Intégristes réhabilités : le virage réac du Vatican se confirme – Rue89


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la posi­tion offi­cielle de la Fraternité Saint-​Pie X

Intégristes réhabilités : le virage réac du Vatican se confirme

Ça pour­ra sur­prendre, mais je m’intéresse par­fois à l’actualité de l’église catho­lique. Ou disons plu­tôt que je m’y inté­resse lorsqu’elle déborde de la fameuse « sphère pri­vée » pour mieux se répandre dans la non moins fameuse « sphère publique ».

A cette aune, le retour des bre­bis éga­rées inté­gristes dans le giron romain vaut lar­ge­ment d’être com­men­té. D’abord parce que les bre­bis pro­digues sont tou­jours aus­si éga­rées qu’il y a vingt ans, mais sur­tout parce que la démarche de Benoît XVI s’inscrit dans une pers­pec­tive de plus en plus réactionnaire.

Car j’ai du mal à gober qu’il s’agisse vrai­ment de ras­sem­bler tous les catho­liques dans un sou­ci « d’apaisement » : les seuls sup­por­ters de l’OM sont plus nom­breux que les amis de Monseigneur Lefebvre (150 000 sur un peu plus d’un mil­liard de catho­liques à tra­vers le monde) et cette main ten­due aux nos­tal­giques de l’avant-Vatican II ira davan­tage dans le sens de la dis­corde que dans celui de l’harmonie…

Un panthéon politique hébergeant les plus magnifiques crapules du siècle

A ceux qui s’intéressent encore moins que moi à ce genre de choses, rap­pe­lons ain­si que la poi­gnée de fon­da­men­ta­listes pré­fé­rant le latin au fran­çais n’est pas qu’une asso­cia­tion de défense et pro­mo­tion des tra­di­tions folkloriques.

L’abbé Laguérie, lorsqu’il ne bap­tise pas les reje­tons de Dieudonné, ne joue pas du biniou dans le bagad de Lann-​Bihoué ! Non, les tenants de la Fraternité Saint-​Pie X sont d’authentiques fana­tiques dont les réfé­rences reli­gieuses tendent plus vers la consu­ma­tion des pécheurs dans les flammes de l’enfer que vers les cau­se­ries de Saint-​François d’Assise avec les petits zoziaux. Pour ne rien dire d’un pan­théon poli­tique héber­geant les plus magni­fiques cra­pules du siècle, de Franco à Pétain, de Salazar à Le Pen.

Tiens, même le petit mous­ta­chu autri­chien, dont les méfaits seraient lar­ge­ment sur­éva­lués par la pro­pa­gande judéo-​maçonnique, est sus­cep­tible d’y faire une, hum, apparition…

Les critiques peu crédibles du discours de Ratisbonne

Toutes choses égales par ailleurs, les inté­gristes aux­quels il est ques­tion de rendre le béné­fice de leur bap­tême sont com­pa­rables aux bar­bus lan­ceurs de fat­was à tra­vers le monde ou aux fon­da­men­ta­listes en redin­gotes noires assu­rant que la Shoah n’était qu’une puni­tion bien méritée.

La grande dif­fé­rence, c’est que ces der­niers ne repré­sentent qu’eux-mêmes, ni l’islam ni le judaïsme ne pos­sé­dant une struc­ture cen­trale don­nant le ton. En ayant l’oreille du big boss, les lefeb­vristes auront donc bien plus d’influence sur les croyants qu’un mol­lah éruc­tant ses impré­ca­tions dans le désert.

Il y a deux ans, au moment du fameux dis­cours de Ratisbonne, je m’étais aga­cé du sophisme des cri­tiques de Benoît XVI, qui lui repro­chaient de ne pas se faire plus sub­til pour évo­quer les rap­ports entre la foi et la raison.

Je n’ai pas chan­gé d’avis et je ne vois tou­jours pas en quoi le pape serait infon­dé à citer, sans les reprendre à son compte, les pro­pos d’un empe­reur byzan­tin du XIVe siècle… Un mou­ve­ment reli­gieux, même impor­tant, même cen­tral dans la culture et l’histoire de mon pays, n’est jamais qu’un mou­ve­ment reli­gieux et ce qu’il impose à ses fidèles ne nous regarde pas.

Au-​delà de la messe en latin, des tendances antisémites et homophobes

Mais que ce mou­ve­ment offre une place légi­time à sa frange extré­miste, une frange extré­miste dont le pro­jet est sus­cep­tible d’avoir un impact sur la vie de ceux qui n’en ont qu’une (de vie) ‑et ce n’est plus du tout pareil. Le prêtre qui tourne le dos à ses ouailles pen­dant la messe et s’exprime en latin, c’est son pro­blème et le leur.

La remise au goût du jour de la « per­fi­die des juifs » dans la litur­gie ou la pro­pa­ga­tion de l’idée que les homo­sexuels sont à l’espèce humaine ce que la défo­res­ta­tion est à l’environnement, en revanche, c’est notre pro­blème à tous.

Benoît XVI est un pape intel­li­gent, un intel­lec­tuel plus qu’un émo­tif et je ne crois pas qu’il soit dans l’improvisation avec cette affaire de réin­té­gra­tion. Pas plus que Jean-​Paul II ne l’était en cano­ni­sant le fon­da­teur de l’Opus Dei

Bon, c’est sûr, l’église catho­lique est un gros machin ultra-​politique et il a bien fal­lu que les inté­gristes soient d’abord excom­mu­niés avant d’être réin­té­grés. De même, c’est bien parce qu’il y a eu un Vatican II qu’il y a aujourd’hui des gens pour lui faire un sort.

Faire et défaire, c’est tou­jours faire, hein ? Mais nous sommes en 2009 et, pour le moment, c’est au retour en grâce d’un néga­tion­niste Richard Williamson (je ne vais quand même pas lui don­ner du mon­sei­gneur ou lui ser­rer la pince…) qu’il nous est don­né d’assister.

Vivement le pro­chain concile, qu’on change un peu de cycle. Celui-​ci com­mence à me fatiguer.

Hugues Serraf Rue89