Donné à Castel-Gandolfo près Rome, le 20 octobre de l’an 1939
Vénérables Frères, Salut et Bénédiction apostolique.
Les mystérieux desseins du Seigneur Nous ont confié, sans aucun mérite de Notre part, la très haute dignité et les très graves sollicitudes du souverain pontificat précisément dans l’année qui ramène le quarantième anniversaire de la consécration du genre humain au Cœur Sacré du Rédempteur, prescrite par Notre immortel prédécesseur Léon XIII au déclin du siècle dernier, au seuil de l’Année Sainte.
Avec quelle joie, avec quelle émotion et quel intime acquiescement Nous accueillîmes alors comme un message céleste l’Encyclique Annum Sacrum, au moment même où, jeune lévite, Nous venions de pouvoir réciter l’Introïbo ad altare Dei (Ps. XLII, 4) ! Et avec quel ardent enthousiasme Nous unîmes Notre cœur aux pensées et aux intentions qui animaient et guidaient cet acte vraiment providentiel d’un pontife qui, avec tant de profonde pénétration, connaissait les besoins et les plaies, visibles et cachées, de son temps ! Comment pourrions-Nous donc ne pas sentir aujourd’hui une profonde reconnaissance envers la Providence, qui a voulu faire coïncider Notre première année de pontificat avec un souvenir aussi important et aussi cher de Notre première année de sacerdoce ; et comment pourrions-Nous ne pas saisir avec joie cette occasion, pour faire du culte au Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs (I Tim., VI, 15 ; Apoc., XIX 16) comme la prière d’Introït de Notre pontificat, dans l’esprit de Notre inoubliable prédécesseur et en fidèle réalisation de ses intentions ? Comment n’en ferions-Nous pas l’alpha et l’oméga de Notre volonté et de Notre espérance, de Notre enseignement et de Notre activité, de Notre patience et de Nos souffrances, toutes consacrées à la diffusion du règne du Christ ?
Si Nous contemplons sub specie aeternitatis les événements extérieurs et les développements intérieurs des quarante dernières années, en en mesurant les grandeurs et les lacunes, cette consécration universelle au Christ-Roi apparaît toujours davantage au regard de Notre esprit dans sa signification sacrée, dans son symbolisme riche d’exhortation, dans son but de purification et d’élévation, de raffermissement et de défense des âmes, et en même temps dans sa prévoyante sagesse, visant à guérir et à ennoblir toute société humaine et à en promouvoir le véritable bien. Toujours plus clairement elle se révèle à Nous comme un message d’exhortation et de grâce envoyé par Dieu non seulement à son Eglise, mais aussi à un monde qui n’avait que trop besoin d’un excitateur et d’un guide, alors que, plongé dans le culte des biens passagers, il s’égarait toujours plus et s’épuisait dans la froide recherche d’idéals terrestres ; un message à une humanité qui, en troupes toujours plus nombreuses, se détachait de la foi au Christ et plus encore de la reconnaissance et de l’observation de sa loi ; un message contre une conception du monde à laquelle la doctrine d’amour et de renoncement du Sermon sur la Montagne et le divin témoignage d’amour rendu sur la Croix apparaissaient scandale et folie.
Comme un jour le Précurseur du Seigneur, en réponse à ceux qui l’interrogeaient pour s’éclairer, proclamait : Voici l’Agneau de Dieu (Io, I, 29), les avertissant par là que le Désiré des Nations (Agg., II, 8) demeurait quoique encore inconnu, au milieu d’eux, ainsi le représentant du Christ adressait suppliant son cri vigoureux : Voici votre Roi ! (Io, XIX, 14) aux renégats, aux sceptiques, aux indécis, aux hésitants, qui refusaient de suivre le Rédempteur glorieux toujours vivant et agissant dans son Eglise, ou ne le suivaient qu’avec insouciance et lenteur.
La diffusion et l’approfondissement du culte rendu au Divin Cœur du Rédempteur, culte qui trouva son splendide couronnement non seulement dans la consécration de l’humanité, au déclin du siècle dernier, mais aussi dans l’introduction de la fête de la Royauté du Christ par Notre immédiat prédécesseur, d’heureuse mémoire, ont été une source d’indicibles bienfaits pour des âmes sans nombre, un fleuve qui réjouit de ses courants la Cité de Dieu (Ps., XLV, 5). Quelle époque eut jamais plus grand besoin que la nôtre de ces bienfaits ? Quelle époque fut plus que la nôtre tourmentée de vide spirituel et de profonde indigence intérieure, en dépit de tous les progrès d’ordre technique et purement civil ? Ne peut-on pas lui appliquer la parole révélatrice de l’Apocalypse : Tu dis : je suis riche et dans l’abondance et je n’ai besoin de rien ; et tu ne sais pas que tu es un malheureux, un misérable, pauvre, aveugle et nu (Apoc., III, 17) ?
Vénérables Frères, peut-il y avoir un devoir plus grand et plus urgent que d’annoncer les insondables richesses du Christ (Eph., III, 8) aux hommes de notre temps ? Et peut-il y avoir chose plus noble que de déployer les Etendards du Roi - Vexilla Regis – devant ceux qui ont suivi et suivent des emblèmes trompeurs, et de regagner au drapeau victorieux de la Croix ceux qui l’ont abandonné ? Quel cœur ne devrait pas brûler de prêter son aide, à la vue de tant de frères et de sœurs qui, à la suite d’erreurs, de passions, d’excitations et de préjugés, se sont éloignés de la foi au vrai Dieu et se sont détachés du joyeux message sauveur de Jésus-Christ ?
Celui qui appartient à la Milice du Christ – qu’il soit ecclésiastique ou laïque – ne devrait-il pas se sentir stimulé et excité à une plus grande vigilance, à une défense plus résolue, quand il voit augmenter sans cesse les rangs des ennemis du Christ, quand il s’aperçoit que les porte-parole de ces tendances, reniant ou tenant en oubli dans la pratique les vérités vivificatrices et les valeurs contenues dans la foi en Dieu et au Christ, brisent d’une main sacrilège les tables des commandements de Dieu pour les remplacer par des tables et des règles d’où est bannie la substance morale de la révélation du Sinaï, l’esprit du Sermon sur la Montagne et de la Croix ? Qui pourrait sans un profond chagrin observer comment ces déviations font mûrir une tragique moisson parmi ceux qui, dans les jours de tranquillité et de sécurité, se comptaient au nombre des disciples du Christ, mais qui – plus chrétiens, hélas ! de nom que de fait – à l’heure où il faut persévérer, lutter, souffrir, affronter les persécutions cachées ou ouvertes, deviennent victimes de la pusillanimité, de la faiblesse, de l’incertitude, et, pris de terreur en face des sacrifices que leur impose leur profession de foi chrétienne, ne trouvent pas la force de boire le calice amer des fidèles du Christ ?
Dans ces conditions de temps et d’esprit, Vénérables Frères, puisse la toute prochaine fête du Christ-Roi, pour laquelle vous sera parvenue cette première Encyclique que Nous vous adressons, être un jour de grâce, de profond renouvellement et de réveil des âmes dans l’esprit du Règne du Christ ! Que ce soit un jour où la consécration du genre humain au divin Cœur, laquelle devra être célébrée d’une manière particulièrement solennelle, rassemble auprès du trône du Roi éternel les fidèles de tous les peuples et de toutes les nations, unis dans l’adoration et la réparation, pour lui renouveler, ainsi qu’à sa loi de vérité et d’amour, le serment d’une fidélité indéfectible et perpétuelle ! Que ce soit pour les fidèles un jour de grâce, où le feu, que le Seigneur est venu apporter sur la terre, se développe en une flamme toujours plus lumineuse et plus pure ! Que ce soit, pour les tièdes, pour les fatigués, pour les tristes, un jour de grâce et que leurs cœurs pusillanimes voient mûrir de nouveaux fruits de renaissance spirituelle et d’accroissement de vigueur surnaturelle ! Que ce soit un jour de grâce pour ceux aussi qui n’ont pas connu le Christ ou qui l’ont perd ; un jour où s’élève vers le ciel, du fond de millions de cœurs fidèles, cette prière : Puisse la lumière qui illumine tout homme venant en ce monde (Io., I, 9) faire luire pour eux la voie du salut ; puisse sa grâce susciter dans le cœur sans repos des errants la nostalgie des biens éternels, les pressant de revenir vers Celui qui, du trône douloureux de la Croix, a soif aussi de leurs âmes et brûle du désir de devenir, pour elles aussi, la Voie, la Vérité et la Vie (Io, XIV, 6).
En plaçant cette première Encyclique de Notre pontificat sous le signe du Christ-Roi, le cœur plein de confiance et d’espérance, Nous Nous sentons entièrement sûr de l’acquiescement unanime et enthousiaste du troupeau du Seigneur tout entier. Les expériences, les anxiétés et les épreuves de l’heure présente réveillent, avivent et purifient le sentiment de la communauté de la famille catholique à un degré rarement expérimenté jusqu’ici.
Elles suscitent chez tous ceux qui croient en Dieu et au Christ la conscience d’une commune menace venant d’un commun danger. De cet esprit de communauté catholique, puissamment augmenté dans des circonstances si difficiles, et qui est à la fois recueillement et affirmation, résolution et volonté de victoire, Nous avons senti un souffle consolant et inoubliable pendant les jours où, d’un pas timide, mais confiant en Dieu, Nous prenions possession de la Chaire que la mort de Notre grand prédécesseur avait laissée vide.
Plein du souvenir encore si vif des innombrables témoignages de fidèle attachement à l’Eglise et au Vicaire du Christ, qui Nous furent adressés à l’occasion de Notre élection et de Notre couronnement, avec des manifestations si tendres, si chaleureuses, si spontanées, Nous sommes heureux de saisir cette occasion propice pour adresser à vous, Vénérables Frères, et à tous ceux qui appartiennent au troupeau du Seigneur, un mot de remerciement ému pour ce pacifique plébiscite d’amour respectueux et de fidélité inébranlable à la Papauté, par lequel on a voulu reconnaître la mission providentielle du Souverain Prêtre et du Suprême Pasteur : car en vérité toutes ces manifestations n’étaient pas et ne pouvaient pas être adressées à Notre pauvre personne, mais à l’unique, à l’éminente charge à laquelle le Seigneur Nous élevait. Que si, dès ce premier moment, Nous sentions déjà tout le poids des graves responsabilités attachées à la puissance suprême qui Nous était conférée par la divine Providence, c’était en même temps pour Nous un réconfort de voir cette grandiose et palpable démonstration de l’indivisible unité de l’Eglise catholique, qui se serre d’autant plus compacte contre le rocher infrangible de Pierre et l’entoure de murailles et de bastions d’autant plus solides que l’audace des ennemis du Christ s’accroît davantage. Ce plébiscite d’unité catholique mondiale et de fraternité surnaturelle de peuples autour du Père commun Nous semblait d’autant plus riche d’heureuses espérances que plus tragiques étaient les circonstances matérielles et spirituelles du moment où il arrivait ; et son souvenir a continué de Nous réconforter pendant les premiers mois de Notre pontificat, au cours desquels Nous avons déjà expérimenté les fatigues, les anxiétés et les épreuves dont est semé le chemin de l’Epouse du Christ à travers le monde.
Nous ne voulons pas non plus passer sous silence quel écho de reconnaissance émue ont suscité dans Notre cœur les vœux de ceux qui, bien que n’appartenant pas au corps visible de l’Eglise Catholique, n’ont pas oublié dans la noblesse et la sincérité de leurs sentiments, tout ce qui, ou dans l’amour envers la personne du Christ, ou dans la croyance en Dieu, les unit à Nous. Qu’à tous aille l’expression de Notre gratitude. Nous les confions tous et chacun à la protection et à la conduite du Seigneur, en donnant l’assurance solennelle qu’une seule pensée domine Notre esprit : imiter l’exemple du Bon Pasteur pour conduire tous les hommes au vrai bonheur : afin qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance (Io. X, 10).
Mais en particulier Nous ressentons un vif désir d’exprimer Notre intime gratitude pour les témoignages de déférent respect, que Nous ont adressés les souverains, les chefs d’Etat ou les autorités constituées des nations avec lesquelles le Saint-Siège entretient des relations amiables.
C’est une joie singulière pour Notre cœur, de pouvoir, en cette première Encyclique adressée au peuple chrétien épars dans le monde, compter parmi elles la chère Italie, jardin fertile de la foi plantée par les princes des apôtres, et qui, grâce à l’œuvre providentielle des accords du Latran, occupe désormais une place d’honneur parmi les Etats représentés officiellement auprès du Siège apostolique. De ces accords a pris naissance, comme l’aurore d’une tranquille et fraternelle union des âmes devant les saints autels et dans les relations de la vie civile, la pax Christi Italiae reddita, la paix du Christ rendue à l’Italie. Nous supplions le Seigneur de permettre que l’atmosphère sereine de cette paix imprègne, avive, dilate et affermisse, puissamment et profondément, l’âme du peuple italien, qui Nous est si proche, au milieu duquel Nous respirons le même souffle de vie. A Nos prières se joignent Nos souhaits pour que ce peuple, si cher à Nos prédécesseurs et à Nous-même, fidèle à ses glorieuses traditions catholiques sente chaque jour davantage, grâce à la haute protection du ciel, la vérité des paroles du psalmiste : « Beatus populus, cuius Dominus Deus eius (Ps., CXLIII, 15.) Bienheureux le peuple qui a le Seigneur pour son Dieu ! »
Cette nouvelle situation juridique et spirituelle, que tant de vœux appelaient, et que les accords du Latran, destinés à laisser une empreinte indélébile dans l’histoire, ont créée et sanctionnée pour l’Italie et pour toutl’univers catholique, Nous n’en avons jamais mieux senti toute la grandeur et la puissance d’union, qu’à l’instant où, de la loge élevée de la Basilique Vaticane, pour la première fois, Nous avons ouvert Nos bras et étendu Notre main bénissante sur cette Rome, siège de la Papauté et Notre bien-aimée ville natale, sur l’Italie réconciliée avec l’Eglise, et sur les peuples du monde entier.
Comme Vicaire de Celui qui, en une heure décisive, devant le représentant de la plus haute autorité terrestre d’alors, prononça la grande parole : Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité ; quiconque est de la vérité écoute ma voix (Io, XVIII, 37), il n’est rien dont Nous Nous sentions davantage débiteur envers Notre charge et envers Notre temps, que de rendre, avec une apostolique fermeté, témoignage à la vérité : testimonium perhibere veritati. Ce devoir comprend nécessairement l’exposé et la réfutation d’erreurs et de fautes humaines, qu’il est nécessaire de connaître, pour qu’il soit possible de les soigner et de les guérir : vous connaîtrez la vérité et la vérité vous délivrera (Io, VIII, 32).
Dans l’accomplissement de ce devoir qui Nous incombe, Nous ne Nous laisserons pas influencer par des considérations terrestres ni arrêter par des défiances et des oppositions, par des refus et des incompréhensions, ou par la crainte de méconnaissances et de fausses interprétations. Mais Nous le remplirons toujours, animé de cette charité paternelle, qui, tandis qu’elle souffre des maux qui tourmentent ses fils, leur en indique le remède ; c’est dire que Nous Nous efforcerons d’imiter le divin modèle des pasteurs, le Bon Pasteur Jésus, qui est à la fois lumière et amour : pratiquant la vérité dans la charité (Eph., XV, 15).
A l’entrée du chemin qui conduit à l’indigence spirituelle et morale des temps présents se trouvent les efforts néfastes d’un grand nombre d’hommes pour détrôner le Christ, l’abandon de la loi de la vérité, qu’il annonça, de la loi de l’amour, qui est le souffle vital de son règne.
La reconnaissance des droits royaux du Christ et le retour des individus et de la société à la loi de sa vérité et de son amour sont la seule voie de salut.
Au moment, Vénérables Frères, où Nous traçons ces lignes, Nous arrive l’affreuse nouvelle que le terrible ouragan de la guerre, malgré toutes les tentatives faites par Nous pour le conjurer, s’est déjà déchaîné. Notre plume voudrait s’arrêter quand Nous pensons à l’abîme de souffrances d’innombrables êtres, auxquels hier encore, dans le milieu familial, souriait un rayon de modeste bien-être. Notre cœur paternel est saisi d’angoisse quand Nous prévoyons tout ce qui pourra germer de la ténébreuse semence de la violence et de la haine, à laquelle l’épée ouvre aujourd’hui des sillons sanglants. Mais précisément devant ces prévisions apocalyptiques de malheurs imminents ou futurs, Nous considérons comme Notre devoir d’élever avec une insistance croissante les yeux et les cœurs de quiconque garde encore un sentiment de bonne volonté, vers Celui de qui seul dérive le salut du monde, le Seul dont la main toute-puissante et miséricordieuse puisse mettre fin à cette tempête, le Seul dont la vérité et l’amour puissent illuminer les intelligences et enflammer les âmes d’une si grande partie de l’humanité plongée dans l’erreur, dans l’égoïsme, dans les oppositions et dans la lutte pour la replacer dans l’ordre, dans l’esprit de la Royauté du Christ.
Peut-être – Dieu le veuille ! – est-il permis d’espérer que cette heure de suprême indigence sera aussi une heure de changement d’idées et de sentiments pour beaucoup, qui marchaient jusqu’ici avec une confiance aveugle dans le chemin d’erreurs modernes si répandues, sans soupçonner à quel point était semé d’embûches et d’incertitudes le terrain sur lequel ils se trouvaient. Beaucoup peut-être, qui ne saisissaient pas l’importance de la mission éducatrice et pastorale de l’Eglise, comprendront-ils mieux maintenant les avertissements de l’Eglise, par eux négligés dans la fausse sécurité des temps passés. Les angoisses du présent sont une apologie du Christianisme, qui ne saurait être plus impressionnante. Du gigantesque tourbillon d’erreurs et de mouvements antichrétiens ont mûri des fruits si amers, qu’ils en constituent une condamnation dont l’efficacité surpasse toute réfutation théorique.
Des heures de si pénible désillusion sont souvent des heures de grâce, un passage du Seigneur (Exod., XII, 11), auquel sur la parole du Sauveur : Me voici à l’entrée et je frappe (Apoc., III, 20), s’ouvrent des portes qui sans cela seraient restées fermées. Dieu sait avec quel amour compatissant, avec quelle sainte joie Notre cœur se tourne vers ceux qui, à la suite de douloureuses expériences comme celles-ci, sentiraient naître en eux le pressant et salutaire désir de la vérité, de la justice et de la paix du Christ. Mais même envers ceux pour qui n’a pas encore sonné l’heure de l’illumination suprême, Notre cœur ne connaît qu’amour et Nos lèvres n’ont que des prières au Père des lumières, afin qu’il fasse resplendir dans leurs cœurs indifférents ou ennemis du Christ un rayon de cette lumière qui un jour transforma Saul en Paul, de cette lumière qui a montré sa force mystérieuse précisément dans les temps les plus difficiles pour l’Eglise.
Une prise de position doctrinale complète contre les erreurs des temps présents peut être renvoyée, s’il en est besoin, à un autre moment, moins bouleversé que celui-ci par les calamités des événements extérieurs. Nous Nous bornons aujourd’hui à quelques observations fondamentales.
Le temps actuel, Vénérables Frères, ajoutant aux déviations doctrinales du passé de nouvelles erreurs les a poussées à des extrémités d’où ne pouvaient s’ensuivre qu’égarement et ruine. Et avant tout il est certain que la racine profonde et dernière des maux que Nous déplorons dans la société moderne est négation et le rejet d’une règle de moralité universelle, soit dans la vie individuelle, soit dans la vie sociale et dans les relations internationales : c’est-à-dire la méconnaissance et l’oubli, si répandus de nos jours, de la loi naturelle elle-même, laquelle trouve son fondement en Dieu, créateur tout-puissant et père de tous, suprême et absolu législateur, omniscient et juste vengeur des actions humaines. Quand Dieu est renié, toute base de moralité s’en trouve ébranlée du même coup, et l’on voit s’étouffer ou du moins s’affaiblir singulièrement la voix de la nature, qui enseigne même aux ignorants et aux tribus non encore arrivées à la civilisation ce qui est bien et ce qui est mal, le licite et l’illicite, et fait sentir à chacun la responsabilité de ses actions devant un juge suprême.
Or la négation de la base fondamentale de la moralité eut en Europe sa racine originelle dans l’abandon de la doctrine du Christ, dont la Chaire de Pierre est dépositaire et maîtresse. Cette doctrine, durant un temps, avait donné une cohésion spirituelle à l’Europe, laquelle, éduquée, ennoblie et civilisée par la Croix, était arrivée à un tel degré de progrès civil, qu’elle pouvait enseigner d’autres peuples et d’autres continents. Une fois détachés, en revanche, du Magistère infaillible de l’Eglise, de nombreux frères séparés en sont arrivés à renverser le dogme central du christianisme, la divinité du Sauveur, accélérant ainsi le mouvement de dissolution spirituelle.
Le saint Evangile raconte que, quand Jésus fut crucifié, les ténèbres se firent sur toute la terre (Matth., XXVII, 45) : effrayant symbole de ce qui est arrivé et arrive encore dans les esprits, partout où l’incrédulité aveugle et orgueilleuse d’elle-même a de fait exclu le Christ de la vie moderne, spécialement de la vie publique, et avec la foi au Christ a ébranlé aussi la foi en Dieu. Les valeurs morales selon lesquelles, en d’autres temps, on jugeait les actions privées et publiques sont tombées, par voie de conséquence, comme en désuétude ; et la laïcisation si vantée de la société, qui a fait des progrès toujours plus rapides, soustrayant l’homme, la famille et l’Etat à l’influence bienfaisante et régénératrice de l’idée de Dieu et de l’enseignement de l’Eglise, a fait réapparaître, même dans des régions où brillèrent pendant tant de siècles les splendeurs de la civilisation chrétienne, les signes toujours plus clairs, toujours plus distincts, toujours plus angoissants d’un paganisme corrompu et corrupteur : les ténèbres se firent tandis qu’ils crucifiaient Jésus [1].
Beaucoup peut-être, en s’éloignant de la doctrine du Christ, n’eurent pas pleinement conscience d’être induits en erreur par le mirage de phrases brillantes, qui célébraient ce détachement comme une libération du servage dans lequel ils auraient été auparavant retenus ; ils ne prévoyaient pas davantage les amères conséquences de ce triste échange entre la vérité qui délivre et l’erreur qui asservit ; et ils ne pensaient pas qu’en renonçant à la loi infiniment sage et paternelle de Dieu et à l’unifiante et élevante doctrine d’amour du Christ, ils se livraient à l’arbitraire d’une pauvre et changeante sagesse humaine : ils parlèrent de progrès alors qu’ils reculaient ; d’élévation alors qu’ils se dégradaient ; d’ascension vers la maturité, alors qu’ils tombaient dans l’esclavage ; ils ne percevaient pas l’inanité de tout effort humain tendant à remplacer la loi du Christ par quelque autre chose qui l’égale : ils se perdirent dans la vanité de leurs pensées. (Rom., I, 21.).
Quand fut affaiblie la foi en Dieu et en Jésus-Christ, quand fut obscurcie dans les âmes la lumière des principes moraux, du même coup se trouva sapé le fondement unique, et impossible à remplacer, de cette stabilité, de cette tranquillité, de cet ordre extérieur et intérieur, privé et public, qui seul peut engendrer et sauvegarder la prospérité des Etats.
Certes, même quand l’Europe fraternisait dans des idéals identiques reçus de la prédication chrétienne, il ne manqua pas de dissensions, de bouleversements et de guerres qui la désolèrent ; mais jamais peut-être on n’éprouva à un degré aussi aigu le découragement propre à nos jours sur la possibilité d’y mettre fin : c’est qu’elle était vive alors, cette conscience du juste et de l’injuste, du licite et de l’illicite, qui facilite les ententes en mettant un frein au déchaînement des passions et qui laisse la porte ouverte à une honnête composition. De nos jours, au contraire, les dissensions ne proviennent pas seulement d’élans de passions rebelles, mais d’une profonde crise spirituelle qui a bouleversé les sages principes de la morale privée et publique.
Parmi les multiples erreurs qui jaillissent de la source empoisonnée de l’agnosticisme religieux et moral, il en est deux, Vénérables Frères, sur lesquelles Nous voulons attirer votre attention d’une façon particulière, comme étant celles qui rendent presque impossible, ou au moins précaire et incertaine, la pacifique vie en commun des peuples.
La première de ces pernicieuses erreurs, aujourd’hui largement répandue, est l’oubli de cette loi de solidarité humaine et de charité, dictée et imposée aussi bien par la communauté d’origine et par l’égalité de la nature raisonnable chez tous les hommes, à quelque peuple qu’ils appartiennent, que par le sacrifice de rédemption offert par Jésus-Christ sur l’autel de la Croix à son Père céleste en faveur de l’humanité pécheresse.
De fait la première page de l’Ecriture, avec une grandiose simplicité, nous raconte comment Dieu couronna son œuvre créatrice en faisant l’homme à son image et à sa ressemblance (cf. Gen., I, 26–27) et le même Livre saint nous enseigne qu’il l’enrichit de dons et de privilèges surnaturels, le destinant à une éternelle et ineffable félicité. L’Ecriture nous montre en outre comment du premier couple tirèrent leur origine les autres hommes, dont elle nous fait suivre, avec une plasticité de langage qui n’a pas été dépassée, la division en plusieurs groupes et la dispersion dans les diverses parties du monde. Même quand ils s’éloignèrent de leur Créateur, Dieu ne cessa de les considérer comme des fils qui devaient un jour, selon ses miséricordieux desseins, être encore une fois réunis dans son amitié (cf. Gen., XII, 3).
L’Apôtre des Nations, à son tour, se fait le héraut de cette vérité, qui unit fraternellement tous les hommes en une grande famille, quand il annonce au monde grec que Dieu « a fait sortir d’une souche unique toute la descendance des hommes, pour qu’elle peuplât la surface de la terre, et a fixé la durée de son existence et les limites de son habitacle, afin que tous cherchent le Seigneur » (Act., XVII, 26–27.)
Merveilleuse vision, qui nous fait contempler le genre humain dans l’unité de son origine en Dieu : un seul Dieu, Père de tous, qui est au-dessus de tous, et en toutes choses, et en chacun de nous (Eph., IV, 6); dans l’unité de sa nature, composée pareillement chez tous d’un corps matériel et d’une âme spirituelle et immortelle ; dans l’unité de sa fin immédiate et de sa mission dans le monde, dans l’unité de son habitation : la terre, des biens de laquelle tous les hommes, par droit de nature, peuvent user pour soutenir et développer la vie ; dans l’unité de sa fin surnaturelle : Dieu même, à qui tous doivent tendre, dans l’unité des moyens pour atteindre cette fin.
Et le même apôtre nous montre l’humanité dans l’unité de ses rapports avec le Fils de Dieu, image du Dieu invisible, en qui toutes choses ont été créées : in ipso condita sunt universa (Col., I, 16) ; dans l’unité de son rachat opéré pour tous par le Christ, lequel a rétabli l’amitié originelle avec Dieu, qui avait été rompue, moyennant sa sainte et très douloureuse passion, se faisant médiateur entre Dieu et les hommes : car il n’y a qu’un Dieu, et qu’un médiateur entre Dieu et les hommes : le Christ Jésus fait homme (I Tim., II, 5.)
Et pour rendre plus intime cette amitié entre Dieu et l’humanité, ce même médiateur divin et universel de salut et de paix, dans le silence sacré du Cénacle, avant de consommer le sacrifice suprême, laissa tomber de ses lèvres divines la parole qui se répercute bien haut à travers les siècles, suscitant des héroïsmes de charité au milieu d’un monde vide d’amour et déchiré par la haine : Ceci est mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés (Io, XV, 12.)
Ce sont là des vérités surnaturelles, qui établissent des bases profondes et de puissants liens d’union, renforcés par l’amour de Dieu et du Divin Rédempteur, de qui tous reçoivent le salut « pour l’édification du corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité de la foi, à la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme parfait, selon la mesure de la pleine grandeur du Christ » (cf. Eph., IV, 12, 13).
A la lumière de cette unité en droit et en fait de l’humanité entière, les individus ne nous apparaissent pas sans liaison entre eux, comme des grains de sable, mais bien au contraire unis par des relations organiques, harmonieuses et mutuelles – variées selon la variété des temps, – et résultant de leur destination et de leur impulsion, naturelle et surnaturelle.
Et les nations en se développant et en se différenciant selon les diverses conditions de vie et de culture, ne sont pas destinées à mettre en pièces l’unité du genre humain, mais à l’enrichir et à l’embellir par la communication de leurs qualités particulières et par l’échange réciproque des biens, qui ne peut être possible et en même temps efficace que quand un amour mutuel et une charité vivement sentie unissent tous les enfants d’un même Père et toutes les âmes rachetées par un même sang divin.
L’Eglise du Christ, fidèle dépositaire de la divine sagesse éducatrice, ne peut penser ni ne pense à attaquer ou à mésestimer les caractéristiques particulières que chaque peuple, avec une piété jalouse et une compréhensible fierté, conserve et considère comme un précieux patrimoine. Son but est l’unité surnaturelle dans l’amour universel senti et pratiqué, et non l’uniformité exclusivement extérieure, superficielle et par là débilitante.
Toutes les orientations, toutes les sollicitudes, dirigées vers un développement sage et ordonné des forces et tendances particulières, qui ont leur racine dans les fibres les plus profondes de chaque rameau ethnique, pourvu qu’elles ne s’opposent pas aux devoirs dérivant pour l’humanité de son unité d’origine et de sa commune destinée, l’Eglise les salue avec joie et les accompagne de ses vœux maternels. Elle a montré à maintes reprises dans son activité missionnaire, que cette règle est l’étoile directrice de son apostolat universel. D’innombrables recherches et investigations de pionniers, accomplies en esprit de sacrifice, de dévouement et d’amour par les missionnaires de tous les temps, se sont proposé de faciliter l’intime compréhension et le respect des civilisations les plus variées et d’en rendre les valeurs spirituelles fécondes pour une vivante et vivifiante prédication de l’Evangile du Christ. Tout ce qui, dans ces usages et coutumes, n’est pas indissolublement lié à des erreurs religieuses sera toujours examiné avec bienveillance, et, quand ce sera possible, protégé et encouragé. Notre immédiat prédécesseur, de sainte et vénérée mémoire, appliquant ces règles à une question particulièrement délicate, prit là-dessus des décisions si généreuses qu’elles dressent comme un monument à l’ampleur de son intuition et à l’ardeur de son esprit apostolique. Et il n’est pas nécessaire, Vénérables Frères, de vous annoncer que Nous voulons marcher sans hésitation dans cette voie. Ceux qui entrent dans l’Eglise, quelle que soit leur origine ou leur langue, doivent savoir qu’ils ont un droit égal de fils dans la maison du Seigneur, où règnent la loi et la paix du Christ. C’est en conformité avec ces règles d’égalité, que l’Eglise consacre ses soins à former un clergé indigène à la hauteur de sa tâche, et à augmenter graduellement les rangs des évêques indigènes. Et pour donner à Nos intentions une expression extérieure, Nous avons choisi la fête prochaine du Christ-Roi pour élever à la dignité épiscopale, sur le tombeau du prince des apôtres, douze représentants des peuples ou groupes de peuples les plus divers.
Au milieu des déchirantes oppositions qui divisent la famille humaine, puisse cet acte solennel proclamer à tous Nos fils épars dans le monde que l’esprit, l’enseignement et l’œuvre de l’Église ne pourront jamais être différents de ce que prêchait l’apôtre des nations : « Revêtez-vous de l’homme nouveau, qui se renouvelle dans la connaissance de Dieu à l’image de celui qui l’a créé ; en lui il n’y a plus ni grec ou juif, ni circoncis ou incirconcis ; ni barbare ou Scythe, ni esclave ou homme libre : mais le Christ est tout et il est en tous » (Col., III, 10–11.)
Et il n’est pas à craindre que la conscience de la fraternité universelle, inculquée par la doctrine chrétienne, et le sentiment qu’elle inspire, soient en opposition avec l’amour que chacun porte aux traditions et aux gloires de sa propre patrie, et empêchent d’en promouvoir la prospérité et les intérêts légitimes ; car cette même doctrine enseigne que dans l’exercice de la charité il existe un ordre établi par Dieu, selon lequel il faut porter un amour plus intense et faire du bien de préférence à ceux à qui l’on est uni par des liens spéciaux. Le Divin Maître lui-même donna l’exemple de cette préférence envers sa terre et sa patrie en pleurant sur l’imminente destruction de la Cité sainte. Mais le légitime et juste amour de chacun envers sa propre patrie ne doit pas faire fermer les yeux sur l’universalité de la charité chrétienne, qui enseigne à considérer aussi les autres et leur prospérité dans la lumière pacifiante de l’amour.
Telle est la merveilleuse doctrine d’amour et de paix qui a si noblement contribué au progrès civil et religieux de l’humanité. Et les hérauts qui l’annoncèrent, mus par une surnaturelle charité, non seulement se montrèrent défricheurs des terres et médecins des corps, mais surtout ils améliorèrent, modelèrent et élevèrent la vie à des altitudes divines, la lançant vers les sommets de la sainteté, où l’on voit tout dans la lumière de Dieu.
Ils édifièrent des monuments et des temples, qui montrent vers quelles hauteurs géniales l’idéal chrétien pousse l’âme dans son vol, mais surtout ils firent d’hommes, sages ou ignorants, forts ou faibles, des temples vivants de Dieu et des sarments de la même vigne : le Christ ; ils transmirent aux générations futures les trésors de l’art et de la sagesse antique, mais surtout ils les rendirent participantes de cet ineffable don de la sagesse éternelle, qui fait fraterniser les hommes et les unit par un lien de surnaturelle appartenance.
Vénérables Frères, si l’oubli de la loi de charité universelle, qui seule peut consolider la paix en éteignant les haines et en atténuant les rancœurs et les oppositions, est la source de maux très graves pour la pacifique vie en commun des peuples, il est une autre erreur non moins dangereuse pour le bien-être des nations et la prospérité de la grande société humaine qui rassemble et embrasse dans ses limites toutes les nations : c’est l’erreur contenue dans les conceptions qui n’hésitent pas à délier l’autorité civile de toute espèce de dépendance à l’égard de l’Etre suprême, cause première et maître absolu, soit de l’homme soit de la société, et de tout lien avec la loi transcendante qui dérive de Dieu comme de sa première source. De telles conceptions accordent à l’autorité civile une faculté illimitée d’action, abandonnée aux ondes changeantes du libre arbitre ou aux seuls postulats d’exigences historiques contingentes et d’intérêts s’y rapportant.
L’autorité de Dieu et l’empire de sa loi étant ainsi reniés, le pouvoir civil, par une conséquence inéluctable, tend à s’attribuer cette autorité absolue qui n’appartient qu’au Créateur et Maître suprême, et à se substituer au Tout-Puissant, en élevant l’État ou la collectivité à la dignité de fin ultime de la vie, d’arbitre souverain de l’ordre moral et juridique, et en interdisant de ce fait tout appel aux principes de la raison naturelle et de la conscience chrétienne.
Nous ne méconnaissons pas, il est vrai, que par bonheur, des principes erronés n’exercent pas toujours entièrement leur influence, surtout quand les traditions chrétiennes, plusieurs fois séculaires dont les peuples se sont nourris restent encore profondément – quoique inconsciemment – enracinées dans les cœurs. Toutefois, il ne faut pas oublier l’essentielle insuffisance et fragilité de toute règle de vie sociale qui reposerait sur un fondement exclusivement humain, s’inspirerait de motifs exclusivement terrestres, et placerait sa force dans la sanction d’une autorité simplement externe.
Là où est niée la dépendance du droit humain à l’égard du droit divin, là où l’on ne fait appel qu’à une vague et incertaine idée d’autorité purement terrestre, là où l’on revendique une autonomie fondée seulement sur une morale utilitaire, le droit humain lui-même perd justement dans ses applications les plus onéreuses l’autorité morale qui lui est nécessaire, comme condition essentielle, pour être reconnu et pour postuler même des sacrifices.
Il est bien vrai que le pouvoir fondé sur des bases aussi faibles et aussi vacillantes peut obtenir parfois, par le fait de circonstances contingentes, des succès matériels capables de susciter l’étonnement d’observateurs superficiels. Mais vient le moment où triomphe l’inéluctable loi qui frappe tout ce qui a été construit sur une disproportion, ouverte ou dissimulée, entre la grandeur du succès matériel et extérieur et la faiblesse de la valeur interne et de son fondement moral : disproportion qui se rencontre toujours, là où l’autorité publique méconnaît ou renie l’empire du Législateur suprême qui, s’il a donné la puissance aux gouvernants, en a aussi assigné et déterminé les limites.
La souveraineté civile, en effet, a été voulue par le Créateur (comme l’enseigne sagement Notre grand prédécesseur Léon XIII dans l’Encyclique Immortale Dei), afin qu’elle réglât la vie sociale selon les prescriptions d’un ordre immuable dans ses principes universels, qu’elle rendît plus aisée à la personne humaine, dans l’ordre temporel, l’obtention de la perfection physique, intellectuelle et morale, et qu’elle l’aidât à atteindre sa fin surnaturelle.
C’est par conséquent la noble prérogative et la mission de l’Etat, que de contrôler, aider et régler les activités privées et individuelles de la vie nationale, pour les faire converger harmonieusement vers le bien commun, lequel ne peut être déterminé par des conceptions arbitraires, ni trouver sa loi primordiale dans la prospérité matérielle de la société, mais bien plutôt dans le développement harmonieux et dans la perfection naturelle de l’homme, à quoi le Créateur a destiné la société en tant que moyen.
Considérer l’Etat comme une fin à laquelle toute chose doive être subordonnée et orientée ne pourrait que nuire à la vraie et durable prospérité des nations. Et c’est ce qui arrive, soit quand un tel empire illimité est attribué à l’Etat, considéré mandataire de la nation, du peuple, de la famille ethnique ou encore d’une classe sociale, soit quand l’Etat y prétend en maître absolu, indépendamment de toute espèce de mandat.
En effet, si l’Etat s’attribue et ordonne à soi les initiatives privées, celles-ci régies comme elles le sont par des règles internes délicates et complexes, garantissant et assurant l’obtention du but qui leur est propre, peuvent être lésées au détriment du bien public lui-même, du fait qu’elles se trouvent exclues de leur milieu naturel, autrement dit de leurs propres responsabilités et de leurs activités privées.
Même la première et essentielle cellule de la société : la famille, avec son bien-être et son accroissement, courrait alors le risque d’être considérée exclusivement sous l’angle de la puissance nationale ; et l’on oublierait que l’homme et la famille sont par nature antérieurs à l’Etat, et que le Créateur a donné à l’un et à l’autre des forces et des droits et leur a assigné une mission correspondant à des exigences naturelles certaines.
Ainsi, l’éducation des nouvelles générations ne viserait pas à un développement équilibré et harmonieux des forces physiques et de toutes les qualités intellectuelles et morales, mais à une formation unilatérale des vertus civiques, que l’on considère comme nécessaires à l’obtention des succès politiques. Par contre, les vertus qui donnent à la société son parfum de noblesse, d’humanité et de respect, on serait moins porté à les inculquer, comme si elles amoindrissaient la fierté du citoyen.
Nous avons devant les yeux, en douloureuse évidence, les périls qui, Nous en avons peur pourront dériver pour cette génération et pour les générations futures de la méconnaissance, de la diminution et de l’abolition progressive des droits propres de la famille. Aussi Nous dressons-Nous comme le ferme défenseur de ces droits en pleine conscience du devoir que Nous impose Notre ministère apostolique. Les difficultés de Notre époque, aussi bien extérieures qu’intérieures, matérielles ou spirituelles, les multiples erreurs avec leurs innombrables répercussions, nul ne les ressent plus amèrement que la noble petite cellule familiale. Un véritable courage, et, dans sa simplicité, un héroïsme digne d’admiration et de respect sont souvent nécessaires pour supporter les duretés de la vie, le poids quotidien des misères, les indigences croissantes et les restrictions dans une mesure jamais encore expérimentée et dont souvent on ne voit ni la raison ni la réelle nécessité.
Ceux qui ont charge d’âmes, ceux qui peuvent sonder les cœurs, connaissent les larmes cachées des mères, la douleur résignée de tant de pères, les innombrables amertumes, dont aucune statistique ne parle ni ne peut parler, ils voient d’un œil soucieux s’accroître sans cesse cette masse de souffrances, et ils savent comment les puissances de bouleversement et de destruction sont aux aguets, prêtes à s’en servir pour leurs ténébreux desseins.
Nul homme doué de bonne volonté et ayant des yeux pour voir ne pourra refuser à l’autorité de l’Etat, dans les conditions extraordinaires où se trouve le monde, un droit plus ample aussi qu’à l’ordinaire et proportionné aux circonstances, pour subvenir aux besoins du peuple. Mais l’ordre moral établi par Dieu exige que, même en de telles conjonctures, l’on soumette à un examen d’autant plus sérieux et pénétrant la licéité des mesures imposées et leur réelle nécessité, selon les règles du bien commun.
De toute façon, plus pesants sont les sacrifices matériels demandés par l” tat aux individus et aux familles, plus sacrés et inviolables doivent être pour lui les droits des consciences. Il peut exiger les biens et le sang, mais l’âme, rachetée par Dieu, jamais.
La mission assignée par Dieu aux parents, de pourvoir au bien matériel et spirituel de leurs enfants et de leur procurer une formation harmonieuse, pénétrée de véritable esprit religieux, ne peut leur être arrachée sans une grave lésion du droit. Cette formation doit certes avoir aussi pour but de préparer la jeunesse à remplir avec intelligence, conscience et fierté les devoirs d’un noble patriotisme, donnant à la patrie terrestre toute la mesure qui lui est due d’amour, de dévouement et de collaboration. Mais d’autre part, une formation qui oublierait, ou – pis encore – négligerait délibérément de diriger les yeux et le cœur de la jeunesse vers la patrie surnaturelle, serait une injustice contre la jeunesse, une injustice contre les inaliénables droits et devoirs de la famille chrétienne, une déviation, à laquelle il faut incontinent porter remède dans l’intérêt même du peuple et de l’État.
Une telle éducation paraîtra peut-être, à ceux qui en portent la responsabilité, source d’accroissement de force et de vigueur : en réalité elle serait le contraire, et de tristes conséquences le prouveraient. Le crime de lèse-majesté contre le Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs (I Tim., VI, 15, Apoc., XIX, 16) perpétré par une éducation indifférente ou hostile à l’esprit chrétien, le renversement du Laissez venir à moi les petits enfants (Marc, X, 14) porteraient des fruits bien amers.
Par contre, l’Etat qui enlève aux cœurs saignants et déchirés des pères et des mères chrétiennes leurs inquiétudes et les rétablit dans leurs droits, ne fait que travailler à sa propre paix intérieure et poser les bases d’un plus heureux avenir pour la patrie. Les âmes des enfants donnés par Dieu aux parents, consacrés au baptême par le sceau royal du Christ, sont un dépôt sacré sur lequel veille l’amour jaloux de Dieu. Le même Christ qui a dit : Laissez venir à moi les petits enfants a aussi, malgré sa miséricorde et sa bonté, menacé de maux terribles ceux qui scandaliseraient les privilégiés de son cœur. Et quel scandale plus dangereux pour les futures générations et plus durable qu’une formation de la jeunesse misérablement dirigée vers un but qui éloigne du Christ, Voie, Vérité, et Vie, et qui conduit à renier le Christ par une apostasie ouverte ou en cachette ? Le Christ, dont on veut aliéner les jeunes générations présentes et à venir, est Celui qui a reçu de son Père Eternel tout pouvoir au ciel et sur la terre. Il tient la destinée des Etats, des peuples et des nations dans sa main toute-puissante. C’est à lui qu’il appartient de diminuer ou d’accroître leur vie, leur développement, leur prospérité et leur grandeur. De tout ce qui est sur la terre, seule l’âme est douée d’une vie immortelle. Un système d’éducation qui ne respecterait pas l’enceinte sacrée de la famille chrétienne, protégée par la sainte loi de Dieu, qui en attaquerait les bases, qui fermerait à la jeunesse le chemin qui mène au Christ, aux sources de vie et de joie du Sauveur (cf. Is., XII, 3), qui considérerait l’apostasie du Christ et de l’Eglise comme symbole de fidélité à tel peuple ou à telle classe, prononcerait, ce faisant, sa propre condamnation et expérimenterait, le moment venu, l’inéluctable vérité des paroles du prophète : Ceux qui se détournent de toi seront inscrits sur le sable. (Jér, XVII, 13.)
La conception qui assigne à l’Etat une autorité illimitée est une erreur, Vénérables Frères, qui n’est pas seulement nuisible à la vie interne des nations, à leur prospérité et à l’augmentation croissante et ordonnée de leur bien-être : elle cause également du tort aux relations entre les peuples, car elle brise l’unité de la société supranationale, ôte son fondement et sa valeur au droit des gens, ouvre la voie à la violation des droits d’autrui et rend difficiles l’entente et la vie commune en paix. Le genre humain, en effet, bien qu’en vertu de l’ordre naturel établi par Dieu, il se divise en groupes sociaux, nations ou Etats, indépendants les uns des autres pour ce qui regarde la façon d’organiser et de régir leur vie interne, est uni cependant par des liens mutuels, moraux et juridiques, en une grande communauté, ordonnée au bien de toutes les nations et réglée par des lois spéciales qui protègent son unité et développent sa prospérité.
Or, qui ne voit que l’affirmation de l’autonomie absolue de l’Etat s’oppose ouvertement à cette loi immanente et naturelle ou, pour mieux dire, la nie radicalement, laissant au gré de la volonté des gouvernants la stabilité des relations internationales et enlevant toute possibilité de véritable union et de collaboration féconde en vue de l’intérêt général ? Car, Vénérables Frères, pour que puissent exister des contacts harmonieux et durables et des relations fructueuses, il est indispensable que les peuples reconnaissent et observent les principes de droit naturel international qui règlent leur développement et leur fonctionnement normaux. Ces principes exigent le respect des droits de chaque peuple à l’indépendance, à la vie et à la possibilité d’une évolution progressive dans les voies de la civilisation ; ils exigent en outre, la fidélité aux traités stipulés et sanctionnés conformément aux règles, du droit des gens.
Il n’est pas douteux que la condition préalable et nécessaire de toute vie commune pacifique entre les nations, l’âme même des relations juridiques existant entre elles, se trouve dans la confiance mutuelle, dans la prévision et la persuasion d’une réciproque fidélité à la parole donnée, dans la certitude que d’un côté comme de l’autre on est bien convaincu que mieux vaut la sagesse que les armes guerrières (Eccle., IX, 18) et que l’on est disposé à discuter et à ne pas recourir à la force ou à la menace de la force au cas où surgiraient des délais, des empêchements, des modifications et des contestations, toutes choses qui peuvent dériver, non de la mauvaise volonté, mais du changement des circonstances et de réels conflits d’intérêts.
Mais d’autre part, détacher le droit des gens de l’ancre du droit divin pour le fonder sur la volonté autonome des Etats, ce n’est pas autre chose que le détrôner et lui enlever ses titres les plus nobles et les plus valides, en le livrant au funeste dynamisme de l’intérêt privé et de l’égoïsme collectif, uniquement tourné à la mise en valeur de ses propres droits et à la méconnaissance de ceux des autres.
Il est vrai aussi qu’avec l’évolution des temps et les changements substantiels des circonstances, non prévus et peut-être impossibles à prévoir au moment de la stipulation, un traité, ou quelques-unes de ses clauses peuvent devenir ou paraître injustes, ou irréalisables, ou trop lourdes pour l’une des parties ; et il est clair que, si cela arrivait, on devrait instituer à temps une loyale discussion pour modifier ou remplacer le pacte. Mais considérer par principe les traités comme éphémères et s’attribuer tacitement la faculté de les annuler unilatéralement le jour où ils ne conviendraient plus, ce serait détruire toute confiance réciproque entre les Etats. L’ordre naturel se trouverait renversé, des fossés de séparation impossibles à combler se creuseraient entre les peuples et les nations.
Aujourd’hui, Vénérables Frères, tous observent avec effroi l’abîme où ont mené les erreurs que nous venons de dépeindre, avec leur mise en pratique et leurs conséquences. Elles sont tombées, les orgueilleuses illusions sur un progrès indéfini, et celui qui ne serait pas réveillé encore, le tragique présent le secouerait avec les paroles du prophète : Sourds, entendez, et aveugles, regardez (Is., XLII, 18). Ce qui semblait extérieurement de l’ordre n’était que désordre envahissant : bouleversement dans les règles de la vie morale, lesquelles s’étaient détachées de la majesté de la loi divine et avaient corrompu tous les domaines de l’activité humaine. Mais laissons le passé et tournons les yeux vers cet avenir, qui, selon les promesses des puissants de ce monde, au lendemain des luttes sanglantes d’aujourd’hui, consistera en un nouvel ordre fondé sur la justice et sur la prospérité. Cet avenir sera-t-il vraiment différent, sera-t-il surtout meilleur ? Les traités de paix, le nouvel ordre international à la fin de cette guerre, seront-ils animés de justice et d’équité envers tous, de cet esprit qui délivre et pacifie, ou seront-ils une lamentable répétition des erreurs anciennes et récentes ?
Attendre un changement décisif exclusivement du choc des armes et de son issue finale est vain, et l’expérience le démontre. L’heure de la victoire est une heure de triomphe extérieur pour le camp qui réussit à la remporter ; mais c’est en même temps l’heure de la tentation, où l’ange de la justice lutte avec le démon de la violence ; le cœur du vainqueur s’endurcit trop facilement ; la modération et une prévoyante sagesse lui semblent faiblesse ; le bouillonnement des passions populaires, attisé par les souffrances et les sacrifices supportés, voile souvent la vue aux dirigeants eux-mêmes et les rend inattentifs aux conseils de l’humanité et de l’équité, dont la voix est couverte ou éteinte par l’inhumain vae victis. Les résolutions et les décisions prises dans de telles conditions risqueraient de n’être que l’injustice sous le manteau de la justice.
Non, Vénérables Frères, le salut pour les nations ne vient pas des moyens extérieurs, de l’épée, qui peut imposer des conditions de paix, mais ne crée pas la paix. Les énergies qui doivent renouveler la face de la terre doivent venir du dedans, de l’esprit. Le nouvel ordre du monde, de la vie nationale et internationale, une fois apaisées les amertumes et les cruelles luttes actuelles, ne devra plus reposer sur le sable mouvant de règles changeantes et éphémères, laissées aux décisions de l’égoïsme collectif ou individuel.
Ces règles devront s’appuyer sur l’inébranlable fondement, sur le rocher infrangible du droit naturel et de la révélation divine. C’est là que le législateur humain doit puiser cet esprit d’équilibre, ce sens aigu de responsabilité morale sans lequel il est facile de méconnaître les limites entre l’usage légitime et l’abus du pouvoir. Alors seulement ses décisions auront une consistance interne, une noble dignité et une sanction religieuse, et ne seront plus à la merci de l’égoïsme et de la passion. Car s’il est vrai que les maux dont souffre l’humanité d’aujourd’hui proviennent en partie du déséquilibre économique et de la lutte des intérêts pour une plus équitable distribution des biens que Dieu a accordés à l’homme comme moyens de subsistance et de progrès, il n’en est pas moins vrai que leur racine est plus profonde et d’ordre interne : elle atteint en effet, les croyances religieuses et les convictions morales, qui se sont perverties au fur et à mesure que les peuples se détachaient de l’unité de doctrine et de foi, de coutumes et de mœurs, que faisait prévaloir jadis l’action infatigable et bienfaisante de l’Eglise.
La rééducation de l’humanité, si elle veut avoir quelque effet, doit être avant tout spirituelle et religieuse : elle doit, par conséquent, partir du Christ comme de son fondement indispensable, être réalisée par la justice et couronnée par la charité.
Accomplir cette œuvre de régénération en adaptant ses moyens au changement des conditions de temps et aux nouveaux besoins du genre humain, c’est l’office essentiel et maternel de l’Eglise. Prêcher l’Evangile, comme son divin Fondateur lui en a commis le soin, en inculquant aux hommes la vérité, la justice et la charité, faire effort pour en enraciner solidement les préceptes dans les âmes et dans les consciences : voilà le plus noble et le plus fructueux travail en faveur de la paix. Cette mission, dans son ampleur, semblerait devoir faire perdre courage à ceux qui constituent l’Eglise militante. Mais le travail pour la diffusion du royaume de Dieu, que chaque siècle a exécuté à sa manière, avec ses moyens, au prix de dures et multiples luttes, est un commandement qui oblige quiconque a été arraché par la grâce du Seigneur à l’esclavage de Satan et appelé par le baptême à être citoyen de ce royaume. Et si lui appartenir, vivre conformément à son esprit, travailler à son accroissement et rendre accessibles ses biens à la fraction de l’humanité qui n’en fait pas encore partie équivaut de nos jours à devoir affronter des empêchements et des oppositions vastes, profondes et minutieusement organisées comme jamais elles ne le furent, cela ne dispense pas de la franche et courageuse profession de foi, mais incite plutôt à tenir ferme dans la lutte, même au prix des plus grands sacrifices. Quiconque vit de l’esprit du Christ ne se laisse pas abattre par les difficultés qu’on lui oppose ; au contraire, il se sent stimulé à travailler de toutes ses forces et avec pleine confiance en Dieu ; il ne se soustrait pas aux angoisses et aux nécessités de l’heure, mais il en affronte les âpretés, prêt à servir, avec cet amour qui n’a pas peur du sacrifice, qui est plus fort que la mort et qui ne se laisse pas submerger par les remous impétueux des tribulations.
C’est avec un intime réconfort, Vénérables Frères, c’est avec une joie céleste, pour laquelle chaque jour Nous adressons à Dieu un humble et profond remerciement, que Nous remarquons dans toutes les parties du monde catholique les signes évidents d’un esprit qui affronte courageusement les tâches gigantesques du temps présent et qui, avec générosité et décision, s’emploie à unir dans une féconde harmonie avec le premier et essentiel devoir de la sanctification personnelle l’activité apostolique pour l’accroissement du règne de Dieu. Du mouvement des Congrès eucharistiques, développé avec une aimante sollicitude par Nos prédécesseurs, et de la collaboration des laïques, formés dans les rangs de l’Action catholique à la profonde conscience de leur noble mission, découlent des sources de grâces et des réserves de forces qui, dans les temps actuels, où les menaces s’accroissent, où plus grands sont les besoins, où fait rage la lutte entre christianisme et antichristianisme, pourraient difficilement être estimées à leur juste valeur.
Quand on est obligé de constater avec tristesse la disproportion entre le nombre des prêtres et les tâches qui les attendent, quand Nous voyons se vérifier encore aujourd’hui la parole du Sauveur : la moisson est grande, mais les ouvriers sont en petit nombre (Matth., IX, 37 ; Luc, X, 2), la collaboration de laïques à l’apostolat hiérarchique, nombreuse, animée d’un zèle ardent et d’un généreux dévouement, apparaît un précieux auxiliaire pour l’œuvre des prêtres et révèle des possibilités de développement qui légitiment les plus belles espérances.
La prière de l’Eglise au Maître de la moisson pour qu’il envoie des ouvriers à sa vigne (Matth, IX, 38 ;Luc, X, 2) a été exaucée d’une manière conforme aux nécessités de l’heure présente, et qui supplée et complète très heureusement les énergies, souvent empêchées et insuffisantes, de l’apostolat sacerdotal. Une fervente phalange d’hommes et de femmes, de jeunes gens et de jeunes filles, obéissant à la voix du Pasteur suprême, aux directives de leurs évêques, se consacrent de toute l’ardeur de leur âme aux œuvres de l’apostolat, afin de ramener au Christ les masses populaires qui s’étaient détachées de Lui. Que vers eux aille en ce moment, si important pour l’Eglise et pour l’humanité, Notre salut paternel, Notre remerciement ému, l’expression de Notre confiante espérance. Ils ont vraiment, eux, placé leur vie et leur action sous l’étendard du Christ-Roi et ils peuvent répéter avec le psalmiste : Dico ego opera mea Regi (Ps. XLVI, I). L’adveniat regnum tuum n’est pas seulement le vœu ardent de leurs prières, mais aussi la ligne directrice de leur activité. Dans toutes les classes, dans toutes les catégories, dans tous les groupes, cette collaboration du laïcat avec le sacerdoce manifeste de précieuses énergies auxquelles est confiée une mission que des cœurs nobles et fidèles ne pourraient désirer plus haute et plus consolante.
Ce labeur apostolique, accompli selon l’esprit de l’Eglise, consacre pour ainsi dire le laïque et en fait un ministre du Christ, dans le sens que saint Augustin explique ainsi : « Quand vous entendez, mes frères, le Christ dire : Là où je suis, là sera aussi mon ministre, gardez-vous de penser seulement aux diligents évêques et clercs. Vous aussi, à votre manière, soyez les ministres du Christ en vivant dignement, en faisant l’aumône, en prêchant son nom et sa doctrine à ceux à qui vous le pouvez pour qu’à ce nom même chaque père de famille reconnaisse qu’il est redevable d’affection paternelle aux siens. Que ce soit pour le Christ et pour la vie éternelle qu’il les reprenne, les enseigne, les exhorte, les corrige, leur soit bienveillant ou exerce sur eux son autorité ; car ainsi il remplira dans sa maison l’office du prêtre et même d’une certaine façon de l’évêque, en étant ministre du Christ ici-bas pour être éternellement avec lui. » [2]
Dans cette collaboration des laïques à l’apostolat, de nos jours si importante à promouvoir, une mission spéciale incombe à la famille, car l’esprit de la famille influe essentiellement sur l’esprit des jeunes générations. Tant que, dans le foyer domestique, resplendit la flamme sacrée de la foi en Jésus-Christ, tant que les parents s’emploient à former et à modeler la vie de leurs enfants conformément à cette foi, la jeunesse sera toujours prête à reconnaître le Rédempteur dans ses prérogatives royales et à s’opposer à ceux qui voudraient le bannir de la société ou violer sacrilègement ses droits. Quand on ferme les églises, quand on enlève des écoles l’image du Crucifix, la famille reste le refuge providentiel et, en un certain sens, inattaquable, de la vie chrétienne. Et Nous rendons d’infinies actions de grâce à Dieu en voyant que d’innombrables familles remplissent leur mission avec une fidélité qui ne se laisse abattre ni par les attaques ni par les sacrifices. Une puissante légion de jeunes gens et de jeunes filles, même dans les pays où la foi au Christ est synonyme de souffrance et de persécution, restent fermes auprès du trône du Rédempteur, avec cette décision tranquille et assurée qui fait penser aux temps les plus glorieux des luttes de l’Eglise.
Quels torrents de biens se déverseraient sur le monde, quelle lumière, quel ordre, quelle pacification pénétreraient la vie sociale, quelles précieuses et incomparables énergies pourraient aider à promouvoir le bien de l’humanité si partout on accordait à l’Eglise, maîtresse de justice et de charité, cette possibilité d’action à laquelle, en vertu du mandat divin, elle a un droit sacré et incontestable ! Que de malheurs seraient évités, quelle félicité, quelle tranquillité seraient acquises si les efforts sociaux et internationaux accomplis pour établir la paix se laissaient pénétrer des profondes impulsions de l’Evangile de l’amour dans la lutte contre l’égoïsme individuel et collectif !
Entre les lois qui régissent la vie des fidèles chrétiens et les postulats essentiels de l’humanité, il n’y a pas conflit, mais, au contraire, communauté et mutuel appui. Dans l’intérêt de l’humanité souffrante et profondément ébranlée matériellement et spirituellement, Nous n’avons pas de plus ardent désir que celui-ci : que les angoisses présentes puissent ouvrir les yeux de beaucoup afin qu’ils considèrent dans leur vraie lumière le Seigneur Jésus et la mission de son Eglise sur cette terre, et que tous ceux qui exercent le pouvoir se résolvent à laisser à l’Eglise la liberté de travailler à la formation des générations, selon les principes de la justice et de la paix. Ce travail d’apaisement suppose qu’on ne mette pas de traverses à l’exercice de la mission confiée par Dieu à son Eglise, qu’on ne restreigne pas le champ de son activité, qu’on ne soustraie pas les masses, et spécialement la jeunesse à son influence bienfaisante. Aussi, comme représentant sur la terre de Celui qui fut appelé par le Prophète : « Prince de la paix » (Is., IX, 6), faisons-Nous appel aux chefs des peuples et à ceux qui ont une action, quelle qu’elle soit, sur la chose publique, pour que l’Eglise jouisse toujours d’une pleine liberté d’accomplir son œuvre éducatrice en annonçant aux esprits la vérité, en inculquant les règles de la justice, en réchauffant les cœurs par la divine charité du Christ.
Si, d’une part, l’Eglise ne peut renoncer à l’exercice de sa mission, qui a comme fin ultime de réaliser ici-bas le plan divin : instaurer dans le Christ tout ce qui est dans le ciel et sur la terre (Ephes., I, 10), d’autre part, son œuvre apparaît aujourd’hui plus nécessaire qu’en aucun autre temps, car une triste expérience enseigne qu’à eux seuls les moyens extérieurs, les mesures purement humaines et les expédients politiques n’apportent pas un adoucissement efficace aux maux, dont est travaillée l’humanité.
Instruits précisément par la douloureuse faillite des expédients humains, beaucoup d’hommes, pour éloigner les tempêtes qui menacent d’engloutir la civilisation dans leurs tourbillons, tournent les yeux avec un renouveau d’espérance vers l’Eglise, citadelle de vérité et d’amour, vers ce Siège de Pierre, qui, ils le sentent bien, peut rendre au genre humain cette unité de doctrine religieuse et de règle morale, qui en d’autres temps fit la consistance des relations pacifiques entre les peuples.
Unité, vers laquelle regardent d’un œil de nostalgique regret tant d’hommes responsables du sort des nations, qui expérimentent quotidiennement à quel point les moyens sont vains, dans lesquels ils avaient un jour mis leur confiance ; unité, désirée par les nombreuses légions de Nos fils, qui invoquent chaque jour le Dieu de paix et d’amour (cf. 2 Cor., XIII, 11) ; unité attendue par tant de nobles esprits, éloignés de Nous, mais qui, dans leur faim et leur soif de justice et de paix, lèvent les yeux vers la Chaire de Pierre pour recevoir d’elle direction et conseil.
Ils reconnaissent dans l’Eglise catholique la fermeté deux fois millénaire des normes de foi et de vie, l’inébranlable cohésion de la hiérarchie ecclésiastique, qui, unie au successeur de Pierre, s’emploie sans relâche à éclairer les esprits de la doctrine de l’Evangile, à guider et à sanctifier les hommes et se montre prodigue de maternelle condescendance envers tous, mais ferme cependant, quand, même au prix de tourments et de martyre, elle doit dire le Non licet !
Et pourtant, Vénérables Frères, la doctrine du Christ, qui seule peut fournir à l’homme un solide fondement de foi, capable de lui ouvrir un grand horizon, de dilater divinement son cœur, de lui donner un remède efficace aux très graves difficultés actuelles, et l’action de l’Eglise pour enseigner cette doctrine, la répandre et modeler les esprits selon ses préceptes, sont parfois en butte à des suspicions, comme pouvant ébranler les montants de l’autorité civile ou usurper ses droits.
Contre de telles suspicions, Nous déclarons avec une apostolique sincérité – sans préjudice de tout ce qu’a enseigné Notre prédécesseur Pie XI, de vénérée mémoire, dans son Encyclique Quas primas, du 11 décembre 1925, sur le pouvoir du Christ-Roi et de son Eglise – que de pareils desseins sont entièrement étrangers à l’Eglise, laquelle tend ses bras maternels vers ce monde, non pour dominer, mais pour servir. Elle ne prétend pas se substituer, dans le champ qui leur est propre, aux autres autorités légitimes, mais leur offre son aide à l’exemple et dans l’esprit de son divin Fondateur qui « passa en faisant le bien ». (Act., X, 38.)
L’Eglise prêche et inculque l’obéissance et le respect envers l’autorité terrestre, qui tient de Dieu sa noble origine ; elle s’en tient à l’enseignement du divin Maître qui a dit : Rendez à César ce qui est à César (Matth., XXII, 21) ; elle n’a pas de visées d’usurpation et chante dans sa liturgie : non eripit mortalia, qui regna dat caelestia. [3] Elle ne débilite pas les énergies humaines, mais les élève à tout ce qui est magnanime et généreux, et forme des caractères qui ne transigent pas avec la conscience. Ce n’est pas à elle, qui a civilisé les peuples, qu’on reprochera d’avoir retardé l’humanité dans la voie du progrès, dont au contraire elle se félicite et se réjouit avec une maternelle fierté. Le but de son activité a été merveilleusement exprimé par les anges sur le berceau du Verbe incarné, quand ils chantèrent : Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. (Luc., II, 14.) Cette paix, que le monde ne peut donner, a été laissée comme un héritage à ses disciples par le divin Rédempteur lui-même : Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix (Io, XIV, 27), et c’est en suivant la sublime doctrine du Christ, résumée par lui-même dans le double précepte de l’amour de Dieu et du prochain, que des millions d’âmes l’ont obtenue, l’obtiennent et l’obtiendront. Depuis bientôt deux mille ans, l’histoire – si sagement appelée par un grand orateur romain magistra vitae [4] – démontre à quel point est vraie la parole de l’Ecriture, qu’il n’y aura jamais de paix pour celui qui résiste à Dieu (Job., IX, 4.) Car seul le Christ est la « pierre angulaire ». (Eph., II, 20), sur laquelle l’homme et la société peuvent trouver stabilité et salut.
C’est sur cette pierre angulaire que l’Eglise est fondée, et c’est pourquoi les puissances adverses ne pourront jamais prévaloir contre elle : portae inferi non praevalebunt (Matth., XVI, 18), ni lui ôter sa vigueur, bien au contraire, les luttes tant intérieures qu’extérieures contribuent à accroître sa force et à augmenter les couronnes de ses glorieuses victoires.
A l’opposé, tout autre édifice qui n’est pas solidement fondé sur la doctrine du Christ, repose sur le sable mouvant et est destiné à une ruine misérable (cf. Matth., VII, 26–27).
Vénérables Frères, l’heure à laquelle vous parvient Notre première Encyclique est, à bien des égards, une véritable hora tenebrarum (cf. Luc, XXII, 53), où l’esprit de la violence et de la discorde verse sur l’humanité la sanglante coupe de douleurs sans nom. Est-il nécessaire de vous assurer que Notre cœur paternel, dans son amour compatissant, est tout près de ses fils, et plus spécialement de ceux qui sont éprouvés, opprimés, persécutés ? Les peuples entraînés dans le tragique tourbillon de la guerre n’en sont peut-être encore qu’au commencement des douleurs (Matth., XXIV, 8) ; mais déjà dans des milliers de familles règnent la mort et la désolation, les lamentations et la misère. Le sang d’innombrables êtres humains, même non combattants, élève un poignant cri de douleur, spécialement sur une nation bien-aimée, la Pologne qui, par sa fidélité à l’Eglise, par ses mérites dans la défense de la civilisation chrétienne, inscrits en caractères indélébiles dans les fastes de l’histoire, a droit à la sympathie humaine et fraternelle du monde, et attend, confiante dans la puissante intercession de Marie Auxilium Christianorum, l’heure d’une résurrection en accord avec les principes de la justice et de la vraie paix.
Ce qui vient d’arriver, et ce qui arrive encore, apparaissait à Notre regard comme une vision quand, toute espérance n’ayant pas encore disparu, Nous n’avons rien omis de ce que Nous pouvions tenter, dans la forme que Nous suggéraient Notre ministère apostolique et les moyens à Notre disposition, pour empêcher le recours aux armes et maintenir ouverte la voie vers une entente honorable pour l’une et l’autre partie. Convaincu qu’à l’emploi de la force par l’une d’elles aurait répondu le recours aux armes par l’autre, Nous avons considéré comme un devoir – auquel Nous ne pouvions Nous soustraire – de Notre ministère apostolique et de l’amour chrétien, de mettre tout en œuvre pour épargner à l’humanité entière et à la chrétienté les horreurs d’une conflagration mondiale, même au risque de voir Nos intentions et Nos buts mal compris. Nos avertissements, s’ils furent respectueusement écoutés, ne furent pourtant pas suivis. Et tandis que Notre cœur de pasteur observe, douloureux et préoccupé, voilà que surgit devant Nos yeux l’image du Bon Pasteur, et il Nous semble que Nous devons répéter au monde en son nom la plainte : Si tu savais… ce qui peut t’apporter la paix ! Mais non, cela est maintenant caché à tes yeux ! (Luc, XIX, 42.).
Au milieu de ce monde qui offre aujourd’hui un si criant contraste avec la paix du Christ dans le règne du Christ, l’Eglise et ses fidèles se trouvent en des temps et en des années d’épreuves comme ils en ont rarement connu dans leur histoire de luttes et de souffrances. Mais précisément dans des temps semblables, celui qui reste fort dans la foi et garde un cœur robuste, sait que le Christ-Roi n’est jamais si proche que dans l’heure de l’épreuve qui est l’heure de la fidélité. Le cœur déchiré des souffrances et des peines de tant de ses fils, mais avec le courage et la fermeté qui lui viennent des promesses du Seigneur, l’Epouse du Christ marche vers les orages menaçants.
Elle le sait : la vérité qu’elle annonce, la charité qu’elle enseigne et met en œuvre, seront les conseillers indispensables et les coopérateurs des hommes de bonne volonté dans la reconstruction d’un monde nouveau, selon la justice et l’amour, après que l’humanité, lasse de courir dans les chemins de l’erreur, aura goûté les fruits amers de la haine et de la violence.
En attendant, Vénérables Frères, le monde et tous ceux qui sont frappés, par la calamité de la guerre doivent savoir que le devoir de la charité chrétienne, fondement et pivot du Règne du Christ, n’est pas une parole vide mais une vivante réalité. Un champ très vaste s’ouvre à la charité chrétienne sous toutes ses formes. Nous avons pleine confiance que tous Nos fils, spécialement ceux qui ne sont pas éprouvés par le fléau de la guerre, se souviendront à l’exemple du divin Samaritain, de tous ceux qui, victimes de la guerre, ont droit à la pitié et au secours.
L’Eglise catholique, cité de Dieu, dont le Roi est vérité, dont la loi est charité, dont la mesure est éternité [5], annonçant sans erreurs ni diminutions la vérité du Christ, travaillant selon l’amour du Christ avec un élan maternel, se tient comme une bienheureuse vision de paix, au-dessus du tourbillon des erreurs et des passions, attendant le moment où la main toute-puissante du Christ-Roi apaisera la tempête et bannira les esprits de dissension, qui l’ont provoquée. Ce qui est en Notre pouvoir pour hâter le jour où la colombe de la paix trouvera sur cette terre, submergée par le déluge de la discorde, un endroit où poser le pied, Nous continuerons à le faire, confiant dans les éminents hommes d’Etat, qui, avant que la guerre n’éclatât, se sont noblement employés à éloigner des nations un pareil fléau ; confiant dans les millions d’âmes de tous les pays et de tous les camps, qui appellent de leurs vœux non seulement la justice, mais aussi la charité et la miséricorde ; confiant surtout dans le Dieu tout-puissant auquel chaque jour Nous adressons cette prière : J’attendrai dans l’espoir à l’ombre de Tes ailes, que l’iniquité soit passée. (Ps., LVI, 2).
Dieu peut tout : il tient en ses mains non seulement la félicité et le sort des peuples, mais aussi les conseils humains ; et du côté qu’il veut, doucement il les incline : les obstacles même sont pour sa toute-puissance des moyens dont il se sert pour modeler les choses et les événements, tourner les esprits et les volontés libres à ses fins très hautes.
Priez donc, Vénérables Frères, priez sans interruption, priez surtout quand vous offrez le divin sacrifice d’amour. Priez, vous à qui la profession courageuse de la foi impose aujourd’hui de durs, de pénibles, et, bien des fois, d’héroïques sacrifices ; priez, vous, membres souffrants et douloureux de l’Eglise, quand Jésus vient consoler et adoucir vos peines. Et n’oubliez pas, grâce à un véritable esprit de mortification et de dignes œuvres de pénitence, de rendre vos prières plus agréables aux yeux de Celui qui « relève tous ceux qui tombent, et redresse ceux qui sont prostrés » (Ps. CXLIV, 14) afin que, dans sa miséricorde, il abrège les jours de l’épreuve et que se réalisent ainsi les paroles du psaume : « Ils ont crié vers le Seigneur dans leurs tribulations, et il les a délivrés de leurs angoisses ». (Ps. CVI, 13.)
Et vous, candides légions d’enfants, vous, les bien-aimés et les privilégiés de Jésus, quand vous communiez au Pain de vie, élevez vers Dieu vos naïves et innocentes prières et unissez-les à celles de toute l’Eglise.
Le Cœur de Jésus, qui vous aime, ne résiste pas à l’innocence suppliante : priez tous, priez sans relâche : sine intermissione orate (I Thess., V, 17).
De cette façon vous mettrez en pratique le sublime précepte du Divin Maître, le testament le plus sacré de son cœur : qu’ils ne soient tous qu’un (Io, XVII, 21): qu’ils vivent tous dans cette unité de foi et d’amour à laquelle le monde reconnaisse la puissance et l’efficacité de la mission du Christ et de l’œuvre de son Eglise.
L’Eglise primitive avait compris et mis en pratique ce divin précepte ; elle l’exprima dans une magnifique prière. Unissez-vous à votre tour, dans les mêmes sentiments, qui répondent si bien à la nécessité de l’heure présente : « Souviens-toi, Seigneur, de ton Eglise, pour la délivrer de tout mal et la perfectionner dans la charité ; rassemble-la des quatre vents, toute sanctifiée, dans le royaume que tu lui as préparé ; car à toi est la puissance et la gloire dans tous les siècles. » [6]
Dans la confiance que Dieu, auteur et ami de la paix, écoutera les supplications de l’Eglise, Nous vous accordons, comme gage de l’abondance des divines grâces, de la plénitude de Notre cœur paternel, la Bénédiction apostolique.
Donné à Castel-Gandolfo près Rome, le 20 octobre de l’an 1939, de Notre pontificat le premier.
Pie XII, Pape.