Les faits et les dates
Le 1er novembre 2008, Mgr Richard Williamson qui procède aux ordinations diaconales au séminaire de Zaitzkofen, en Allemagne, accepte de répondre aux journalistes de la télévision suédoise SVT qui sont là pour l’abbé Sten Sandmark, ancien pasteur luthérien suédois converti au catholicisme. Au cours de cet entretien, les journalistes viennent à demander à Mgr Williamson des précisions sur des propos négationnistes tenus au Canada, il y a plusieurs années. Le prélat anglais avertit explicitement que ses déclarations sont passibles de la prison en Allemagne.
Dès le lundi 19 janvier, le magazine allemand Der Spiegel consacre un article hostile au rapprochement que le pape pourrait bientôt opérer en direction de la Fraternité Saint-Pie X. Le journaliste allemand avertit que parmi les évêques de la Fraternité il y a un négationniste, et il annonce la diffusion de l’émission suédoise « Uppdrag gransning » (mission investigation) pour le mercredi 21, reprise par la suite sur Internet.
Le décret du cardinal Re est signé du mercredi 21, il sera publié le samedi 24. Y a‑t-il simple coïncidence de dates ?
Un rapport au Vatican
Le vaticaniste Paolo Rodari dans Il Reformista du 3 février fait état d’un rapport remis au pape qui dénonce un montage : « Derrière le choix de la diffusion de la télévision publique SVT se cache une tentative de discréditer le pape Benoît XVI. Des personnes ont agi de l’extérieur avec une aide interne. Ce dossier veut démontrer que la télévision suédoise a été influencée afin qu’elle diffuse son reportage trois jours avant la publication du document signé de la levée de l’excommunication. Le dossier émet l’hypothèse que la journaliste française, Fiammetta Venner, aurait suggéré de poser une question sur le sujet (de l’holocauste, ndlr). »
« Fiammetta Venner, qui intervient personnellement dans le reportage de la télévision suédoise, est une militante active du mouvement homosexuel français, également pour l’avortement et la laïcité ». Selon Rodari, « c’est une conférencière habituée du Grand Orient de France sur la question laïque. En septembre dernier, à l’occasion du voyage de Benoît XVI en France, elle a adressé à la presse un livre co-signé avec sa compagne, Caroline Fourest, et intitulé de façon très explicite : « Les nouveaux soldats du pape. Les légionnaires du Christ, l’Opus Dei et les traditionalistes » (éd. Panama) ». – Dans Le Monde du 5 février, Fiammetta Venner se défend d’avoir eu connaissance de l’agenda du Vatican, et cette collaboratrice de l’hebdomadaire gauchiste Charlie Hebdo précise à propos du retrait du décret d’excommunication : « La question est de savoir si l’« unité de l’Eglise » se fera au détriment de ceux qui restent attachés à Vatican II, à son œcuménisme ».
Désormais les déclarations contre Mgr Williamson se sont étendues et transformées en attaques contre le pape et la Fraternité Saint-Pie X. En Allemagne, l’hebdomadaire Der Spiegel et le quotidien Bild dénoncent, cette semaine, l’opposition du Vatican et de la Fraternité Saint-Pie X à tous les « acquis » de la modernité en matière d’idées et de mœurs. Le théologien progressiste, Hermann Häring, n’hésite pas, ce lundi 2 février, à recommander au pape de démissionner. « Si ce pape veut faire du bien à l’Eglise, il doit quitter ses fonctions. Ce ne serait pas un scandale : un évêque doit remettre son poste à disposition à 75 ans, un cardinal perd tous ses droits à 80 ans. On ne voit pas pourquoi précisément le pape (qui a aujourd’hui 81 ans, ndlr) ne pourrait pas se tenir à ces règles sages », a‑t-il déclaré au journal de gauche Tageszeitung.
Golias
A ce propos, il n’est pas inutile de reprendre la présentation faite des Nouveaux soldats du pape en septembre 2008, sur le site Internet Les nouveaux soldats du Pape :
« Le catholicisme donne parfois le sentiment d’avoir réussi son aggiornamento. Pourtant l’élection de Benoît XVI signe le triomphe des intransigeants au détriment des catholiques modernistes. Jusqu’où ce virage réactionnaire de l’église (sic) catholique ira-t-il ? Jusqu’à faire du Concile de Vatican une parenthèse bien vite refermée ? Jusqu’à Vatican moins II ? » – On peut noter au passage que l’expression « Vatican – 2 » se retrouve aujourd’hui sous la plume de Christian Terras de Golias : « 50 ans après le concile – 22 janvier 2009. De Vatican II à Vatican moins II ». Golias que Fiametta Venner défendait dans le quotidien communiste L’Humanité du 11 septembre 2008 : « Dès que Témoignage chrétien ou Golias font un dossier trop militant, il y a une reprise en main de l’évêché, avec des pratiques de mises à l’écart, de diffamations envers des catholiques démocrates ».
Le site de présentation du livre de Fiametta Venner et Caroline Fourest disait déjà en septembre 2008 leur hantise d’une levée des excommunications : « Les traditionalistes excommuniés par Jean-Paul II vont rentrer peu à peu dans le rang, non en faisant pénitence mais comme des ‘gagnants gagnants’ : Ils vont pouvoir dire la messe comme ils l’entendent et la plupart de leurs idées vont être reprises officiellement par l’Eglise ! »
Contre le décret du 21 janvier 2009 mais pour l’absolution collective
Aussi n’est-ce pas un hasard si les opposants au décret du 21 janvier manifestent leur désapprobation en y associant explicitement leur refus de décisions récentes imposées par Rome… Le 29 janvier, la Ligue suisse des femmes catholiques (LSFC/SKF) à Lucerne s’est déclarée déconcertée par la réintégration des évêques traditionalistes, ainsi que par le décret des évêques suisses abolissant la pratique de l’absolution collective lors des cérémonies pénitentielles (voir dans « L’Eglise dans le monde ») . Elle déplore le commentaire « bienveillant » qu’en a fait la Conférence des évêques suisses. La Ligue y voit un élément « dans des développements extrêmement inquiétants ». Les femmes réunies dans ce mouvement progressiste estiment que c’est une préoccupation fondamentale pour elles de « soutenir les forces qui, dans l’Eglise et dans la société, s’engagent pour l’humanité et la paix, dans le sens de la tradition catholique du Concile Vatican II (sic). Et en en soulignant les perspectives judéo-chrétiennes, œcuméniques, interreligieuses et féminines (re-sic) ».
A propos de l’interdiction de la pratique de l’absolution collective lors des cérémonies pénitentielles, la LSFC relève que ce décret des évêques suisses a suscité la critique et l’incompréhension de nombreuses femmes engagées au sein de l’organisation des femmes catholiques. Pour le comité de la Ligue, cette nouvelle ne va pas inciter beaucoup de monde à aller à nouveau ou davantage se confesser. Si cette interdiction est mise en pratique, avertit la Ligue, « les sacrements vont encore s’éloigner davantage de la vie et du quotidien de nombreuses et nombreux catholiques ».
Une de ces féministes d’avant-garde, la philosophe allemande Carola Meier-Seethaler, âgée de 81 ans, a fait savoir dans le bulletin paroissial Berner Pfarrblatt sa décision de ne plus verser l’impôt ecclésiastique en vigueur en Suisse où elle réside. Elle sort de l’Eglise catholique et versera désormais son obole à des institutions de la ville de Berne, ainsi qu’à la future « Maison des religions ». Elle justifie son geste de protestation par des « raisons humano-éthiques », n’étant plus d’accord avec le cours que prend l’Eglise sous le pape actuel.
Sources : DICI et Apic/Reformista/Spiegel/Golias