La messe jamais interdite

Le 7 juillet 2007, par un acte vrai­ment per­son­nel, « de son propre mou­ve­ment », le pape Benoît XVI a publié le Motu pro­prio Summorum pon­ti­fi­cum cura. Après « de longues réflexions, de mul­tiples consul­ta­tions et de la prière », il a ain­si com­men­cé à mettre en œuvre son pro­jet pour la litur­gie, envi­sa­gé lar­ge­ment avant son élec­tion, et ce mal­gré « une dure opposition ».

C’est une très bonne nou­velle pour l’Église. Qu’après trente-​huit ans d’a­par­theid, le rite immé­mo­rial de l’Église soit au moins par­tiel­le­ment réha­bi­li­té ne peut que réjouir le cœur de tous les catho­liques. Car la situa­tion anté­rieure, cette pré­ten­due inter­dic­tion de la messe tra­di­tion­nelle, consti­tuait dans l’Église une injus­tice très grave et un scan­dale sans nom.

Mgr Bernard Fellay, Supérieur géné­ral de la Fraternité Saint-​Pie X, « expri­mant au Souverain Pontife sa vive gra­ti­tude pour ce grand bien­fait spi­ri­tuel » et deman­dant que soit chan­té dans tous les lieux de culte de la Fraternité Saint-​Pie X un Te Deum « pour rendre grâce à Dieu de cet évé­ne­ment tant atten­du et enfin réa­li­sé », n’a cer­tai­ne­ment pas mini­mi­sé la por­tée de ce grand acte.

Ce Motu pro­prio repré­sente éga­le­ment un puis­sant encou­ra­ge­ment pour tous les défen­seurs de la messe tra­di­tion­nelle, de quelque orien­ta­tion qu’ils soient. Persécutés, inter­dits, par­qués, trai­tés en quan­ti­té négli­geable, oubliés, mépri­sés ou moqués (selon les cas), ils trouvent dans ce texte une arme effi­cace pour faire pro­gres­ser leurs légi­times demandes et obli­ger des clercs récal­ci­trants à recon­naître leurs droits de catholiques.

C’est enfin une réha­bi­li­ta­tion pour tous ces prêtres et fidèles qui, dès le pre­mier jour, affir­mèrent, en dépit des per­sé­cu­tions de toutes sortes, que ce rite n’é­tait pas inter­dit et ne pou­vait pas l’être. Au pre­mier rang de ceux-​ci se place Mgr Marcel Lefebvre, dont il nous paraît digne et juste d’ho­no­rer en cette occa­sion la sainte mémoire.

Le cœur de cette bonne nou­velle, en effet, est la ques­tion de la liber­té de la messe tra­di­tion­nelle. Le pape recon­naît, de façon offi­cielle et défi­ni­tive, que la messe tra­di­tion­nelle n’est pas inter­dite, qu’elle n’a jamais été inter­dite, qu’elle n’a pu, ne peut et ne pour­ra jamais être inter­dite. Benoît XVI en parle même à deux reprises, disant d’a­bord que « le mis­sel romain pro­mul­gué par le bien­heu­reux Jean XXIII en 1962 n’a jamais été abro­gé », puis insis­tant sur le fait que « ce mis­sel n’a jamais été juri­di­que­ment abro­gé et, par consé­quent, il est tou­jours res­té autorisé ».

Or, cette affir­ma­tion solen­nelle est le ren­ver­se­ment spec­ta­cu­laire de trente-​huit années de per­sé­cu­tion, de pres­sion, de contre-​vérités ten­dant à faire croire que la messe tra­di­tion­nelle était abo­lie. Cette pro­pa­gande men­son­gère bat­tait son plein encore récem­ment, par exemple le 13 juillet 1999, lorsque le car­di­nal Medina, dans une lettre offi­cielle au titre de pré­fet de la Congrégation du Culte, pré­ten­dait que le nou­veau mis­sel était « l’u­nique forme en vigueur de la célé­bra­tion du saint sacri­fice selon le rite romain, en ver­tu du droit géné­ral liturgique ».

Pour la Fraternité Saint-​Pie X, qui a pro­po­sé aux auto­ri­tés romaines un che­min de sor­tie de crise, ce Motu pro­prio, s’il n’est pas tota­le­ment le pre­mier « préa­lable », y res­semble tou­te­fois assez fort, comme l’a sug­gé­ré dis­crè­te­ment Mgr Fellay.

Il reste, pour pro­gres­ser dans cette sor­tie de crise, à envi­sa­ger le deuxième « préa­lable », c’est-​à-​dire l’a­bo­li­tion de la pré­ten­due excom­mu­ni­ca­tion des évêques auxi­liaires de la Fraternité, puis à enta­mer les dis­cus­sions doc­tri­nales. Mais, incon­tes­ta­ble­ment, ce Motu pro­prio crée dans l’Église un cli­mat plus favo­rable à la tra­di­tion, et c’est un élé­ment impor­tant dans les rap­ports entre la Fraternité Saint-​Pie X et Rome.

Abbé Grégoire Celier