Le danger du Libéralisme, non seulement dans la société, mais spécialement dans l’Église, Mgr Lefebvre – 1980–1981

Dans le livre « C’est moi l’accusé qui devrais vous juger »1, Mgr Lefebvre com­mente les textes du Magistère qui condamnent les erreurs modernes. Dans la seconde par­tie de son étude du moder­nisme il montre le dan­ger du Libéralisme, non seule­ment dans la socié­té, mais spé­cia­le­ment dans l’Église. Nous repro­dui­sons ici ses paroles d’introduction, vous invi­tant à lire, ou relire, l’ensemble de cette explication.

« Examinons main­te­nant le deuxième groupe de docu­ments pon­ti­fi­caux qui défi­nissent ce qu’est le libé­ra­lisme par rap­port à la doc­trine de l’Église rela­tive à la liber­té, doc­trine qui par le fait même condamne toute espèce de libé­ra­lisme. Il existe un petit livre que j’ai fait réim­pri­mer et qui est très pré­cieux pour bien com­prendre ce qu’est le libéralisme.

C’est Libéralisme et catho­li­cisme, qui est un excellent recueil de confé­rences que l’abbé Roussel a don­nées entre 1920 et 1936, qui sont simples et traitent d’une manière très pré­cise du sujet. Parce que le libé­ra­lisme, est un mot qui recouvre tout un monde. Cela va des francs-​maçons, des phi­lo­sophes du XVIIIe, jusqu’aux catho­liques libé­raux qui ont été condam­nés par Pie IX et tous les papes. Il y en a toute une gamme. Nous ver­rons en étu­diant l’encyclique Libertas, qui est aus­si du pape Léon XIII et qui est fon­da­men­tale, car elle montre bien les degrés, les éche­lons du libéralisme.

Pour nous, ce n’est pas tel­le­ment le libé­ra­lisme tel qu’il est pro­fes­sé par ses doc­tri­naires, les francs-​maçons et les pro­tes­tants, qui va faire l’objet de nos réflexions. Car cela nous est appa­ru clai­re­ment lorsque nous avons exa­mi­nés les ency­cliques sur la franc-maçonnerie.

Mais ceux que nous avons besoin de connaître davan­tage, parce qu’ils sont por­teurs d’une mala­die plus dif­fi­cile à diag­nos­ti­quer, ce sont les catho­liques libé­raux qui sont répan­dus par­tout. Nous sommes infes­tés par les idées libé­rales, par ce besoin qu’éprouvent de trop nom­breux évêques, prêtres et fidèles, des catho­liques qui, sou­vent pour des motifs de cha­ri­té, d’apostolat, de rap­pro­che­ment, vou­draient reprendre le contact avec les vrais libé­raux, avec ceux qui sont les enne­mis de l’Église, au lieu de leur oppo­ser la vérité.

Bien sûr que l’on doit dia­lo­guer avec ceux que l’ont doit conver­tir ! Mais ce n’est pas l’objectif des libé­raux dits « catho­liques ». Ils font ce qui est décrit dans cer­tains articles que l’on peut consul­ter dans le Dictionnaire de théo­lo­gie catho­lique (livre 9, col. 509 article libé­ra­lisme catho­lique). Voici un pas­sage qui montre com­ment est défi­ni ce libé­ra­lisme : ‘Les libé­raux catho­liques n’ont ces­sé de répondre qu’ils ont une volon­té d’orthodoxie égale à celle des plus intran­si­geants et l’unique sou­ci des inté­rêts de l’Église. La conci­lia­tion qu’ils ont cher­ché, n’est pas théo­rique et abs­traite, mais pratique…’

Les voi­là par­tis dans une fausse dis­tinc­tion, ce qu’ils appellent la thèse et l’hypothèse. ‘… ce n’est pas une conci­lia­tion de droit, mais de fait ; si leurs adver­saires les condamnent, c’est qu’ils envi­sagent la thèse ; eux, ils se sont tou­jours pla­cés dans l’hypothèse (c’est-à-dire dans les faits). Ils partent d’un prin­cipe pra­tique et d’un fait qu’ils jugent indé­niable. Ce prin­cipe est que l’Église ne sau­rait être enten­due dans le milieu concret où elle doit accom­plir sa divine mis­sion, sans se mettre en har­mo­nie avec lui.’ C’est sub­til comme argu­ment : ‘L’Église ne peut être enten­due dans le milieu où elle se trouve sans se mettre en har­mo­nie avec ce milieu.’ Jusqu’où ? Si c’est pour épou­ser les erreurs du milieu, qu’est-ce que l’Église vient y faire ? Ce n’est plus de l’apostolat. La théo­rie, disent-​ils, c’est une chose ; nous sommes d’accord avec la théo­rie. La véri­té ne peut accep­ter l’erreur. On ne peut pas mélan­ger la lumière et les ténèbres…

Nous sommes d’accord là-​dessus. Mais lais­sons cela de côté. Maintenant nous sommes dans la pra­tique, nous sommes dans l’apostolat. Que devons-​nous faire ? Alors il faut savoir nous mettre en har­mo­nie avec ces gens. C’est-à-dire épou­ser leur manière de pen­ser, les comprendre…

Et voi­là, on com­mence à mélan­ger l’erreur et la véri­té. Les libé­raux n’ont pas l’esprit sco­las­tique. Saint Thomas nous enseigne qu’évidemment il y a des prin­cipes et qu’ils sont faits pour être mis en pra­tique. Les prin­cipes doivent gui­der notre action par la ver­tu de pru­dence, bien sûr, qui nous apprend com­ment il faut pro­cé­der pour mettre les prin­cipes en pra­tique. Mais on ne peut pas dire : les prin­cipes c’est une chose, on ne s’en occupe plus une fois que l’on est dans la réalité. »

Sources : C’est moi l’ac­cu­sé qui devrais vous juger, éd. Fideliter 1994, p 129 sq /​La Porte Latine du 8 décembre 2017

  1. C’est moi, l’ac­cu­sé, qui devrais vous juger ! – Dès les débuts de la Fraternité Saint-​Pie X, Mgr Lefebvre ins­ti­tua, pour la for­ma­tion dis­pen­sée aux sémi­na­ristes, un cours très par­ti­cu­lier don­né en pre­mière année qui s’in­ti­tu­lait : Actes du Magistère. Ce cours expo­sait les grandes ency­cliques des papes et les docu­ments pon­ti­fi­caux trai­tant de l’ordre social chré­tien et de la royau­té de Notre-​Seigneur sur la Cité. Au cours des années 1979–1982, Mgr Lefebvre ensei­gna lui-​même cette matière au sémi­naire d’Ecône. C’est le cours don­né en 1980–1981 qui a été trans­crit par les soins de M. et Mme André Cagnon, en fai­sant appel tou­te­fois aux cours de 1979–1980 pour le com­men­taire sur Quanta Cura et le Syllabus. Dans une pre­mière édi­tion, Mgr Bernard Tissier de Mallerais a arran­gé légè­re­ment la forme du texte, y ajou­tant quelques pré­ci­sions, tout en gar­dant le style par­lé, dans le but de rendre l’ex­po­sé aus­si clair et ordon­né que pos­sible. Dans cette nou­velle édi­tion, les édi­tions Clovis ont choi­si de rendre le style davan­tage proche de l’é­cri­ture et encore plus apte à la com­pré­hen­sion, tout en veillant à gar­der soi­gneu­se­ment le sens vou­lu par l’au­teur. []