, celui qui y apporte une âme en état de péché grave, et par là pro­fane le sacre­ment du Christ, celui-​là tarit la source de grâces sur­na­tu­relles des­ti­nées, dans les admi­rables des­seins de la Providence, à fécon­der le jar­din de la famille, à faire éclore les fleurs des ver­tus chré­tiennes et mûrir les fruits de la vraie paix et de la joie la plus pure

Ces familles inau­gu­rées dans le péché don­ne­ront contre les écueils à la pre­mière tem­pête, ou bien, comme un navire aban­don­né aux flots, elles iront à la dérive de doc­trines qui, sous les appa­rences de liber­té ou de licence, pré­parent l’es­cla­vage le plus dur. Les pro­fa­na­teurs de la famille n’au­ront pas la paix. Seule la famille chré­tienne, docile aux lois du Créateur et du Rédempteur et sou­te­nue par la grâce, est une garan­tie de paix.

Telle est, jeunes époux, la por­tée de Notre ardent et sin­cère sou­hait pater­nel : paix avec Dieu dans la dépen­dance de sa volon­té, paix avec les hommes dans l’a­mour de la véri­té, paix avec soi-​même dans la maî­trise des pas­sions : triple paix qui est le seul vrai bon­heur dont puisse jouir notre pèle­ri­nage ter­restre. Que de ce grand bien vous soit un gage la pater­nelle béné­dic­tion que Nous vous don­nons de tout cœur.

PIE XII, Pape.