À propos de la Confirmation : un Évêque parle – Le Saint Pie n° 174

Le soir de l’Ascension, Monseigneur de Galarreta atter­rit à Libreville. Il est venu de loin afin de confé­rer le sacre­ment de confir­ma­tion. Le len­de­main de son arri­vée, Monseigneur donne une confé­rence sur la situa­tion de l’Eglise et explique pour­quoi, mal­gré le retrait des excom­mu­ni­ca­tions, nous ne pou­vons pas faire appel aux Évêques dio­cé­sains, pour les confirmations.

Enfin, le grand jour arrive. Le matin du dimanche 24 mai, les cent trente confir­mands se ras­semblent dans le bâti­ment saint Joseph pour les ultimes pré­pa­ra­tifs et pour se recueillir avant la céré­mo­nie. Imposante céré­mo­nie en véri­té : c’est tout l’appareil des grandes solen­ni­tés pon­ti­fi­cales qui est déployé. La pro­ces­sion d’entrée dure dix bonnes minutes, accom­pa­gné d’un « Nous vou­lons Dieu » chan­té à plein pou­mon par au moins deux mille per­sonnes. Le soleil était par­ti­cu­liè­re­ment fort ce jour-​là et les fidèles, dont la moi­tié à peine a pu trou­ver une place dans l’é­glise, se ser­raient dans les coins d’ombre offerts par les bâti­ments ou les rares arbres du voisinage.

Monseigneur fait un ser­mon élo­quent au cours duquel il rap­pelle l’im­por­tance et la néces­si­té du com­bat chré­tien. Puis les confir­mands un à un gra­vissent les marches de l’autel et s’agenouillent devant Monseigneur qui trace sur leur front l’onction du sol­dat du Christ. C’est toute une pha­lange qui est incor­po­rée ce jour-​là dans l’armée du Seigneur pour défendre la foi par­ti­cu­liè­re­ment atta­quée ces der­niers temps. Quel hon­neur et quelle res­pon­sa­bi­li­té : entrer dans l’armée du Christ à l’heure même où Satan et le monde Lui livrent bataille.

À propos de la Confirmation : un Évêque parle

« On apprend les sacre­ments dans un ordre pré­cis où la Confirmation est pla­cée avant la Communion. Pourquoi alors reçoit-​on ces sacre­ments dans l’ordre inverse ? » Cette ques­tion est sou­vent posée, au caté­chisme, par des élèves atten­tifs. En réponse, voi­ci de très larges extraits d’une ordon­nance épis­co­pale de Mgr Antoine Marie Hyppolite Carrie. Ce texte est tiré du : « Le Mémorial du Congo Français – N°14, juillet 1890 ». C’était le bul­le­tin épis­co­pal de liai­son dans le Vicariat Apostolique de Loango (Congo/​Gabon).

Mgr Carrie était spi­ri­tain fran­çais. Sacré évêque par le Cardinal Richard, Archevêque de Paris, le 24 octobre 1886, il reçoit la charge du Vicariat Apostolique du Congo Inférieur Français, tan­dis que le célèbre Mgr Augouard reçoit le Congo Supérieur et l’Oubangui. Mgr Carrie s’installe à Loango et rayonne jusqu’à Sette-​Cama au Gabon. Ainsi la Mission Catholique de Mayumba est fon­dée en 1888. Il meurt à Loango, le 8 octobre 1904, âgé de 62 ans. Son Vicariat comp­tait alors 4000 chré­tiens répar­tis en six sta­tions principales.

Ce docu­ment date de la période où l’essor des Missions Catholiques, par­tout dans le monde, et par­ti­cu­liè­re­ment en Afrique, fut très impor­tant. Son inté­rêt est d’autant plus grand qu’il émane d’un évêque mis­sion­naire aux prises avec la dure réa­li­té d’une évan­gé­li­sa­tion en terre païenne. Face à un tel défi, l’évêque doit éta­blir les meilleures condi­tions pour que la grâce divine s’épanouisse : « Nous sommes les dépo­si­taires de ces moyens, mal­heur à nous si nous sommes des dis­pen­sa­teurs infi­dèles, nous aurons à rendre compte des âmes qui se seront per­dues par notre faute ».

Extraits de l’Ordonnance de Mgr Carrie, Vicaire Apostolique de Loango

Un usage contraire à la pratique commune de l’Eglise

Désirant ardem­ment que la Mission du Congo Français n’ait, en tout et par­tout, que la plus pure doc­trine de l’Eglise, catho­lique, apos­to­lique et romaine ; qu’elle ne connaisse pas d’autre esprit ni d’autres usages que ceux de cette sainte Mère de toutes les Églises, Nous avons réso­lu de rompre entiè­re­ment avec un usage moderne et exclu­si­ve­ment fran­çais rela­ti­ve­ment à l’ad­mi­nis­tra­tion du sacre­ment de Confirmation.

Depuis le com­men­ce­ment de ce siècle, en effet, l’u­sage s’est intro­duit en France de n’ad­mi­nis­trer ce sacre­ment qu’aux enl’Eglise fants ayant fait la pre­mière Communion. Or c’est là un usage entiè­re­ment contraire à ce qui s’est fait dans toute l’Eglise depuis les Apôtres, jusqu’à notre grande révo­lu­tion, époque à laquelle la France seule s’est écar­tée de la pra­tique com­mune de l’Eglise.

A quel âge confirmer ?

(Au début du Christianisme aus­si­tôt après le bap­tême, même pour les petits ; mais depuis plu­sieurs siècles l’Eglise confirme à l’âge de rai­son, vers 7 ans)

Tous les théo­lo­giens sont una­nimes à recon­naître qu’il convient d’at­tendre, pour les confir­mer, que les enfants soient arri­vés à l’âge de rai­son mais pas un ne sup­pose qu’on dif­fère plus long­temps ce sacre­ment, ils n’y pensent même pas. Quant à le remettre après la pre­mière com­mu­nion, (…) on ne trou­ve­ra aucun ves­tige de cet usage pen­dant les 18 pre­miers siècles de enl’Eglise. Le faire est donc aller contre toute la tra­di­tion et contre l’es­prit de l’Eglise. Citons ici le caté­chisme du Concile de Trente qui résume toute cette tra­di­tion, et nous fait connaître de la manière la plus cer­taine le véri­table esprit de l’Eglise sur cette question :

« Tous ceux qui sont bap­ti­sés peuvent être confir­més ; cepen­dant il ne convient pas d’administrer ce sacre­ment à ceux qui n’ont pas encore l’usage de la rai­son ; et si l’on ne croit pas qu’il soit néces­saire d’attendre l’âge de douze ans, au moins est-​il conve­nable de ne pas l’administrer avant l’âge de sept ans. (17,4) Il faut remar­quer ici :
1° (d’après le Catéchisme romain et le plus grand nombre des théo­lo­giens, il est encore per­mis de confir­mer avant l’âge de rai­son).
2° (On peut confir­mer les petits enfants, si c’est l’u­sage du pays, ou pour des rai­sons par­ti­cu­lières, comme une longue absence de l’Évêque, ou le dan­ger de mort). »

Confirmer avant la 1ère communion

Mais il y a encore d’autres rai­sons pour ne pas ren­voyer la Confirmation après la 1re Communion.

a) La récep­tion de ce sacre­ment demande beau­coup moins de connais­sances de la reli­gion, et de per­fec­tion dans les dis­po­si­tions de ceux qui le reçoivent, que le sacre­ment de l’Eucharistie. (…)

b) Puisque la récep­tion de ce sacre­ment est beau­coup plus facile que celle de l’Eucharistie, pour­quoi donc en pri­ver si long­temps les enfants lors­qu’ils peuvent le rece­voir ? Car nous devons avoir pour prin­cipe d’ad­mi­nis­trer le plus tôt et le plus sou­vent pos­sible les sacre­ments aux fidèles. Ce sont en effet, les sacre­ments qui régé­nèrent et sanc­ti­fient les âmes (…)

c) Puisque le grand obs­tacle à l’ef­fi­ca­ci­té divine de ce sacre­ment dans les âmes est le péché mor­tel, nous devons nous hâter de l’ad­mi­nis­trer aux enfants pen­dant qu’ils sont encore innocents. (…)

d) Puisque ce sacre­ment nous donne des forces pour vaincre dans les com­bats spi­ri­tuels de la vie, pour­quoi ne pas pro­cu­rer ces forces aux enfants dès qu’ils peuvent en avoir besoin pour sou­te­nir ces com­bats ? Or, ces luttes com­mencent pré­ci­sé­ment avec l’u­sage de la rai­son. Attendrez- vous, que ces sol­dats de Jésus-​Christ soient vain­cus pour leur por­ter les secours qu’Il leur a pré­pa­rés ? Pourquoi les envoyer aux com­bats jusqu’à l’âge de 12, 15 et 20 ans sans les armes dont ils ont besoin pour se défendre et pour vaincre ? Le faire, est aller et contre la rai­son, et contre la pru­dence, et contre les inten­tions de l’Eglise, et contre la volon­té de Notre Seigneur qui ne per­met la ten­ta­tion pour les enfants que parce qu’il leur a pré­pa­ré les moyens de la vaincre. Nous sommes les dépo­si­taires de ces moyens, mal­heur à nous si nous sommes des dis­pen­sa­teurs infi­dèles, nous aurons à rendre compte des âmes qui se seront per­dues par notre faute.

e) Si la Confirmation est si for­te­ment recom­man­dée aux chré­tiens dans nos pays catho­liques, que doit-​on pen­ser des chré­tiens qui vivent au milieu des païens ; des néo­phytes qui doivent être les fon­de­ments solides et inébran­lables d’une socié­té à fon­der, dans des condi­tions on ne peut plus désa­van­ta­geuses ? On doit dire har­di­ment qu’elle leur est sou­ve­rai­ne­ment utile pour ne pas dire indis­pen­sable. Que, par consé­quent, il y a pour eux une obli­ga­tion grave de la rece­voir au plus tôt et pour nous éga­le­ment une obli­ga­tion très grave de l’ad­mi­nis­trer dès que nous le pouvons.

Une expérience pastorale

Or si nous atten­dons que les enfants aient fait leur pre­mière Communion, pour les confir­mer, il arri­ve­ra inévi­ta­ble­ment, ain­si que l’ex­pé­rience le prouve, que beau­coup d’en­fants chré­tiens ne seront jamais confir­més ; parce que tous les ans il y en a quelques uns qui quittent la Mission avant d’a­voir fait la pre­mière Communion. Que Dieu nous garde de prendre sur nous la res­pon­sa­bi­li­té de leur perte en ne fai­sant pas tout ce qui dépend de nous pour l’é­vi­ter. Or, c’est ce qui arri­ve­rait si nous ne nous confor­mions pas à l’es­prit et à la pra­tique de l’Eglise en ce qui regarde la Confirmation.

Dispositions pratiques

En consé­quence :

  • 1° Nous vou­lons et ordon­nons que désor­mais dans tout notre Vicariat les enfants soient pré­pa­rés à la Confirmation dès l’âge le plus tendre, de sorte qu’ils puissent la rece­voir fruc­tueu­se­ment dès qu’ils auront l’âge de raison.
  • 2° Nous dési­rons et vou­lons que les petits enfants eux-​mêmes ne soient pas pri­vés de ce sacre­ment lors­qu’ils seront en dan­ger de mort. (…)
  • 3° (Ne pas dépas­ser trois ans, sans admi­nis­trer la confirmation)
  • 4° (…) Comme pré­pa­ra­tion à ce sacre­ment on se conten­te­ra d’a­jou­ter à ce qui est deman­dé pour le bap­tême des adultes une connais­sance plus appro­fon­die du cha­pitre qui traite de la Confirmation. (…) 
  • 5° (Dispositions pra­tiques pour les simples prêtres)
  • 6° (Tenue des registres)

Et sera la pré­sente ordon­nance lue en réunion de Communauté le pre­mier dimanche qui sui­vra sa réception.

Donné à Loango le 2 juillet, fête de la visi­ta­tion de la Bienheureuse. Vierge Marie, de l’an­née 1890.

† A. CARRIE – Vicaire apos­to­lique du Congo Français.

Extrait du Saint Pie n° 174 de mai 2009