Les ordres
Les trois Ordres Mendiants majeurs, les Cordeliers (Frères Mineurs ou Franciscains), les Jacobins (Frères Prêcheurs ou Dominicains) et les Carmes avaient installé leurs couvents, à Bergerac, dans le courant du XIIIe siècle.
Des origines obscures.
Certains font remonter la fondation du couvent de Bergerac du vivant même de Saint François. Le R.P Fidel DURIEUX dans son « Esquisse du passé franciscain du Périgord » (in Bulletin de la Société Historique du Périgord, 1956 p.136) se montrait plus prudent.
La première mention de la présence des Fréres Mineurs à Bergerac apparaît dans les « Rôles Gascons » , tome I, page 53, nº 4664 et 4665, sous la forme d’un mandement du connétable de Bordeaux « quod viginti et V tunicas faciat fratribus minoribus de Brageriaco » du 25 octobre 1255.
A partir de la deuxième moitié du siècle, les témognages se multiplient : legs testamentaires des seigneurs locaux, puis, pour la période de 1382 à la Révolution, de nombreux renseignements à collecter dans les Jurades de la ville de Bergerac, éditées partiellement par G. CHARRIER.
La localisation du premier couvent
Comme les deux autres représentants des Ordres Mendiants, les Cordeliers avaient installé leur maison hors de l’enceinte de la ville près des portes, à la porte Clairac, au Sud-Est de la ville, près de la riviére.
L’apogée de l’époque médiévale
Le rôle des ordres mendiants dans la cité médiévale est celui de « spécialistes de la mort et de la parole ». En effet, la bourgeoisie urbaine ayant une plus grande confiance en la vertu de la prière des moines, faisait plus volontiers appel à ces derniers dans les moments difficiles de l’existence (guerres et épidémies). L’intervention des moines était particulièrement recherchée au moment de la mort : les églises des couvents mendiants se transformèrent ainsi en véritables nécropoles.
Les moines mendiants se partageaient également, selon une une tradition bien établie et réglementée par la communauté urbaine, la prédication des Avent et Carême dans la grande église paroissiale Saint-Jacques.
Quels bâtiments ?
Aucun plan, aucune description de nous sont parvenus. Une église, un cloître, un jardin. L’église était sans doute plus vaste que l’actuelle. Etait-elle exactement au même endroit ? On peut penser qu’elle ressemblait aux autres églises de la même famille que l’on a pu comparer à de « grandes halles à prêcher ». De cette époque médiévale nous est parvenu un document précieux, conservé à la Bibliothèque municipale de Bordeaux (manuscrit 88) : c’est un bréviaire romain copié au couvent franciscain de Bergerac en 1485 . Le copiste se nomme frère Antoine DELORME. Au calendrier, le 26 août, est inscrite, en rouge, la dédicace de l’église de cette maison : « Consecratio ecclesiae Minorum Brageriacensium » (analyse du manuscrit par le R.P AMIET, in Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, t. 112, page 142).
Destructions et reconstructions
De par leur position géographique, les couvents mendiants étaient particulièrement vulnérables en période de crise (guerre de cent, guerres de religion). Ils représentaient une cible privilégiée pour les Réformés. Dés 1544, les premiers troubles sont signalés à Bergerac (Jurades) : la statue de Notre-Dame-du-Pont fut décapitée et sa tête jetée dans la rivière Dordogne ; les maisons des Carmes et des Cordeliers furent envahies, des croix brisées et des objets du culte volés.
Bergerac bascula dans le camp de la réforme à partir de 1562 et demeura une place protestante jusqu’en 1621. Les moines mendiants quittèrent la ville et leurs couvents détruits servirent de carrières commodes pour les habitants de la ville (Jurades).
Après la reconquête de la ville en 1621, les moines mendiants se réinstallèrent progressivement. En 1651 les Cordeliers ont réinvesti partiellement les lieux : « les religieux du couvent des Fréres Mineurs […] font bastir une petite maison proche de leur chay, quy est au devant de la porte de Cleyrac » (Jurades, t.8, page 263). la reconstruction de l’église prendra plus de temps encore : il fallut attendre la fin des troubles de la fronde : elle fut alors consacrée en 1682 par Mgr Le Boux, évêque de Périgueux et Sarlat et placée sous le vocable de Saint Jean l’Evangéliste (c’est la chapelle actuelle). C’est à cette époque, entre 1660 et 1680, que Bergerac connut une intense activité de reconstruction des édifices religieux : l’architecte LACROIX reconstruisit l’église Saint-Jacques et le couvent des Jacobins (In Carmelus, Vol.41–1944).
Recherches pour « passionnés »
Les lecteurs de « la toile » qui sont intéressés par l’histoire des Cordeliers pendant et aprés la Révolution peuvent consulter les Archives municipales de Bergerac où ils trouveront :
– Le « Livre des Procures des Cordeliers » qui couvre la période 1779–1790. Ils y trouveront des renseignements sur les revenus des religieux, leur nombre, mais aussi des descriptions probables de l’église et de son contenu.
– Les Inventaires des biens du clergé effectués par les officiers municipaux en vue de leur vente comme biens nationaux. Outre les biens fonciers, sont inventoriés les objets liturgiques des églises, le mobilier et le contenu des bibliothèques des couvents.
– La vente des biens des Cordeliers réalisée en partie : le 8 juin 1791 sont vendus le corps de maison , le cloître, deux jardins, un chai et une maison de jardinier, le tout pour la somme de 28 500 livres à un bourgeois bergeracois DUSSUMIER aîné. L’église n’est pas mentionnée.
– Le livre de Henri LABROUE « La mission du conventionnel Lakanal dans la Dordogne en l’an II » nous parle du sort réservé à cette église. Celle des Carmes fut transformée en manufacture d’armes, puis devint le Tribunal de Bergerac, sa chapelle servant de prétoire. Le jardin des Carmes fut transformé en jardin public, c’est l’actuelle place de la République…
– Enfin, on peut se rapporter à la thèse de l’abbé POMMAREDE sur « La séparation de l’Eglise et de l’Etat en Périgord ».