Sermon de l’abbé Régis de Cacqueray-Valménier
I°) Notre grand combat est le combat de la Foi.
Aucun d’entre nous n’a choisi la période au cours de laquelle il aurait à vivre sur cette terre. Si nous l’avions pu, peut-être aurions-nous préféré naître en des temps plus chrétiens, dans un monde moins violemment opposé à Notre Seigneur Jésus-Christ. Cependant, puisque c’est à cette époque et non à une autre que nous avons été appelés à passer nos années terrestres, il nous faut, bien loin de gaspiller le temps qui nous est imparti, travailler de toutes nos forces, de tout notre cœur et sans jamais nous décourager, à notre sanctification et à l’accroissement du règne de Notre Seigneur Jésus-Christ dans les âmes et sur les sociétés.
Mais il doit être bien clair pour nous tous qu’aucune sanctification, aucune extension de ce règne de Notre Seigneur Jésus-Christ sur notre âme, sur les âmes et sur les sociétés ne peut se produire si, avant toute autre chose, il n’y a pas d’abord, en nous, une augmentation, un accroissement de la vertu de Foi, c’est-à-dire une conviction, à la fois plus intime et plus vive, plus intérieure et plus forte, plus profonde et plus ardente, que rien n’est possible sans Notre Seigneur Jésus-Christ, que tout devient au contraire incroyablement possible, jusqu’au déplacement des montagnes, avec Lui et en Lui : « Je puis tout en Celui qui me fortifie. » Phil. IV,13. De Lui seul nous espérons fermement le Salut. Notre Foi doit nous amener à cette certitude brûlante qu’en nous tournant toujours plus vers Lui, nous nous trouverons désormais revêtus de sa force et de ses vertus, et admirablement aptes au grand combat que nous devons mener de toute notre âme si nous ne voulons pas périr.
C’est pourquoi, en cette époque d’autodestruction de l’Eglise où notre Foi se trouve ruinée par l’hérésie, où notre sainte religion se trouve humiliée comme elle ne l’a jamais été, où l’Islam victorieux multiplie la construction de ses minarets sur les sols de nos chrétientés détruites, nous avons d’abord conscience que notre plus grand devoir, notre préoccupation essentielle, est que ne disparaisse pas ce qu’il reste encore comme miettes de la Foi et de la Confession de la Foi en ce monde. Il ne subsiste en effet aucune autre espérance que celle qui provient de ces braises demeurées allumées sur le tapis des cendres du Catholicisme.
Notre combat, le combat de la Fraternité, le combat de la Tradition est avant tout et par-dessus tout le combat de la Foi et de la confession de la Foi à la face de l’Eglise. Tout ce qui a été fait par Monseigneur Lefebvre et par nos anciens ne s’explique qu’ainsi : par la Foi en Notre Seigneur Jésus-Christ qui était la leur et qu’ils voulaient servir. Nous n’avons, aujourd’hui, aucun autre désir que celui-là : livrer encore et toujours le combat de la Foi, lutter pour que la Foi ne soit pas davantage étouffée par les fumées de l’erreur, de la confusion des idées et de l’hérésie.
Certes, mes bien chers frères, la Foi n’est pas la plus élevée ni la plus sublime des vertus, ni celle qui demeurera jusque dans l’éternité. Ce privilège n’appartient qu’à la Charité. Mais fuyons, comme l’une des erreurs les plus pernicieuses de notre époque, l’illusion qui consisterait à penser que nous pourrions atteindre le moindre degré de Charité sans la Foi, et que la Charité pourrait grandir dans les cœurs comme indépendamment de la Foi. Ce divorce entre la Foi et la Charité, véhiculé dans beaucoup d’esprits, y fait un mal considérable : le motif essentiel de la faiblesse de notre Charité, c’est la faiblesse de notre Foi. Plus on connaît Notre Seigneur Jésus-Christ ‑et la Foi, c’est substantiellement de connaître Notre Seigneur Jésus-Christ‑, plus on l’aime ‑car la Charité, c’est, substantiellement, d’aimer Notre Seigneur Jésus-Christ. Pour que fleurisse davantage la Charité en nous, entre nous, parmi nous, autour de nous, pour que l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ puisse gagner dans nos âmes et dans les âmes, il faut, par-dessus tout, que la Foi, la connaissance profonde de Notre Seigneur Jésus-Christ, s’accroisse d’abord en nous.
II°) Nous ne pouvons espérer préserver ce qui reste de Foi que si nous voulons en même temps la propager.
Alors, mes bien chers frères, vous pensez peut-être que notre prière et notre supplication auprès de Notre Dame de Lourdes sont donc toutes trouvées ? Pouvons-nous mieux faire que de lui demander instamment de continuer à garder notre Foi et de la transmettre au moins à nos enfants ? Nos milliers de cœurs sembleraient n’avoir rien de mieux à faire que de s’unir entre eux, dans une immense supplication commune, qui ne pourra manquer de toucher Notre Dame de Lourdes, Siège de la Miséricorde.
Mes bien chers frères, il me semble pourtant que Notre Dame de Lourdes serait bien déçue si nous ne lui demandions que cela. Certes, Elle veut de tout son cœur de Mère que tous ceux qui ont gardé la Foi jusqu’à aujourd’hui la conservent jusqu’au bout. Mais ne veut-Elle pas aussi, du cœur brûlant de son amour maternel, que beaucoup d’autres âmes connaissent également Son divin Fils, que l’Evangile soit de nouveau répandu jusqu’aux extrémités du monde, que de nouvelles phalanges d’âmes généreuses se consacrent au service de Notre Seigneur Jésus-Christ dans la vocation sacerdotale, dans la vocation religieuse ? Cela pour la conversion des hommes et des sociétés, pour que les âmes soient préservées du feu de l’enfer grâce au zèle que l’on mettra à empêcher, de ses prières, de sa pénitence, de son exemple et de sa prédication, la chute des pauvres pécheurs en enfer ?
D’ailleurs, n’en est-il pas de la Foi comme de la flamme d’un feu ? Celle-ci se trouve menacée de s’éteindre non seulement si elle se trouve exposée à des intempéries trop violentes qui risquent d’avoir raison d’elle, mais également si, par un excès de précautions, on ne lui fournit plus assez de combustibles à brûler ou si on la protège de l’air ambiant jusqu’à l’étouffer. Le feu ne vit que de brûler tout ce qu’il rencontre et meurt lorsqu’il n’a plus rien à brûler.
Il en est bien de même de la Foi. En ce monde d’apostasie, d’impiété et de triomphe de toutes les débauches, la vraie prudence surnaturelle demande aux âmes de ne pas s’exposer sans avoir revêtu cette cuirasse des vertus décrite par saint Paul. Mais c’est cette même prudence qui leur démontre aussi le danger de mort où elles se placeraient à vouloir se calfeutrer dans leurs abris, abandonnant le souci de ceux qui errent autour d’elles. Notre propre Foi, qui comme le feu ne vit et ne s’épanouit que de conquêtes, réclame pour pouvoir continuer à vivre en nous d’être transmise autour de nous, et ne survivra pas à cette pusillanimité et à cet égoïsme asphyxiants : ainsi, ou l’on veut communiquer la Foi, ou l’on risque bien de ne même plus la garder en soi-même.
Quel croyant, sachant en conséquence l’inestimable trésor qu’il possède, pourrait contenir dans les étroites limites de son cœur la flamme qui s’élance déjà de lui ? C’est pourquoi, mes bien chers frères, si nous ne voulons pas perdre ce qu’il nous reste de Foi, nous nous devons d’en être des brandons. Nous devons, avec une ardeur toute nouvelle, avec un zèle ici renouvelé, retrempé dans la doctrine, dans la piété, dans la pénitence généreusement vécue, tous demander la grâce d’être intérieurement embrasés de la connaissance et de l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ pour inlassablement le communiquer autour de nous, sans nous laisser paralyser par une timidité orgueilleuse et paralysante.
Nous devons défendre nos bastions, les bastions de la Foi. Nous devons en édifier de nouveaux au fur et à mesure que nos forces nous le permettent. Et nous devons, dans la désolation, dans l’obscurité et dans les décombres de ce monde sans Dieu, demander la grâce de rayonner ce que nous sommes, car « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le candélabre, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. » Matth. V,15 Nous devons exprimer Notre Seigneur Jésus-Christ par ce que nous sommes, par le parfum des vertus chrétiennes, par l’exemple que nous donnons, par ce je ne sais quoi qui n’est pas de la terre et qui touche et qui suffit à faire penser au Ciel, par cette parole calme, résolue et ardente par laquelle nous nous trouvons toujours prêts à répondre « à quiconque vous demandera raison de l’ espérance qui est en vous. » I Pe.III, 15. N’oublions pas le grand avertissement que saint Paul s’adressait à lui-même mais qui vaut pour chacun d’entre nous : « Malheur à moi si je n’évangélise pas. » I Cor.IX, 16
Comment ne serions-nous pas étreints par une immense compassion spirituelle devant le spectacle de ces brebis sans pasteurs, de ces foules d’âmes qui ne sont pas seulement baptisées, pour qui le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, prononcé entre celui d’Allah et du Bouddha, n’évoque plus rien ? Le temps n’est-il pas revenu pour qu’à l’instar des apôtres, lorsque Notre Seigneur les appela pour la première fois, alors qu’ils raccommodaient leurs filets sur le lac de Galilée, nous soyons prêts également, chacun selon la grâce que Dieu lui donne, à lâcher tout l’inutile de nos existences pour ne plus nous consacrer, pour ne plus nous passionner que pour ce combat gigantesque et décisif du règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, du règne du Christ-Roi, et pas seulement dans les tabernacles et dans les âmes mais également sur les familles, sur les pays et sur toutes les sociétés, parce que son règne doit nécessairement être aussi social et politique ?
III°) Servons-nous des instruments infaillibles donnés par la très sainte Vierge Marie à travers les siècles.
Tout au long des siècles, la très sainte Vierge Marie, surtout dans les moments les plus difficiles de la vie des chrétiens, se penche vers eux pour leur donner des moyens de résistance incomparables face aux assauts dont leur Foi se trouve menacée. C’est le meilleur des généraux qui choisit admirablement les armes les plus adéquates pour chacun de ses soldats, selon le terrain où il a à se battre, selon la grâce qui lui a été dévolue. Grâce à Elle, nous bénéficions ainsi d’une panoplie qui ne laisse rien à désirer de tout ce qui nous est surabondamment offert pour nourrir et fortifier notre Foi, pour entretenir notre zèle et notre charité missionnaires… sinon que l’on sen serve !
Nous voudrions citer l’arme incroyable du rosaire révélée par Notre Dame à saint Dominique, arme infailliblement victorieuse s’il en est. Comment en serait-il autrement ? Le rosaire nous donne, si nos le voulons, de revivre intégralement, dans le cœur même de la très sainte Vierge Marie, tous les mystères de la vie de son divin Fils, récapitulée par ses soins en quinze tableaux. Comment celui qui se livre à cet exercice quotidien ne se remplirait-il pas infailliblement de la vie, des vertus et de l’esprit de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Arme de la victoire, à la portée de toutes les âmes tous les jours, infaillible assimilation à Notre Seigneur Jésus-Christ qui ne manque pas de se faire en nous.
Cependant, lorsque le ciel de la chrétienté s’obscurcit, en raison de la fureur destructrice de la Foi qui s’emparait du cœur de Luther, la très sainte Vierge Marie vit la nécessité de mettre à la disposition des catholiques, désormais engagés dans des combats toujours plus violents, des exercices spirituels d’entraînement qui leur permettraient de s’aguerrir suffisamment pour mener des combats plus dangereux, plus insidieux, plus meurtriers. Avant de les juger ou de les critiquer, commençons par nous rappeler que, tout comme le rosaire, les exercices spirituels de saint Ignace nous viennent aussi de Notre Dame qui les a donnés au fondateur des jésuites. Il n’est pas trop de dire que c’est à eux que nous devons la Foi, la force et le zèle d’apôtres incomparables, clercs, religieux et laïcs, chaque année soucieux de retremper leur âme dans le cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ. Puissions-nous, prêtres et fidèles, profiter ce ces retraites irremplaçables. Il nous faut d’autres saint Paul et nous croyons que nous ne manquerons pas de les obtenir par ces retraites du triomphe de l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ dans les âmes. Heureux ceux qui peuvent chaque année se livrer à ces Exercices de la sainteté !
Enfin, mes bien chers frères, en ces derniers temps où l’Eglise elle-même est devenue comme défigurée et méconnaissable, Notre Dame nous a offert comme ultime recours et comme ultime refuge tout ce qui lui restait. Comme Notre Seigneur, qui avait déjà tout donné, a voulu qu’une javeline finisse par lui ouvrir le cœur, Notre Dame a également voulu ouvrir le sien pour que nous nous y réfugiions. Pour que, dans ce lieu de toutes les vertus, nous puissions ne pas succomber à l’infection des passions mauvaises du monde.
C’est en ce cœur que nous ne cesserons jamais de trouver tout ce dont nous avons besoin pour demeurer fidèles : la Foi, l’Espérance, la Charité, l’humilité, la force, le zèle, la paix, la joie et tous les autres dons de Dieu. Que nous trouverons ou que nous retrouverons le sens de la vraie pureté chrétienne, grand trésor de l’Immaculée, qui, aujourd’hui encore, en Elle, peut être préservée. Inspirons-nous de ce Cœur, et nous renoncerons de nous-mêmes à tant de vanités et à tant de futilités, que nous éviterons de nous disperser et de nous fatiguer inutilement pour ne plus nous sustenter que de la vraie nourriture et ne plus vivre que de la vraie vie. Bienheureuse pureté chrétienne sur laquelle les parents doivent veiller dans leur foyer et dans les cœurs de leurs enfants comme sur une perle inestimable que rien ne doit venir ternir. Bienheureuses mères chrétiennes ayant sans cesse à l’esprit que c’est la vérité de leur pureté intérieure, et donc extérieure, qui fera celle de leurs enfants.
Mes bien chers frères, nous ne devons pas nous quitter sans promettre à Notre Dame de Lourdes, chacun dans son cœur et tous ensemble, de vouloir constituer, à l’occasion de ce pèlerinage, une nouvelle légion de Marie, animée de ce même esprit admirable de Foi et de dévotion mariale qui jaillit en Irlande dans les années 1920, et dont il est possible qu’elle aurait eu un rôle déterminant dans la reconquête du monde entier à Notre Seigneur Jésus-Christ, par la très sainte Vierge Marie, si elle n’avait pas été stoppée, elle aussi, par les menées du faux œcuménisme. Au cœur de cette messe, renouvellement du saint Sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ sur le Calvaire, à quelques instants de notre communion, acceptons enfin de nous convertir pour de bon et de nous élancer de Lourdes comme une armée de missionnaires. Nous vous promettons, ô Notre Dame de Lourdes, de ne pas quitter ce sanctuaire sans la volonté de ne plus être autre chose qu’une infatigable légion toute dévouée au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Abbé Régis de CACQUERAY , Supérieur du District de France
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