Mission florissante en Inde : des fleurs dans le désert

Il y a quatre ans, un article de Fideliter décri­vait les nou­velles pers­pec­tives de la mis­sion de la Fraternité en Inde, pers­pec­tives « autant éton­nantes qu’é­di­fiantes ». L’article qui suit fait le point sur ces cinq der­nières années, afin de mon­trer à quel point cette œuvre consti­tue comme un « miracle » de grâce qui s’é­pa­nouit, réchauffe les cœurs, étonne et édi­fie toujours.

Les débuts

Tout com­mence par l’his­toire d’une jeune fille, Swarna, qui, en l’an 2000, renon­ça à tout ce que le monde pou­vait lui offrir afin de fon­der un orphe­li­nat et une mai­son d’ac­cueil pour les per­sonnes âgées. Quelques années plus tard, elle décou­vrit la messe tri­den­tine ain­si que sa voca­tion reli­gieuse, grâce à son cou­sin qui était fidèle de la Fraternité Saint-​Pie X.

Cependant, elle se trou­vait dans l’in­ca­pa­ci­té de se rendre à la messe et de fré­quen­ter les sacre­ments. Elle prit la déci­sion cou­ra­geuse de dépla­cer son orphe­li­nat à 700 km pour l’ins­tal­ler à Palayamkottai (Tamil Nadu), afin d’être proche de l’u­nique prieu­ré de la Fraternité en Inde. Les abbés Daniel Couture, supé­rieur du dis­trict d’Asie, et Patrick Summers, prieur local, accueillirent en jan­vier 2006 Swarna les bras ouverts. En elle, et dans ses efforts, ils virent poten­tiel­le­ment une mer­veilleuse béné­dic­tion pour l’Inde, ter­rain en friche tou­ché par le paga­nisme. Presqu’un an avant que Swarna prît l’i­ni­tia­tive de dépla­cer son orphe­li­nat à Palayamkottai, elle visi­ta deux congré­ga­tions reli­gieuses, en Europe, dans un double but. Le pre­mier, de trou­ver une congré­ga­tion qui l’ac­cepte à titre de pos­tu­lante ; le deuxième, d’ob­te­nir que cette congré­ga­tion adopte son orphe­li­nat comme l’une des œuvres de son apos­to­lat. C’était chose auda­cieuse à deman­der à une com­mu­nau­té, mais les Soeurs conso­la­trices du Sacré-​Cœur de Jésus furent prêtes à accueillir tout ensemble Swarna et son orphe­li­nat : ce fut un signe de la Providence et une réponse à ses prières.

Les Soeurs consolatrices

Les Soeurs conso­la­trices sont une socié­té reli­gieuse à vœux publics consa­crée à pro­mou­voir la dévo­tion au Sacré- Cœur et à la for­ma­tion chré­tienne de filles et de femmes. La mai­son mère est à Vigne, à envi­ron une heure au nord de Rome, et com­prend aujourd’­hui qua­torze soeurs pro­fesses, une novice et une pos­tu­lante.

Les reli­gieuses se sont mises sous la direc­tion spi­ri­tuelle et tem­po­relle de l’ab­bé Emmanuel du Chalard, prêtre de la Fraternité, et elles aident notre socié­té de mul­tiples manières. En juin 2007, un an et demi après que l’or­phe­li­nat – appe­lé Servi Domini (les ser­vi­teurs du Seigneur) – fut arri­vé à Palayamkottai, Swarna embar­qua dans un avion à des­ti­na­tion de l’Italie, afin d’y com­men­cer son pos­tu­lat auprès des Soeurs conso­la­trices. Elle lais­sa son orphe­li­nat dans les mains capables d’une autre pos­tu­lante des Soeurs conso­la­trices, Mlle Marie-​Blanche Hérault, fran­çaise d’o­ri­gine, ain­si qu’à trois pos­tu­lantes indiennes qui repré­sen­taient les pre­miers fruits de leur nou­velle fon­da­tion à Palayamkottai. À peine un an après son entrée, Swarna fut accep­tée comme novice et prit le nom de Soeur Maria Immaculata ; elle fit pro­fes­sion le 3 juillet 2008. Avec une hâte qui en d’autres cir­cons­tances paraî­trait incom­pré­hen­sible, elle embar­qua à nou­veau dans un avion afin de retour­ner auprès de ses orphe­lines qui lui mon­trèrent alors leurs larmes de joie.

Pendant plu­sieurs mois, ces enfants avaient comp­té les jours avec une exci­ta­tion crois­sante. S’il arri­vait à l’une des classes de l’é­cole de paraître un jour plu­tôt terne, il suf­fi­sait de poser la ques­tion : « Dans com­bien de jours Tante va-​t-​elle arri­ver ? » pour que les enfants, jus­que­là endor­mis, se trans­for­massent ins­tan­ta­né­ment en une mêlée jacas­sante aux yeux brillants. S’il était pos­sible de décrire la joie inouïe des gar­çons et des filles le jour de l’ar­ri­vée de la Soeur ! Celle-​ci cepen­dant, étant dotée d’un tem­pé­ra­ment très fleg­ma­tique, mon­tra tran­quille­ment un sou­rire pla­cide. L’abbé Daniel Couture vint spé­cia­le­ment pour cet évé­ne­ment, car il mar­quait la fin d’un cha­pitre dans l’his­toire de ce qui ne peut être décrit que comme un beau tra­vail de la divine pro­vi­dence. Depuis, deux demoi­selles indiennes ont fait pro­fes­sion et une autre pos­tu­lante s’ap­prête à entrer au novi­ciat des Soeurs consolatrices.

Le nouvel orphelinat

Les fleurs qui s’é­pa­nouirent dans ce jar­din éton­nant, ce ne furent pas seule­ment des voca­tions, mais des gestes de géné­ro­si­té de nom­breux bien­fai­teurs qui per­mirent la construc­tion d’un nou­vel orphe­li­nat sur un nou­veau ter­rain, loin du bruit de la ville de Palayamkottai.

L’abbé du Chalard bénit la pre­mière pierre du pre­mier bâti­ment le 29 novembre 2008 et ren­dit une nou­velle fois visite à l’or­phe­li­nat à l’oc­ca­sion de la fête de l’Immaculée Conception, en 2009, afin de bénir l’é­di­fice élé­gant des­ti­né à être le couvent une fois ache­vé. Cependant, s’il y a quelque chose de beau­coup plus beau que ces fleurs pour­tant concrètes, ce sont les béné­dic­tions de ver­tus qui charment qui­conque visite l’orphelinat.

Les enfants, les jeunes demoi­selles et les moins jeunes, dont les âges vont de la tendre enfance à 86 ans, consti­tuent une com­mu­nau­té que l’on pour­rait résu­mer par les liens de la cha­ri­té sur­na­tu­relle. Il faut voir une jeune fille nour­rir avec patience une vieille femme, ou une autre demoi­selle la sou­te­nir lors­qu’elle chan­celle en mar­chant dans le cloître ; ou il faut écou­ter la beau­té du chant dans le choeur ou encore sur­prendre une âme abî­mée dans une pro­fonde prière dans le secret de la cha­pelle, pour être per­sua­dé de l’ac­tion sanc­ti­fi­ca­trice de la grâce concrè­te­ment à l’œuvre. « Vous pou­vez réel­le­ment voir la grâce croître en eux », disait Mgr Marcel Lefebvre lors­qu’il évo­quait son expé­rience mis­sion­naire au Gabon.

Le 23 sep­tembre 2011, l’ab­bé Couture a béni la pre­mière pierre de la deuxième étape du pro­jet de construc­tion. À l’heure actuelle, vingt-​hui orphe­lins et quelques femmes âgées occupent le bâti­ment exis­tant avec les reli­gieuses, mais lorsque cette deuxième étape du pro­jet sera ache­vée, il y aura de la place pour qua­rante femmes âgées et cin­quante orphelins.

À en juger par la pro­gres­sion lente et dif­fi­cile du pro­jet, ain­si que par sa taille, les tra­vaux seront pro­ba­ble­ment ache­vés après Noël 2013. Alors com­men­ce­ra le chan­tier d’une grande église, si c’est le désir de la Providence.

L’école de la vérité

Quand l’or­phe­li­nat Servi Domini est arri­vé en 2006, avec ses seize filles, ses huit gar­çons et ses sept dames âgées ou inva­lides, l’ab­bé Patrick Summers, supé­rieur du prieu­ré de la Très-​Sainte Trinité à Palayamkottai, fut ame­né à trans­for­mer cette mai­son en un orphe­li­nat pour gar­çons et en une école.

Fonder une école avait été un rêve inache­vé pen­dant des années, dans l’es­prit des prêtres de Palayamkottai, mais le prieu­ré ne fran­chit le « seuil cri­tique » du pas­sage à la réa­li­sa­tion qu’a­vec l’ar­ri­vée d’un tel nombre d’en­fants : alors vint le temps de fon­der ce qui est à pré­sent la condi­tion sine qua non de tout apos­to­lat à long terme, à savoir une école pour ensei­gner la foi aux géné­ra­tions suivantes.

L’École de la Vérité (Veritas aca­de­my) a été dépla­cée à trois reprises depuis lors et elle ter­mine l’an­née sco­laire 2011- 2012 avec cinquante-​neuf élèves, dans une pro­prié­té louée, à mi-​distance entre le prieu­ré et l’or­phe­li­nat des filles. On a déjà ache­té un ter­rain défi­ni­tif de taille suf­fi­sante pour y ins­tal­ler cette œuvre, mais les signes de la Providence mon­trant la direc­tion à prendre ne sont pas encore suf­fi­sants pour faire appel à nou­veau à des entre­prises de construction.

L’École de la Vérité ne pro­fite pas seule­ment aux orphe­lins, elle exerce une influence notable sur deux vil­lages par­mi ceux dans les­quels nous nous dépla­çons pour offrir le saint sacri­fice. À par­tir du moment où les parents de nos futurs élèves ont sur­mon­té leurs réti­cences à nous confier leur pro­gé­ni­ture, il n’a pas fal­lu attendre long­temps pour voir d’autres familles être prises à leur égard d’une louable envie. Car les élèves « de la Vérité » retour­naient, pour les vacances, chez leurs parents, pleins de fier­té de leur faci­li­té à manier la langue anglaise et – ce qui est bien plus impor­tant – ravis de leur ancrage dans la religion.

Les fidèles qui se rendent dans les centres de messe que nous des­ser­vons dans ces vil­lages sont de plus en plus nom­breux et la foi s’y enra­cine de plus en plus fer­me­ment, à un point d’ailleurs à peine croyable, quand on songe que le prêtre ne s’y rend que pour célé­brer la messe le dimanche et don­ner une leçon de caté­chisme heb­do­ma­daire d’une demi-​heure. À pré­sent, c’est la moi­tié des enfants de ces vil­lages qui fré­quente l’École de la Vérité.

Volontaires

L’influence de l’École ne s’est pas seule­ment confi­née au sous-​continent Indien, qui est pour­tant d’une éten­due gigan­tesque. De tout conti­nent habi­té sont venus, au cours des quatre der­nières années, soixante-​huit volon­taires, à l’ap­pel des pro­fes­seurs et des res­pon­sables de l’œuvre. Ils ont don­né leur temps pour ensei­gner à l’é­cole, ou pour tra­vailler à la mission.

Tous sont repar­tis chez eux avec des sou­ve­nirs radieux qui ne s’ef­fa­ce­ront jamais : la messe quo­ti­dienne, le tra­vail et le jeu au milieu des enfants, le sup­port d’un cli­mat pénible, l’ex­pé­rience d’une culture et d’un pay­sage fort dif­fé­rent de tout autre, tout cela a enri­chi cer­tai­ne­ment la plu­part de ces volon­taires en grâce et en ver­tu – sans comp­ter le désir de repar­tir pour Palayamkottai.

S’il y a un sou­ve­nir que tous disent ché­rir plus que tout autre, c’est celui de l’in­no­cence des enfants. Ces orphe­lins n’ont ni télé­vi­sion, ni télé­phone mobile, ni jeux infor­ma­tiques, ni inter­net, ni musique informe, ni vilaine mode, et leur joie est telle qu’elle laisse la tris­tesse de l’anti-​culture moderne et occi­den­tale dans l’ombre et sans relief. Que ce sou­ve­nir leur soit utile à tous.

L’avenir

La « cause finale » de la mis­sion en Inde est d’é­ta­blir là-​bas une com­mu­nau­té catho­lique, impré­gnée de culture catho­lique, dans laquelle des familles puissent se for­mer et se nour­rir et des voca­tions éclore.

De façon géné­rale, il ne reste hélas rien de ce qu’a­vait implan­té, il y a deux mille ans, l’a­pôtre saint Thomas dans ce pays ; ni des fruits lais­sés par les colo­nies por­tu­gaises il y a cinq cents ans. Les ravages du deuxième concile du Vatican ont bri­sé les chaînes en or qui liaient l’é­poque contem­po­raine à ces semences de chré­tien­té – chaînes qui enjam­baient les siècles ; les ins­ti­tu­tions demeurent phy­si­que­ment, mais ont per­du leurs vraies natures.

L’inculturation, l’i­gno­rance reli­gieuse et le maté­ria­lisme ont joué le rôle du coup de mar­teau bri­sant ces chaînes, et à l’heure actuelle nous tâchons de lut­ter avec per­sé­vé­rance contre la men­ta­li­té païenne qui pré­do­mine – men­ta­li­té de contra­cep­tion et d’at­ta­che­ment aux biens d’ici-​bas – afin de renouer un lien avec le pas­sé catholique.

Des diplômes éma­nant de l’École de la Vérité sont en passe d’être déli­vrés pour la pre­mière fois à un groupe de jeunes gar­çons orphe­lins. Notre idée est de leur appor­ter suf­fi­sam­ment de for­ma­tion pour être apte à embras­ser une pro­fes­sion qui leur per­mette de suf­fire à eux­mêmes – l’i­déal étant qu’ils s’ins­tallent à leur compte. Nous les encou­ra­geons à se poser la ques­tion de la voca­tion et, si c’est vrai­ment leur voie, à y répondre, munis des dis­po­si­tions per­son­nelles et des apti­tudes reçues à l’école.

L’un de nos élèves a obte­nu d’être reçu à l’é­cole de Notre-​Dame de la Salette dans l’Illinois (aux États-​Unis) et il quit­te­ra l’Inde dès que son pas­se­port et les for­ma­li­tés d’ob­ten­tion du visa seront choses faites. Un autre, qui était trop âgé pour y entrer, vient juste de se lan­cer dans le métier de cou­tu­rier, dans le cadre du prieuré.

Soeur Maria Immaculata encou­rage les filles à pour­suivre leur for­ma­tion intel­lec­tuelle après l’é­cole et les aide à acqué­rir les qua­li­tés et les savoir-​faire de la mère chré­tienne. Déjà quatre jeunes filles se sont mariées et la Soeur est même, désor­mais, quatre fois « grand-​mère ». Nous atten­dons avec confiance que, chez les anciennes élèves, des voca­tions reli­gieuses naissent.

Le prieu­ré et l’or­phe­li­nat ont tous deux atti­ré des voca­tions poten­tielles dans les fidèles fré­quen­tant les centres de messe. En juin der­nier, un jeune homme ori­gi­naire de la région, l’ab­bé Xavier, a été ordon­né au sémi­naire Saint-​Thomas d’Aquin à Winona, et il exerce son minis­tère aujourd’­hui au prieu­ré, qui n’est d’ailleurs pas loin du domi­cile de sa famille. En outre deux pré­sé­mi­na­ristes et un pos­tu­lant frère demeurent en ce moment au prieu­ré ; enfin, un pos­tu­lant réside à l’orphelinat.

Bénédictions

Si l’on jette un regard rétros­pec­tif sur les cinq der­nières années, il faut avouer que la mis­sion a été l’ob­jet mani­feste des béné­dic­tions divines.

Nous remer­cions tous ceux qui ont aidé la mis­sion par leurs prières et leurs sacri­fices, et sommes pleins d’es­pé­rance pour l’a­ve­nir. La cha­ri­té a été comme une rosée dans le désert et les fleurs qui aujourd’­hui poussent ici sont aus­si « mira­cu­leuses » que resplendissantes.

Que Dieu soit loué pour cela, et que sa mère conti­nue de nous obte­nir des grâces et de bénir tous les lec­teurs de Fideliter.

Par l’ab­bé Robert Brucciani

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Priesterbruderschaft Sankt Pius X
Schwandegg
Menzingen
CH 6313 Suisse

Fideliter

Revue bimestrielle du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.