Jean-Paul II

264e pape ; de 1978 à 2005

25 janvier 1983

Constitution Apostolique Divinus perfectionis Magister

Sur l'instruction d'une cause de béatification

Rome, Saint Pierre, le 25 jan­vier 1983, cin­quième année de notre Pontificat.

Maître et modèle divin de toute per­fec­tion, Jésus-​Christ, avec le Père et l’Esprit Saint, est célé­bré comme le « seul saint ». Il a aimé l’Église comme son épouse et s’est voué à elle afin de la sanc­ti­fier pour se la pré­sen­ter à lui-​même toute res­plen­dis­sante. Ayant trans­mis à tous ses dis­ciples le pré­cepte d’i­mi­ter la per­fec­tion du Père, il leur envoie à tous son Esprit Saint pour que celui-​ci les amène inti­me­ment à aimer Dieu de tout leur cœur et à s’ai­mer les uns les autres comme lui-​même les a aimés. Les dis­ciples du Christ – comme nous l’en­seigne le Concile Vatican Il – conviés et jus­ti­fiés par Jésus-​Christ, non pour leurs œuvres mais par le des­sein et la grâce de Dieu, sont deve­nus dans le bap­tême de la foi vrais fils de Dieu et acteurs de la nature divine et, par consé­quent, réel­le­ment saints.

Parmi eux, de tout temps, Dieu en a choi­si beau­coup qui, ayant sui­vi au plus près l’exemple du Christ, ont magni­fi­que­ment témoi­gné du Royaume des cieux par le sang ver­sé ou par la pra­tique héroïque des vertus.

Dans la réa­li­té, l’Église qui, dès les pre­miers siècles du chris­tia­nisme, a tou­jours cru en la com­mu­nion plus étroite des Apôtres et les Martyrs avec nous dans le Christ, les a entou­rés d’une véné­ra­tion par­ti­cu­lière, avec la bien­heu­reuse Vierge Marie et les saints Anges, et elle a pieu­se­ment implo­ré le secours de leur média­tion. Très vite leur furent asso­ciés ceux qui avaient sui­vi de très près la vir­gi­ni­té et la pau­vre­té du Christ et tous ceux que la pra­tique remar­quable des ver­tus et les cha­rismes divins recom­man­daient à la pieuse dévo­tion et à l’i­mi­ta­tion des fidèles.

Lorsque nous consi­dé­rons la vie de ceux qui ont fidè­le­ment sui­vi le Christ, nous sen­tons une nou­velle rai­son nous exhor­ter à recher­cher la cité future et un che­min nous est mon­tré grâce auquel, dans ce monde chan­geant et selon l’é­tat et la condi­tion propres à cha­cun de nous, nous pou­vons par­ve­nir à l’u­nion par­faite avec le Christ, c’est-​à-​dire à la sainteté.

Nous trou­vant face à tant de témoins à tra­vers les­quels Dieu nous mani­feste sa pré­sence et nous parle, nous sommes for­te­ment atti­rés vers le Royaume des cieux. Recevant avec un immense res­pect les signes de son Seigneur et écou­tant doci­le­ment sa voix, le Saint Siège, de par la grande mis­sion qui lui est confiée d’en­sei­gner, de sanc­ti­fier et de gou­ver­ner le Peuple de Dieu, depuis des temps immé­mo­riaux a offert des hommes et des femmes glo­rieux par le feu de leur cha­ri­té et des autres ver­tus évan­gé­liques à l’exemple, à la véné­ra­tion et à la prière des fidèles ; et, suite aux enquêtes menées dans ce but, le Saint-​Siège apos­to­lique les a décla­rés saints ou saintes par un acte solen­nel de canonisation.

L’instruction des causes de cano­ni­sa­tion, que notre pré­dé­ces­seur Sixte Quint confia à la Sacrée Congrégation des Rites fon­dée par lui-​même, fut sans cesse modi­fiée et com­plé­tée au cours des siècles, notam­ment par Urbain VIII, par de nou­velles normes que Prosper Lambertini (deve­nu par la suite Benoît XIV), y joi­gnant l’ex­pé­rience acquise avec le temps, légua à la pos­té­ri­té dans une œuvre inti­tu­lée « De Servorum Dei bea­ti­fi­ca­tione et bea­to­rum cano­ni­za­tione », qui ser­vit de règle à la Sacrée Congrégation des Rites pen­dant presque deux siècles. Ces normes furent reprises pour l’es­sen­tiel dans le Code de droit canon publié en 1917.

Avec les pro­grès accom­plis par les sciences his­to­riques, le besoin s’est fait sen­tir de doter la Congrégation d’un ins­tru­ment de tra­vail plus adap­té à notre temps ; afin de mieux répondre aux exi­gences de la cri­tique, notre pré­dé­ces­seur Pie Xl, dans sa Lettre apos­to­lique « Già da qualche tem­po » (Motu pro­prio) publiée 6 février 1930, ins­ti­tua au sein de la Sacrée Congrégation des Rites la « Section his­to­rique » à laquelle il confia l’é­tude des causes « his­to­riques ». Le 4 jan­vier 1939, le même Pontife fit publier les « Normae ser­van­dae in construen­dis pro­ces­si­bus ordi­na­riis super cau­sis his­to­ri­cis » qui ren­daient caduc le pro­cès « apos­to­lique » et fit en sorte que pour les causes « his­to­riques », une auto­ri­té ordi­naire n’instruisit dès lors qu’un seul procès.

Mais Paul VI éta­blit par la Lettre apos­to­lique « Sanctitas cla­rior » du 19 mars 1969, que même pour les causes récentes ne serait menée qu’une seule pro­cé­dure d’ins­truc­tion : celle des­ti­née à recueillir les preuves et à être ins­truite par l’Évêque, avec tou­te­fois l’au­to­ri­sa­tion du Saint Siège. Ce même Pontife, sub­sti­tuant la Sacrée Congrégation des Rites, ins­ti­tua avec la Constitution apos­to­lique « Sacra rituum congre­ga­tio » du 8 mai 1969 deux nou­veaux dicas­tères : à l’un, il confiait le soin de s’occuper du culte divin ; à l’autre, des causes des saints. Par la même occa­sion, il modi­fiait en par­tie la pro­cé­dure de ces causes.

Suite à de récentes expé­riences, il nous a sem­blé oppor­tun de révi­ser encore la pro­cé­dure d’ins­truc­tion et de réor­ga­ni­ser cette Congrégation pour les Causes des saints afin de répondre aux exi­gences des savants et aux dési­rs de nos frères de l’Épiscopat qui ont plu­sieurs fois mani­fes­té leur désir de voir la pro­cé­dure allé­gée, tout en conser­vant le sérieux des enquêtes dû dans un si grand domaine. En base à la doc­trine du Concile Vatican II sur la col­lé­gia­li­té, nous croyons réel­le­ment qu’il convient que les Évêques soit davan­tage asso­ciés au Siège apos­to­lique pour l’é­tude des causes des saints.

A l’a­ve­nir donc, ayant abro­gé toutes les lois concer­nant cette matière, quelles qu’elles soient, nous ordon­nons d’ob­ser­ver les normes suivantes :

1. Il appar­tient de droit aux Évêques dio­cé­sains ou à toute autre auto­ri­té ecclé­sias­tique juri­di­que­ment assi­mi­lée, dans le cadre des limites de leur juri­dic­tion, soit d’of­fice, soit à la demande de simples fidèles ou d’as­so­cia­tions légi­times, ou de leurs pro­cu­reurs, d’en­quê­ter sur la vie, les ver­tus ou le mar­tyre, les miracles pré­su­més, et, le cas échéant, sur l’an­cien­ne­té du culte du ser­vi­teur de Dieu dont on demande la canonisation.

2. Dans le cadre de ces enquêtes, l’Évêque doit pro­cé­der selon les normes spé­ci­fiques publiées par la Sacrée Congrégation pour les causes des saints, en res­pec­tant l’ordre suivant :

1) – Une enquête appro­fon­die sur la vie du ser­vi­teur de Dieu doit être faite par le pos­tu­la­teur de la cause, nom­mé légi­ti­me­ment par le deman­deur qui doit éga­le­ment four­nir toutes les infor­ma­tions jus­ti­fiant des rai­sons qui plaident en faveur de la cause de canonisation.

2) – Si le ser­vi­teur de Dieu a publié des textes auto­graphes, l’Évêque doit les faire exa­mi­ner par des théo­lo­giens censeurs.

3) – Si, dans ces écrits, rien ne figure qui soit contraire à la foi et aux bonnes moeurs, l’Évêque doit alors char­ger d’autres per­sonnes com­pé­tentes de recher­cher tout autre écrit inédit (lettres, jour­nal intime, etc.) ain­si que tout autre docu­ment quel qu’il soit qui soit lié à la cause : après avoir accom­pli scru­pu­leu­se­ment leur tra­vail, ces per­sonnes doivent rédi­ger un rap­port sur leurs recherches.

4) – Si, arri­vé à ce stade, l’Évêque juge, avec pru­dence, que la pro­cé­dure peut se pour­suivre, il doit faire inter­ro­ger, en res­pect des règles éta­blies, les témoins rete­nus par le pos­tu­la­teur ou convo­qués d’of­fice. Si l’urgence se pré­sente de devoir inter­ro­ger les témoins pour ne pas ris­quer de perdre des preuves, il doivent l’être même si la quête de docu­ments est encore en cours.

5) – L’enquête sur les miracles pré­su­més doit se faire sépa­ré­ment de celle sur les ver­tus ou sur le martyre.

6) – Une fois les enquêtes conclues, les copies authen­tiques de tous les actes recueillis ain­si que les exem­plaires des livres du ser­vi­teur de Dieu ayant été sou­mis à l’exa­men des théo­lo­giens cen­seurs, avec les avis de ces der­niers, doivent être envoyées, en double exem­plaire, à la Sacrée Congrégation. L’ Évêque doit en outre y joindre une décla­ra­tion sur le res­pect des décrets d’Urbain VIII concer­nant l’ab­sence de culte.

3. La Sacrée Congrégation pour les causes des saints, pré­si­dée par le Cardinal Préfet, aidé d’un secré­taire, a le devoir de trai­ter les cano­ni­sa­tions des ser­vi­teurs de Dieu en aidant, par ses conseils et par sa com­pé­tence, les Évêques dans l’ins­truc­tion des causes, en étu­diant les causes de façon appro­fon­die et en émet­tant un vote favo­rable ou pas. Il incombe à cette même Congrégation de déci­der de tout ce qui concerne l’au­then­ti­ci­té et la conser­va­tion des reliques.

4. Le secré­taire a pour fonc­tion de : 1) s’occuper des rela­tions avec l’ex­té­rieur, en par­ti­cu­lier avec les Évêques qui ins­truisent les causes ; 2) par­ti­ci­per aux dis­cus­sions sur les causes et voter pen­dant la Congrégation des Pères Cardinaux et des Évêques ; 3) rédi­ger un rap­port sur le vote des Cardinaux et des Évêques et le trans­mettre au
Souverain Pontife ;

5. Dans sa fonc­tion, le secré­taire est aidé d’un Sous-​secrétaire dont le rôle prin­ci­pal est de s’assurer que dans le dérou­le­ment de la pro­cé­dure d’instruction des causes les normes pres­crites ont bien été obser­vées. Il jouit éga­le­ment de l’aide d’un nombre d’Officiers requis par la situation.

6. Pour l’examen des causes par la Sacrée Congrégation, un Collège de Rapporteurs est ins­ti­tué, pré­si­dé par le Rapporteur général.

7. Chaque Rapporteur doit : 1) Examiner, avec des col­la­bo­ra­teurs externes, les causes qui lui sont confiées et pré­pa­rer les « Positiones super vir­tu­ti­bus et mar­ty­rio » ; 2) Rédiger par écrit toutes les jus­ti­fi­ca­tions his­to­riques dans l’hypothèse où elles sont requises par les Consulteurs ; 3) Participer en tant qu’ex­pert, sans droit de vote, aux réunions des théologiens.

8. Un des rap­por­teurs sera par­ti­cu­liè­re­ment char­gé de trai­ter la « Positio super mira­cu­lis », d’assister à la réunion des méde­cins et au Congrès des théologiens.

9. Le Rapporteur géné­ral qui pré­side la ren­contre des Consulteurs his­to­riens peut béné­fi­cier de l’aide quelques assistants.

10. La Sacrée Congrégation compte un « Promotor fidei » ou Prélat théo­lo­gien dont le devoir est de : 1) pré­si­der au Congrès des théo­lo­giens au sein duquel il pos­sède un droit de vote ; 2) rédi­ger un rap­port rela­tif aux dis­cus­sions Congrès ; 3) par­ti­ci­per en tant qu’ex­pert, sans droit de vote, à la Congrégation des Pères Cardinaux et Évêques. Pour l’examen de toute cause, si besoin en était, le Cardinal Préfet peut nom­mer un « Promotor fidei » ad hoc.

11. La Sacrée Congrégation pour les causes des saints tient à sa dis­po­si­tion des Consulteurs, de toute ori­gine, experts en his­toire et en théologie.

12. Pour l’exa­men des gué­ri­sons consi­dé­rées comme des miracles, la Sacrée Congrégation s’appuie sur un groupe de méde­cins experts.

13. Lorsque l’é­vêque a envoyé à Rome tous les actes et les docu­ments rela­tifs à la cause, la pro­cé­dure sui­vie à la Sacrée Congrégation pour les causes des saints est la suivante :

1) En pre­mier lieu, le Sous Secrétaire véri­fie que, dans les enquêtes menées par l’Évêque, les normes en vigueur ont bien été res­pec­tées et il en réfère au Congrès ordinaire.

2) Si le Congrès juge que la cause a bien été ins­truite en appli­ca­tion des normes en vigueur, il décide de la confier à un Rapporteur ; ce der­nier, avec l’aide d’un col­la­bo­ra­teur externe, pré­pa­re­ra la « Positio super vir­tu­ti­bus et mar­ty­rio » en res­pect des règles obser­vées dans l’ha­gio­gra­phie critique.

3) Dans les causes anciennes et dans celles récentes dont le carac­tère par­ti­cu­lier néces­site l’avis du Rapporteur géné­ral, la « Positio », une fois rédi­gée, doit être sou­mise à l’exa­men de Consulteurs experts en la matière afin qu’ils donnent leur avis sur sa valeur scien­ti­fique et sur sa valeur pro­ba­toire. Si un cas le néces­site, la Sacrée Congrégation peut char­ger d’autres experts ne fai­sant pas par­tie des Consulteurs de pré­pa­rer la « Positio ».

4) La « Positio » (avec les votes écrits des Consulteurs his­to­riens ain­si que, si cela est néces­saire, les nou­veaux éclair­cis­se­ments appor­tés par le Rapporteur) est trans­mise aux Consulteurs théo­lo­giens qui doivent expri­mer leur avis sur le fond de la cause ; il est de leur devoir d’examiner la cause, avec le « Promotor fidei » et avant qu’elle ne soit sou­mise à la dis­cus­sion du Congrès ad hoc, jusqu’à ce que soit ache­vé l’examen, si néces­saire, des ques­tions théo­lo­giques controversées.

5) Les votes défi­ni­tifs des Consulteurs théo­lo­giens seront remis, avec les conclu­sions du « Promotor fideis », aux Cardinaux et aux Évêques et sou­mis à leur jugement.

14. La Congrégation exa­mine les miracles en obser­vant les cri­tères suivants :

1) Les miracles pré­su­més, au sujet des­quels le Rapporteur dési­gné à cet effet pré­pare la « Positio », sont étu­diés au cours de la réunion des experts (ou des méde­cins s’il s’a­git de gué­ri­sons) ; les avis et les conclu­sions doivent être consi­gnés dans un rap­port détaillé.

2) Les miracles sont ensuite sou­mis à dis­cus­sion au cours d’un Congrès des théo­lo­giens ad hoc puis dans la Congrégation des Pères Cardinaux et Évêques.

15. Les avis des Pères Cardinaux et Évêques seront remis au Souverain Pontife, à qui seul revient le droit de déci­sion sur le culte public ecclé­sias­tique ren­du à un ser­vi­teur de Dieu.

16. Pour toutes les causes de cano­ni­sa­tion actuel­le­ment en cours auprès de la Sacrée Congrégation, cette der­nière défi­nit par un décret spé­ci­fique le moyen de pour­suivre la pro­cé­dure, tout en res­pec­tant l’es­prit de ces nou­velles normes.

17. Les normes que Nous avons éta­blies par la pré­sente Constitution entrent en vigueur à par­tir de ce jour. Nous vou­lons que, dès main­te­nant et pour l’a­ve­nir, ces normes soient appli­quées et res­pec­tées, sous réserve qu’elles ne soient pas contraires aux Constitutions et aux ordon­nances apos­to­liques édic­tées par nos pré­dé­ces­seurs ain­si qu’à d’autres dis­po­si­tions dignes de men­tion par­ti­cu­lière et de dérogation.

Rome, Saint Pierre, le 25 jan­vier 1983, cin­quième année de notre Pontificat.

Jean-​Paul II