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Les sollicitations des médias, les nombreuses questions qui me sont posées dans l’Eglise et hors de l’Eglise depuis quelques jours confirment une certitude qui s’est ancrée en moi au fil des années : Depuis longtemps, bien avant Vatican II, la société française s’est affranchie de la tutelle du christianisme et du cléricalisme qui en fut, parfois, la déformation institutionnelle. Elle n’a peut-être pas rejeté tout le système de valeurs hérité de la foi chrétienne, mais elle entend bien l’utiliser à sa guise et surtout ne s’en rien laisser dicter par une autorité extérieure à elle-même.
Sans avaliser cette situation, nous ne pouvons pas l’ignorer, y compris lorsque à l’appel du Christ, nous nous efforçons de semer au cour des hommes de ce temps le bon grain de l’Evangile.
Les récents événements constituent une redoutable illustration de ce propos. Dans les réactions, nul ne s’est embarrassé des subtilités d’un droit canonique dont la majorité des Français, et probablement des croyants, ignorent l’existence. Seuls quelques spécialistes peuvent comprendre que la levée d’une excommunication – mais de quoi s’agit-il donc pour le commun des mortels ? – ne vaut pas réhabilitation et ouvre seulement une voie. A cet égard, la démarche a souffert d’un gros manque de communication et d’explication.
Il faut être entré au cour même de l’Evangile, avoir perçu la fine pointe de l’attitude du Christ qui s’abaisse jusqu’à la mort pour comprendre l’attitude miséricordieuse et paternelle du pape. Le seul jugement humain le taxe immédiatement d’inconscience ou de partialité et lui prête injustement de bien méchantes intentions.
Il est inutile et stérile de reprocher à notre société son incompréhension et ses griefs : elle n’est plus spontanément ajustée à la prédication évangélique, à la mission de l’Eglise et de ses ministres. Il nous faut la mettre en situation d’ouvrir les yeux, les oreilles et le cour au message évangélique. Passer outre cette réalité ne peut qu’élargir le fossé entre l’Eglise et la société française et stériliser nos plus beaux élans missionnaires.
L’avenir dira quel but a finalement atteint la levée de l’excommunication des quatre évêques consacrés par Monseigneur Lefebvre. La révélation concomitante de l’outrageant négationnisme de l’un d’entre eux a considérablement hypothéqué le résultat escompté. Certes, avec Saint Paul, et à coup sûr avec Benoît XVI, nous voulons croire que l’amour « excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. » Mais en 2009, en France, et probablement ailleurs dans le monde, il ne suffit pas de le dire comme si tout le monde devait le savoir et le croire, il est urgent de le faire voir.
Nous voulons bien assumer, avec d’autres, le rôle ingrat du fils aîné de l’Evangile et reconnaître que sommes peu accueillants au frère cadet qui a offensé notre père et nous a blessés. Nous acceptons de reconnaître que nous avons toujours à remettre sur le chantier notre lecture, nos interprétations, nos mises en ouvre du Magistère, Vatican II compris.
Cependant, si nous avons bonne mémoire, le petit frère reconnaît humblement et pauvrement qu’il a péché contre son père et il fait amende honorable. Nous aimons aussi entendre le père nous redire que nous avons toujours été avec lui et qu’il a toujours été avec nous.
Non, le Peuple de Dieu n’est pas dans l’erreur quand il se laisse conduire – même au prix de quelques faux pas – là où l’Esprit Saint et l’Eglise le mènent. Non, il n’est pas possible de remettre en question des données du magistère au simple motif qu’un groupe particulier les récuse. Non, quatre évêques relevés de l’excommunication ne seront jamais les redresseurs de torts dans une Eglise prétendument fourvoyée et égarée dans les allées incertaines et trompeuses de Vatican II et de sa liturgie !
Dans l’Evangile, la Miséricorde du père dépasse la raison elle-même, mais c’est bien le fils qui revient chez le père et non l’inverse !
+ Jean-Paul JAEGER , évêque d’Arras