En décembre est paru le dernier ouvrage du Professeur Roberto de Mattei, Il Concilio Vaticano II. Una storia mai scritta (Le Concile Vatican II, une histoire jamais écrite), éditions Lindau. Ce livre a suscité un large débat dans lequel sont intervenus des universitaires et des journalistes tels que Francesco Agnoli, Mario Palmaro, Alessandro Gnocchi, Corrado Gnerre, qui se sont exprimés en faveur des thèses du Pr de Mattei, alors que l’historien progressiste de l’école de Bologne, Alberto Melloni, et le sociologue Massimo Introvigne se sont exprimés contre. Le Pr de Mattei est intervenu dans le débat avec un article, publié dans le quotidien Libero du 12 décembre, dont nous reproduisons ci-dessous un large extrait.
(…) Mgr Gherardini, professeur émérite d’ecclésiologie à l’Université du Latran, dans son livre Le Concile Œcuménique Vatican II, un débat à ouvrir (2009), a bien développé le bon critère de l’herméneutique théologique. Soit l’on estime, comme Mgr Gherardini, que les propositions du Concile Vatican II, non liées à des définitions précédentes, ne sont ni infaillibles ni irréformables et donc même pas contraignantes ; soit l’on accorde au Concile une autorité telle qu’elle éclipse les vingt autres conciles précédents de l’Eglise, les abrogeant ou les remplaçant. Sur ce dernier point, il paraît qu’il n’y a pas de différence entre les historiens de l’école de Bologne, comme le Professeur Alberto Melloni, et les sociologues, comme Massimo Introvigne, qui semblent donner une valeur d’infaillibilité au Concile Vatican II.
Il y a pourtant un deuxième problème qui va au-delà de la discussion sur la continuité/discontinuité des textes conciliaires et ne concerne pas le domaine théologique, mais le domaine historique. C’est le sujet auquel j’ai voulu apporter une contribution dans mon récent livre, Il Concilio Vaticano II. Una storia mai scritta, publié par les éditions Lindau en décembre 2010. Dans cet ouvrage, je ne propose pas une lecture théologique des textes, afin d’en évaluer la continuité ou la discontinuité avec la Tradition de l’Eglise, mais une reconstruction historique de ce qui se passa à Rome entre le 11 octobre 1962 et le 8 décembre 1965. Il s’agit d’un travail complémentaire à l’approche théologique et qui ne devrait donner de souci à personne. On ne comprend pas en effet les réactions préoccupées de ceux qui craignent que cette histoire puisse apporter de l’eau au moulin de l’herméneutique de la discontinuité. Faudrait-il alors renoncer à écrire l’histoire du Concile Vatican II ?
Ou faudrait-il admettre que seule l’école de Bologne a le droit de l’écrire, elle qui a offert des contributions certes remarquables, mais idéologiquement tendancieuses ? Et si des éléments de discontinuité devaient émerger, sur le plan historique, pourquoi craindre leur divulgation ? Comment nier une discontinuité, non pas ici dans les contenus, mais dans le nouveau langage du Concile Vatican II ? Un langage fait non seulement de déclarations, mais aussi de gestes, de silences et d’omissions, qui peuvent révéler les tendances profondes d’un événement encore plus que le contenu des textes. L’histoire de l’inexplicable silence sur le communisme, par exemple, de la part d’un Concile qui aurait dû s’occuper des faits du monde, ne peut pas être ignorée.
L’historien qui se prépare à cette tâche ne peut pas isoler les textes du Concile Vatican II du contexte historique au sein duquel ils furent produits, car c’est justement du contexte qu’il s’occupe en tant qu’historien. De même, le Concile Vatican II ne peut pas être présenté comme un événement qui ne concerne que trois années de l’histoire de l’Eglise, sans en considérer les racines profondes et les conséquences également profondes qu’il eut dans l’Eglise et dans la société.
La prétention de séparer le Concile du post-Concile est aussi insoutenable que celle de séparer les textes conciliaires du contexte pastoral où ils furent écrits. Aucun historien sérieux et même aucune personne de bon sens ne pourrait accepter cette séparation artificielle qui naît d’un pur parti pris et non d’une sereine et objective évaluation des faits. Encore aujourd’hui, nous vivons les conséquences de la « Révolution conciliaire » qui anticipa et accompagna celle de Mai 68. Pourquoi le cacher ? L’Eglise, comme l’affirma Léon XIII, ouvrant aux chercheurs les Archives Secrètes du Vatican, « ne doit pas craindre la vérité ».
Roberto de Mattei
Sources : lepantofoundation/n°228 du 22/01/11