Peut-​on donner l’absolution à un divorcé remarié ?, abbé Claude Barthe in L’Homme Nouveau

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.

La ques­tion de la situa­tion des catho­liques divor­cés et rema­riés civi­le­ment a été par­ti­cu­liè­re­ment débat­tue lors de l’assemblée extra­or­di­naire du Synode sur le thème « Les défis pas­to­raux de la famille dans le contexte de l’évangélisation », qui s’est ache­vée le 18 octobre dernier.

Un texte de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, en réponse à une ques­tion posée par un prêtre, vient d’apporter sur un point pré­cis de la pas­to­rale vis-​à-​vis de ces per­sonnes un élé­ment impor­tant, par­ti­cu­liè­re­ment éclai­rant dans la confu­sion géné­rale des esprits. Cette réponse a l’avantage de se pla­cer en amont de la pro­blé­ma­tique sur la com­mu­nion eucha­ris­tique des divor­cés rema­riés. Elle règle en effet ce que doit être l’attitude des prêtres exer­çant le minis­tère de la récon­ci­lia­tion pour ces mêmes divor­cés remariés.

Nous publions donc ici le texte inté­gral en fran­çais, en res­pec­tant sa forme :

À la ques­tion d’un prêtre fran­çais : « Un confes­seur peut-​il don­ner l’absolution à un péni­tent qui, ayant été marié reli­gieu­se­ment, a contrac­té une seconde union après divorce ? »

La Congrégation pour la Doctrine de la Foi a répon­du le 22 octobre 2014 :

« On ne peut exclure a prio­ri les fidèles divor­cés rema­riés d’une démarche péni­ten­tielle qui débou­che­rait sur la récon­ci­lia­tion sacra­men­telle avec Dieu et donc aus­si à la com­mu­nion eucha­ris­tique. Le Pape Jean-​Paul II dans l’Exhortation apos­to­lique Familiaris consor­tio (n. 84) a envi­sa­gé une telle pos­si­bi­li­té et en a pré­ci­sé les condi­tions : « La récon­ci­lia­tion par le sacre­ment de péni­tence – qui ouvri­rait la voie au sacre­ment de l’Eucharistie – ne peut être accor­dée qu’à ceux qui se sont repen­tis d’avoir vio­lé le signe de l’Alliance et de la fidé­li­té au Christ, et sont sin­cè­re­ment dis­po­sés à une forme de vie qui ne soit plus en contra­dic­tion avec l’indissolubilité du mariage. Cela implique concrè­te­ment que, lorsque l’homme et la femme ne peuvent pas, pour de graves motifs – par exemple l’éducation des enfants –, rem­plir l’obligation de la sépa­ra­tion, ils prennent l’engagement de vivre en com­plète conti­nence, c’est-à-dire en s’abstenant des actes réser­vés aux époux » (cf. aus­si Benoît XVI, Sacramentum cari­ta­tis, n. 29).

La démarche péni­ten­tielle à entre­prendre devrait prendre en compte les élé­ments suivants :

1 – Vérifier la vali­di­té du mariage reli­gieux dans le res­pect de la véri­té, tout en évi­tant de don­ner l’impression d’une forme de « divorce catholique ».

2 – Voir éven­tuel­le­ment si les per­sonnes, avec l’aide de la grâce, peuvent se sépa­rer de leur nou­veau par­te­naire et se récon­ci­lier avec celles dont elles se sont séparées.

3 – Inviter les per­sonnes divor­cées rema­riées, qui pour de sérieux motifs (par exemple les enfants), ne peuvent se sépa­rer de leur conjoint, à vivre comme « frère et sœur ».

En tout état de cause, l’absolution ne peut être accor­dée qu’à condi­tion d’être assu­rée d’une véri­table contri­tion, c’est-à-dire « de la dou­leur inté­rieure et de la détes­ta­tion du péché que l’on a com­mis, avec la réso­lu­tion ne peut plus pécher à l’avenir » (Concile de Trente, Doctrine sur le Sacrement de Pénitence, c. 4). Dans cette ligne, on ne peut absoudre vali­de­ment un divor­cé rema­rié qui ne prend pas la ferme réso­lu­tion de ne plus « pécher à l’avenir » et donc de s’abstenir des actes propres aux conjoints, et en fai­sant dans ce sens tout ce qui est en son pou­voir ».

Luis F. Ladaria, sj, arche­vêque titu­laire de Thibica, Secrétaire.

La Congrégation ne se contente pas de citer le n. 84 de Familiaris consor­tio. Elle détaille avec réa­lisme les pistes concrètes que doit explo­rer le ministre du sacre­ment de péni­tence. Il importe de noter que la Congrégation n’entend pas se livrer, dans le cadre de la ques­tion qui lui est sou­mise, à un expo­sé sur les diverses pos­si­bi­li­tés d’exhortation morale et spi­ri­tuelle qui s’offrent au prêtre pour par­ler de la sain­te­té du sacre­ment de mariage, sa péren­ni­té mal­gré l’adultère qu’a figé une nou­velle union civile, la res­pon­sa­bi­li­té que conservent l’un sur l’autre les époux sépa­rés, le scan­dale don­né, les grâces du sacre­ment qui conti­nuent à être pour eux dis­po­nibles, etc. La Réponse ne règle que les inter­ro­ga­tions ren­con­trées par le prêtre qui entend les aveux du péni­tent pour savoir s’il peut concrè­te­ment absoudre au nom du Christ, en ver­tu de son minis­tère sacra­men­tel et à quelles conditions.

Une grande bienveillance

Même si, dans le contexte de la dif­fu­sion et de la dis­cus­sion publique de thèses hété­ro­doxes, la Réponse don­ne­ra l’impression d’être « rigide », elle opte, en réa­li­té, pour la plus grande bien­veillance pos­sible à l’égard du pécheur, tenant compte avec réa­lisme de la situa­tion pec­ca­mi­neuse créée par la consti­tu­tion d’une nou­velle union après divorce, et cher­chant à en reti­rer pru­dem­ment le péni­tent « sans écra­ser la mèche qui fume encore ». On peut dire que la Congrégation se place, selon la tra­di­tion du Saint-​Siège, dans le cadre de la théo­lo­gie romaine, celle de saint Alphonse de Liguori que com­bat­taient les rigo­ristes français.

La Réponse détaille donc les diverses pistes que le confes­seur explo­re­ra rapi­de­ment au tri­bu­nal de la pénitence :

– L’éventuelle inva­li­di­té du mariage sacra­men­tel, qui régle­rait tout le pro­blème. Dans cer­tains cas, en effet, le soup­çon d’invalidité appa­raît avec évi­dence ou bien incite à pro­cé­der à un exa­men plus appro­fon­di. La Congrégation pré­cise tout de même que les ques­tions à ce pro­pos ne doivent pas scan­da­li­ser en fai­sant pen­ser que l’Église dis­pose d’un « divorce catholique ».

– Surtout, le confes­seur ten­te­ra de savoir si le péni­tent estime qu’une récon­ci­lia­tion entre les deux époux est envi­sa­geable. Car, selon saint Augustin : « Dieu ne te com­mande pas de choses impos­sibles, mais en com­man­dant Il t’invite à faire ce que tu peux et à deman­der ce que tu ne peux pas ». Le concile de Trente ajou­tait, en glo­sant saint Paul : « Il t’aide à pou­voir » (Dz 1536). Ce que la Réponse tra­duit : « avec l’aide de la grâce ». Ajoutons qu’il peut exis­ter des enfants de l’union sacra­men­telle, pro­fon­dé­ment bles­sés par la sépa­ra­tion de leurs parents.

– En toute hypo­thèse, seuls de sérieux motifs (la pré­sence d’enfants de la seconde union, on pour­rait ajou­ter l’âge avan­cé du couple et les risques de la rup­ture d’une coha­bi­ta­tion qui n’est plus que d’amitié) peuvent écar­ter l’obligation de rompre la coha­bi­ta­tion adul­tère fixée par la seconde union civile. Et dans ce cas, le péni­tent devra s’engager à vivre avec son nou­veau conjoint comme « frère et sœur ». Cela sup­pose vrai­sem­bla­ble­ment une réflexion de sa part sur la pos­si­bi­li­té de mettre en œuvre cette situa­tion, et donc sans doute le report de l’absolution sacra­men­telle à un autre entre­tien en confes­sion. Cela sup­pose pour le péni­tent et son second conjoint de prendre des mesures et réso­lu­tions pour vivre ver­tueu­se­ment mal­gré ce que les mora­listes nomment « l’occasion de pécher ». L’expérience prouve que ce n’est pas impos­sible. Mais seul le motif pro­por­tion­né (l’éducation des enfants) auto­rise de res­ter dans ce dan­ger de pécher. Par ailleurs, la Congrégation va droit au but, sans pré­ci­ser com­ment devront être réglées les dis­po­si­tions pour évi­ter que la pra­tique des sacre­ments par des conjoints appa­rem­ment adul­tères ne cause du scandale.

Conclusion

La conclu­sion de la Réponse est par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sante. Elle intègre en effet le règle­ment de ce cas par­ti­cu­lier de l’absolution don­née à un divor­cé qui a contrac­té une nou­velle union au prin­cipe géné­ral concer­nant l’intégrité du sacre­ment et par voie de consé­quence la légi­ti­mi­té de l’absolution sacra­men­telle qu’accorde selon son pru­dent juge­ment le ministre du sacre­ment. Sont néces­saires « les actes du péni­tent » (la contri­tion, l’aveu des péchés, et la satis­fac­tion, c’est-à-dire « la péni­tence »), spé­cia­le­ment en l’espèce la contri­tion requise d’institution divine pour la rémis­sion des péchés. La Congrégation pour la Doctrine de la foi cite le concile de Trente (Dz 1676) : pour que son péché soit remis, le péni­tent doit être ani­mé, à pro­pos du mal qu’il a com­mis, d’une dou­leur de l’âme et d’une détes­ta­tion de ce péché avec la réso­lu­tion de ne plus pécher à l’avenir.

Rédigé par l’ab­bé Claude Barthe(1) le 12 novembre 2014 dans Religion

Source : L’Homme Nouveau du 12 novembre 2014

Note extraite de Wikipedia

(1) L’abbé Claude Barthe entre en 1964 au sémi­naire Pie XI, atta­ché à l’Institut catho­lique de Toulouse où il com­mence son cur­sus cano­nique (phi­lo­so­phie, théo­lo­gie) et subit[non neutre] les évo­lu­tions de l’Église suite au concile Vatican II. Puis il fait une licence d’his­toire, et un diplôme d’é­tudes supé­rieures de droit civil, et entre fina­le­ment au sémi­naire de la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie‑X à Écône, où il est ordon­né en 1979 par Mgr Marcel Lefebvre. Il s’en met en marge, sans en être expul­sé ni avoir démis­sion­né. Qualifiant cer­tains points du concile Vatican II de « démis­sion magis­té­rielle », il est accu­sé à l’é­poque de « sédé­va­can­tisme », éti­quette qu’il a tou­jours refu­sée. Il demeure un cer­tain temps, selon ses termes, en état « d’a­pe­san­teur cano­nique », et est fina­le­ment régu­la­ri­sé en 2005 puis incar­di­né. En 1987, il crée avec Bernard Dumont la revue Catholica à laquelle il col­la­bore durant plu­sieurs années. Il est par ailleurs l’au­teur de plu­sieurs ouvrages consa­crés à la crise de l’Église, à la lit­té­ra­ture catho­lique, et à la litur­gie romaine, qu’il a ensei­gnées dans le sémi­naire de l’Institut du Bon-​Pasteur et actuel­le­ment de l’Institut du Christ-​Roi Souverain Prêtre. Il fait par­tie du Groupe de réflexion entre catho­liques (GREC)