Tandis que les politiciens basent leur succès sur les annonces – jamais suivies de faits – de réduction des impôts, le Pape Bergoglio quant à lui mise toute sa popularité sur la « réduction des péchés ».Une réduction qui devrait se manifester par la dépénalisation d’une série de « péchés publics » (qui pourraient être admis pour accéder à la Communion), et du lancement d’une nouvelle optique de la « miséricorde » qui – comme le soulignait Mgr Fellay [1] – se traduit par un simple regard de compréhension envers le péché, sans plus prévoir de conversion. Sans souhaiter nous étendre sur ce sujet, nous pensons néanmoins que tout comme la baisse des impôts, la baisse des péchés ne deviendra peut-être pas une réalité.
Du reste, en l’état actuel du débat, la sanction par le Synode est presque superflue, dans la mesure où le message est déjà largement passé.
- In primis parce que selon la meilleure théologie moderniste, cette autorité n’a plus qu’à sanctionner un progrès dogmatique et moral qui existe déjà depuis des décennies dans la conscience du peuple de Dieu. L’Irlande (NDLR de LPL : qui vient de dire oui par référendum au mariage homosexuel) nous démontre que ce progrès va bien plus loin que le thème du Synode ;
- in secundis parce que dans les faits, la communion accordée aux divorcés concubins est une pratique habituelle dans les paroisses de la moitié du monde, et ce soit avec l’accord plus ou moins tacite des évêques eux-mêmes, soit sur l’initiative de prêtres ;
- in tertiis, puisque désormais, comme le dit l’intention de prière de la Commission Épiscopale Italienne pour le mois de juin, « l’Église ne doit pas se fossiliser sur un quelconque principe moral et doctrinal, mais doit aller au cœur du message évangélique » (qui selon la meilleure tradition hippie semble se résumer à croire et faire tout ce que l’on veut : cela peut paraître un peu simpliste, mais les discours du Pape François et du clergé ne dépassent finalement pas ce niveau, qui semble le seul compréhensible pour « l’homme d’aujourd’hui » dont on nous rebat les oreilles).
Et c’est bien sur cette manière de penser que se situe la scandaleuse crédibilité que le Pape François a accordé à Emma Bonino, qu’il a invitée personnellement [2] pour la rencontre sur la « paix » qui s’est déroulée le 11 mai 2015 dans la Salle Paul VI ( NDLR de LPL : autrefois Salle Nervi).
Danilo Quinto a fort à propos écrit des pages indignées contre cette rencontre dont nous recommandons la lecture au lecteur, tout en lui rappelant notre tout dernier article sur comment François continue à encourager les pécheurs impénitents et à écraser les « bons » dans leur effort pour faire le bien. Mais nous ne reviendrons ici que sur les propos du Pape lors de cette « Fabrique de la Paix ».
Tout d’abord, il a répondu de manière informelle aux questions des enfants sur le thème de la paix, puis il a fait un bref discours. La première partie, celle des réponses, nous laisse, pour le moins que l’on puisse dire, désarmés. Pas une fois il ne fait mention de Jésus-Christ ; les réponses du Pontife se résument à une succession de lieux communs sur la « paix ». Dieu apparaît brièvement dans ses réponses (outre pour rappeler qu’Il « pardonne tout ») lorsque le Pape répond à un enfant sur le rôle de la religion « pour nous aider à vivre » : le Pape a immédiatement affirmé que ce qui nous aide à vivre, c’est ce que toutes les religions (d’après lui) ont en commun, c’est à dire le commandement d’aimer notre prochain. Outre le fait qu’il ne semble pas qu’il soit commun à toutes les religions, ce commandement de Jésus-Christ est de nous aimer comme Lui nous a aimé, de manière surnaturelle, donc unique.
Il reste incroyable que le « Pape de la miséricorde [3] » passe outre ce qui est le message central de la religion révélée. Dans ses autres réponses, le Pape fait répéter aux enfants que « là où il n’y a pas de justice, il n’y a pas de paix » : cette phrase en soi est vraie, mais la justice que le Pape présente est sans relation vers le haut, vers Dieu. Elle est une construction humaine qui doit porter à une « égalité » complète dans le droit de tous à « être heureux ». Lorsque les enfants lui demandent pourquoi la souffrance, le Pape, en citant Dostoïevski, dit qu’il n’a pas de réponse : il est probable que la Croix du Christ ne lui a rien enseigné sur la souffrance de l’innocent.
Ce n’est que dans son discours écrit qui suivait qu’après avoir insisté sur le fait que la paix est le fruit d’une œuvre humaine, sans frontières de religions ou de cultures, qu’il mentionne en conclusion le fait que l’on peut demander la paix à Dieu dans la prière, et là il cite de manière inopinée le nom de Jésus-Christ, mort et ressuscité pour abattre le mur de haine entre les hommes et nous donner ainsi la paix. Il apparaît tabou de dire que l’ordre humain doit se construire avant tout en rétablissant l’ordre perdu dans notre relation avec Dieu, y compris au niveau social.
Le discours du Pape est essentiellement horizontal et la religion (pardon, les religions) semble être un simple service civil. A tel point que l’école semble être comme le lieu éducatif par excellence, ainsi que la garantie de paix ; sans rien dire sur ce lieu de propagande qu’est l’école d’état actuellement.
Le Pape a tenu des discours eiusdem farinae pendant son voyage à Sarajevo, faisant à‑tout-va l’éloge de la pluri-religiosité, que nous ne prendrons pas la peine de reporter ici. Sans effort d’imagination, chacun de nous peut imaginer ces discours, et découvrir qu’il en a deviné les termes précis. Tous à l’enseigne [4] de ceux de Paul VI recyclés. Tant de misère naïve ferait presque rire ; et pourtant d’aucuns trouvent encore le courage de s’extasier de cette fadeur.
Si la paix consiste à reconnaître à chacun l’égalité des droits, comme le dit textuellement François dans son discours à la Fabrique, alors on comprend mieux que l’Irlande soi-disant catholique ait voté massivement pour le « mariage » homosexuel. N’avons-nous pas atteint la dernière limite des droits civils égaux pour tous ? En fin de compte, on comprend le silence sépulcral du Vatican sur cette question. Sans parler du comportement de renoncement des évêques irlandais, qui non seulement n’ont plus ni crédibilité aucune, ni les convictions nécessaires pour s’y opposer.
Ce n’est que post eventum que le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’État du Saint Siège, a défini le référendum de « défaite pour l’humanité », qui lui ont pourtant valu les sévères critiques de l’évêque émérite de Killaloe, Mgr Willie Walsh (probablement l’un des responsables de la formation de cette génération de catholiques irlandais ):
« Je n’accepte pas que le vote soit considéré comme une défaite pour l’humanité. Cette déclaration m’inquiète. Soit, il y a bien des désastres en ce moment dans le monde, mais je ne peux considérer que le référendum en soit un. Je ne peux accepter l’idée que plus d’un million de personnes qui sont allées voter aient un jugement faussé ».
En tout état de cause, le prélat a dit qu’il « doute sérieusement » que les affirmations exprimées par Parolin « soient partagées par le Pape ». Mgr Walsh a ajouté qu’il s’agissait là de phrases « inappropriées, qui je crois ne représentent pas la pensée de François, même si elles proviennent d’une des personnalités les plus importantes de l’Église ». L’évêque a souligné qu’il « serait difficile, en voyant les célébrations (qui ont eu lieu suite au référendum, n.d.r.) de dire que le bonheur des personnes dans ce pays n’a pas augmenté ».
Abbé Mauro Tranquillo, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : cet article est paru sur le site du District d’Italie sous le titre « »/Tradution de O.C pour LPL/Notes de bas de page, légendes des photos et caractères gras de LPL
- Voir la Lettre aux Amis et Bienfaiteurs n° 84 du 24 mai 2015.[↩]
- Le Pape François a convoqué à cette « Fabrique de la Paix », qui s’est tenue à Rome le 11 mai 2015, par un appel téléphonique, Emma Bonino, qui est l’ancienne ministre italienne des Affaires Étrangères et Commissaire Européenne, qui souffre d’un cancer. Cette femme politique italienne de 67 ans, célibataire, est réputée très éloignée de l’Église en Italie, où elle fut notamment la promotrice du référendum qui a introduit la législation en matière d’avortement.…[…] « Il m’a dit ‘tenez bon’ », a‑t-elle raconté ensuite à la presse, se déclarant touchée par ce « signe d’extraordinaire attention » : « Il s’est informé de ma santé (..) Nous avons parlé des migrants, de la pauvreté et de la Méditerranée ». Radio Vatican a aussi rendu compte de ce coup de fil inattendu. (Source : La Croix 4/5/2015).[↩]
- Lire à ce sujet : « Quelques réflexions sur la bulle Misericordiae vultus annonçant le jubilé extraordinaire de la miséricorde », abbé Christian Bouchacourt – 23 juin 2015.[↩]
- Voir la funeste encyclique de Paul VI Nostra Aetate[↩]