Mgr Raymond Centène, êvêque de Vannes, le 9 juillet 2007


à propos du Motu Proprio « Summorum pontificum » 

« Mgr Raymond Centène » du 9 Juillet 2007 

Chers amis,

Depuis près d’un an la presse annonce la publi­ca­tion d’un « Motu Proprio » visant à libé­ra­li­ser la célé­bra­tion de la messe selon le rite en vigueur avant le Concile Vatican II.

« Des nou­velles et des juge­ments for­mu­lés sans infor­ma­tions suf­fi­santes ont sus­ci­té beau­coup de confu­sion. » [1]

Personnellement, lors de la ses­sion du Conseil pres­by­té­ral, je me suis refu­sé à prendre par­ti sur un docu­ment que je n’a­vais pas encore lu puis­qu’il n’é­tait pas encore publié.

Depuis le 7 juillet, nous sommes en pos­ses­sion du texte défi­ni­tif accom­pa­gné d’une lettre de Benoît XVI aux évêques. Vous trou­ve­rez ces deux textes ci-joints.

Ce « Motu Proprio » « Summorum pon­ti­fi­cum » entre­ra en vigueur le 14 sep­tembre, en la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix.

D’ici là je vou­drais vous don­ner quelques clés de lec­ture pour accueillir dans un esprit filial la volon­té que le Pape exprime dans ces deux documents.

Essayons d’a­na­ly­ser les motifs de l’in­ter­ven­tion du Saint Père (I) les règles qu’il édicte (II) et les moyens concrets de les mettre en œuvre sans bou­le­ver­se­ment pour la vie dio­cé­saine (III).

I) Les motifs de l’intervention de Benoît XVI

Dans la lettre aux évêques, le Pape exprime la rai­son pro­fonde qui l’a conduit à publier ce « Motu Proprio ».

Il est entiè­re­ment dic­té par le double sou­ci de retrou­ver l’u­ni­té de l’Eglise et de signi­fier que son his­toire n’est pas faite de rup­tures mais de crois­sances et de pro­grès dans un déve­lop­pe­ment orga­nique. « Ce qui était sacré pour les géné­ra­tions pré­cé­dentes reste grand et sacré pour nous et ne peut à l’im­pro­viste se trou­ver tota­le­ment inter­dit, voire consi­dé­ré comme néfaste. » [2]

L’Eucharistie est le lien de l’u­ni­té et le bien de la cha­ri­té. Comment pourrait-​elle deve­nir source de divi­sions et motif de discordes ?

Le Concile Vatican II nous invite à pro­mou­voir l’u­ni­té avec les Eglises sœurs par le dia­logue œcu­mé­nique. Paul VI et Jean-​Paul II ont mani­fes­té par des gestes concrets et des atti­tudes de repen­tance leur désir de réconciliation.

Benoît XVI constate que « aux moments cri­tiques où les divi­sions com­men­çaient à naître les res­pon­sables de l’Eglise n’ont pas fait suf­fi­sam­ment pour conser­ver ou conqué­rir la récon­ci­lia­tion et l’u­ni­té ; on a l’im­pres­sion que les omis­sions dans l’Eglise ont eu leur part de culpa­bi­li­té dans le fait que ces divi­sions aient réus­si à se conso­li­der. » [3]

C’est ce pro­ces­sus qu’il veut évi­ter à l’é­gard de tous ceux que leur atta­che­ment aux anciennes formes litur­giques a pu pous­ser vers des atti­tudes de scis­sion depuis la fin du der­nier Concile, et plus encore, depuis les consé­cra­tions épis­co­pales illi­cites de Mgr Lefebvre, en 1988.

Ce serait donc aller à l’en­contre de cette inten­tion du Pape que d’u­ti­li­ser le « Motu Proprio » pour ral­lu­mer une sorte de guerre litur­gique qui ferait de l’Eucharistie un moyen d’op­po­si­tion et de division.

Par ailleurs, le Pape veut recon­naître qu’en beau­coup d’en­droits, la manière dont la réforme litur­gique de Vatican II a été appli­quée, n’est pas exempte de cri­tiques : « on ne célé­brait pas fidè­le­ment selon les pres­crip­tions du nou­veau mis­sel, au contraire, celui-​ci finis­sait même par être inter­prê­té comme une auto­ri­sa­tion, voire même une obli­ga­tion de créa­ti­vi­té ; cette créa­ti­vi­té a sou­vent por­té à des défor­ma­tions de la litur­gie à la limite du sup­por­table. » [4]

La foi de l’Eglise n’a pas chan­gé. Les divers rites qui expriment cette foi ne peuvent pas s’ex­clure ni être mis en concurrence.

C’est pour­quoi Benoît XVI sou­ligne qu’il n’y a aucune contra­dic­tion entre l’une et l’autre forme du rite romain. « Il est bon pour nous tous de conser­ver les richesses qui ont gran­di dans la foi et dans la prière de l’Eglise et de leur don­ner leur juste place. »[5] Loin de s’op­po­ser, « les deux formes d’u­sage du rite romain peuvent s’en­ri­chir réci­pro­que­ment » [6]dans le pro­ces­sus de réforme et de crois­sance qui marque la vie de l’Eglise. 

II) Les règles édictées par le « Motu Proprio »

a) Notons tout d’a­bord qu’il n’y a pas de retour en arrière. Il ne s’a­git ni de géné­ra­li­ser ni de pro­mou­voir des pra­tiques litur­giques préconciliaires. 

Le mis­sel de Paul VI reste donc la forme ordi­naire, c’est-​à-​dire habi­tuelle du rite romain. 

Les textes du Concile Vatican II et la litur­gie qui en est issue conti­nue­ront à ins­pi­rer l’ac­tion et la prière des prêtres et des chré­tiens qui sont invi­tés à en appro­fon­dir tou­jours mieux l’en­sei­gne­ment authentique.

Personnellement, je veux redire ma gra­ti­tude et ma recon­nais­sance à tous les acteurs qui chaque dimanche pré­parent et animent des célé­bra­tions de qualité.

Qu’elles conti­nuent à être belles, priantes, qu’elles favo­risent l’in­té­rio­ri­té et puissent don­ner le goût de Dieu.

b) Le mis­sel publié en 1962 par Jean XXIII (der­nière édi­tion du mis­sel de Saint Pie V) est dési­gné comme la forme extra­or­di­naire du même rite romain.

Il peut être uti­li­sé sans auto­ri­sa­tion préa­lable par tout prêtre, tant sécu­lier que régu­lier, pour des célé­bra­tions « sine popu­lo » tou­te­fois, les fidèles qui en mani­fes­te­ront le désir spon­ta­né pour­ront assis­ter à ces célébrations.

c) Jusqu’à pré­sent, on consi­dé­rait que les célé­bra­tions publiques selon le mis­sel de 1962, par­fois deman­dées pour des mariages, des sépul­tures ou des pèle­ri­nages, devaient être auto­ri­sées par l’é­vêque du Diocèse. Désormais, cette auto­ri­sa­tion relè­ve­ra du curé de chaque paroisse.

Il se déter­mi­ne­ra dans le sou­ci du bien des âmes et la volon­té de les main­te­nir dans l’u­ni­té de l’Eglise.

d) Dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles atta­chés à la Tradition litur­gique anté­rieure au Concile Vatican II le curé accueille­ra volon­tiers leur demande de célé­bra­tion selon le mis­sel de 1962.

e) La même atti­tude peut pré­va­loir pour la célé­bra­tion de tous les autres sacrements. 

III) Moyens de mise en œuvre 

Le Pape est conscient des dif­fi­cul­tés pra­tiques que la mise en appli­ca­tion de ces dis­po­si­tions peut faire naître.

« L’usage de l’an­cien mis­sel pré­sup­pose un mini­mum de for­ma­tion litur­gique et un accès à la langue latine ; ni l’un ni l’autre ne sont tel­le­ment fré­quents. » [7]

Comme le sou­li­gnait récem­ment le Cardinal Ricard dans une inter­view « les jeunes prêtres n’ont pas été for­més à cet exer­cice et les plus anciens l’ont sou­vent oublié. » [8] C’est pour­quoi, la Commission pon­ti­fi­cale Ecclesia Dei pour­ra four­nir aide et conseils aux évêques qui seraient empê­chés pra­ti­que­ment de satis­faire à la demande des fidèles.

Cette aide pro­po­sée entraî­ne­rait pro­ba­ble­ment l’ins­tal­la­tion dans les dio­cèses de com­mu­nau­tés de prêtres pra­ti­quant l’an­cien rite et rele­vant de cette Commission.

Concrètement, dans notre Diocèse, la messe selon le mis­sel de 1962 est déjà célé­brée, depuis plu­sieurs années, à Vannes, à la paroisse Saint Patern et à Berné à la cha­pelle de l’Institut des Dominicaines du Saint-​Esprit de Pontcallec.

Ces célé­bra­tions sont assu­rées par des prêtres dio­cé­sains. Si d’autres demandes devaient nous par­ve­nir, cette solu­tion me sem­ble­rait pré­fé­rable pour que, dans la diver­si­té des rites, l’u­ni­té du pres­by­te­rium soit mieux assu­rée .

Au début du mois de sep­tembre, nous ferons le point avec le Conseil épis­co­pal sur les demandes qui nous auront été faites. Nous pren­drons les dis­po­si­tions néces­saires pour les satisfaire.

Le défi qui nous est lan­cé est celui de l’u­ni­té et de la com­mu­nion indis­pen­sables à la fécon­di­té de la mission.

Sachons le rele­ver dans l’es­prit qui ani­mait Saint Vincent de Lérins : « dans ce qui est néces­saire : l’u­ni­té ; dans ce qui est secon­daire : la diver­si­té ; en toutes choses : la cha­ri­té. »

Soyez assu­rés, Chers amis, de ma confiance et de mon union dans la prière au ser­vice de la mis­sion qui nous est confiée.

Fait à Banyuls sur Mer, le 9 juillet 2007

+ Raymond CENTENE, Evêque de Vannes 

[1] Lettre adres­sée par Benoît XVI aux évêques le 7 juillet 2007
[2] idem
[3] idem
[4] idem
[5] idem
[6] idem
[7]idem
[8]Conférence de presse du Cardinal Ricard, Archevêque de Bordeaux, Président de la Conférence des Evêques de France