Væ mundo a scandalis [1]
Nous avons tous entendu parler des récentes découvertes de scandales moraux, en particulier aux États-Unis, et du travail de dénonciation de l’ex-nonce Monseigneur Viganò, que le pontife a dit ne pas vouloir prendre en considération, laissant entendre aux journalistes qu’il ne la pensait ni intéressante ni sérieuse. Nous avons également vu comment, au contraire, une partie de l’épiscopat américain, de la presse étrangère et du peuple chrétien réclament clarté et justice sur ces informations, ainsi que sur les accusations qui touchent le pape François pour complicité et silence devant des faits dont il avait eu connaissance. Le pape a ensuite accusé le coup en convoquant, comme nous l’avons entendu, tous les présidents des conférences épiscopales pour une réunion sur le sujet.
Les lignes que nous écrivons ici ne veulent pas être une répétition d’informations que l’on peut trouver ailleurs sans difficulté, ni un commentaire purement moraliste sur ces nombreux désastres réels et /ou probables. Au lieu de cela, elles veulent être une tentative de surmonter la difficulté que beaucoup de fidèles nous ont exprimée, après avoir été choqués à juste titre par des nouvelles difficiles à lire même avec un regard surnaturel.
Les considérations que nous allons faire, peut-être dans un ordre un peu dispersé, veulent donner des éléments pour garder un regard au-dessus de ces événements si frustrants pour tous les catholiques, et pour essayer d’encadrer les faits dans une vision plus large, avec toute la délicatesse que le cas exige (parce que oui, il nécessite l’indignation et la colère, mais aussi la délicatesse : considerans teipsum, ne et tu tenteris, dit Saint-Paul [2] à quiconque avertit les autres en matière morale).
1 – L’Église a toujours connu en son sein l’immoralité de ses membres et de ses hiérarchies. Depuis l’incestueux de Corinthe, du temps de saint Paul, jusqu’à la corruption du clergé à presque toutes les époques, l’Église n’a jamais eu que de membres saints. Même très récemment, des cas et des situations similaires aux derniers événements ont été signalés, même à très grande échelle ; sans mentionner les scandales économiques et financiers. Si nous regardons les siècles passés de l’Église, même lorsque le modernisme était loin d’être théorisé, nous pourrions trouver de grands et vastes réseaux peccamineux parmi les membres du clergé et de la hiérarchie, même si ce fut à côté de grands saints et d’institutions saintes ; en effet, il ne faut pas oublier qu’au cours de nombreuses époques le clergé, sous la pression réformatrice des saints et des pontifes, fut généralement très édifiant.
2 – Cela ne signifie pas pour autant que la situation n’a pas de gravité spécifique, en restant dans le domaine purement moral : nous découvrons que de nombreux membres de la hiérarchie étaient activement impliqués dans ce réseau, défendant les coupables plutôt que les victimes, et étant personnellement impliqués dans ces abus, systématiquement. Et pendant des décennies, et qu’ils se sont protégés grâce à la puissance de l’argent et du pouvoir, promouvant ceux qui étaient comme eux pour perpétuer leurs crimes. La dernière accusation concerne l’implication présumée, comme nous l’avons dit, du pape François lui-même. Bien que ses responsabilités réelles doivent encore en partie être mise en évidence, il est clair que le pape s’est montré zélé pour persécuter ceux qui ne pensent pas comme lui (ou qui est facilement sacrifiable), mais – apparemment – il a été moins actif quand il s’est agi de personnes à qui il doit des faveurs ou qui partagent ses idées.
3 – Un autre élément particulièrement grave à souligner (aussi évident que cela puisse paraître) est que nous ne sommes pas face à des chutes dues à la fragilité humaine, à certains moments de faiblesse, de la part de ministres de Dieu cependant de bonne volonté ; mais à une volonté perverse, souvent antécédente à la réception du sacerdoce, de vivre dans le péché, peut-être contre nature. Volonté favorisée et même suscitée par certains hiérarques, ce qui est lié non seulement au sixième commandement, mais aussi à ce péché contre le Saint-Esprit qui est l’obstination dans le mal et au scandale des petits maudit par l’Évangile.
4 – Ce n’est pas une simple fragilité humaine, aussi parce que les péchés en question sont presque toujours de véritables crimes (même pour les lois pénales modernes), commis avec un abus de pouvoir envers les petits ou les subordonnés, ce qui implique nécessairement une malignité de la volonté qui va au-delà du simple mouvement des passions, du moins chez ceux qui ont protégé et promu ces péchés. La violence et l’injustice s’ajoutent donc à la « simple » impureté.
5 – Comme nous l’avons vu, cette impureté est presque toujours contre-nature, ce qui est clairement un autre élément qui rend plus grave le péché, même si le Saint-Siège et le monde entier veulent désigner uniquement la violence comme seul facteur aggravant (il serait politiquement très incorrect de dénoncer l’homosexualité en tant que « problème » spécifique). Nous aborderons dans les points suivants la question de l’idéologie « homosexualiste » qui du monde est entrée à l’intérieur de l’Église.
6 – Ces prémisses, si elles nous font comprendre la gravité de la situation, ne nous disent pas encore clairement les causes, si ce n’est que dans un sens général, elles nous parlent de la perversité du cœur humain, mais aussi de celle des âmes consacrées qui peuvent tomber dans toute sorte de péché. Le fait que des situations similaires aient été dénoncées à tous les âges (même si avec des gravités et des extensions très différentes) ne nous permet pas de conclure honnêtement à la corrélation absolue entre modernisme et corruption morale. D’autres facteurs, très différents de l’hérésie, ont pu à d’autres moments historiques produire des effets similaires. Cependant on ne peut nier que, en ce moment historique, l’une des causes de la corruption morale à une si grande échelle soit l’abandon des justes doctrines de l’Église. Il y a et il y a eu des catholiques impurs et des hérétiques purs : mais il est certain que l’abandon de la foi facilite toujours l’abandon de la morale. Le modernisme n’est pas en soi lié à une mauvaise conduite, mais dans les faits il a joué un rôle. La profession de la vraie foi n’est pas en soi une garantie de pureté et d’honnêteté, mais certainement elle peut favoriser la vertu mieux qu’une hérésie qui fait douter de toute la religion.
7 – Pendant de nombreuses années, les ecclésiastiques ont donc commis des crimes graves contre la chasteté pétrie de violence et d’abus, créant en partie un réseau de protection et de promotion du péché lui-même. Tout cela s’est quand même passé relativement dans l’ombre, parce que cela était considéré comme un mal à cacher. Dans la même période, juste avant le Concile, presque toute la hiérarchie, à commencer par les papes, a promu au grand jour un crime encore plus grand, l’hérésie du modernisme, qui a porté préjudice à l’ensemble de l’Église. L’hérésie était (et est) présentée au peuple comme le plus grand bien et même comme la volonté du Saint-Esprit. Il y a eu très peu de réactions à cet effondrement. Si le souci du premier bien que doit garder la hiérarchie, l’orthodoxie de la foi, a donc été abandonné ainsi collectivement, pouvons-nous être étonnés par les silences et les complicités sur d’autres péchés ? Une hiérarchie qui pervertit sa mission primordiale, ne pourra-t-elle pas pervertir aussi tout le reste ? C’est là que réside la vraie difficulté mais aussi la vraie différence entre la situation actuelle et l’immoralité « historique » d’une partie du clergé.
8 – Existe-t-il une corrélation entre ces scandales, tellement teintés d’homosexualité, et l’hérésie « homosexualiste » que le système moderniste, qui suit le monde, porte en avant ? C’est-à-dire la pratique du vice influence-t-elle d’une certaine manière un changement de la doctrine « officielle » de l’Église conciliaire concernant le vice contre la nature ? C’est l’une des questions les plus répandues et l’un des dangers les plus graves. La réponse est, à notre avis, un peu plus complexe qu’il n’y parait. Il ne fait aucun doute que dans la phase actuelle du modernisme, on essaie de changer la morale sexuelle. Amoris laetitia était la première étape, la révision de Humanae vitae sera probablement la seconde, et nous savons combien, du pape aux rangs en-dessous, la tendance est à « la miséricorde » envers les personnes (et les idées) homosexuelles, avec divers théoriciens de nouvelles doctrines en circulation, à commencer par le célèbre jésuite Martin et par de nombreux évêques (voir la réunion de « Chrétiens LGBT » organisée à Albano Laziale sous l’égide de Mgr Semeraro, proche collaborateur du pape). Vous pouvez consulter, tant sur le phénomène de l’homosexualité dans le clergé que sur la question de la dite « homohérésie », les précieuses études du prêtre polonais Dariusz Oko, qui démontrent l’existence d’une corrélation effective entre la propagation du vice et la tentative d’introduire une nouvelle doctrine. Cependant, tous les théoriciens de ces hérésies ne sont pas impliqués dans des scandales homosexuels ; et il est très difficile d’affirmer que tous les religieux qui pratiquent le péché d’homosexualité soient impliqués dans l’opération visant à changer la doctrine. Il existe donc un « complot » homosexuel pour dissimuler ses propres crimes et péchés, comme celui récemment découvert aux États-Unis, qui a bénéficié, semble-t-il, de précieux silences pontificaux ; et il existe une doctrine homosexuelle « chrétienne » qui avance et profite du « qui suis-je pour juger » pontifical. Selon toute vraisemblance, les membres des deux groupes ne sont pas superposables totalement ; mais il est certain que ceux qui se conduisent mal seront difficilement des opposants aux nouvelles doctrines, ne serait-ce que pour le simple fait qu’on peut les faire chanter facilement s’ils veulent manifester leur opposition.
9 – Quel est l’avenir du pape François dans cette situation ? Le méprisant « no comment » du pontife sur les documents de Viganò lors de son retour d’Irlande ne semble pas avoir produit les résultats médiatiques souhaités, en particulier hors d’Italie. La presse n’est plus unanime à défendre le pape François, même s’il est possible qu’il s’en sorte de toute façon, son image de garant de l’ultra-progressisme mondial étant trop importante pour être sérieusement remise en cause. Certes, l’histoire a eu de très lourdes conséquences sur l’épiscopat américain et le Saint-Siège lui-même doit faire face aux demandes d’éclaircissement des évêques et des fidèles, ainsi qu’avec les démissions des personnes impliqués, très proches du pape Bergoglio (voir le cardinal Wuerl). Un certain discrédit dû à ces événements pourrait (le conditionnel est une nécessité) ralentir le cours des changements doctrinaux et obliger à un ralentissement. À notre avis, ce qui reste extrêmement improbable, c’est que l’on arrive à la « démission » du pape ou à un schisme. Nous pensons que ces scénarios ne méritent pas d’être pris en compte.
10 – L’hérésie moderniste unie à ces événements nous parle d’une situation de l’Église qui a certainement atteint ses limites, d’un cadre de subversion totale qui rappelle les prophéties sur les temps de l’Antéchrist. Nous ne devrions pas être surpris que le mal grandisse, car l’Écriture et les pères nous enseignent qu’il arrivera à la fin des temps à un paroxysme qui donnera presque naturellement naissance à la figure de l’homme de péché, la parodie blasphématoire de l’antichrist. Certes, une grande partie du clergé n’est pas touchée par cette immoralité et nous ne devons pas donner crédit aux médias anti-chrétiens qui veulent traîner l’Église en tant que telle dans la boue. L’Église est encore capable, avec sa vraie doctrine et ses vrais sacrements, de générer des saints, et elle le sera jusqu’à la fin des temps. Mais il serait tout aussi dangereux de prétendre ignorer la gravité et l’ampleur du phénomène, rendu public désormais, et de se cacher derrière un doigt. L’hérésie et l’immoralité ont certainement accompagné, à des degrés divers, toute l’histoire de l’Église ; mais ces temps voient l’hérésie se propager directement à partir de la hiérarchie et l’impureté contre nature érigée de manière diabolique en tant que système de vie et éventuellement en tant que doctrine diffusée par un nombre important d’hommes de l’Église. La saveur antichristique est spécifiquement en cela. Seule la prière de l’Église, en particulier celle de la liturgie authentique, et la reconstruction d’une structure sociale chrétienne, même de certaines familles et de certaines écoles, peuvent freiner un tant soit peu cette accélération finale.
Don Mauro Tranquillo, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : District d’Itallie /Traduction de F. de Villasmundo pour LPL /La Porte Latine du 20 novembre 2018
- Math. 18/7 : Vae mundo a scandalis ! Necesse est enim ut veniant scandala : verumtamen vae homini illi, per quem scandalum venit. Malheur au monde à cause des scandales ! Il est nécessaire qu’il arrive des scandales ; mais malheur à l’homme par qui le scandale arrive ![↩]
- Galates 6/1 : Frères, lors même qu’un homme se serait laissé surprendre à quelque faute, vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur, prenant garde à vous-mêmes, de peur que vous ne tombiez aussi en tentation.[↩]