Qu’est-​ce que l’euthanasie ?

Qu’est-​ce que l’euthanasie ?

Patrick Verspieren défi­nit ain­si l’eu­tha­na­sie confor­mé­ment au droit : « L’euthanasie consiste dans le fait de don­ner sciem­ment et volon­tai­re­ment la mort ; est eutha­na­sique le geste ou l’o­mis­sion qui pro­voque déli­bé­ré­ment la mort du patient dans le but de mettre fin à ses souf­frances ». La requête peut venir du patient ou de sa famille s’il n’est pas en état de se manifester.

Quelle nouveauté apporte la loi Claeys-​Leonetti votée le 17 mars 2015 par les députés, par rapport à la loi précédente du 22 avril 2005 ?

Ce qu’il y a de nou­veau dans la loi Claeys-​Leonetti, accep­tée le 17 mars der­nier, c’est l’in­tro­duc­tion d’un droit du malade à récla­mer « une séda­tion ter­mi­nale » avec arrêt de tous les autres trai­te­ments sans que per­sonne ne puisse s’y opposer.

La loi de 2005 pré­voyait la pos­si­bi­li­té d” « une séda­tion admi­nis­trée en phase ter­mi­nale » qui n’a­vait comme objec­tif que de sou­la­ger, quitte à endor­mir tota­le­ment un malade qui subis­sait une situa­tion de souf­france insup­por­table. Son objec­tif n’é­tait pas de pro­vo­quer la mort, mais de sou­la­ger le malade en le ren­dant incons­cient pour qu’il ne vive pas l’ef­froi de la souf­france insup­por­table. Même si de fait, en rai­son de l’im­por­tance des doses néces­saires pour obte­nir cette séda­tion totale, bien sou­vent on accé­lé­re­rait la sur­ve­nue du décès. Bref, ce n’é­tait pas une eutha­na­sie, c’é­tait un soin pal­lia­tif légitime.

Que devons-​nous entendre par « sédation terminale » avec arrêt de tout autre traitement ?

La « séda­tion » est en soi la recherche, par des moyens médi­ca­men­teux, d’une dimi­nu­tion de la vigi­lance pou­vant aller jus­qu’à la perte de conscience, dans le but de dimi­nuer ou de faire dis­pa­raître une souf­france into­lé­rable. La « séda­tion ter­mi­nale », c’est la recherche de cet état pour per­mettre une mort plus rapide et sans dou­leur. La loi Leonetti consi­dère l’hy­dra­ta­tion et l’ap­port de nour­ri­ture au malade par­mi les trai­te­ments (alors qu’ils consti­tuent des soins), et auto­rise l’ar­rêt au nom du refus de l’a­char­ne­ment thé­ra­peu­tique. En arrê­tant ces soins de base (eau et nour­ri­ture), du côté du malade c’est un sui­cide, du côté du soi­gnant c’est un acte d’euthanasie.

Ne sommes-​nous pas maîtres de notre propre vie ?

La vie, dit Saint Thomas d’Aquin, est un don de Dieu concé­dé à l’homme, et qui demeure tou­jours sou­mis au pou­voir de Celui qui « fait vivre et mou­rir » (Deut. XXXII, 39). Aussi qui­conque se prive lui-​même de la vie pèche contre Dieu, abso­lu­ment comme pèche celui qui s’ar­roge le droit de juger une cause qui ne relève pas de sa juri­dic­tion. Décider de la mort ou de la vie n’ap­par­tient qu’à Dieu seul. (IIa IIae, Q. 64, a. 5)

L’euthanasie va-​t-​elle contre la loi naturelle ou la loi de Dieu ?

Oui, l’eu­tha­na­sie va à l’en­contre du cin­quième com­man­de­ment de Dieu : « Tu ne tue­ras pas ». Ce com­man­de­ment nous défend de por­ter atteinte contre la vie en géné­ral, la sienne propre d’a­bord, ensuite à celle de son sem­blable. N’y aurait-​il pas une excep­tion per­met­tant l’eu­tha­na­sie pour évi­ter aux malades soit des souf­frances into­lé­rables, soit une perte de digni­té insup­por­table ? Comme le meurtre d’un inno­cent est un acte intrin­sè­que­ment mau­vais, il ne peut donc y avoir d’ex­cep­tions, car il n’est jamais per­mis de faire le mal même en vue d’un bien.

Prétexter que l’eu­tha­na­sie aurait pour but d’é­vi­ter aux malades de grandes souf­frances inutiles, puisque sa mala­die est incu­rable, est faux, ce n’est pas la seule façon d’y mettre fin. De nom­breux méde­cins affirment le contraire. Tel le pro­fes­seur Julien Israël, can­cé­ro­logue et membre de l’a­ca­dé­mie des sciences morales et poli­tiques, qui écrit : « Il n’y a aucune dou­leur, aucune souf­france phy­sique, que la méde­cine aujourd’­hui ne puisse contrô­ler et apaiser ».

La solu­tion n’est-​elle pas dans une amé­lio­ra­tion de cette situa­tion par le déve­lop­pe­ment des soins palliatifs ?

Un état insup­por­table de déchéance phy­sique et men­tale cau­sé par la mala­die ne com­pro­met pas le res­pect de la digni­té de la per­sonne et ne donne aucun droit de mou­rir. Car la digni­té de la per­sonne humaine ne se juge pas à ses fonc­tions bio­lo­giques et ne se perd pas par une dimi­nu­tion des capa­ci­tés phy­siques. « La vie ter­restre trouve son sens dans la vie éter­nelle » ; même souf­frante ou incons­ciente, la per­sonne conserve sa digni­té d’être créé à l’i­mage et à la res­sem­blance de Dieu, la digni­té d’un « être d’é­ter­ni­té ». C’est pour­quoi, dit Pie XII (aux méde­cins chi­rur­giens, 13.02.1945), « le méde­cin mépri­se­ra toute sug­ges­tion qui lui sera faite de détruire la vie, si frêle et si humai­ne­ment inutile que cette vie puisse paraître ».

Quel est le sens de la souffrance face à l’éternité ?

La pas­sion de Notre Seigneur Jésus-​Christ nous enseigne que la souf­france offerte à Dieu en sou­mis­sion à sa volon­té, a une grande valeur à ses yeux. Elle per­met au malade de répa­rer les erre­ments de sa vie en expiant ses péchés. L’une des fins du sacre­ment des malades est d’ailleurs d’ai­der ceux-​ci à sup­por­ter leurs souf­frances dans cet état d’es­prit au lieu de cher­cher à les fuir à tout prix. La souf­france peut aus­si être mer­veilleu­se­ment féconde. Dieu nous l’a ensei­gné par l’exemple de plu­sieurs saints, telle Sainte Rafqa (1832 ‑1914).

Jusqu’à quel point devons-​nous nous soigner ?

Le Pape Pie XII, dans son dis­cours du 24 novembre 1957 sur les pro­blèmes de la réani­ma­tion, rap­pelle le devoir grave de l’homme, en cas d’une sérieuse mala­die, de prendre les moyens néces­saires pour conser­ver sa san­té ou celle d’un autre. Puis il pré­cise : « Mais il n’o­blige habi­tuel­le­ment qu’à l’emploi des moyens ordi­naires (sui­vant les cir­cons­tances de per­sonnes, de lieu, d’é­poques, de culte), c’est-​à-​dire les moyens qui n’im­posent aucune charge extra­or­di­naire pour soi-​même ou pour les autres ». La pru­dence d’un bon méde­cin sera juge de l’op­por­tu­ni­té ou de l’abs­ten­tion d’un trai­te­ment dans la situa­tion concrète du moment, et pour le cas don­né. Peut-​on s’abs­te­nir de don­ner à man­ger ou à boire à un patient ? La Congrégation pour la doc­trine de la foi a don­né une réponse à ce sujet le 1er aout 2007 : « L’administration de nour­ri­ture et d’eau par voies natu­relles ou arti­fi­cielles est en géné­ral un moyen ordi­naire et pro­por­tion­né de main­tien de la vie. Elle est donc obli­ga­toire dans la mesure où elle montre sa fina­li­té propre, c’est-​à-​dire hydra­ter et nour­rir le patient ». Il n’est pas per­mis d’in­ter­rompre la nour­ri­ture et l’hy­dra­ta­tion d’un patient en état végé­ta­tif per­ma­nent, car ces soins sont fon­da­men­taux à sa nature humaine.

Abbé Denis QUIGLEY, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Sources : La Foi de tou­jours n° 184 de novembre 2015