Léon XIII

256ᵉ pape ; de 1878 à 1903

9 mai 1897

Lettre encyclique Divinum Illud Munus

Sur le Saint Esprit

Table des matières

Donné à Rome, près de Saint-​Pierre, le 9 mai 1897
À tous Nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques du monde catho­lique, en grâce et com­mu­nion avec le Siège Apostolique.
Léon XIII, pape
Vénérables Frères Salut et Bénédiction Apostolique.

Introduction

La mis­sion divine que Jésus-​Christ a reçue de son Père dans l’intérêt du genre humain, et qu’il a si sain­te­ment accom­plie, a pour fin der­nière la béa­ti­tude des hommes au sein de la gloire éter­nelle et pour fin pro­chaine, dans cette vie, la pos­ses­sion et la conser­va­tion de la grâce divine dont la vie du ciel doit être le der­nier épa­nouis­se­ment. Aussi le Rédempteur ne cesse-​t-​il d’inviter avec une extrême bon­té les hommes de toutes les nations et de toute langue, à se ras­sem­bler dans le sein de son Eglise : Venez tous à moi, Je suis la Vie ;Je suis le Bon Pasteur1.

Toutefois, il n’a pas vou­lu, dans ses des­seins inson­dables, ache­ver lui-​même cette mis­sion sur toute la terre, mais il a confié au Saint-​Esprit le soin de cou­ron­ner l’œuvre qu’il avait reçue du Père. On se rap­pelle avec joie les paroles que le Christ pro­non­ça, peu avant son départ, devant ses apôtres réunis : Il est de votre inté­rêt que je m’en aille ; car si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne vien­dra pas vers vous ; si je pars, au contraire, je vous l’enverrai2. Par cette affir­ma­tion, le Christ don­nait la meilleur rai­son pos­sible de son départ et de son retour auprès du Père avant tout les avan­tages que les dis­ciples reti­re­ront de la venue de l’Esprit-Saint ; Il mon­trait en même temps que ce der­nier, envoyé par lui, pro­cé­dait de lui comme du Père, et qu’il devait ter­mi­ner comme invo­ca­teur, conso­la­teur, pré­cep­teur, l’ouvrage accom­pli par le Fils durant sa vie mor­telle. C’est, en effet, à la ver­tu mul­tiple de cet Esprit qui, lors de la créa­tion, orna les cieux3 et rem­pli l’univers4, que l’achèvement de l’œuvre rédemp­trice était pro­vi­den­tiel­le­ment réservée.

Nous nous sommes conti­nuel­le­ment effor­cé, avec le secours du Christ-​Sauveur, prince des pas­teurs et gar­dien de nos âmes, d’imiter les exemples qu’il nous a don­nés, en nous atta­chant reli­gieu­se­ment à la fonc­tion confiée par lui aux Apôtres, et par­ti­cu­liè­re­ment à Pierre dont la digni­té ne sau­rait défaillir, même dans un héri­tier indigne5. Dans ce but, Nous avons fait conver­ger vers deux fins prin­ci­pales tous les tra­vaux entre­pris et pour­sui­vis durant Notre pon­ti­fi­cat déjà si long : en pre­mier lieu, la res­tau­ra­tion de la vie chré­tienne dans la socié­té et dans la famille, chez les princes et chez les peuples, toute véri­table vie décou­lant du Christ ; en second lieu, la récon­ci­lia­tion de tous ceux qu’un motif de foi ou d’obéissance sépare de l’Eglise catho­lique, puisque le désir mani­feste du Christ est de réunir tous les hommes en un seul ber­cail sous un seul pas­teur. Aujourd’hui, voyant appro­cher le terme de Notre vie, Nous éprou­vons plus vive­ment que jamais le désir de recom­man­der à l’Esprit-Saint, qui est amour vivi­fiant, l’œuvre de Notre apos­to­lat, quels que soient les résul­tats obte­nus jusqu’ici, pour qu’il la féconde et l’amène à pleine maturité.

Afin que ces fruits soient meilleurs et plus abon­dants, Nous avons réso­lu, à l’occasion des solen­ni­tés de la Pentecôte, de vous entre­te­nir de la pré­sence et de la ver­tu mer­veilleuse du Saint-​Esprit, c’est-à-dire de l’action et de l’influence qu’il exerce dans toute l’Eglise et dans cha­cune de nos âme par l’admirable abon­dance de ses dons divins. Notre désir le plus ardent est de voir la foi au mys­tère de l’auguste Trinité se rani­mer à nou­veau dans les esprits, et ame­ner par là une aug­men­ta­tion et un nou­vel embra­se­ment de pié­té à l’égard de cet Esprit divin, auquel prin­ci­pa­le­ment doivent rendre grâces tous ceux qui suivent les voies de la véri­té et de la justice.

Car, comme l’a dit saint Basile : Qui nie­ra que les dons faits à l’homme par Dieu et par Notre Sauveur Jésus-​Christ, selon la bon­té de Dieu, soient un effet de la grâce de Esprit-​Saint6 ?

Le mystère de la Très Sainte Trinité « Substance du Nouveau Testament »

a) Trinité des personnes ; unité de l’essence.

Avant d’aborder Notre sujet, il nous plaît et il sera utile de dire quelques mots du mys­tère de la Très Sainte Trinité, appe­lé par les Docteurs la sub­stance du Nouveau Testament, c’est-à-dire le plus grand de tous les mys­tères, la source et le fon­de­ment de tous les autres.

C’est pour le connaître et le contem­pler que les anges ont été créés dans le ciel et les hommes sur la terre. Ce mys­tère était voi­lé dans l’Ancien Testament, et c’est pour le mani­fes­ter plus clai­re­ment que Dieu lui-​même est des­cen­du du séjour des anges vers les hommes : Jamais per­sonne n’a vu Dieu ; le Fils unique de Dieu, qui est dans le sein du Père, l’a révé­lé lui-​même7. Donc qui­conque écrit ou parle sur la Trinité, doit avoir devant les yeux le sage conseil du Docteur angé­lique : Lorsque nous par­lons de la Trinité, il faut de la pru­dence et de la réserve, parce que, comme le dit saint Augustin, il n’y a pas de sujet où l’erreur soit plus dan­ge­reuse, les inves­ti­ga­tions plus labo­rieuses, ni les décou­vertes plus fruc­tueuses8. Le dan­ger, dans la foi ou dans le culte, est de confondre entre elles les per­sonnes divines ou de divi­ser leur nature unique ; car la foi catho­lique vénère un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité. Aussi, Innocent XII, Notre pré­dé­ces­seur, refusa-​t-​il abso­lu­ment, mal­gré de vives ins­tances, d’autoriser une fête spé­ciale en l’honneur du Père. Que si on fête en par­ti­cu­lier les mys­tères du Verbe incar­né, il n’existe aucune fête hono­rant uni­que­ment la nature divine du Verbe, et les solen­ni­tés de la Pentecôte elles-​mêmes ont été éta­blies dès les pre­miers temps, non en vue d’honorer exclu­si­ve­ment l’Esprit-Saint pour lui-​même, mais pour rap­pe­ler sa des­cente, c’est-à-dire sa mis­sion extérieure.

Tout cela a été sage­ment déci­dé, afin que la dis­tinc­tion des per­sonnes n’entraîne pas une dis­tinc­tion dans l’essence divine. En outre, pour main­te­nir ses enfants dans l’intégrité de la foi, l’Eglise a ins­ti­tué une fête de la Sainte Trinité, ren­due ensuite obli­ga­toire par Jean XXII ; elle per­mit de dédier à la Trinité des autels et des églises, et après une mani­fes­ta­tion de la volon­té divine, elle approu­va un Ordre reli­gieux fon­dé pour la déli­vrance des cap­tifs, voué à la Trinité, dont il porte le nom. Les preuves abondent à ce sujet.

En effet, le culte ren­du aux habi­tants des cieux, aux anges, à la Très Sainte Vierge Marie, au Christ, rejaillit fina­le­ment sur la Trinité elle-même.

Dans les prières adres­sées à l’une des trois per­sonnes, on fait men­tion des autres ; dans les lita­nies, une invo­ca­tion com­mune accom­pagne l’invocation adres­sée sépa­ré­ment à cha­cune des trois per­sonnes. Dans les psaumes et les hymnes, la même louange est adres­sée au Père et au Fils et au Saint-​Esprit ; les béné­dic­tions, les céré­mo­nies rituelles, les sacre­ments, sont accom­pa­gnés ou sui­vis d’une prière à la Sainte Trinité. Ces pra­tiques nous avaient été déjà conseillées depuis long­temps par l’Apôtre : Car tout est de lui, par lui et en lui ; gloire à lui dans les siècles9. Ces paroles signi­fiaient d’une part la tri­ni­té des per­sonnes, et d’autre part affir­maient l’unité de nature.

Celle-​ci étant la même pour chaque per­sonne, on doit éga­le­ment à cha­cun, comme à un seul et même Dieu, la gloire éter­nelle due à la majes­té divine. Saint Augustin, citant ce témoi­gnage, ajoute : Il ne faut pas prendre dans un sens vague ces mots de l’Apôtre « De lui-​même, par lui-​même et en lui-​même : Ex ipso, per ipsum et in ipso » ; il dit « de lui-​même » à cause du Père, « par lui-​même » à cause du Fils, « en lui-​même » à cause du Saint-​Esprit10.

b) La doctrine de l’appropriation.

C’est avec beau­coup de rai­son qu’on attri­bue habi­tuel­le­ment au Père les œuvres divines où éclate la puis­sance, au Fils celles où brille la sagesse, au Saint-​Esprit celles où domine l’amour.

Non que toutes les per­fec­tions et toutes les œuvres exté­rieures ne soient com­munes aux per­sonnes divines ; en effet, les œuvres de La Trinité sont indi­vi­sibles comme l’essence de la Trinité elle-​même11parce que l’action des trois Personnes divines est aus­si insé­pa­rable que leur essence12mais parce que, en ver­tu d’une cer­taine com­pa­rai­son, et, pour ain­si dire, d’une affi­ni­té entre les œuvres et les pro­prié­tés des per­sonnes, telle œuvre est attri­buée ou, comme on dit : appro­priée, à telle per­sonne plu­tôt qu’à telle autre : les simi­li­tudes d’impressions et d’images four­nies par les créa­tures nous servent pour repré­sen­ter les per­sonnes divines, il en est de même pour de leurs attri­buts essen­tiels ; cette mani­fes­ta­tion des per­sonnes par leurs attri­buts essen­tiels s’appelle appro­pria­tion13. Il s’en suit que le Père, prin­cipe de toute divi­ni­té14, est en même temps la cause créa­trice de l’université des êtres, de l’Incarnation du Verbe et de la sanc­ti­fi­ca­tion des âmes : De lui sont toutes choses ; l’Apôtre dit de lui, à cause du Père.

Le Fils, Verbe, image de Dieu, est en même temps la cause exem­plaire que reflètent toutes choses dans leur forme et leur beau­té, leur ordre et leur har­mo­nie ; il est pour nous la voie, la véri­té, la vie, le récon­ci­lia­teur de l’homme avec Dieu : par lui sont toutes choses ; l’Apôtre dit par lui à cause du Fils. Le Saint-​Esprit est la cause finale de tous les êtres, parce que, de même que la volon­té et géné­ra­le­ment toute chose se repose en sa fin, ain­si l’Esprit-Saint, qui est la bon­té divine et l’amour natu­rel du Père et du Fils, com­plète et achève par une impul­sion forte et douce les opé­ra­tions secrètes qui ont pour résul­tat final le salut éter­nel de l’homme : En lui sont toutes choses ; l’Apôtre dit en lui à cause du Saint-Esprit.

Gardant avec un soin jaloux le zèle reli­gieux dû à la Trinité entière, et qu’il importe d’inculquer de plus en plus au peuple chré­tien, abor­dons enfin l’exposé de la ver­tu de l’Esprit-Saint. Le pre­mier aspect sous lequel il nous faut consi­dé­rer le Christ est celui de fon­da­teur de la sainte Eglise et de rédemp­teur du genre humain. Certes, par­mi les œuvres exté­rieures de Dieu, la plus remar­quable est le mys­tère du Verbe incar­né où la splen­deur des per­fec­tions divines brille d’un tel éclat qu’il est impos­sible d’imaginer plus grande splen­deur ni rien de plus salu­taire pour l’humanité. Cette œuvre si grande, bien qu’appartenant à la Trinité entière, est attri­buée spé­cia­le­ment au Saint-​Esprit ; aus­si les Evangiles parlent-​ils de la Vierge en ces termes : Elle fut trou­vée ayant conçu du Saint-​Esprit, et : Ce qu’elle a conçu est du Saint-​Esprit15. C’est à bon droit qu’on attri­bue cette œuvre à celui qui est l’amour du Père et du Fils, puisque ce grand témoi­gnage d’amour16vient de l’affection infi­nie de Dieu pour les hommes, comme nous en aver­tit l’Apôtre saint Jean : Dieu a aimé le monde au point de lui don­ner son Fils unique17. Ajoutez que la nature humaine a été éle­vée par là à l’union per­son­nelle avec le Verbe : cette digni­té ne lui a été nul­le­ment accor­dée à cause de ses mérites, mais par un pur effet de la grâce et, par suite, c’est un bien­fait propre du Saint-Esprit.

Il faut citer sur ce sujet la judi­cieuse remarque de saint Augustin : La manière dont le Christ a été conçu par l’opération du Saint-​Esprit nous fait voir quelle est la bon­té de Dieu ; par elle, en effet, la nature humaine, sans aucun mérite anté­rieur, fut unie, dès le pre­mier ins­tant de son exis­tence, au Verbe de Dieu dans une telle uni­té de per­sonne que le Fils de Dieu fut le même être que le Fils de l’homme et le Fils de l’homme le même être que le Fils de Dieu18. La ver­tu de l’Esprit-Saint a opé­ré non seule­ment la concep­tion du Christ, mais aus­si la sanc­ti­fi­ca­tion de son âme appe­lée Onction par les Livres Saints19 ; tous ces actes, en par­ti­cu­lier son sacri­fice, furent accom­plis sous l’influence de l’Esprit-Saint20. C’est par l’Esprit-Saint qu’il s’est offert lui-​même à Dieu vic­time imma­cu­lée21. Pour qui pèse ces choses, quoi d’étonnant que les dons du Saint-​Esprit aient afflué dans l’âme du Christ ? En lui a rési­dé une telle abon­dance de grâce qu’il ne peut y en avoir de plus grande ni de plus effi­cace ; en lui se trou­vaient tous les tré­sors de la sagesse et de la science, les grâces gra­tuites, les ver­tus, en un mot tous les dons pré­dits par les oracles d’Isaïe le pro­phète22, sym­bo­li­sés par la colombe du Jourdain lorsque le Christ sanc­ti­fia ce fleuve par son bap­tême en vue de créer un nou­veau sacre­ment. Cette thèse s’appuie mer­veilleu­se­ment sur les paroles sui­vantes de saint Augustin : Il est absurde de dire que le Christ reçut l’Esprit-Saint à l’âge de trente ans, mais il vint au bap­tême sans péché et par­tant avec l’Esprit-Saint. En cette cir­cons­tance, c’est-à-dire lors de son bap­tême, il dai­gna sym­bo­li­ser à l’avance son corps mys­tique, l’Eglise, dans laquelle les bap­ti­sés reçoivent le Saint-​Esprit d’une manière spé­ciale23. Donc l’apparition visible du Saint-​Esprit au-​dessus du Christ et son influence invi­sible dans l’âme du Sauveur repré­sentent sa double mis­sion : l’une visible, dans l’Eglise ; l’autre invi­sible, dans les âmes justes.

L’Eglise, déjà conçue, et qui était sor­tie, pour ain­si dire, des flancs du nou­vel Adam dor­mant sur la Croix, s’est mani­fes­tée pour la pre­mière fois aux hommes d’une manière écla­tante le jour célèbre de la Pentecôte. En ce jour, le Saint-​Esprit com­men­ça à répandre ses bien­faits dans le corps mys­tique du Christ, par cette admi­rable effu­sion que le pro­phète Joël avait vue long­temps à l’avance24 ; car le Paraclet siège au-​dessus des Apôtres afin de pla­cer sur leurs têtes, sous forme de langues de feu, de nou­velles cou­ronnes spi­ri­tuelles25.

Alors, écrit saint Jean Chrysostome, les Apôtres des­cen­dirent de la mon­tagne, por­tant en leurs mains, non des tables de pierre comme Moïse, mais por­tant dans leur âme l’Esprit-Saint qui répan­dait comme un tré­sor et un fleuve de véri­tés et de grâces26. Ainsi se réa­li­sait la der­nière pro­messe du Christ à ses Apôtres, rela­tive à l’envoi de l’Esprit-Saint qui devait com­plé­ter par ses ins­pi­ra­tions et scel­ler pour ain­si dire son ensei­gne­ment : J’ai encore beau­coup de choses à vous dire, mais vous ne pou­vez les por­ter en ce moment. Lorsque l’Esprit de véri­té sera venu, il vous ensei­gne­ra tout véri­té27.

Celui qui, pro­cé­dant à la fois du Père , véri­té éter­nelle, et du Fils, véri­té sub­stan­tielle, est lui-​même Esprit de véri­té, et tire de l’un et de l’autre l’essence et en même temps toute véri­té, donne à l’Eglise cette même véri­té, veillant, par une pré­sence et un appui conti­nus, à ce qu’elle ne soit jamais expo­sée à l’erreur, et qu’elle puisse de jour en jour fécon­der plus abon­dam­ment les germes des­ti­nés à por­ter des fruits de salut pour les peuples. Et comme l’Eglise, moyen de salut pour les peuples, doit pour­suivre sa tâche jusqu’à la fin des temps, l’Esprit-Saint lui donne, pour l’accroître et la conser­ver, une vie et une force éter­nelles : Je prie­rai mon Père et il vous don­ne­ra un autre Paraclet, l’Esprit de véri­té, pour qu’il demeure tou­jours avec vous28. C’est par lui que sont consti­tués les évêques, dont le minis­tère engendre non seule­ment des fils, mais encore des pères, c’est-à-dire les prêtres, pour gou­ver­ner l’Eglise et la nour­rir de ce sang du Christ qu l’a rache­tée : l’Esprit-Saint a éta­bli les évêques pour gou­ver­ner l’Eglise de Dieu qu’il a acquise de son sang29. Les uns et les autres évêques et prêtres, par une grâce insigne du Saint-​Esprit, ont le pou­voir d’effacer les péchés, selon cette parole du Christ aux Apôtres : Recevez le Saint-​Esprit ; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remet­trez et rete­nus à ceux à qui vous les retien­drez30. Aucune preuve ne démontre plus clai­re­ment la divi­ni­té de l’Eglise que la gloire dont le Saint-​Esprit l’a revê­tue. Qu’il Nous suf­fise d’affirmer que, si le Christ est la tête de l’Eglise, l’Esprit-Saint en est l’âme : l’Esprit-Saint est dans l’Eglise, corps mys­tique du Christ, ce que l’âme est dans notre corps31.

Cela étant, on ne sau­rait attendre une plus grande et plus féconde mani­fes­ta­tion de l’Esprit divin ; celle qui a lieu main­te­nant dans l’Eglise est par­faite et elle dure­ra jusqu’à ce que l’Eglise, après avoir ache­vé la période de luttes, jouisse dans le ciel de la joie du triomphe.

Comment et dans quelle mesure le Saint-​Esprit agit dans les âmes, cela n’est pas moins admi­rable, bien que plus dif­fi­cile à com­prendre, par cela même que nos yeux ne le peuvent sai­sir. Cette effu­sion de l’Esprit divin est si abon­dante que le Christ lui-​même, dont elle découle, l’a com­pa­rée à un fleuve très abon­dant, comme on le voit dans saint Jean : Celui qui croit en moi,dit l’Ecriture, ver­ra des fleuves d’eau vive cou­ler de son sein ;l’Evangéliste explique ce témoi­gnage : Il dit cela de l’Esprit-Saint que devait rece­voir tous ceux qui croi­raient en lui32.

Il est hors de doute que l’Esprit-Saint a habi­té par la grâce dans les justes qui pré­cé­dèrent le Christ, comme cela est écrit des pro­phètes, de Zacharie, de Jean Baptiste, de Siméon et d’Anne ; l’Esprit-Saint, en effet, est venu le jour de la Pentecôte, non pour com­men­cer à habi­ter l’âme des saints, mais pour la péné­trer davan­tage ; non pour com­men­cer à leur accor­der ses dons, mais pour les en com­bler ; non pour faire une œuvre nou­velle, mais pour aug­men­ter la géné­ro­si­té de ses lar­gesses33. Cependant, si ces hommes étaient comp­tés par­mi les fils de Dieu, ils n’en demeu­raient pas moins sem­blables, par leur condi­tion, à des esclaves, car le fils ne dif­fère en rien de l’esclave tant qu’il est dans la main des tuteurs et des maîtres34 ; outre qu’il n’y avait pas en eux la jus­tice, si ce n’est celle qui pro­ve­nait des mérites du Christ à venir, la com­mu­ni­ca­tion de l’Esprit-Saint après la venue du Christ fut incom­pa­ra­ble­ment plus abon­dante et sur­pas­sa les pré­cé­dentes ; un peu comme la somme conve­nue l’emporte en valeur sur les arrhes, comme la réa­li­té l’emporte sur la figure. Saint Jean a donc pu dire : L’Esprit-Saint n’avait pas encore été don­né parce Jésus n’avait pas été glo­ri­fié35. Aussitôt que le Christ, mon­tant au ciel, eut pris pos­ses­sion de la gloire de son royaume qu’il avait si labo­rieu­se­ment acquise, il répan­dit géné­reu­se­ment les richesses de l’Esprit-Saint et fit part de ses dons aux hommes36. Ce don, cet envoi du Saint-​Esprit après la glo­ri­fi­ca­tion du Christ était tel qu’il n’y en avait jamais eu aupa­ra­vant, non qu’auparavant il n’eût jamais été envoyé, mais il n’avait jamais été envoyé de cette façon37.

En effet, la nature humaine est néces­sai­re­ment ser­vante de dieu : la créa­ture est ser­vante et nous sommes les ser­vi­teurs de Dieu par nature38.

En outre, à cause de la faute com­mune, notre nature est tom­bée dans un tel abîme de vice et de honte que nous étions deve­nus les enne­mis de Dieu : Nous étions par nature fils de colère39.

Nulle puis­sance n’était capable de nous arra­cher à cette ruine et de nous sau­ver de la perte éter­nelle. Cette tâche, Dieu, créa­teur de l’homme, l’a accom­plie dans sa sou­ve­raine misé­ri­corde par son Fils unique, grâce auquel nous avons été réta­blis avec une plus grande abon­dance de dons dans la digni­té et la noblesse que nous avions per­dues. Dire quelle a été cette œuvre accom­plie par la grâce divine dans l’âme dans l’âme humaine est chose impos­sible ; aus­si les Livres Saints et les Pères de l’Eglise nous appellent-​ils heu­reu­se­ment régé­né­rés, créa­tures nou­velles, par­ti­ci­pant de la nature divine, fils de Dieu, déi­fiés et autres titres ana­logues. Ce n’est pas sans rai­son que de si grands bien­faits sont attri­bués spé­cia­le­ment au Saint-​Esprit. Il est l’Esprit d’adoption des fils par lequel nous crions : Abba Père ; c’est lui qui répand dans le cœurs la sua­vi­té de l’amour pater­nel : ce même Esprit nous fait com­prendre que nous sommes les fils de Dieu40. Pour l’expliquer, la simi­li­tude consta­tée par l’Ange de l’école entre les deux œuvres de l’Esprit-Saint vient fort à pro­pos ; par lui, le Christ a été conçu dans la sain­te­té pour être le Fils natu­rel de Dieu et les autres sont sanc­ti­fiés pour deve­nir fils adop­tifs de Dieu41 ; ain­si, l’amour, mais l’amour incréé, pro­duit une régé­né­ra­tion spi­ri­tuelle bien supé­rieure à ce qui pour­rait se faire dans la nature.

Cette régé­né­ra­tion et réno­va­tion com­mence pour l’homme au bap­tême : en ce sacre­ment, l’âme se dépouille de l’esprit impur, est péné­trée pour la pre­mière fois de l’Esprit-Saint qui la rend sem­blable à lui : Ce qui est né de l’Esprit est esprit42.

Ce même Esprit se donne dans la Confirmation d’une façon plus abon­dante pour assu­rer la fer­me­té et la vigueur de la vie chré­tienne ; c’est à lui que les mar­tyrs et les vierges ont dû leurs triomphes sur les attraits de la cor­rup­tion. L’Esprit-Saint, disons-​nous, se donne lui-​même. L’amour de Dieu a été répan­du en nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été don­né43. Non seule­ment il nous apporte les grâces divines, mais il en est l’auteur et il est lui-​même le don suprême ; pro­cé­dant du mutuel amour du Père et du Fils, il est et on l’appelle à juste titre le don du Dieu Très-​Haut. Pour mettre plus en lumière la nature et la force de ce don, il importe de rap­pe­ler les expli­ca­tions don­nées par les Docteurs d’après les ensei­gne­ments des Saintes Lettres : Dieu est pré­sent en toutes choses par sa puis­sance, en tant que tout lui est sou­mis ; par sa pré­sence, en tant que tout est à décou­vert devant ses yeux ; par son essence, en tant qu’il est pour tous les êtres la cause de leur exis­tence44. Mais Dieu n’est pas seule­ment dans l’homme comme il est dans les choses ; il est, de plus, connu et aimé de lui, puisque notre nature nous fait elle-​même aimer, dési­rer et pour­suivre le bien. Enfin Dieu, par sa grâce, réside dans l’âme juste ain­si qu’en un temple, d’une façon très intime et spé­ciale. De là ce lien d’amour qui unit étroi­te­ment l’âme à Dieu plus qu’un ami ne peut l’être à son meilleur ami, et la fait jouir de lui avec une pleine suavité.

Cette admi­rable union, appe­lée inha­bi­ta­tion, dont l’état bien­heu­reux des habi­tants du ciel ne dif­fère que par la condi­tion, est cepen­dant pro­duite très réel­le­ment par la pré­sence de toute la Trinité : Nous vien­drons en lui et nous ferons en lui notre demeure45. Elle est attri­buée néan­moins d’une façon spé­ciale au Saint-​Esprit. En effet, des traces de la puis­sance et de la sagesse divines se mani­festent même chez un homme per­vers ; mais le juste seul par­ti­cipe à l’amour, qui est la carac­té­ris­tique du Saint-​Esprit. Ce qui le confirme, c’est que cet Esprit est appe­lé Saint parce qu’étant le pre­mier et le suprême amour, il conduit les âmes à la sain­te­té qui, en der­nière ana­lyse, consiste dans l’amour de Dieu. C’est pour­quoi l’Apôtre, appe­lant les justes temples de Dieu, ne les appelle pas expres­sé­ment temple du Père ou du Fils, mais du Saint-​Esprit : Ne savez-​vous pas que vos membres sont les temples du Saint-​Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu46 ? L’abondance des bien­faits célestes qui résultent de la pré­sence de Saint-​Esprit dans les âmes pieuses se mani­feste de beau­coup de manières. Telle est, en effet, la doc­trine de saint Thomas d’Aquin : Puisque l’Esprit-Saint pro­cède comme amour, il pro­cède en qua­li­té de pre­mier don ; c’est pour­quoi saint Augustin dit que, par le don qui est l’Esprit-Saint, beau­coup de dons par­ti­cu­liers sont dis­tri­bués aux membres du Christ47. Parmi ces dons se trouvent ces secrets aver­tis­se­ments, ces mys­té­rieuses invi­ta­tions qui, par une impul­sion de l’Esprit-Saint, sont faits aux âmes et sans les­quels on ne peut ni s’engager dans la voie de la ver­tu, ni pro­gres­ser, ni par­ve­nir au terme du salut éter­nel. Puisque ces paroles et ces influences se pro­duisent secrè­te­ment dans les âmes, c’est avec à‑propos que les Saintes Lettres les com­parent quel­que­fois au souffle de la brise ; et le Docteur Angélique les assi­mile avec rai­son aux mou­ve­ments du cœur dont toute la force est cachée à l’être qu’il anime : Le cœur a une cer­taine influence secrète, c’est pour­quoi on lui com­pare l’Esprit-Saint qui vivi­fie et unit l’Eglise d’une façon invi­sible48.

De plus, le juste qui vit déjà de la vie de la grâce, et chez lequel les ver­tus jouent le rôle des facul­tés de l’âme, a abso­lu­ment besoin des sept dons qu’on appelle plus par­ti­cu­liè­re­ment dons du Saint-​Esprit. Par ces dons, l’esprit se for­ti­fie et devient apte à obéir plus faci­le­ment et plus promp­te­ment aux paroles et aux impul­sions du Saint-​Esprit ; aus­si ces dons sont d’une telle effi­ca­ci­té qu’ils conduisent l’homme au plus haut degré de la sain­te­té, ils sont si excel­lents qu’ils demeu­re­ront les mêmes dans le royaume des cieux, quoique dans un degré plus par­fait. Grâce à eux, l’âme est ame­née et exci­tée à acqué­rir les béa­ti­tudes évan­gé­liques, ces fleurs que le prin­temps voit éclore, signes pré­cur­seurs de la béa­ti­tude éter­nelle. Enfin, quelle sua­vi­té dans ces fruits énu­mé­rés par l’Apôtre49, appor­tés par l’Esprit-Saint aux âmes justes même en cette vie péris­sable, pleins de dou­ceur et d’allégresse, tels qu’il convient à l’Esprit de les pro­duire, lui qui est, dans la Trinité, la sua­vi­té du Père et du Fils, et qui répand sur toutes les créa­tures ses géné­reuses et fécondes lar­gesses50 ! L’Esprit divin pro­cé­dant du Père et du Verbe dans l’éternelle lumière de la sain­te­té, en tant qu’amour et don, après s’être mon­tré dans l’Ancien Testament sous les voiles des figures, s’est répan­du lui-​même avec abon­dance dans le Christ et dans l’Eglise son corps mys­tique. Par sa pré­sence et sa grâce, il a trans­for­mé les hommes plon­gés dans la cor­rup­tion et le vice d’une façon si com­plète que, n’étant plus ter­restres tout en res­tant sur la terre, ils deviennent sem­blables à des habi­tants du Ciel.

Puisque ces dons sont si grands et qu’ils montrent si net­te­ment l’immense bon­té de l’Esprit-Saint à notre égard, ils nous obligent à lui témoi­gner la plus grande pié­té et sou­mis­sion. Nous y par­vien­drons aisé­ment en nous appli­quant chaque jour davan­tage à le connaître, l’aimer, l’invoquer : puisse cette exhor­ta­tion, sor­tie de Notre cœur pater­nel, pro­vo­quer cet amour. – Peut-​être y a‑t-​il encore aujourd’hui des chré­tiens qui, inter­ro­gés comme ceux aux­quels l’Apôtre deman­dait jadis s’ils avaient reçu le Saint-​Esprit, répon­draient comme eux : Mais nous n’avons même pas enten­du dire qu’il y eût un Esprit-​Saint51.

Du moins beau­coup ne connaissent pas cet Esprit ; Il le nomment sou­vent dans leurs exer­cices de pié­té, mais avec une foi très peu éclai­rée. En consé­quence, que les pré­di­ca­teurs et tous ceux qui ont charge d’âmes se sou­viennent qu’il leur incombe le devoir de trans­mettre avec zèle et en détail tout ce qui concerne le Saint-​Esprit, en écar­tant tou­te­fois les contro­verses ardues et sub­tiles, afin d’éviter les vaines témé­ri­tés de ceux qui vou­draient impru­dem­ment scru­ter tous les mys­tères divins. Il importe plu­tôt de rap­pe­ler clai­re­ment les bien­faits sans nombre qui ne cessent de décou­ler sur nous de cette source divine ; ain­si, ils dis­si­pe­ront entiè­re­ment l’erreur et l’ignorance indignes des fils de lumière. Nous insis­tons sur ce point, non seule­ment parce qu’il s’agit d’un mys­tère qui nous conduit direc­te­ment à la vie éter­nelle, et que, par consé­quent, nous devons croire fer­me­ment, mais encore parce que le bien est d’autant plus aimé qu’il est plus connu. On doit aimer l’Esprit-Saint, – et c’est le second sujet que Nous avions annon­cé – parce qu’il est Dieu : Tu aime­ras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces52. On doit aus­si l’aimer parce qu’il est l’Amour premier,substantiel, éternel,et rien n’est plus aimable que l’amour ; on doit l’aimer d’autant plus qu’il nous a com­blés de plus grands bien­faits qui témoignent de sa muni­fi­cence et appellent notre gra­ti­tude. Cet amour a une double uti­li­té fort appré­ciable. Il nous exci­te­ra à acqué­rir chaque jour une connais­sance plus com­plète de l’Esprit-Saint : Celui qui aime dit le Docteur Angélique, ne se contente pas d’un aper­çu super­fi­ciel de l’objet aimé ; mais il s’efforce d’en recher­cher tous les détails intimes, et il pénètre tel­le­ment dans son inti­mi­té, qu’on dit de l’Esprit-Saint, Amour de Dieu, qu’il scrute même les pro­fon­deurs divines53, et il nous accor­de­ra ses dons célestes en abon­dance, d’autant plus que, si l’ingratitude ferme la main du bien­fai­teur, par contre, la recon­nais­sance la fait rou­vrir. Il faut veiller à ce que cet amour ne se borne pas à une aride connais­sance ni à hom­mage pure­ment exté­rieur ; qu’il soit, au contraire, prompt à agir, et sur­tout qu’il évite le péché, qui offense par­ti­cu­liè­re­ment le Saint-​Esprit. En effet, tout ce que nous sommes, nous le sommes par la bon­té divine, qui est attri­buée spé­cia­le­ment au Saint-​Esprit. Il offense donc son Bienfaiteur celui qui pèche et qui, abu­sant de ses dons et de sa bon­té, devient chaque jour plus audacieux.

Comme Il est Esprit de véri­té, si quelqu’un tombe par fai­blesse ou igno­rance, il aura peut-​être une excuse aux yeux de Dieu, mais celui qui, par malice, com­bat la véri­té et s’en détourne, pèche gra­ve­ment contre le Saint-​Esprit. Cette faute s’est tel­le­ment mul­ti­pliée de nos jours, qu’il semble que nous soyons arri­vés à cette époque per­verse pré­dite par saint Paul, où les hommes, aveu­glés par un juste juge­ment de Dieu, regar­de­ront comme vrai ce qui est faux et croi­ront au Prince de ce monde, qui est men­teur et père du men­songe, comme s’il était le doc­teur de véri­té. Dieu leur enver­ra l’esprit d’erreur, afin qu’ils croient au men­songe54 ; dans les der­niers jours, cer­tains aban­don­ne­ront la foi, s’attachant à l’esprit d’erreur et aux doc­trines dia­bo­lique55. Mais puisque l’Esprit-Saint, comme Nous l’avons dit, habite en nous ain­si qu’en un temple, il faut rap­pe­ler le pré­cepte de l’Apôtre : Ne contris­tez pas l’Esprit de Dieu dont vous por­tez le signe56. Il ne suf­fit pas d’éviter le mal, mais le chré­tien doit briller de l’éclat de toutes les ver­tus, afin de plaire à un hôte si grand et si bien­fai­sant ; au pre­mier rang, doivent se trou­ver la pure­té et la sain­te­té, qua­li­tés qui conviennent à un temple.

C’est pour­quoi le même Apôtre dit : Ignorez-​vous que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un pro­fane le temple de Dieu, Dieu le per­dra ; car le temple que vous êtes est saint57 ; menace ter­rible, il est vrai, mais com­bien juste ! – Enfin, il faut prier le Saint-​Esprit, car il n’est per­sonne qui n’ait le plus grand besoin de son aide et de son secours. Comme nous sommes tous dépour­vus de sagesse et de force, acca­blés par les épreuves, por­tés au mal, nous devons tous cher­cher un refuge auprès de celui qui est la source éter­nelle de la lumière, de la force, de la conso­la­tion, de la sain­te­té. C’est à lui sur­tout qu’il faut deman­der ce bien indis­pen­sable aux hommes, la rémis­sion des péchés : le propre de l’Esprit-Saint est d’être le don du Père et du Fils ; la rémis­sion des péchés se fait par l’Esprit-Saint, en tant que don de Dieu58. C’est de cet Esprit que la litur­gie dit expres­sé­ment : il est la rémis­sion de tous les péchés59. Comment faut-​il prier ? L’Eglise nous l’enseigne très clai­re­ment, elle qui le sup­plie et l’adjure par les noms les plus doux : Venez, Père des pauvres ; venez, dis­tri­bu­teur des grâces ; venez, lumière des cœurs ; conso­la­teur excellent, doux hôte de l’âme, agréable rafraî­chis­se­ment ; elle le conjure de laver, de puri­fier, de bai­gner nos esprits et nos cœurs, de don­ner à ceux qui ont confiance en lui le mérite de la ver­tu, une heu­reuse mort et la joie éter­nelle. Et l’on ne peut dou­ter qu’il n’écoute ces prières, celui a écrit de lui-​même : l’Esprit lui-​même sup­plie pour nous avec des gémis­se­ments iné­nar­rables60. Enfin, il faut lui deman­der assi­dû­ment et avec confiance de nous éclai­rer de plus en plus, de nous brû­ler des feux de son amour, afin qu’appuyés sur la foi et la cha­ri­té, nous mar­chions avec ardeur vers les récom­penses éter­nelles, car il est le gage de notre héri­tage61.

Vous connais­sez main­te­nant, véné­rables Frères, les avis et les exhor­ta­tions qu’il Nous a plu de publier pour accen­tuer le culte de l’Esprit-Saint. Ces conseils, Nous n’en dou­tons pas, por­te­ront, avec le secours de votre zèle, des fruits excel­lents par­mi le peuple chré­tiens. Pour y arri­ver, Nous ne négli­ge­rons aucun effort et Nous tra­vaille­rons à nour­rir encore cette pié­té par tous les moyens favo­rables. Il y a deux ans, dans Notre Lettre Provida matris, Nous recom­man­dions pour la Pentecôte des prières des­ti­nées à hâter l’unité du peuple chré­tien ; aujourd’hui, il Nous plaît de prendre à ce sujet des déci­sions plus éten­dues. Nous décré­tons donc et Nous ordon­nons que dans tout le monde catho­lique, cette année et les sui­vantes, une neu­vaine soit faite avant la Pentecôte dans toutes les églises parois­siales, et, si l’Ordinaire le juge bon, dans toutes les églises. A tous ceux qui auront pris part à cette neu­vaine et prié à Nos inten­tions, Nous accor­dons une indul­gence de sept ans et sept qua­ran­taines pour chaque jour ; Nous accor­dons une indul­gence plé­nière pour l’un de ces jours, soit le jour même de la Pentecôte, soit un jour de l’octave, à tous ceux qui, s’étant confes­sés, auront com­mu­nié et prié à Nos inten­tions. Ceux qui, pour un motif légi­time, ne pour­ront prendre part à ces prières publiques, ou dans l’Eglise des­quels elles ne pour­ront être faites d’après le juge­ment de l’Ordinaire, par­ti­ci­pe­ront à ces mêmes faveurs spi­ri­tuelles pour­vu qu’après avoir fait la neu­vaine en par­ti­cu­lier, ils rem­plissent les condi­tions pres­crites. Nous accor­dons en outre à per­pé­tui­té du tré­sor de l’Eglise, à ceux qui réci­te­ront chaque jour, en public ou en par­ti­cu­lier, des prières au Saint-​Esprit depuis l’octave de la Pentecôte jusqu’à la fête de la Sainte Trinité tout en rem­plis­sant les condi­tions indi­quées plus haut, la facul­té de gagner les deux indul­gences. Enfin, Nous per­met­tons d’appliquer toutes ces indul­gences aux âmes du Purgatoire.

Notre esprit et Notre atten­tion se reportent main­te­nant aux vœux que nous émet­tions au début ; Nous deman­dons et deman­de­rons encore leur réa­li­sa­tion à l’Esprit-Saint par d’ardentes prières. Unissez-​vous à Nous, véné­rables Frères, et que toutes les nations catho­liques joignent leurs voix à la Nôtre et s’adressent à la puis­sante et bien­heu­reuse Vierge Marie. Vous savez quels liens intimes et admi­rables l’unissent à cet Esprit dont elle est appe­lée l’Epouse imma­cu­lée. Sa prière contri­bua au mys­tère de l’Incarnation et à la des­cente du Saint-​Esprit sur les Apôtres. Qu’elle for­ti­fie nos com­munes prières par son bien­veillant suf­frage afin que l’Esprit renou­velle en faveur des mal­heu­reux de cette vie les mer­veilles chan­tées par David : Vous enver­rez votre Esprit-​Saint et tout sera créé, et vous renou­vel­le­rez la face de la terre62. Comme gage des faveurs célestes et en témoi­gnage de Notre bien­veillance, rece­vez, véné­rables Frères, pour vous, pour votre cler­gé et pour votre peuple, la béné­dic­tion apos­to­lique que Nous vous accor­dons très affec­tueu­se­ment dans le Seigneur.

Donné à Rome, près de Saint-​Pierre, le 9 mai 1897, la ving­tième année de notre pontificat.

Léon XIII, Pape.

  1. Matth., XI, 28 ; Jean, XIV, 6 ; X, 11, 14. []
  2. Jean, XVI, 7. []
  3. Job, XXVI, 13. []
  4. Sagesse, I, 7. []
  5. S. Léon Le Grand, Sermo II, pour l’aniversaire de son élé­va­tion au Pontificat ; P. L., LIV, 144 []
  6. De Spiritu Sancto, C. XVI, 39. []
  7. Jean, I, 18. []
  8. Somme Théol. Ia, q. XXXI, a. 2. – S. Augustin, De Trinitate., I, 3 ; P.L., XLII, 822 []
  9. Rom. XI, 36. []
  10. S. Augustin, De Trinitate, VI, 10 ; P.L., XLII, 932. et I, 6, P.L., XLII, 827. []
  11. S. Augustin, De Trinitate, I, 5 ; P.L., XLII, 824. []
  12. S. Augustin, De Trinitate, I, 4 ; P.L., XLII, 824. []
  13. S. Thomas, SommeThéol., I, q. XXXIV, art. 7. []
  14. S. Augustin, De Trinitate, IV, 20 ; P.L. XLII, 906. []
  15. Matth., I, 18–20. []
  16. I Thimoth., III, 16 []
  17. Jean, III, 16. []
  18. Enchir. Ch. XI. – S. Thom., p. III, q. XXXII, art. 1. []
  19. Act., X, 38 []
  20. S. Basile, De L’Esp.S., ch. XVI. []
  21. Hébr., IX, 14. []
  22. Ibid. IV, 1 ; XI, 2,3. []
  23. De la Trinité., I. XV, ch. XXVI. []
  24. De la Trinité., II. XXIX. []
  25. Cyrille de Jérusalem, caté­chèse 17. []
  26. Hom. Sur Matth., I. – II Cor., III, 3. []
  27. S. Jean, XVI, 12, 13. []
  28. S. Jean, XIV, 16, 17. []
  29. Actes, XX, 28. []
  30. S. Jean, XX, 22, 23. []
  31. S. Aug., Serm. CLXXXVII, sur le temps. []
  32. S. Jean , VII, 38–39. []
  33. S. Léon le G., Hom. III, De la Pentecôte. []
  34. Gal., IV, 1,2. []
  35. Jean, VII, 39. []
  36. Ephés. VI, 8. []
  37. S. Aug.,De la Trinité, I. IV, c. 20. []
  38. S. Cyrille d’Alex., Thesaur. V, 5. []
  39. Ephés. II, 3. []
  40. Rom., VIII, 15–16. []
  41. S. Thom. P. II, q. XXXII, art. 1. []
  42. S. Jean, III, 7. []
  43. Rom., V, 5. []
  44. S. Thom., p. I, q . VIII, a. 3. []
  45. S. Jean, XIV, 23 []
  46. I Cor., VI, 19. []
  47. Somme Théol., I,q. XXXVIII, art. 2. – S. Aug., De la Trinité, I. XV, ch. XIX []
  48. Somme Théol., III, q. VIII, art. 1, ad 3 []
  49. Galat., V, 22. []
  50. S. Aug. De la Trinité, VI, 9. []
  51. Actes, XIX, 2. []
  52. Deut.,VI, 5. []
  53. ICor., II, 10. – Somme théol., Ia IIæ, q.XXVIII, a. 2. []
  54. II Thess., II, 10. []
  55. I Tim., IV, 1. []
  56. Ephès., IV, 30. []
  57. I Cor., III, 16–17. []
  58. Somme théol., p. III, q. III, a. 6 ad 3. []
  59. Missel Romain. Mardi ap. Pent. []
  60. Rom., VIII, 26 []
  61. Ephés., I, 14. []
  62. Ps. CIII, 30. []