Abjuration solennelle devant plus d’un millier de paroissiens
Le pasteur luthérien Sten Sandmark et le jeune frère frère Joacim Svensson, 19 ans, vont abjurer entre les
mains de Mgr Tissier de Mallerais assisté de messieurs les abbés Schmidberger, ancien supérieur
général, et Régis de Cacqueray, supérieur du District de France.
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Cérémonie d’abjuration à Saint-Nicolas du Chardonnet
Le sermon de Mgr Tissier de Mallerais
Paris se vide, ses églises sont désertes, après la canicule que nous venons de connaître peu de citadins se risquent en ville en ce dimanche de transhumance estivale. Dieu serait-il seul et abandonné à Paris ? – « Car les grandes villes, Seigneur sont maudites » s’exclamait le poète.
Pas tout à fait cependant car hier matin, dans le cinquième arrondissement de Paris, on pouvait entendre les battements d’un cœur, on pouvait s’émerveiller de sentir la grâce à l’œuvre dans les âmes et de voir s’épanouir la splendeur d’une profonde liturgie. C‘était en l’église saint Nicolas du Chardonnet que d’aucuns se plaisent à nommer « le phare de la Tradition », plaçant ainsi haut l’exigence pour le clergé qui la dessert et les fidèles qui la fréquentent.
Une cérémonie d’abjuration… Voilà bien de l’inédit et du spectaculaire ! Du jamais vu (ou presque : il serait intéressant d’en recenser les cas s’il y en a) depuis quarante ans, depuis que l’on ne convertit plus, depuis que, pour l’Eglise catholique officielle, chaque religion représente une voie particulière et également digne pour faire son salut.
Une abjuration : un scoop ! Mais pas de journaliste… Juste une église pleine à craquer, juste des fidèles émus et attentifs, juste deux hommes : un pasteur dans la force de l’âge et un jeune séminariste, tous deux membres d’une congrégation luthérienne de l’Eglise de Suède. Deux hommes qui ont choisi d’abjurer la foi qui leur avait été transmise par leurs pères depuis 1517, pour embrasser la religion catholique romaine. « Nous avons le sentiment de rentrer à la maison… enfin ! » nous diront-ils, radieux, à l’issue de la messe…
Dans le chœur le trône n’est pas dressé, il n’y aura pas d’office pontifical, rien ne viendra marquer cette cérémonie du sceau de la magnificence. Bienheureuse sobriété, beauté d’une liturgie où les hommes ne servent que le sacré. 10 H 30, la procession remonte la nef : un prêtre du Christ ayant reçu la plénitude du sacerdoce par la vertu de son onction épiscopale, un diacre, un sous diacre. C’est tout. Monseigneur Tissier de Mallerais officiera donc assisté de Messieurs les abbés Schmidberger et de Cacqueray.
Monseigneur prend immédiatement la parole pour accueillir les deux religieux luthériens, il leur dit notre joie de les assister en cette heure pour eux si décisive, et nous retrace leur parcours. Puis, tout de suite a lieu la cérémonie d’abjuration. Le Pasteur et le jeune séminariste sont invités dans le chœur et viennent, chacun à son tour, s’agenouiller devant Monseigneur entouré de ses deux assistants, tous trois assis devant l’autel. Les deux anciens luthériens posent la main sur les Evangiles et prononcent le texte de leur abjuration. Le pasteur, d’une voix profonde et émue, le dira en français ; le jeune séminariste, grave et déterminé, le prononcera en anglais. Puis, à l’orgue de chœur, Monsieur l’abbé Lorber entonne le Miserere.
La cérémonie se poursuit par la levée de l’excommunication qui frappait les deux suédois, puis par leur confirmation dans l’Eglise catholique suivie par l’affirmation résolument dynamique du Credo. Nos frères séparés nous ont rejoints, chacun revient à sa place, Monseigneur entonne l’Asperges me, la messe peut alors commencer.
Ce ne fut pas la messe des grands jours, juste une toute petite dizaine d’enfants de chœur ponctuaient le bas des marches de l’autel de leur aube écarlate, mais ce fut une messe intense, en communion avec ces deux hommes profondément religieux : l’un ministre de sa religion depuis déjà tant d’années et l’autre, ce tout jeune homme qui venait gravement d’abjurer, décidant ainsi d’un coup son destin en accompagnant son aîné sur le chemin d’amour indiqué par Notre-Seigneur : « Viens et suis-moi ».
Un dernier mot pour évoquer la musique qui accompagnait cet élan liturgique. Les chorales qui habituellement nous ravissent n’avaient probablement pas pu se réunir faute d’effectif. Il y avait simplement l’orgue, une trompette, et Monsieur l’abbé Lorber. Ils ont su entraîner toute l’assistance : oui, l’église chantait. Vraiment ! Ce n’était pas ces répons du bout des lèvres, parfois du bout du cœur que l’on entend trop souvent, et le Magnificat final lancé du haut de la tribune trouva son écho à plusieurs voix réparties dans la nef, un écho à la mesure de la joie que nous procurait l’événement.
Nous laisserons cependant le mot de la fin à l’Introït de ce huitième dimanche après la Pentecôte :
Suscepimus, Deus, misericordiam tuam in medio templi tui : secundum nomem tuum, Deus, ita et laus tua in fines terræ : justicia plena est déxtera tua (Ps 47, 2) : Au milieu de votre Temple, ô Dieu, nous avons reçu votre grâce ; votre louange comme votre nom, s’étend jusqu’aux extrémités du monde et votre puissance s’exerce avec justice.
Paris, le 31 juillet 2006
DP-SI pour La Porte Latine