Un regard chrétien sur l’immigration – Présent du 13 février 2016

EN 1999, la Fraternité Saint- Pie X pre­nait une ini­tia­tive auda­cieuse et inat­ten­due : celle d’é­crire régu­liè­re­ment à tous les prêtres dio­cé­sains de France, pour enta­mer le dia­logue et se faire connaître au-​delà des pré­ju­gés, des calom­nies et des igno­rances. Cet envoi (à plus de 30 000 exem­plaires, à l’é­poque) serait abso­lu­ment gra­tuit. Monsieur l’ab­bé Patrick de La Rocque, ini­tia­teur de ce pro­jet et aujourd’­hui prieur de l’é­glise Saint-​Nicolas du Chardonnet de Paris comp­tait, pour finan­cer cette Lettre à nos frères prêtres, exclu­si­ve­ment sur les dons des fidèles. Sa tran­quille audace n’a pas été déçue. Effectivement, depuis dix-​sept ans, avec une belle régu­la­ri­té, les prêtres fran­çais reçoivent chaque tri­mestre une revue de huit pages A4 qui les informe, les éclaire, les instruit.

Une information de première main

Cette ini­tia­tive peu connue du grand public s’a­joute, certes, à toutes les esti­mables publi­ca­tions, sur papier ou élec­tro­niques, qui s’ef­forcent éga­le­ment de défendre, notam­ment auprès du cler­gé, les valeurs de la Tradition catho­lique. Mais la Lettre à nos frères prêtres com­porte une spé­ci­fi­ci­té que ne connaissent pas les autres revues : c’est qu’elle atteint indi­vi­duel­le­ment, sans filtre ni inter­mé­diaire, tous les prêtres dio­cé­sains, qui n’ont aucune démarche à faire pour cela. Chaque prêtre fran­çais reçoit en effet auto­ma­ti­que­ment cette Lettre : chaque année, les cent annuaires des dio­cèses de France sont soi­gneu­se­ment éplu­chés pour mettre à jour une for­mi­dable base de don­nées qui regroupe tout le cler­gé fran­çais. Ainsi, la Lettre à nos frères prêtres passe au-​dessus de toutes les Croix, Vie catho­lique, Radio-​Notre-​Dame, KTO, Panorama et autres Pèlerin, pour infor­mer direc­te­ment et de pre­mière main le prêtre dans son presbytère.

Bien évi­dem­ment, les sujets abor­dés sont essen­tiel­le­ment ecclé­sias­tiques. Dans la Lettre à nos frères prêtres, on parle (avec beau­coup de com­pé­tence, et de façon tout à fait pas­sion­nante) de théo­lo­gie, de litur­gie, d’his­toire ecclé­sias­tique, de droit cano­nique, de spi­ri­tua­li­té, mais aus­si des évé­ne­ments actuels de la vie de l’Eglise. C’est pour­quoi la der­nière livrai­son, le numé­ro 68 de décembre 2015 [1] (en fait envoyé aux lec­teurs en jan­vier), sans pour­tant s’é­loi­gner de son but et de son esprit, tranche sur l’or­di­naire : elle se com­pose, en effet, sur douze pages, d’un copieux dos­sier inti­tu­lé « Un regard chré­tien sur l’im­mi­gra­tion ».

L’éditorial [2] de l’ab­bé Christian Bouchacourt, supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint- Pie X, explique clai­re­ment le but de cette publi­ca­tion un peu inattendue :

« L’Europe vient d’ac­cueillir en quelques mois, bon gré mal gré, plus d’un mil­lion d’im­mi­grants, en pro­ve­nance prin­ci­pa­le­ment de pays isla­miques. C’est un fait assez mas­sif pour être au centre des conver­sa­tions, de nom­breux articles de presse, de décla­ra­tions poli­tiques de tous bords. C’est pour­quoi il m’a sem­blé utile qu’une courte syn­thèse doc­tri­nale sur cette ques­tion de l’im­mi­gra­tion soit réa­li­sée pour cette Lettre, « Un regard chré­tien sur l’im­mi­gra­tion », occa­sion d’une réflexion à par­tir de la doc­trine des papes et des théologiens ».

Contre la « langue de bois »

La suite de l’é­di­to­rial explique plus pré­ci­sé­ment cette néces­si­té : c’est qu’il existe une « langue de bois » ecclé­sias­tique sur cette ques­tion et que les prêtres risquent d’en être les pre­mières vic­times, par sou­mis­sion à leurs chefs natu­rels, et par une infor­ma­tion tron­quée don­née par une presse dite « catho­lique » et très lar­ge­ment « immi­gra­tion­niste ». L’abbé Bouchacourt pour­suit donc son propos :

« D’autant que, depuis de longues années, la parole des évêques fran­çais sur ce sujet se réduit presque à répé­ter comme un leit­mo­tiv la phrase de l’Evangile : « J’étais un étran­ger et vous m’a­vez accueilli » (Mt 25, 35). Il est incon­tes­table que cette phrase repré­sente un élé­ment clé d’un regard chré­tien sur l’im­mi­gra­tion. Mais lors­qu’elle est consi­dé­rée comme apte à expri­mer seule l’es­sen­tiel d’une posi­tion sup­po­sée « chré­tienne » sur l’im­mi­gra­tion, il s’a­git d’une erreur pro­fonde. Le prin­cipe de « l’ac­cueil incon­di­tion­nel de l’autre », qui consti­tue comme le « fond de sauce » de la doxa épis­co­pale fran­çaise sur l’im­mi­gra­tion, n’est en véri­té abso­lu­ment pas suf­fi­sant pour cela. »

C’est donc pour com­plé­ter, rec­ti­fier, éclai­rer des connais­sances sou­vent tron­quées et défor­mées que le dos­sier s’emploie à pro­po­ser des argu­ments tirés de la théo­lo­gie la plus clas­sique et la plus cer­taine, afin de four­nir une doc­trine sage, mesu­rée et sur­tout vraie pour faire face à une situa­tion inquié­tante (pour les pays d’ac­cueil) et tra­gique (pour les émigrants).

Nous n’a­vons pas la pré­ten­tion de résu­mer ce tra­vail riche et nuan­cé. Les lec­teurs pour­ront le lire, soit en com­man­dant le numé­ro de la revue, soit en allant consul­ter sa ver­sion élec­tro­nique sur le site inter­net du District de France de la Fraternité Saint-​Pie X inti­tu­lé « La Porte Latine », soit enfin en acqué­rant le petit ouvrage qui a ser­vi de base à ce dos­sier. Les rédac­teurs de la Lettre à nos frères prêtres ont uti­li­sé essen­tiel­le­ment, en effet, un livre de l’ab­bé Grégoire Celier inti­tu­lé pré­ci­sé­ment « Un regard chré­tien sur l’im­mi­gra­tion », paru en 2007 aux édi­tions Via Romana [3], et dont Jean Madiran écri­vait dans nos colonnes qu’il s’a­gis­sait de « salubres réflexions » regrou­pées en une « étude très remar­quable » (Présent du 19 sep­tembre 2007).

Espérons que beau­coup de prêtres liront cette Lettre à nos frères prêtres [4], qu’ils en médi­te­ront les solides argu­ments et qu’ils seront nom­breux à sor­tir ain­si de ce « som­nam­bu­lisme pieux » dans lequel trop d’entre eux sont enfer­més au rebours du réel, de la jus­tice et de la cha­ri­té ; qu’ils ces­se­ront alors de prê­cher tou­jours plus d’im­mi­gra­tion [5] au nom d’un fal­la­cieux « accueil de l’autre », pour pen­ser d’a­bord et pre­miè­re­ment au bien spi­ri­tuel mais aus­si tem­po­rel de leur pro­chain le plus proche : leurs ouailles, les natifs de ce pays, les Français.

Jacques Breil, in Présent du 13 février 2016

Notes de bas de page
  1. Accès au numé­ro 68 de décembre 2015[]
  2. Lire ici cet édi­to­rial[]
  3. Grégoire Celier, Un regard chré­tien sur l’im­mi­gra­tion, édi­tions Via Romana, 2007, 70 pages, 10, 50 euros.[]
  4. Lettre à nos frères prêtres numé­ro 68. Ecrire à « LNFP, 11 rue Cluseret, 92 280 Suresnes Cedex » : 5 euros le numé­ro iso­lé ; 10 euros l’a­bon­ne­ment 2016 (quatre numé­ros). On peut par­ti­ci­per à l’en­voi de la revue aux prêtres en ver­sant de l’argent en sus.[]
  5. Lire aus­si Fideliter n° 175 de janvier-​février 2007 : IMMIGRATION, UN REGARD CHRÉTIEN[]