Le pape François rompt avec les traditions catholiques quand il en a envie, par le P. T. Rosica

Thomas Rosica [1] : voi­là un nom qui est entré dans les mémoires à l’occasion des deux synodes sur la famille convo­qués par le pape François, puisqu’il en pré­sen­tait les comptes-​rendus des tra­vaux en langue anglaise dans le cadre de la Salle de presse du Vatican, et ce de manière très orien­tée, sou­vent peu fidèle à ce qui s’y était réel­le­ment dit. C’est lui qui vient de lâcher une bombe à pro­pos de la doc­trine et des actes du sou­ve­rain pon­tife dans un article consa­cré aux « Qualités igna­ciennes du minis­tère pétri­nien du pape François » où il a écrit, ver­ba­tim, que celui-​ci « rompt avec les tra­di­tions catho­liques quand il en a envie ».

Pour lui, l’Eglise est entrée dans une « phase nou­velle » depuis qu’elle est « gou­ver­née par un indi­vi­du plu­tôt que par l’autorité de l’Ecriture sainte seule, ou même par les dires de sa Tradition et de l’Ecriture ».

Ce n’est pas for­cé­ment pour déplaire au père basi­lien, tou­jours consul­tant au Vatican alors qu’il est éga­le­ment direc­teur exé­cu­tif de la fon­da­tion média­tique cana­dienne « Sel et Lumière », et on peut d’ailleurs arguer qu’il s’agit là d’une inter­pré­ta­tion sub­jec­tive de sa part, qui ne sau­rait être prise pour argent comp­tant pour décrire la « gou­ver­nance » du pape François.

Le P. Thomas Rosica confirme le carac­tère auto­cra­tique de la gou­ver­nance du pape François.

Il reste que c’est un élé­ment à appor­ter à l’analyse d’un pon­ti­fi­cat qui ne se contente pas de sur­prendre : semant confu­sion, incom­pré­hen­sion et scan­dale par­fois, nul ne sau­rait dire que les décla­ra­tions et les actes du pape ne sont pas contro­ver­sés, et qu’ils ne rompent pas à l’occasion avec l’enseignement constant de l’Eglise. Cela va de la pro­po­si­tion certes dis­crète de don­ner accès à la com­mu­nion aux divor­cés rema­riés dans Amoris lae­ti­tia à la récente modi­fi­ca­tion du caté­chisme en vue de pro­non­cer la peine de mort appli­quée par les auto­ri­tés civiles, même pour les crimes les plus graves, « inac­cep­table ».

L’importance des remarques publiées par Salt & Light se jauge à la manière dont un média catho­lique tou­jours très défé­rent envers le pape l’a trai­té : Zenit a dans un pre­mier temps publié cette phrase, et quelques pro­pos simi­laires du P. Rosica, avant de les gom­mer de sa syn­thèse de son article.

Il faut dire que l’accusation – car c’en serait une dans n’importe quelle ana­lyse tra­di­tion­nelle de la situa­tion – est des plus graves. Au-​delà des mots, le P. Rosica pré­sente le style de gou­ver­ne­ment du pape François comme auto­cra­tique, et s’il se réjouit à titre per­son­nel de cet indi­vi­dua­lisme qui réin­ter­prète la misé­ri­corde à sa façon, y voyant l’incarnation de la pen­sée de saint Ignace de Loyola à la tête de l’Eglise, la réa­li­té trans­pa­raît tout de même. On voit dans son article Mgr Bergoglio en Argentine reje­ter tour à tour la théo­lo­gie de la libé­ra­tion et le tra­di­tio­na­lisme dans la dévo­tion avant de deve­nir le seul car­di­nal jésuite du Sacré col­lège hor­mis le car­di­nal Carlo Maria Martini de Milan – connu en son temps comme chef de file des pro­gres­sistes. Le pape François, assure en de longs déve­lop­pe­ments le P. Rosica, a offert à l’Eglise uni­ver­selle la mise au centre de trois « grâces » propres à la spi­ri­tua­li­té de saint Ignace : la conso­la­tion, la com­pas­sion et le dis­cer­ne­ment qui savent rendre l’Eglise accueillante pour tous, et res­pec­tueuse vis-​à-​vis de chaque conscience indi­vi­duelle. Voilà qui explique en effet la logique d’Amoris lae­ti­tia, mais pour par­tie seule­ment car saint Ignace n’était pas connu pour la désin­vol­ture de son expres­sion en matière doctrinale.

Le pape François rompt avec les tra­di­tions catho­liques quand il en a envie, parce que c’est lui le chef.

On a la sur­prise de voir le P. Rosica se féli­ci­ter du « style » du pape François qui ne décide jamais sans consul­ter, assure le père basi­lien, alors que bien des déci­sions récentes ont été prises jus­te­ment de manière uni­la­té­rale et, à l’occasion, incompréhensible.

« Le pape François est astu­cieux, et il a de manière répé­tée loué le trait jésuite de la « sainte ruse » », pré­cise le reli­gieux qui en tire argu­ment pour écrire que nul ne sait ce qui se pro­dui­ra par la suite – même pas le pape « qui ne sait pas où mène­ra l’esprit » (sans majus­cule dans le texte d’origine). « Je n’ai pas toutes les réponses. Je n’ai même pas toutes les ques­tions. Je pense tou­jours à de nou­velles ques­tions, et de nou­velles ques­tions se pré­sentent tou­jours », a pu décla­rer le pape François dans une cita­tion reprise pour son carac­tère signi­fi­ca­tif par le P. Rosica.

Avec le pape François, notre Eglise serait entrée dans une « phase nou­velle » mar­quée par le gou­ver­ne­ment d’un individu.

Et voi­ci le para­graphe le plus remar­quable de l’article de ce dernier :

« Le pape François rompt avec les tra­di­tions catho­liques quand il en a envie parce qu’il est « libre par rap­port aux affec­tions désor­don­nées ». Notre Eglise est véri­ta­ble­ment entrée dans une phase nou­velle : avec l’avènement de ce pre­mier pape jésuite, elle est ouver­te­ment gou­ver­née par un indi­vi­du plu­tôt que par l’autorité de l’Ecriture sainte seule, ou même par les dires de sa tra­di­tion et de l’Ecriture. »

Question : depuis quand l’Eglise serait-​elle gou­ver­née par l’Ecriture seule ? La tra­di­tion apos­to­lique serait-​elle une inven­tion propre à cer­tains styles de gou­ver­nance ? Que sait fina­le­ment le P. Rosica de l’Eglise, de son his­toire, de la Vérité qu’elle trans­met ? Quelle impor­tance leur accorde-​t-​il ? Est-​ce vrai­ment une bonne nou­velle que l’Eglise soit gou­ver­née par… le pape seul ?

Tout cela est joli­ment embal­lé dans une pro­tes­ta­tion de meilleure adhé­sion de la part du pape à l’amour per­son­nel de Dieu et du pro­chain, dont François serait ain­si le cham­pion inéga­lé. Mais en atten­dant, une telle rup­ture par rap­port à l’enseignement tra­di­tion­nel de l’Eglise, fût-​ce au nom du Christ, contre­di­rait des siècles de cer­ti­tudes que ce même Christ nous a don­nées pour main­te­nir son Eglise dans la fidélité.

La fidé­li­té à cet ensei­gne­ment serait-​elle donc une « affec­tion désordonnée » ?

Sources : Jeanne Smits /​RéinformationTV

Notes de bas de page
  1. Thomas Rosica, né en 1959 à Rochester (New York), est un Père basi­lien, uni­ver­si­taire et chro­ni­queur cana­dien, fon­da­teur et direc­teur géné­ral de la Télévision Sel + Lumière. Le père Rosica est membre de la com­mis­sion épis­co­pale des com­mu­ni­ca­tions pour la Conférence des évêques catho­liques du Canada. Au mois de février 2009, le pape Benoît XVI le nomme consul­tant au Conseil pon­ti­fi­cal pour les com­mu­ni­ca­tions sociales. Le 11 février 2013, après l’an­nonce de la renon­cia­tion du Pape, il lui est pro­po­sé par le Vatican de se joindre au per­son­nel du Bureau de Presse du Saint-​Siège afin de ser­vir en tant que porte-​parole offi­ciel durant le Sede vacante, le conclave et l’é­lec­tion du pape François. Parallèlement, il devient assis­tant au Bureau de Presse du Saint-​Siège pour la langue anglaise. Depuis, il four­nit quo­ti­dien­ne­ment les com­mu­ni­qués de presse aux médias anglo­phones des quatre coins du monde.[]