Editorial, par l’abbé Régis de Cacqueray
Bien que l’agitation révolutionnaire formentée par cette association ne se produise guère qu’à Paris, il est nécessaire de mettre en garde contre ses menées résolument dirigées contre la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X sous couvert de lui venir en aide.
Sensu Fidei s’est en effet fixé comme objet
« de coopérer avec la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X dans le respect des missions qu’elle accomplit et des fonctions qu’elle exerce conformément à ses statuts d’origine qui la définissent comme essentiellement apostolique (Statuts du 2 X 2004). »
Il nous est précisé par ailleurs qu’
« il est évident que l’association Sensus Fidei , si elle est profondément respectueuse du clergé de la Fraternité pris dans son ensemble, est constituée et doit fonctionner de façon totalement indépendante de sa hiérarchie, ce qui est d’ailleurs conforme à la lettre et à l’esprit de son objet social ( Yves Amiot, Création de l’Association Sensus Fidei, 22 octobre 2004). »
Cette prétention à l’indépendance se trouve en opposition radicale avec l’obligation d’obéissance et de soumission aux autorités de l’Eglise rappelée en particulier par tous les papes d’avant le concile Vatican II, de Léon XIII à Pie XII sans exception, en application du « précepte très grave » de l’apôtre saint Paul cité par Léon XIII dans son encyclique Graves de Communi du 18 janvier 1901 :
« Obéissez à vos supérieurs et soyez-leur soumis ; car ce sont eux qui veillent comme devant rendre compte de vos âmes (Hebr.XIII,17). »
L’ obligation s’applique évidemment à tous les aspects de l’activité des fidèles. Saint Pie X, qui en souligne l’application au domaine des œuvres de l’apostolat, fournit les motifs profonds de cette nécessaire dépendance :
« Toutes les œuvres qui viennent directement en aide au ministère spirituel et pastoral de l’Eglise, et qui par suite se proposent une fin religieuse visant directement le bien des âmes, doivent dans tous leurs détails être subordonnés à l’autorité de l’Eglise . »
Et le pape poursuit :
« Mais même les autres œuvres qui sont principalement fondées pour restaurer et promouvoir dans le Christ la vraie civilisation chrétienne et qui constituent l’action catholique, ne peuvent nullement se concevoir indépendantes du conseil et de la haute direction de l’autorité ecclésiastique, d’autant plus qu’elles doivent tout aux principes de la doctrine et de la morale chrétienne, il est bien moins possible de les concevoir en opposition plus ou moins ouverte avec cette autorité( « Il fermo proposito » du 11 juin 1905). »
Cette dépendance nécessaire est encore rappelée par le pape Pie XII dans son discours aux participants du premier congrès de l’apostolat des laïcs du 14/10/1951 :
« Il va de soi que l’apostolat des laïcs est subordonné à la hiérarchie apostolique. Celle-ci est d’institution divine ; il ne peut donc être indépendant vis-à-vis d’elle. Penser autrement serait saper par la base le mur sur lequel le Christ Lui-même a bâti Son Eglise. »
Les buts réels poursuivis par Sensus Fidei, pour autant qu’on puisse les appréhender, expliquent cette volonté d’indépendance. L’association entend, en fait, agir comme un groupe de pression auprès de la hiérarchie de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X afin de la contraindre à accepter ses objectifs. Monsieur Yves Amiot s’en est expliqué sans ambages à l’occasion de son entretien avec monsieur Daniel Hamich le 17 novembre 2004 :
« Et plus nous serons nombreux, plus nous serons importants et plus nous pourrons faire entendre notre voix pour réussir l’opération « Résurrection » de la Fraternité, que nous voulons conduire avant tout. »
Si l’on veut savoir où conduira la prétentieuse thaumaturgie qui consiste à plonger la Fraternité dans un nouveau bain amniotique, il est recommandé de se reférer à la « Déclaration de fidélité à la Tradition Catholique » distribuée par Sensus Fidei. Derrière l’idée que « chaque prêtre catholique doit pouvoir accéder à tous les autels catholiques de la résistance », il faut comprendre une sorte de tradi-œcuménisme satisfait de voir un Mgr Rifan ( rallié) ou un Mgr Dolan (sédévacantiste) succéder à l’un des évêques de la Fraternité pour y célébrer leur messe…
Avant de tenter cette opération « Résurrection », qui ressemble fort à une insurrection, les dirigeants de Sensus Fidei devraient méditer les lignes de Saint Pie X concernant la volonté d’indépendance qu’ils affichent :
« Puissent-ils entendre cette vérité, tant d’aveugles qui se prétendent catholiques et cependant réclament une indépendance absolue envers toute autorité et veulent une liberté qui ne serait plus celle des fils de Dieu mais des rebelles de Lucifer ! Si l’obéissance est nécessaire en tout ordre des choses, ceux-là pourraient-ils s’en affranchir qui se consacrent à des œuvres dont la dépendance est si intime avec la charité et la religion (Allocution de saint Pie X en réponse à l’adresse de monsieur Jean Lerolle, président de l’association catholique de la Jeunesse Française du 25 IX 1904). »
Mais il est possible que la véritable clef de l’attitude adoptée par Sensus Fidei nous soit livrée par leur communiqué « Tentative de diabolisation de Sensus Fidei » du 12 janvier 2005 qui a déclaré :
« Sensus Fidei ne se situe pas dans le cadre légal de l’Eglise Romaine (sic !) – où les associations laïques sont d’ailleurs très nombreuses – mais dans celui de la Fraternité Saint Pie X, institution indépendante ( resic !) où les laïcs ont joué, depuis l’origine, un rôle déterminant. »
Inutile d’épiloguer longtemps sur cette déclaration véritablement schismatique que nous récusons absolument. La Fraternité Saint Pie X demeure dans le cadre légal de l’Eglise Romaine et n’est nullement indépendante d’Elle. Puissent les dirigeants de cette association prendre conscience qu’appartenir à Sensus Fidei ne permet pas de dire, d’écrire ou de faire n’importe quoi ni ne confert l’infaillibilité même à ceux qui s’en prévalent si fort.
Abbé Régis de Cacqueray-Valménier †
Supérieur du District de France