François et la « réduction des péchés »

Crédit : Antoine Mekary / Godong

Tandis que les poli­ti­ciens basent leur suc­cès sur les annonces – jamais sui­vies de faits – de réduc­tion des impôts, le Pape Bergoglio quant à lui mise toute sa popu­la­ri­té sur la « réduc­tion des péchés ».Une réduc­tion qui devrait se mani­fes­ter par la dépé­na­li­sa­tion d’une série de « péchés publics » (qui pour­raient être admis pour accé­der à la Communion), et du lan­ce­ment d’une nou­velle optique de la « misé­ri­corde » qui – comme le sou­li­gnait Mgr Fellay [1] – se tra­duit par un simple regard de com­pré­hen­sion envers le péché, sans plus pré­voir de conver­sion. Sans sou­hai­ter nous étendre sur ce sujet, nous pen­sons néan­moins que tout comme la baisse des impôts, la baisse des péchés ne devien­dra peut-​être pas une réalité.

Du reste, en l’é­tat actuel du débat, la sanc­tion par le Synode est presque super­flue, dans la mesure où le mes­sage est déjà lar­ge­ment passé.

- In pri­mis parce que selon la meilleure théo­lo­gie moder­niste, cette auto­ri­té n’a plus qu’à sanc­tion­ner un pro­grès dog­ma­tique et moral qui existe déjà depuis des décen­nies dans la conscience du peuple de Dieu. L’Irlande (NDLR de LPL : qui vient de dire oui par réfé­ren­dum au mariage homo­sexuel) nous démontre que ce pro­grès va bien plus loin que le thème du Synode ;

- in secun­dis parce que dans les faits, la com­mu­nion accor­dée aux divor­cés concu­bins est une pra­tique habi­tuelle dans les paroisses de la moi­tié du monde, et ce soit avec l’ac­cord plus ou moins tacite des évêques eux-​mêmes, soit sur l’i­ni­tia­tive de prêtres ;

- in ter­tiis, puisque désor­mais, comme le dit l’in­ten­tion de prière de la Commission Épiscopale Italienne pour le mois de juin, « l’Église ne doit pas se fos­si­li­ser sur un quel­conque prin­cipe moral et doc­tri­nal, mais doit aller au cœur du mes­sage évan­gé­lique » (qui selon la meilleure tra­di­tion hip­pie semble se résu­mer à croire et faire tout ce que l’on veut : cela peut paraître un peu sim­pliste, mais les dis­cours du Pape François et du cler­gé ne dépassent fina­le­ment pas ce niveau, qui semble le seul com­pré­hen­sible pour « l’homme d’au­jourd’­hui » dont on nous rebat les oreilles).

Et c’est bien sur cette manière de pen­ser que se situe la scan­da­leuse cré­di­bi­li­té que le Pape François a accor­dé à Emma Bonino, qu’il a invi­tée per­son­nel­le­ment [2] pour la ren­contre sur la « paix » qui s’est dérou­lée le 11 mai 2015 dans la Salle Paul VI ( NDLR de LPL : autre­fois Salle Nervi).

Danilo Quinto a fort à pro­pos écrit des pages indi­gnées contre cette ren­contre dont nous recom­man­dons la lec­ture au lec­teur, tout en lui rap­pe­lant notre tout der­nier article sur com­ment François conti­nue à encou­ra­ger les pécheurs impé­ni­tents et à écra­ser les « bons » dans leur effort pour faire le bien. Mais nous ne revien­drons ici que sur les pro­pos du Pape lors de cette « Fabrique de la Paix ».

Tout d’a­bord, il a répon­du de manière infor­melle aux ques­tions des enfants sur le thème de la paix, puis il a fait un bref dis­cours. La pre­mière par­tie, celle des réponses, nous laisse, pour le moins que l’on puisse dire, désar­més. Pas une fois il ne fait men­tion de Jésus-​Christ ; les réponses du Pontife se résument à une suc­ces­sion de lieux com­muns sur la « paix ». Dieu appa­raît briè­ve­ment dans ses réponses (outre pour rap­pe­ler qu’Il « par­donne tout ») lorsque le Pape répond à un enfant sur le rôle de la reli­gion « pour nous aider à vivre » : le Pape a immé­dia­te­ment affir­mé que ce qui nous aide à vivre, c’est ce que toutes les reli­gions (d’a­près lui) ont en com­mun, c’est à dire le com­man­de­ment d’ai­mer notre pro­chain. Outre le fait qu’il ne semble pas qu’il soit com­mun à toutes les reli­gions, ce com­man­de­ment de Jésus-​Christ est de nous aimer comme Lui nous a aimé, de manière sur­na­tu­relle, donc unique.

Il reste incroyable que le « Pape de la misé­ri­corde [3] » passe outre ce qui est le mes­sage cen­tral de la reli­gion révé­lée. Dans ses autres réponses, le Pape fait répé­ter aux enfants que « là où il n’y a pas de jus­tice, il n’y a pas de paix » : cette phrase en soi est vraie, mais la jus­tice que le Pape pré­sente est sans rela­tion vers le haut, vers Dieu. Elle est une construc­tion humaine qui doit por­ter à une « éga­li­té » com­plète dans le droit de tous à « être heu­reux ». Lorsque les enfants lui demandent pour­quoi la souf­france, le Pape, en citant Dostoïevski, dit qu’il n’a pas de réponse : il est pro­bable que la Croix du Christ ne lui a rien ensei­gné sur la souf­france de l’innocent.

Ce n’est que dans son dis­cours écrit qui sui­vait qu’a­près avoir insis­té sur le fait que la paix est le fruit d’une œuvre humaine, sans fron­tières de reli­gions ou de cultures, qu’il men­tionne en conclu­sion le fait que l’on peut deman­der la paix à Dieu dans la prière, et là il cite de manière inopi­née le nom de Jésus-​Christ, mort et res­sus­ci­té pour abattre le mur de haine entre les hommes et nous don­ner ain­si la paix. Il appa­raît tabou de dire que l’ordre humain doit se construire avant tout en réta­blis­sant l’ordre per­du dans notre rela­tion avec Dieu, y com­pris au niveau social.

Le dis­cours du Pape est essen­tiel­le­ment hori­zon­tal et la reli­gion (par­don, les reli­gions) semble être un simple ser­vice civil. A tel point que l’é­cole semble être comme le lieu édu­ca­tif par excel­lence, ain­si que la garan­tie de paix ; sans rien dire sur ce lieu de pro­pa­gande qu’est l’é­cole d’é­tat actuellement.

Le Pape a tenu des dis­cours eius­dem fari­nae pen­dant son voyage à Sarajevo, fai­sant à‑tout-​va l’é­loge de la pluri-​religiosité, que nous ne pren­drons pas la peine de repor­ter ici. Sans effort d’i­ma­gi­na­tion, cha­cun de nous peut ima­gi­ner ces dis­cours, et décou­vrir qu’il en a devi­né les termes pré­cis. Tous à l’en­seigne [4] de ceux de Paul VI recy­clés. Tant de misère naïve ferait presque rire ; et pour­tant d’au­cuns trouvent encore le cou­rage de s’ex­ta­sier de cette fadeur.

Si la paix consiste à recon­naître à cha­cun l’égalité des droits, comme le dit tex­tuel­le­ment François dans son dis­cours à la Fabrique, alors on com­prend mieux que l’Irlande soi-​disant catho­lique ait voté mas­si­ve­ment pour le « mariage » homo­sexuel. N’avons-​nous pas atteint la der­nière limite des droits civils égaux pour tous ? En fin de compte, on com­prend le silence sépul­cral du Vatican sur cette ques­tion. Sans par­ler du com­por­te­ment de renon­ce­ment des évêques irlan­dais, qui non seule­ment n’ont plus ni cré­di­bi­li­té aucune, ni les convic­tions néces­saires pour s’y opposer.

Ce n’est que post even­tum que le car­di­nal Pietro Parolin, Secrétaire d’État du Saint Siège, a défi­ni le réfé­ren­dum de « défaite pour l’hu­ma­ni­té », qui lui ont pour­tant valu les sévères cri­tiques de l’é­vêque émé­rite de Killaloe, Mgr Willie Walsh (pro­ba­ble­ment l’un des res­pon­sables de la for­ma­tion de cette géné­ra­tion de catho­liques irlandais ):

« Je n’ac­cepte pas que le vote soit consi­dé­ré comme une défaite pour l’hu­ma­ni­té. Cette décla­ra­tion m’in­quiète. Soit, il y a bien des désastres en ce moment dans le monde, mais je ne peux consi­dé­rer que le réfé­ren­dum en soit un. Je ne peux accep­ter l’i­dée que plus d’un mil­lion de per­sonnes qui sont allées voter aient un juge­ment faussé ».

En tout état de cause, le pré­lat a dit qu’il « doute sérieu­se­ment » que les affir­ma­tions expri­mées par Parolin « soient par­ta­gées par le Pape ». Mgr Walsh a ajou­té qu’il s’a­gis­sait là de phrases « inap­pro­priées, qui je crois ne repré­sentent pas la pen­sée de François, même si elles pro­viennent d’une des per­son­na­li­tés les plus impor­tantes de l’Église ». L’évêque a sou­li­gné qu’il « serait dif­fi­cile, en voyant les célé­bra­tions (qui ont eu lieu suite au réfé­ren­dum, n.d.r.) de dire que le bon­heur des per­sonnes dans ce pays n’a pas augmenté ».

Abbé Mauro Tranquillo, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Sources : cet article est paru sur le site du District d’Italie sous le titre « »/​Tradution de O.C pour LPL/​Notes de bas de page, légendes des pho­tos et carac­tères gras de LPL

Notes de bas de page
  1. Voir la Lettre aux Amis et Bienfaiteurs n° 84 du 24 mai 2015.[]
  2. Le Pape François a convo­qué à cette « Fabrique de la Paix », qui s’est tenue à Rome le 11 mai 2015, par un appel télé­pho­nique, Emma Bonino, qui est l’ancienne ministre ita­lienne des Affaires Étrangères et Commissaire Européenne, qui souffre d’un can­cer. Cette femme poli­tique ita­lienne de 67 ans, céli­ba­taire, est répu­tée très éloi­gnée de l’Église en Italie, où elle fut notam­ment la pro­mo­trice du réfé­ren­dum qui a intro­duit la légis­la­tion en matière d’avortement.…[…] « Il m’a dit ‘tenez bon’ », a‑t-​elle racon­té ensuite à la presse, se décla­rant tou­chée par ce « signe d’extraordinaire atten­tion » : « Il s’est infor­mé de ma san­té (..) Nous avons par­lé des migrants, de la pau­vre­té et de la Méditerranée ». Radio Vatican a aus­si ren­du compte de ce coup de fil inat­ten­du. (Source : La Croix 4/​5/​2015).[]
  3. Lire à ce sujet : « Quelques réflexions sur la bulle Misericordiae vul­tus annon­çant le jubi­lé extra­or­di­naire de la misé­ri­corde », abbé Christian Bouchacourt – 23 juin 2015.[]
  4. Voir la funeste ency­clique de Paul VI Nostra Aetate[]