Dans le livre « C’est moi l’accusé qui devrais vous juger » [1], Mgr Lefebvre commente les textes du Magistère qui condamnent les erreurs modernes. Dans la seconde partie de son étude du modernisme il montre le danger du Libéralisme, non seulement dans la société, mais spécialement dans l’Église. Nous reproduisons ici ses paroles d’introduction, vous invitant à lire, ou relire, l’ensemble de cette explication.
« Examinons maintenant le deuxième groupe de documents pontificaux qui définissent ce qu’est le libéralisme par rapport à la doctrine de l’Église relative à la liberté, doctrine qui par le fait même condamne toute espèce de libéralisme. Il existe un petit livre que j’ai fait réimprimer et qui est très précieux pour bien comprendre ce qu’est le libéralisme.
C’est Libéralisme et catholicisme, qui est un excellent recueil de conférences que l’abbé Roussel a données entre 1920 et 1936, qui sont simples et traitent d’une manière très précise du sujet. Parce que le libéralisme, est un mot qui recouvre tout un monde. Cela va des francs-maçons, des philosophes du XVIIIe, jusqu’aux catholiques libéraux qui ont été condamnés par Pie IX et tous les papes. Il y en a toute une gamme. Nous verrons en étudiant l’encyclique Libertas, qui est aussi du pape Léon XIII et qui est fondamentale, car elle montre bien les degrés, les échelons du libéralisme.
Pour nous, ce n’est pas tellement le libéralisme tel qu’il est professé par ses doctrinaires, les francs-maçons et les protestants, qui va faire l’objet de nos réflexions. Car cela nous est apparu clairement lorsque nous avons examinés les encycliques sur la franc-maçonnerie.
Mais ceux que nous avons besoin de connaître davantage, parce qu’ils sont porteurs d’une maladie plus difficile à diagnostiquer, ce sont les catholiques libéraux qui sont répandus partout. Nous sommes infestés par les idées libérales, par ce besoin qu’éprouvent de trop nombreux évêques, prêtres et fidèles, des catholiques qui, souvent pour des motifs de charité, d’apostolat, de rapprochement, voudraient reprendre le contact avec les vrais libéraux, avec ceux qui sont les ennemis de l’Église, au lieu de leur opposer la vérité.
Bien sûr que l’on doit dialoguer avec ceux que l’ont doit convertir ! Mais ce n’est pas l’objectif des libéraux dits « catholiques ». Ils font ce qui est décrit dans certains articles que l’on peut consulter dans le Dictionnaire de théologie catholique (livre 9, col. 509 article libéralisme catholique). Voici un passage qui montre comment est défini ce libéralisme : ‘Les libéraux catholiques n’ont cessé de répondre qu’ils ont une volonté d’orthodoxie égale à celle des plus intransigeants et l’unique souci des intérêts de l’Église. La conciliation qu’ils ont cherché, n’est pas théorique et abstraite, mais pratique…’
Les voilà partis dans une fausse distinction, ce qu’ils appellent la thèse et l’hypothèse. ‘… ce n’est pas une conciliation de droit, mais de fait ; si leurs adversaires les condamnent, c’est qu’ils envisagent la thèse ; eux, ils se sont toujours placés dans l’hypothèse (c’est-à-dire dans les faits). Ils partent d’un principe pratique et d’un fait qu’ils jugent indéniable. Ce principe est que l’Église ne saurait être entendue dans le milieu concret où elle doit accomplir sa divine mission, sans se mettre en harmonie avec lui.’ C’est subtil comme argument : ‘L’Église ne peut être entendue dans le milieu où elle se trouve sans se mettre en harmonie avec ce milieu.’ Jusqu’où ? Si c’est pour épouser les erreurs du milieu, qu’est-ce que l’Église vient y faire ? Ce n’est plus de l’apostolat. La théorie, disent-ils, c’est une chose ; nous sommes d’accord avec la théorie. La vérité ne peut accepter l’erreur. On ne peut pas mélanger la lumière et les ténèbres…
Nous sommes d’accord là-dessus. Mais laissons cela de côté. Maintenant nous sommes dans la pratique, nous sommes dans l’apostolat. Que devons-nous faire ? Alors il faut savoir nous mettre en harmonie avec ces gens. C’est-à-dire épouser leur manière de penser, les comprendre…
Et voilà, on commence à mélanger l’erreur et la vérité. Les libéraux n’ont pas l’esprit scolastique. Saint Thomas nous enseigne qu’évidemment il y a des principes et qu’ils sont faits pour être mis en pratique. Les principes doivent guider notre action par la vertu de prudence, bien sûr, qui nous apprend comment il faut procéder pour mettre les principes en pratique. Mais on ne peut pas dire : les principes c’est une chose, on ne s’en occupe plus une fois que l’on est dans la réalité. »
Sources : C’est moi l’accusé qui devrais vous juger, éd. Fideliter 1994, p 129 sq /La Porte Latine du 8 décembre 2017
- C’est moi, l’accusé, qui devrais vous juger ! – Dès les débuts de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Lefebvre institua, pour la formation dispensée aux séminaristes, un cours très particulier donné en première année qui s’intitulait : Actes du Magistère. Ce cours exposait les grandes encycliques des papes et les documents pontificaux traitant de l’ordre social chrétien et de la royauté de Notre-Seigneur sur la Cité. Au cours des années 1979–1982, Mgr Lefebvre enseigna lui-même cette matière au séminaire d’Ecône. C’est le cours donné en 1980–1981 qui a été transcrit par les soins de M. et Mme André Cagnon, en faisant appel toutefois aux cours de 1979–1980 pour le commentaire sur Quanta Cura et le Syllabus. Dans une première édition, Mgr Bernard Tissier de Mallerais a arrangé légèrement la forme du texte, y ajoutant quelques précisions, tout en gardant le style parlé, dans le but de rendre l’exposé aussi clair et ordonné que possible. Dans cette nouvelle édition, les éditions Clovis ont choisi de rendre le style davantage proche de l’écriture et encore plus apte à la compréhension, tout en veillant à garder soigneusement le sens voulu par l’auteur.[↩]