Editorial du mois de janvier 2005, par l’abbé Régis de Cacqueray
« […]Mais, devant les déclarations intempestives du Père Boyer, je ne puis que reconnaître un esprit odieux qui est bien celui de la Révolution. Voilà un prêtre qui n’hésite pas à s’insurger publiquement contre son évêque, à diffuser ses critiques sous le manteau et à les étaler enfin largement dans la presse pour le plus grand bonheur des journalistes et de l’opinion.[…] »
Depuis quarante ans, aucune interruption n’est venue enrayer la démocratisation de l’Église inaugurée par le concile Vatican II. Ce processus est profondément coupable de ce que le pape Paul VI a appelé avec lucidité l’autodémolition de l’Église. Aux pouvoirs personnels et responsables se sont substituées, à tous les niveaux hiérarchiques, des assemblées dont la puissance bloque toutes les autorités traditionnelles, si celles-ci osaient encore s’exprimer. L’aboutissement logique de cette révolution ecclésiale est le triomphe de la souveraineté populaire, et il ne manque pas de démagogues pour forcer toujours plus avant la voie vers ce chaos.
Bien caractéristique à cet égard est le comportement de ce jeune prêtre (40 ans) du diocèse d’Autun. Le Père Stéphan Boyer, à l’annonce du départ à la retraite de son évêque, Monseigneur Séguy, a gratifié ses confrères d’un courrier destiné à « faire bouger les choses » dans le diocèse. Il n’hésite pas à viser directement l’évêque de Saône-et-Loire considéré comme trop conservateur : « Il a donné beaucoup de gages aux traditionalistes » et « Il veut se situer comme un père qui a autorité » (sic !). C’est pour que la base soit entendue que le Père Boyer lance son appel : « Pour que chacun puisse s’exprimer sur la façon dont il vit sa foi, ceux qui le veulent peuvent exposer un état des lieux et dire ce qu’ils attendent d’un nouvel évêque ». Il se plaint qu’il n’y ait aucune consultation au sujet du changement d’évêque en cours et son libelle est donc là pour créer un mouvement d’opinion que « les décideurs » seront obligés de prendre en considération. On appréciera la profondeur théologique de ce curé « cool et décontracté » à certaines de ses appréciations : « Ceux qui font l’Église tous les jours c’est d’abord des laïcs » ou bien encore pour définir le candidat épiscopal de son cœur : « Que, quelle que soit la situation des gens, on les aime et qu’on le leur dise ».
L’exemple que donne ce prêtre illustre bien ces extrémités de démagogie et d’anarchie vers lesquelles nous conduisent les principes adoptés à Vatican II. Je ne connais pas Monseigneur Séguy et je ne sais pas de gages que la Fraternité Saint-Pie X aurait reçus de lui. Il fait partie du gros du troupeau des évêques et ne s’est pas spécialement désolidarisé du mouvement de l’aggiornamento conciliaire. Mais, devant les déclarations intempestives du Père Boyer, je ne puis que reconnaître un esprit odieux qui est bien celui de la Révolution. Voilà un prêtre qui n’hésite pas à s’insurger publiquement contre son évêque, à diffuser ses critiques sous le manteau et à les étaler enfin largement dans la presse pour le plus grand bonheur des journalistes et de l’opinion.
Quant à lui, il plastronne dans les journaux et se laisse encenser par les médias trop heureux de flatter sa vanité et d’aviver ainsi le trouble et le malaise suscités dans le diocèse par sa faute. Son discours facile trouve un écho auprès de tous ceux – et il y en a toujours – qui éprouvent quelque sujet de mécontentement. Le scandale provoqué par le défi que constitue son attitude ne le touche même pas. Les âmes désemparées désertent les églises, peu lui importe ! Croit-il que son exemple de désobéissance et d’arrogance contribue à améliorer la situation de son diocèse ? Il ne fait que diviser les esprits et son comportement est bien de nature à éloigner les dernières vocations qui pourraient se profiler. Ce n’est certes pas dans son sillage à lui que s’engageront de nouveaux séminaristes, à moins que l’on n’entende désormais par-là de petits agitateurs trotskystes.
Certains de nos ennemis prétendent que Monseigneur Lefebvre lui-même, dans sa résistance aux autorités romaines, aurait eu cette attitude d’insubordination. Ils ajoutent, non sans satisfaction, que son exemple pourrait même expliquer l’émergence de comportements identiques dans nos rangs.
Ce rapprochement grossier provient d’une méconnaissance profonde des limites de la vertu d’obéissance. Celle-ci est requise de nous tant que rien ne nous est demandé qui aille contre la Foi et les bonnes mœurs. Monseigneur Lefebvre, modèle d’obéissance au cours de son existence, ne s’en est pas écarté après le Concile. Il s’est seulement trouvé dans cette circonstance rare – mais pas exceptionnelle – de l’histoire de l’Église où l’obéissance qu’on exigeait de lui le détournait de la Foi dont il était le gardien en sa qualité d’évêque. C’est pourquoi, face à ce dilemme entre la Foi et l’obéissance, il choisit d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes sans jamais se départir de son respect pour les autorités de l’Église. C’est bien ce qui nous fut enseigné au séminaire d’Écône et la ligne de crête sur laquelle est toujours demeurée la Fraternité Saint-Pie X : elle se refuse à un ralliement aisé qui se transformerait bientôt en reniement doctrinal comme à un rejet brutal de l’autorité du pape sous le prétexte qu’il ne serait plus pape.
Il est possible, comme l’a fait le Père Boyer au sujet de son diocèse, de se répandre en invectives et en reproches contre l’œuvre de Monseigneur Lefebvre. Il est facile de céder à l’esprit du temps et de la passer au crible de toutes les critiques. Ceux qui se laissent aller à ces travers distinguent-ils quel est l’esprit dont ils participent ? Mesurent-ils le mal qu’ils peuvent causer par leur agitation subversive ? Nous préférons penser qu’ils ne s’en rendent pas compte. Nous les croyons animés par un zèle amer et par des vues très humaines sur le combat que mène notre Fraternité.
Notre attitude – sereine devant une adversité qui n’est pas d’aujourd’hui – consiste à laisser s’égosiller quelques beaux parleurs qui s’estiment en droit de discourir sur tous les sujets et de donner des leçons à tous, même à notre Supérieur Général. Qu’ils refassent la Fraternité et la Tradition dans les salons, nous les y laissons bien volontiers. Quant à nous, nous continuerons cet apostolat plus humble, mais plus efficace aussi, qui se déroule chaque jour dans nos prieurés, dans nos chapelles et dans nos écoles. Sa fécondité a été spécialement manifestée au cours de cette année 2004 par un nombre exceptionnel de nouvelles vocations dans les différentes communautés religieuses de notre France. Dieu en soit béni et infiniment remercié.
Chers amis et bienfaiteurs, notre combat et notre espérance sont là. En cette année qui est celle du centenaire de la naissance de Monseigneur Lefebvre, nous nous tournons vers lui pour qu’il continue de protéger cette œuvre providentielle qu’est la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Je vous adresse à tous, mes vœux pour cette nouvelle année : qu’entièrement placée dans les mains de la très sainte Vierge Marie, elle soit riche en grâces pour chacun de vous.
Abbé Régis de Cacqueray †
Supérieur du District de France