N° 23 – Mai 2009
hère Madame,
La maîtrise de soi est nécessaire pour bien vivre. Mais en quoi consiste cette maîtrise de soi ?
Elle permet de se dominer, de se posséder, en un mot de se gouverner. C’est ordonner tout son être, à savoir, la chair à l’esprit, les passions à la volonté, et pour cela il faut réfréner les instincts pour les soumettre aux exigences de la raison ; autrement dit, c’est suivre, dans sa conduite, non l’appel des sens, mais la voix de la conscience.
Comme l’écrivait le Pape Pie XI dans son encyclique sur l’éducation chrétienne, être homme, « c’est penser, juger, agir avec constance et esprit de suite, suivant la droite raison. »
Ce qui est difficile dans l’éducation, n’est pas d’obtenir de l’enfant que, de temps en temps et dans quelques uns de ses actes, il réprime ses caprices et consente à renoncer à son plaisir, mais de disposer en lui l’habitude de vouloir le bien et de lui inspirer la résolution de fermer l’oreille à ses pensées et désirs qui l’empêcheraient de poursuivre la route du devoir.
La loi même de la vie commande cette maîtrise. Car Dieu a mis cet ordre dans toute la création qui fait que la vie n’est possible que si elle est unifiée. Pour unifier sa vie, l’épanouir, et se protéger contre toutes les forces hostiles, tout en développant toutes ses puissances d’action, l’homme dispose d’une lumière spéciale appelée la raison.
Apprendre à l’enfant à vivre en être humain, c’est, en conséquence l’amener à vivre habituellement et constamment suivant sa conscience.
Or, aujourd’hui, les éducateurs le constatent : de plus en plus les enfants n’entendent pas, peu ou plus la voix de leur conscience, soit parce qu’ils ne la connaissent pas, soit qu’ils la taisent, habitués qu’ils sont à satisfaire leurs caprices ou leurs plaisirs.(avec parfois l’assentiment de maman qui craint de « frustrer son petit »). Je crois plutôt que c’est un défaut dans l’éducation. Erreur ou ignorance des parents sur le sujet ?
Quels sont les effets du manque de maîtrise ?
A force de suivre la voix du caprice, l’enfant devient « incapable » d’obéir. Car le plaisir devenu tyran s’acharne sur l’âme et finit par détruire la raison : il l’absorbe, il la rabaisse, il l’affaiblit.
Le plaisir anémie aussi la volonté. Celle-ci en arrive à ne plus être en mesure d’agir, lorsque le plaisir ne la stimule pas, et à ne plus pouvoir résister dès que l’impulsion se déclenche. Pourquoi voit-on des enfants, des adolescents, voire des adultes ! si mal se tenir, ne serait-ce qu’en s’asseyant en quelque lieu que ce soit ?. Impossible alors de leur demander de s’asseoir autrement : le mauvais pli est pris. Corriger de telles habitudes est très difficile et même presque impossible. C’est l’éducateur qui devient tyrannique pour l’enfant. Les rôles sont inversés : c’est le résultat de ce désordre.
L’enfant qui a l’habitude de faire à sa guise, fuit la douleur (se plaint trop facilement pour un rien), et capitule devant l’effort.
Le plaisir (disons le caprice pour les petits) tue le cœur, parce qu’il ravage et détruit l’affection filiale pour le moi « égoïste ». La passion n’aime que soi-même, ou les autres pour soi (par intérêt). Le cœur devient insensible et même dur : d’où l’insolence prompte et parfois fréquente pour certains, quand on contrecarre ce caprice. Que d’exemples pourrions-nous donner à notre époque ! Le contentement non contrôlé par la droite raison saccage la vie de toute civilisation. C’est à l’origine, dans certains cas, de la dissolution de nombreux foyers actuellement. Il introduit la brouille dans la famille, les disputes et les divorces dont les enfants sont les premières victimes. Ceci est aussi à l’origine de ce manque de générosité prompte et désintéressée que nous voyons trop fréquemment.
Avec la vie et le goût de vivre, le plaisir ruine la joie et le bonheur, car il entretient dans l’âme une atmosphère de lassitude et d’ennui. Autre est notre destinée de chrétiens. « Dieu aime celui qui donne avec joie », (St. Paul Corint.II‑9,7) et, Jésus est venu sur notre terre pour nous annoncer la bonne nouvelle. Vivre en bons chrétiens c’est vivre selon l’ordre établi par Dieu, en observant les Commandements par amour de Dieu. Ainsi, l’âme glorifie son Père du ciel qui lui promet le bonheur éternel. Telle est notre but ; Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il vive de la vraie vie et qu’il soit heureux.
Quelques erreurs à ne pas commettre :
Une manière très sûre de développer chez l’enfant l’instinct du bon plaisir et l’habitude innée de n’agir qu’à sa guise, consiste simplement à le consulter avant chaque chose qu’il y aura lieu d’entreprendre pour lui, par lui, ou avec lui. Les demandes lui sont faites de telle manière qu’il peut choisir : « Veux-tu te lever ? Veux-tu venir te promener ? Que veux-tu manger ? Quel vêtement veux-tu mettre aujourd’hui ? Veux-tu faire ceci ? Veux-tu aller là ? etc.,…
Bien entendu, on s’expose à ne pas toujours avoir la réponse souhaitée. Ce sera, tantôt « oui », tantôt « non » ! plus ou moins énergique ; tantôt un « tout à l’heure » indolent ; tantôt une alternative de « oui » et de « non » se contredisant, se succédant….
En face du « non » énergique, il y a généralement, de la part de l’adulte, un petit recul de la volonté ; celle-ci, quelquefois, bat totalement en retraite : « Je lui ai demandé de ranger ses jouets et il n’a pas voulu ! » Maman, très courageuse, revient à la charge, insiste, ou bien, fait appel aux sentiments « pour faire plaisir à maman » avec au bout, la perspective d’une récompense.
La question du « Veux-tu ? » installe et entretient à merveille, chez un petit de quatre ans, la conscience et la conviction d’un pouvoir presque absolu remis aux mains de sa petite majesté. A ces questions, il faut préférer un simple : « Lève-toi », « Habille-toi », « Viens prendre ton petit déjeuner », etc.,… Ce qui découragerait la possibilité de se sentir le maître et fortifierait l’enfant à suivre le mouvement ordonné par maman.
Chez un enfant qui n’a jamais été consulté pour savoir s’il lui plaira ou pas de faire ce qu’on lui commande, l’idée ne lui vient pas de manifester une autre volonté que celle qu’on lui exprime avec une tranquille assurance doublée d’une claire, évidente et redoutable supériorité dans les moyens d’exécution. Car l’enfant sait fort bien et perçoit parfaitement qu’il n’y a pas d’alternative et que l’acte demandé par maman doit être exécuté.
De votre part, il faut un véritable et courageux parti pris d’effacement et de subordination, pour ne pas abdiquer ainsi devant vos prérogatives, vos droits et votre puissance, face à la touchante faiblesse de l’être encore fragile que vous avez pour mission de pétrir, de former, de plier au devoir et d’élever dans le bien.
Chère Madame, réagissez à cette mauvaise tendance moderne de se laisser manipuler par l’enfant qui sait très bien jouer à ce « petit jeu » qu’on lui enseigne quotidiennement, à la télévision (les films montrent tant de mauvais exemples de ce genre !) et dans certaines écoles…. Vous êtes la gardienne de votre enfant, ne l’oubliez pas. Votre vigilance doit le prévenir de tout premier faux pas.
(à suivre)
Une Religieuse.