Sauf avis contraire, les articles, coupures de presse, communiqués ou conférences
que nous publions ici n’émanent pas des membres de la FSSPX et ne peuvent donc être considérés comme reflétant la position officielle de la Fraternité Saint-Pie X |
In Americatho du 09/12/09
Le P. James V. Schall (photo ci-dessous), un jésuite qui enseigne la science politique à la Georgetown University, une personnalité catholique très connue aux États-Unis, vient de donner le 7 décembre à InsideCatholic (ici) un petit billet qui n’est pas sans intérêt… Le voici. Enjoy…
« Un de mes amis m’a écrit à propos d’une directrice d’école, une religieuse, parlant à un parent d’élève et demandant de l’argent pour son établissement. Le monsieur était décrit comme un « ultra catholique ». Mon ami m’a demandé : « C’est quoi un ultra catholique ; le savez-vous ? » De toute évidence, la directrice « non ultra » pensait que c’était bien de siphonner l’argent dont elle avait besoin d’un parent « ultra ». Rien ne la liait. Une fois l’argent obtenu, l’établissement non ultra poursuivrait son petit bonhomme de chemin non ultra. L’ultra était juste bon pour son argent – s’il en avait. Mais ses idées étaient, disons, ultra.
Évidemment, je ne peux pas m’empêcher de définir ce qu’est un ultra catholique aujourd’hui. Il y a des tentations auxquelles ont a du mal à résister. Pour faire bref : dans le monde multi-descripteur d’aujourd’hui, un ultra catholique c’est quelqu’un qui est un catholique croyant, un oiseau plutôt rare. Notre pays est rempli d’ex – contestataires, non pratiquants, c’est-mon-choix, fichez-moi-la-paix – catholiques. Ils nous enseignent qu’ils se sentent mieux que leurs infortunés coreligionnaires estimant naïvement que le catholicisme est, de manière crédible, la chose la plus intelligente qu’on puisse trouver dans le domaine public ou privé. Dans le domaine public, ceux qu’on cite le plus souvent comme « autorité » sur ce que les catholiques croient, ce sont les dissidents. Les catholiques constituent le seul groupe dont personne n’a besoin de parler avec exactitude.
Un ultra catholique adoubé tient le Credo de Nicée pour vrai. Il pense qu’il y a une autorité divine dans l’Église. Il sait, qu’en tant que pécheur, il a besoin du pardon. Mais il n’utilise pas ses péchés pour justifier une croisade de justice sociale. Il fait de curieuses choses, comme d’aller à la Messe tous les dimanches, même quand elle est célébrée en latin. Il pense que c’est très bien d’avoir des enfants. Il préfère travailler pour vivre. Il sait aussi que l’Église est assiégée par la culture ambiante. Il appartient à la minorité réelle.
Le mot « ultra » vient du latin et il signifie « au-delà ». Nous avons des choses comme les ultra-virus, les ultrasons, les rayons ultraviolets. Au Moyen Âge, un pape était dit « ultramontain » s’il venait non pas d’Italie mais d’au-delà des montagnes. Dans la France de l’époque moderne, les ultramontains étaient ces catholiques qui maintenaient l’alliance avec Rome. Les jésuites, qu’en disparaisse cette pensée, étaient dits appartenir à ce groupe étranger dans le régime gallican. Les ultramontains ne pensaient pas que le gouvernement français était divin. Cette dernière opinion était considérée comme plutôt extrémiste. Je sais que cette vision négative de la gloire française est assez difficile à saisir pour un contemporain moyen. Nous ne voyons d’autorité divine ni à Rome ni à Paris mais en nous-mêmes.
Cependant, un ultra catholique aujourd’hui est quelqu’un qui s’évertue à faire ce que l’Aquinate a fait : il a distingué entre ceux qui pratiquaient volontiers la vertu, parce qu’il savait que c’était la plus noble chose à faire, et ceux qui ne la pratiquait que pour observer le minimum de la loi.
Dans ce qui est, nous l’espérons, une entreprise pionnière, nous avons même vu un évêque expliquant à un Kennedy [Patrick, député Démocrate du Rhode Island] ce que signifiait être catholique. L’évêque Thomas Tobin de Providence a lu ce que le député Kennedy a dit lors de ses mandats : il était catholique mais n’était pas « d’accord » avec tout ce que l’Église défendait – une position assurément peu originale.
L’évêque n’a fait que s’interroger sur ce que le député ne défendait pas, et si ces choses « non défendues » étaient centrales dans l’Église – ce qu’elles sont évidemment. Dès le commencement, quand ces vues sélectives sur le catholicisme sont apparues, les évêques locaux n’ont pas semblablement enquêté sur les hommes politiques en tenant pour cette doctrine confuse qui consiste a décider de soi-même ce que c’est que d’être catholique, comme si un homme politique était lui-même véritablement le Pape.
Passons maintenant au caractère de l’ultra catholique. Nous avons tous rigolé de ces gens se disant « plus saints que l’Église ». Cette dernière remarque n’est pas un compliment. Contrairement au député du Rhode Island, il se trouve des catholiques qui ajoutent des choses plutôt que d’en enlever comme c’est la mode d’aujourd’hui. Habituellement, ces ajouts ne sont vraiment ni erronés ni mauvais. La plupart des dévotions – comme le port du scapulaire – sont en ces sens des ajouts. L’Aquinate a dit que ce n’était pas ajouter à la loi qui était un problème, mais que c’était en ôter.
Dans le monde contemporain, le véritable ennemi de la culture libérale est un « fanatique ». Il se cramponne à quelque chose. Nous en sommes désormais arrivés au point où le fanatique s’identifie le mieux avec l’ultra catholique. Ce qui est dangereux, ce ne sont pas des conceptions hérétiques du christianisme, c’est le christianisme lui-même, surtout dans sa forme catholique. Quand tant de catholiques ne savent plus eux-mêmes ce qu’ils sont et ce qu’ils croient, nous reconnaissons le chrétien qui définit ses propres croyances à partir de celui qui maintient les vérités de la foi évidentes d’elles-mêmes et révélées.
Quand les non ultra catholiques s’identifient eux-mêmes à la culture désordonnée, l’ultra catholique est laissé à lui-même. Les papes adressent leurs textes aux « hommes de bonne volonté ». Nous lisons dans l’Évangile de saint Jean : « Je leur ai donné ta parole ; et le monde les a haïs » [Jean, 14, 17]. De toute évidence, tous les hommes ne sont pas de bonne volonté. »
Daniel Hamiche, In Americatho du 09/12/2009