Le Motu Proprio, mode d’emploi…en France et ailleurs – Septembre 2007

… en France

Mgr Jean-​Pierre Grallet, arche­vêque de Strasbourg, pré­sente aux prêtres d’Alsace le Motu Proprio dans son bul­le­tin dio­cé­sain L’Église en Alsace de sep­tembre 2007. Il rap­pelle tout d’abord « ce que veut le pape » : « Il ne sou­haite en aucune manière remettre en cause la légi­ti­mi­té de Vatican II, de même qu’il lui tient à cœur de sou­li­gner que l’Église n’a pas connu de rup­ture dans sa tra­di­tion au cours du Concile. Cette affir­ma­tion consti­tue d’ailleurs à elle seule la néga­tion la plus vive du cou­rant inté­griste, qui dénonce une telle inter­rup­tion ». Puis, il indique la « pra­tique actuelle du dio­cèse » : Association de fidèles Saint Arbogast dans le cadre juri­dique d’une paroisse per­son­nelle. Mgr Grallet trouve cette pra­tique suf­fi­sante puisqu’elle devan­çait les dis­po­si­tions de Summorum Pontificum, et il tient à sou­li­gner « le fait qu’en l’église Saint-​Joseph de Strasbourg, les prêtres de la paroisse tra­di­tion­nelle célèbrent, non seule­ment selon la forme tra­di­tion­nelle du Missel de Jean XXIII, mais aus­si selon la forme actuelle du Missel de Paul VI. De cette manière, il appa­raît clai­re­ment que la messe dite de Saint Pie V n’a pas voca­tion à dis­qua­li­fier la messe issue de la réforme litur­gique, mais qu’elle peut être recon­nue comme une forme extra­or­di­naire de ce qui reste bien l’expression ordi­naire de la lex oran­di de l’Église ». – Les Strasbourgeois peuvent donc se féli­ci­ter d’avoir ain­si béné­fi­cié des lar­gesses du Motu Proprio avant le Motu Proprio !

Quelques prêtres, voire quelques fidèles seront peut-​être ten­tés de deman­der un peu plus encore, c’est pour­quoi l’archevêque de Strasbourg se voit contraint d’étudier « ce qui est sus­cep­tible de chan­ger dans notre dio­cè­seà la suite du Motu pro­prio », et de pré­ci­ser : « Peut-​être que cer­tains d’entre vous (prêtres) uti­li­se­ront la facul­té qui leur est désor­mais concé­dée de célé­brer en pri­vé la messe de 1962 (article 2). Je demande que cela soit fait de telle sorte que cela ne trouble pas la grande majo­ri­té des fidèles, et que cette célé­bra­tion ne se sub­sti­tue donc pas aux messes de semaine actuel­le­ment orga­ni­sées dans les paroisses.

« Pour ce qui est des demandes qui éma­ne­raient de groupes parois­siaux stables (article 5), je sou­ligne la res­pon­sa­bi­li­té propre des curés cano­ni­que­ment dési­gnés. Il n’appartient ni aux prêtres coopé­ra­teurs, ni aux vicaires, ni à un groupe de fidèles,de se sub­sti­tuer à leur auto­ri­té en la matière. Je veille­rai, comme le Motu pro­prio le rap­pelle, à ce que cette dis­po­si­tion s’applique pour le bien des fidèles, et en ‘favo­ri­sant l’unité de toute l’Église’.

« Dans sa lettre d’accompagnement du Motu Proprio, le Pape pré­voit que les demandes seront assez rares, d’autant qu’elles exi­ge­ront, de la part des prêtres et des fidèles, une connais­sance appro­fon­die du rite. Sera-​ce le cas ? C’est vrai­ment sou­hai­table. La mise en appli­ca­tion de ce Motu Proprio sou­lè­ve­ra bien des ques­tions concrètes, sou­vent dif­fi­ciles à résoudre (dis­po­si­tion des lieux, emploi du temps des prêtres, ques­tions du peuple chré­tien, etc.). Il fau­dra beau­coup de bon sens pas­to­ral pour évi­ter que ne sur­gissent incom­pré­hen­sion et désaccords.

« Par consé­quent, je demande aux fidèles atta­chés à la forme litur­gique ancienne de la pra­ti­quer, comme cela était déjà pré­vu dans notre dio­cèse, dans les deux lieux de cultes dévo­lus à la paroisse tra­di­tion­nelle, à Strasbourg et à Colmar ».

En clair, à Strasbourg comme dans la plu­part des dio­cèses de France, motu pro­prio rime­ra avec sta­tu quo : pas de nou­velles églises pour la messe tri­den­tine, ce qui existe déjà est lar­ge­ment suf­fi­sant et il est inutile de faire appel à des com­mu­nau­tés Ecclesia Dei.

A Verdun, la bataille de la messe tra­di­tion­nelle n’aura pas lieu. En effet, Mgr François Maupu donne, dans une lettre inti­tu­lée « L’obsession de l’unité », les rai­sons qu’il y a de ne pas appli­quer incon­si­dé­ré­ment ce Motu Proprio. Il révèle ce que per­sonne avant lui ne soup­çon­nait : « (…) le gou­ver­ne­ment de l’Eglise est une affaire déli­cate et com­plexe. Le Cardinal Castrillón Hoyos a pré­pa­ré un texte de motu pro­prio à l’automne 2006. Le Saint Père a enten­du par la suite de nom­breuses réac­tions, dont celles des car­di­naux fran­çais Lustiger, Ricard et Barbarin. Le Cardinal Castrillón n’a pas modi­fié son texte. Le Saint Père a donc dû accom­pa­gner ce texte d’une lettre à tous les évêques dans laquelle, sans contre­dire le motu pro­prio, il dit qu’il pense qu’il ne concer­ne­ra qu’un petit nombre de per­sonnes et il rap­pelle l’autorité de chaque évêque dans le domaine de la litur­gie dans son dio­cèse ». – Ainsi donc le car­di­nal Castrillón Hoyos aurait for­cé la main de Benoît XVI ?

Et l’évêque de Verdun pré­vient : « (…) on risque par­fois de tra­hir de bonnes inten­tions par une mise en œuvre mal­adroite. Ce fut le cas de l’incident de Ratisbonne, quand il s’agissait de par­ler avec les musul­mans des rap­ports entre la foi et la rai­son. Ce fut le cas encore en juin avec la publi­ca­tion d’un docu­ment de la Congrégation pour la doc­trine de la foi des­ti­né à ras­su­rer les inté­gristes qui se pose­raient la ques­tion « Le Concile Vatican II a‑t-​il chan­gé la doc­trine anté­rieure sur l’Église ? » Pour leur per­mettre d’accepter le Concile et de res­ter dans l’unité de l’Église, la réponse emploie un lan­gage d’avant Vatican II qui a bles­sé les pro­tes­tants et les ortho­doxes : effort vers l’unité d’un côté qui pro­voque des ten­sions d’un autre côté ! ». – Là au moins on peut être cer­tain qu’il n’y aura pas de mise en œuvre mal­adroite du Motu Proprio parce qu’il n’y aura pas de mise en œuvre du tout.

A Saint-​Denis, en région pari­sienne, Mgr Olivier de Berranger est sur la même ligne. Après avoir consul­té Catherine Pic, « délé­guée dio­cé­saine à la Pastorale litur­gique et sacra­men­telle » il donne quelques pré­ci­sions, dans une lettre du 11 juillet. Par forme extra­or­di­naire, il faut entendre : « la célé­bra­tion cor­res­pon­dant aux livres litur­giques édi­tés par Jean XXIII en 1962 qui repre­naient ceux héri­tés du Concile de Trente en les débar­ras­sant de for­mules déso­bli­geantes pour le peuple juif ». A pro­pos du curé qui a le droit d’accéder à la demande d’un groupe stable dési­reux d’avoir la messe tra­di­tion­nelle, l’évêque de Saint-​Denis ajoute que « le modé­ra­teur d’une équipe pas­to­rale a les mêmes facul­tés », en pré­ci­sant que « ‘modé­ra­teur’ (dans le sens latin, mode­rare) signi­fie ‘gar­der’ et ‘pro­mou­voir’ », mais Mgr de Berranger ne donne pas de com­plé­ment d’objet à ces deux verbes… Au sujet du groupe stable, il est indi­qué : « Le décret n’autorise pas la célé­bra­tion de la messe selon la forme extra­or­di­naire en fonc­tion du goût de cha­cun. Ceux qui le demandent doivent être connus comme ‘fidèles’ de la paroisse et repré­sen­ter un nombre consé­quent, dési­reux de vivre en com­mu­nion avec l’ensemble de la com­mu­nau­té », et d’ajouter en citant la lettre d’accompagnement du Motu Proprio : « ‘pour vivre la pleine com­mu­nion, les prêtres des com­mu­nau­tés qui adhèrent à l’usage ancien (com­mu­nau­tés Ecclesia Dei, ndlr) ne peuvent pas, par prin­cipe, exclure la célé­bra­tion selon les nou­veaux livres’, parce que ce ne serait pas cohé­rent avec ‘la recon­nais­sance de la valeur et de la sain­te­té’ de la forme ordi­naire pro­mul­guée au Concile ». Mais le cler­gé de Seine-​Saint-​Denis ne court aucun dan­ger, car « il est vrai que nous n’avons pas ce type de com­mu­nau­té dans le dio­cèse », – et qu’on ne risque pas d’en voir de sitôt !

… en Allemagne

Mgr Walter Mixa, évêque d’Augsbourg, est un « conci­liaire conser­va­teur », proche du car­di­nal Joachim Meisner, de Cologne, plu­tôt étran­ger à la ques­tion litur­gique. Voici les prin­ci­pales normes d’applications qu’il a fixées, le 24 juillet 2007, pour le dio­cèse d’Augsbourg. Tout est dit dans le pre­mier article du docu­ment : « Les normes conte­nues dans le Motu pro­prio (…) doivent être appli­quées stric­te­ment ». C’est-à-dire de façon res­tric­tive, pour preuve l’article 4 qui fixe un nombre mini­mum de fidèles consti­tuant un « groupe stable », là où le Motu Proprio ne donne aucune pré­ci­sion : « Le groupe stable de la paroisse qui, selon l’article 5, § 1 du Motu pro­prio, peut deman­der au curé com­pé­tent que la sainte Messe soit célé­brée pour eux selon le Missel romain édi­té en 1962, doit com­por­ter au moins 25 per­sonnes dont le domi­cile propre se trouve réel­le­ment dans la paroisse concer­née ou qui, tout au moins, y ont leur rési­dence habituelle ».

Les articles 5 et 6 montrent clai­re­ment qu’il ne sau­rait être ques­tion d’une assis­tance exclu­sive à la messe tridentine :

5. Le curé ne peut accé­der à la demande des fidèles dési­rant la célé­bra­tion de la messe in for­ma extra­or­di­na­ria que dans la mesure où ceux-​ci recon­naissent le carac­tère contrai­gnant du Concile Vatican II et de ses déci­sions et qu’ils sont fidèles au Pape et aux Evêques.

6. Il appar­tient à la pleine com­mu­nion que les fidèles n’excluent pas, par prin­cipe, la célé­bra­tion selon les nou­veaux livres litur­giques. C’est pour­quoi il faut faire atten­tion à ce que les fidèles qui demandent la messe in for­ma extra­or­di­na­ria aient aus­si accès à la richesse spi­ri­tuelle et à la pro­fon­deur théo­lo­gique de la Messe in for­ma ordi­na­ria afin que « le Missel de Paul VI puisse unir les com­mu­nau­tés parois­siales et être aimé de leur part » (lettre de Benoît XVI aux Evêques du 7 juillet 2007). Pour cette rai­son, une pra­tique reli­gieuse qui se limi­te­rait de manière exclu­sive à la célé­bra­tion de la Messe in for­ma extra­or­di­na­ria, ne peut être acceptée.

Et pour que tout soit bien net dans l’esprit des prêtres qui envi­sa­ge­raient l’éventualité d’une célé­bra­tion de la messe tri­den­tine, un rap­port détaillé est deman­dé à l’article 16 : « Afin que 1’évêque puisse exau­cer le désir du Pape qui sou­haite rece­voir un compte-​rendu des expé­riences faites avec l’exécution du Motu pro­prio, le curé devra infor­mer le Vicaire géné­ral si, dans sa paroisse, les demandes d’un groupe de fidèles dési­rant la Messe in for­ma extra­or­di­na­ria ont été accep­tées. Il devra indi­quer en même temps le nombre des requé­rants, le nombre de fidèles par­ti­ci­pant à la messe ain­si que le nom du célébrant ».

Depuis la publi­ca­tion de ce texte, Mgr Mixa aurait reçu quelques répri­mandes romaines qui l’auraient contraint à s’adoucir. Nous étu­die­rons cet adou­cis­se­ment dans notre pro­chaine livrai­son, avec les lignes direc­trices adop­tées par la Conférence des évêques alle­mands au cours de leur réunion annuelle à Fulda.

… aux Philippines

Le Président de la Conférence épis­co­pale des Philippines, Mgr Angel N. Lagdameo, arche­vêque de Jaro, a fait une décla­ra­tion offi­cielle sur la messe tri­den­tine, le 9 juillet 2007, dans laquelle il se montre moins vétilleux et plus large que ses confrères européens.

« Nous accueillons entiè­re­ment, avec res­pect, et nous appré­cions la récente Lettre Apostolique du Pape Benoît XVI sur la messe ‘tri­den­tine’. Elle cla­ri­fie pour nous le sta­tut de cette messe tri­den­tine en latin.

« D’après la Lettre Apostolique (Motu pro­prio) inti­tu­lée Summorum Pontificum du pape Benoît XVI la célé­bra­tion de la messe dite tri­den­tine, qui est en latin, et approu­vée par le Bx Pape Jean XXIII en 1962, reste entiè­re­ment per­mise comme une forme extra­or­di­naire de la messe. La messe tri­den­tine n’a jamais été inter­dite ou abro­gée.

« La messe dite ‘nou­velle’ qui a été intro­duite après le Concile Vatican II et approu­vée par le pape Paul VI, en 1970, est deve­nue plus popu­laire par­mi les fidèles parce qu’elle per­met­tait l’usage de quelques adap­ta­tions approu­vées, y com­pris l’usage des langues ver­na­cu­laires et des dia­lectes. Elle est deve­nue la forme ordi­naire de la messe, lar­ge­ment célé­brée dans les paroisses.

« Quand peut-​on célé­brer la messe tri­den­tine (messe en latin) ? Selon la lettre du pape Benoît XVI, elle peut être célé­brée par les prêtres catho­liques du rite latin : a) pour les messes pri­vées, b) pour la messe conven­tuelle ou messe de com­mu­nau­té en accord avec les sta­tuts par­ti­cu­liers de la congré­ga­tion, c) dans les paroisses à la demande des fidèles et sous la direc­tion de l’évêque (d’après le Canon 392). Dans ces messes, cepen­dant, les lec­tures peuvent être faites en langue vernaculaire.

« La per­mis­sion don­née par le pape Benoît XVI signi­fie que la messe en latin et selon la for­mule du Concile de Trente, d’où le nom de ‘tri­den­tine’, avec le célé­brant tour­nant le dos aux fidèles, peut être célé­brée, puisqu’elle n’a jamais été inter­dite ou abro­gée. Pour les nou­veaux prêtres, cela exi­ge­ra une for­ma­tion pour la messe en latin ». (…)

Revue de la presse canadienne sur la messe traditionnelle

Au Canada, deux jour­naux anglo­phones et un quo­ti­dien fran­co­phone ont ouvert leurs colonnes à la mise en appli­ca­tion du Motu Proprio.

« Les prêtres de Montréal disent qu’ils ne sont pas pres­sés de retour­ner au latin pour la messe » – publié par The Gazette du25 sep­tembre (Montréal)

« Le décret du pape ne cor­res­pond pas à la réa­li­té, on n’en a même pas par­lé », déclare un curé.

Le pape Benoît XVI a bien pu don­ner sa béné­dic­tion à un usage plus éten­du de la messe tra­di­tion­nelle en latin dans les églises catho­liques du monde entier, sa déci­sion ne fait pas pour autant tra­vailler les prêtres de Montréal sur le latin.

« Je n’ai pas eu une seule per­sonne à me deman­der ou même à faire allu­sion au fait que nous devrions avoir une messe en latin », dit John Walsh, le curé de l’église St. Jean de Brébeuf à La Salle.

En fait, la déci­sion du pape, cet été, de pro­mou­voir l’ancienne messe en latin n’a pas même été évo­quée dans les dis­cus­sions que J. Walsh a eu avec ses confrères. « J’ai par­lé à des prêtres, mais per­sonne n’a ame­né ce sujet dans la conver­sa­tion, » a‑t-​il pré­ci­sé. « Cela ne signi­fie rien pour mes amis prêtres. » J. Walsh déclare qu’il a célé­bré la messe en latin pour la der­nière fois dans une église de Dorval en 1968. Mais quand il a deman­dé à des parois­siens si c’était cette messe qu’ils vou­laient, ils ont répon­du : « Jamais plus, mer­ci beaucoup ».

J. Walsh affirme que la déci­sion de l’Eglise catho­lique, en juillet der­nier, d’autoriser un plus large usage de la messe tra­di­tion­nelle était une ten­ta­tive du Vatican d’envoyer un rameau d’olivier aux dis­ciples de Mgr Lefebvre, qui s’était sépa­ré de Rome à cause de l’introduction de la nou­velle messe et d’autres réformes dans l’Eglise. Le Vatican l’avait excom­mu­nié en 1988 après qu’il ait consa­cré quatre évêques.

Les prêtres du coin disent qu’ils ne s’attendent pas à être sub­mer­gés de demandes pour l’ancienne litur­gie parce que les catho­liques tra­di­tio­na­listes qui veulent avoir la messe en latin peuvent y assis­ter dans quelques églises de Montréal, en par­ti­cu­lier à l’église St. Joseph dans le quar­tier de la Petite Italie.

La messe tra­di­tion­nelle a été lar­ge­ment mar­gi­na­li­sée à la suite des réformes de Vatican II, concile qui a eu lieu entre 1962 et 1965. Les langues ver­na­cu­laires ont rem­pla­cé le latin et les prêtres se sont tenus face à l’assemblée au lieu de lui tour­ner le dos.

Avant le décret du pape en juillet der­nier, les prêtres ne pou­vaient célé­brer la messe tri­den­tine qu’avec la per­mis­sion de leur évêque. Mais depuis ce mois-​ci, les prêtres n’ont plus besoin de la per­mis­sion de l’évêque et peuvent célé­brer la messe tri­den­tine si « un groupe stable de fidèles » le demandent, a décré­té Benoît XVI.

Mais John Walsh dit que la majo­ri­té de ceux qui vont à la messe aujourd’hui ne veulent pas d’une messe dite en latin.

Nous uti­li­sons la langue du peuple, ain­si nous pou­vons expri­mer notre foi et la com­prendre, affirme-​t-​il. « Les gens sont très heu­reux de pou­voir com­prendre le mys­tère de l’eucharistie dans leur propre langue. »

« Cela met la messe sur un autre plan » – paru dans The Record du 29 sep­tembre 2007, jour­nal de Kitchener, Ontario. par Mirko Petricevik

Les fidèles de Kitchener disent que la messe en latin est comme la redé­cou­verte d’un trésor.

Pour une petite assem­blée de catho­liques à Kitchener, dimanche der­nier, célé­brer (sic) la messe était leur manière habi­tuelle d’entrer dans un mys­tère divin. Pour d’autres, il leur aurait sem­blé qu’ils remon­taient le temps. Beaucoup de femmes dans les bancs avaient cou­vert leur tête d’une man­tille. Le prêtre accom­plit la plus grande par­tie de la litur­gie en tour­nant le dos à l’assemblée. Et le son qui s’élevait vers les voûtes n’était plus un bruit fami­lier dans les églises depuis 40 ans.

Les 50 fidèles réunis à l’église catho­lique romaine de Sainte-​Anne assis­taient à la grand messe chan­tée en latin.

Pour le moment, c’est la seule messe heb­do­ma­daire tri­den­tine célé­brée dans la région de Waterloo. A la suite de l’annonce faite par le pape Benoît XVI cet été, il pour­rait y en avoir bien­tôt plus.

Jusque dans les années 70, la messe tri­den­tine était depuis des siècles la norme pour la célé­bra­tion de l’Eglise catho­lique romaine. Mais après Vatican II – plu­sieurs ses­sions d’évêques, entre 1962 et 1965, qui déci­dèrent un aggior­na­men­to de la litur­gie –, une nou­velle messe célé­brée en ver­na­cu­laire devint la norme par­tout dans le monde. En pra­tique, la messe tri­den­tine ne pou­vait être célé­brée qu’avec la béné­dic­tion de l’évêque res­pon­sable du ter­ri­toire ou dio­cèse, où elle devait avoir lieu. Quand la nou­velle messe a été ins­ti­tuée, il y a près de 40 ans, le chan­ge­ment a été reçu comme un sou­la­ge­ment par cer­tains, mais comme une immense perte par d’autres. Pour beau­coup de catho­liques tra­di­tion­nels, la célé­bra­tion en latin, avec son déco­rum, était plus solen­nelle et plus digne. Des tra­di­tio­na­listes ont défié le Vatican et ont conti­nué à célé­brer l’ancienne messe, sans l’approbation des évêque dio­cé­sains. Bien que les rela­tions semblent se réchauf­fer, ces groupes ne sont pas encore entiè­re­ment récon­ci­liés. Cependant, pour beau­coup de catho­liques, l’ancienne messe com­por­tait des obs­tacles, comme le latin et le fait que le prêtre célé­brait la plus grande par­tie de la litur­gie en tour­nant le dos aux paroissiens.

Dans le dio­cèse d’Hamilton, qui com­prend les paroisses de la région de Waterloo, une messe tri­den­tine est régu­liè­re­ment célé­brée depuis les années 80, mais en des lieux dif­fé­rents au cours des ans.

La tra­di­tion incomprise

« L’orientation du prêtre pen­dant la messe tri­den­tine est sou­vent mal com­prise », dit l’abbé Howard Venette qui a célé­bré dimanche der­nier à l’église Sainte-Anne.

« Les églises sont sou­vent bâties comme des vais­seaux », a‑t-​il expli­qué lors de l’entretien qu’il nous a accor­dé, « Comme prêtre, ou comme capi­taine si vous vou­lez, le célé­brant conduit les fidèles vers Dieu ».

« Nous sommes tous tour­nés vers Dieu avec le prêtre comme média­teur et pas­teur. Pas sim­ple­ment dos au peuple ».

« De même, déclare l’abbé Venette, le latin convient parce que c’est la langue de la messe depuis de nom­breux siècles. Le latin élève aus­si la messe, ajoute-​t-​il. Cela élève la messe au-​dessus de l’ordinaire, de l’expérience quo­ti­dienne et terre à terre des choses. Cela met la messe sur un autre plan ».

Dans la messe il s’agit « du mys­tère de la pré­sence du Seigneur. Il est hau­te­ment sym­bo­lique que la langue soit elle-​même mys­té­rieuse ; elle vous amène ain­si à une com­pré­hen­sion du mys­tère », affirme-t-il.

L’abbé Venette, le curé de l’Oratoire Reine des Anges à St. Catharines, appar­tient à la Fraternité Saint-​Pierre, dont les membres sont voués à la conser­va­tion et à la célé­bra­tion de la messe tridentine.

Depuis que Benoît XVI a annon­cé que l’approbation de l’évêque du lieu ne serait plus néces­saire à par­tir du 14 sep­tembre, la Fraternité a été invi­tée dans plus de 15 dio­cèses en Amérique du Nord.

Alors que les parois­siens sor­taient de Sainte-​Anne dimanche der­nier, Virginia Miller bavar­dait avec les autres fidèles. Elle nous a décla­ré qu’elle assis­tait à la messe tri­den­tine des envi­rons depuis à peu près une dizaine d’années. Elle trouve que c’est la messe la plus pleine de révé­rence. D’autres parois­siens opi­naient du chef. « C’est aus­si la messe avec laquelle beau­coup de gens ont gran­di », dit-​elle. « On a l’impression de reve­nir chez soi. Mais la messe tri­den­tine n’est pas une ques­tion de nos­tal­gie », dit Ray Novokowsky, un autre fidèle qui aide à l’organisation de la messe heb­do­ma­daire. « C’est une redé­cou­verte, déclare-​t-​il, la redé­cou­verte d’un trésor ».

« Catholiques et… voi­lées » - dans La Presse du 24 sep­tembre 2007 (Montréal), par Mario Girard

La plu­part des femmes por­taient une man­tille blanche ou noire. Une affiche à l’entrée de l’église est d’ailleurs consa­crée au code vestimentaire.

La scène est dépay­sante. Plusieurs dizaines de fidèles récitent et chantent des prières en latin devant un prêtre entou­ré d’enfants de choeur. Entre des coups de clo­chettes et des balan­ce­ments d’encensoir, on plonge son nez dans un missel.

Autre détail qui sur­prend : toutes les femmes ont la tête cou­verte d’un voile de den­telle. On se croi­rait dans les années 60. Pourtant, on est bien à Montréal, en 2007, dans une église catholique.

Tous les dimanches, l’abbé Dominique Boulet se rend à l’église Saint-​Joseph, rue Dante, pour y dire la messe en latin. Membre de la Fraternité Saint-​Pie X, le prêtre défend depuis une ving­taine d’années le rite latin, qui vient de rece­voir l’approbation du pape Benoît XVI.

« Le 7 juillet der­nier, Benoît XVI a publié un motu pro­prio qui redonne tous ses droits à la messe tra­di­tion­nelle en latin, explique l’abbé Boulet, assis der­rière un bureau, dans une sou­tane noire qu’il ne quitte jamais. Depuis le 14 sep­tembre, cette déci­sion est offi­ciel­le­ment en vigueur », ajoute-t-il.

Grâce aux trois prêtres de la Fraternité Saint-​Pie X du Québec, des messes en latin sont actuel­le­ment célé­brées à Shawinigan, à Ottawa et à Montréal. La Presse y a assis­té à l’église Saint-​Joseph. On y a appris que des gens viennent d’aussi loin que Saint-​Jérôme ou Cornwall, en Ontario, pour renouer avec des rituels que les moins de 40 ans ne connaissent pas.

« Ça, c’est une vraie messe », lance un parois­sien avec une satis­fac­tion non dissimulée.

« Dans le rite latin, c’est la seule messe qui tra­duise véri­ta­ble­ment la foi catho­lique, nous explique Pierre Messier, un autre fidèle. C’est clair que le Novus ordo est déficient. »

Le Novus ordo, c’est ce qui est né du concile Vatican II, qui s’est dérou­lé entre 1962 et 1965, et qui a fait entrer l’Église catho­lique dans la moder­ni­té. « Le catho­li­cisme a pro­cé­dé à une capi­tu­la­tion, reprend M. Messier. Il n’aurait pas dû. Ceux qui ont fait Vatican II avaient des problèmes. »

Alors que les catho­liques du Québec ten­taient de redé­fi­nir leurs rites reli­gieux dans des messes à gogo, d’autres fidèles s’obstinaient à vou­loir pré­ser­ver les célé­bra­tions latines. Devant l’insistance de l’archevêché de Montréal, qui vou­lait défi­ni­ti­ve­ment mettre un frein à cette pra­tique, cer­tains avaient même occu­pé une église au milieu des années 70 pour expri­mer leur atta­che­ment au tra­di­tio­na­lisme. Léo Laberge fai­sait par­tie de ceux-là.

« Nous avons pas­sé 15 jours d’affilée dans l’église Sainte-​Yvette en sou­tien à l’abbé Normandin, qui défen­dait cela, raconte M. Laberge. J’ai tou­jours cru en cela. Nos églises sont vides, alors qu’on construit des mos­quées à Montréal. Peut-​être que, s’il y avait plus de messes comme celles-​là, on aurait plus de pratiquants. »

Des femmes catho­liques voilées

Parmi les per­sonnes qui assis­taient à la messe d’hier, il y avait plu­sieurs femmes. La plu­part por­taient une man­tille blanche ou noire. Une affiche, à l’entrée de l’église, est d’ailleurs consa­crée au code vestimentaire.

« Nous rap­pe­lons la tra­di­tion bimil­lé­naire qui requiert que les femmes aient la tête cou­verte », peut-​on lire dans ce texte sur la « Modestie chré­tienne ». Plus haut, on invite les femmes à por­ter des « jupes qui tombent huit pouces en-​dessous des genoux ».

« Où est le pro­blème ? demande Pierre Messier. Ces femmes ne portent le voile que pen­dant la messe. Les musul­manes, elles, le portent 24 heures par jour. L’islam ne fait pas la dif­fé­rence entre le civil et le religieux. »

Venue avec son mari, Michèle Guy s’étonne de notre ques­tion. « Ah oui ? Il y a un débat sur le port du voile ? Moi je ne vois aucun mal à cela. Ce qui compte, pour nous, c’est de retrou­ver ce que nous avions perdu. »

Aux nom­breux rituels de la messe tra­di­tion­nelle en latin sont gref­fées cer­taines valeurs. L’abbé Boulet les défend avec aplomb. Le sexe avant le mariage ? « C’est non », tranche-​t-​il. L’homosexualité ? « C’est clair, c’est contre nature. » L’alcool et la drogue ? « Si c’est un petit verre, ça peut aller. Si c’est un vice, c’est non. » La contra­cep­tion ? « Non, nous sui­vons l’enseignement de l’Église et cela n’a pas changé. »

Mais quand on lui demande s’il se confor­me­rait à une déci­sion « révo­lu­tion­naire » du Vatican, comme par exemple la recon­nais­sance du mariage entre conjoints de même sexe, l’abbé Boulet devient hési­tant. « On suit l’enseignement… Et de toute façon je ne peux pas croire que l’Église accep­te­rait une chose pareille. »