Réponse de Mgr Lefebvre à l’abbé de Nantes : « Si un Évêque rompt avec Rome ce ne sera pas moi ! » – 19 mars 1975

Cher Monsieur l’Abbé,

Vous recon­naî­trez, je pense, que ce n’est pas moi qui ai sou­hai­té que nous échan­gions des lettres qui deviennent publiques.

Je vous l’ai déjà écrit. Les débats de ce genre ne font qu’af­fai­blir les forces spi­ri­tuelles dont nous avons besoin pour com­battre l’er­reur et l’hé­ré­sie. L’indélicatesse de votre pro­cé­dé est telle que je serais demeu­ré silen­cieux si vous n’a­viez pas dans vos deux der­nières publi­ca­tions écrit des articles très insi­dieux et pou­vant me cau­ser préjudice.

Le pre­mier avait trait à la rup­ture, esti­mée par vous sou­hai­table, d’un Évêque avec Rome. Sans doute aucune allu­sion expli­cite n’é­tait faite. Cependant dans les lignes qui sui­vaient vous citiez mon nom à l’oc­ca­sion du pèle­ri­nage du Credo. Les lec­teurs peu aver­tis ont immé­dia­te­ment fait le rap­pro­che­ment entre celui que vous nom­miez et les lignes qui pré­cé­daient. Ce pro­cé­dé est odieux.

Sachez que si un Évêque rompt avec Rome ce ne sera pas moi. Ma « Déclaration » le dit assez expli­ci­te­ment et for­te­ment. Et c’est à son pro­pos que je dois vous dire aus­si mon entier désac­cord avec les com­men­taires que vous y avez joints dans votre der­nier numé­ro, qui expriment ce que vous sou­hai­tez, ce que vous vou­driez y voir, mais non ce qui est.

Nous pen­sons que lorsque l’Apôtre Paul a adres­sé des reproches à Pierre il a gar­dé et même mani­fes­té envers le chef de l’Église l’af­fec­tion et le res­pect qui lui sont dus. Saint Paul était, en même temps, « avec » Pierre chef de l’Église qui au Concile de Jérusalem avait don­né des pres­crip­tions claires, et « contre » Pierre qui dans la pra­tique agis­sait à l’op­po­sé de ses propres instructions.

Ne sommes-​nous pas ten­tés d’é­prou­ver ces sen­ti­ments aujourd’­hui, en maintes occa­sions ? Mais cela ne nous auto­rise pas à mépri­ser le suc­ces­seur de Pierre, et doit nous inci­ter à prier pour lui avec une fer­veur tou­jours plus grande.

Avec le Pape Paul VI nous dénon­çons le néo-​modernisme, l’auto-​démolition de l’Église, la fumée de Satan dans l’Église et en consé­quence nous refu­sons de coopé­rer à la des­truc­tion de l’Église par la pro­pa­ga­tion du moder­nisme et du pro­tes­tan­tisme en entrant dans les réformes qui en sont ins­pi­rées même si elles nous viennent de Rome.

Comme j’ai eu l’oc­ca­sion de le dire récem­ment à Rome à pro­pos du Concile Vatican II : le Libéralisme a été condam­né pen­dant un siècle et demi par l’Église. Il est entré dans l’Église à la faveur du Concile. L’Église se meurt des consé­quences pra­tiques de ce libéralisme.

Nous devons donc tout faire pour aider l’Église et ceux qui la gou­vernent à se déga­ger de cette emprise satanique.

Voilà le sens de ma « Déclaration ». Quant à vos illo­gismes et au fait que vous ne m’ayez pas ren­con­tré à Écône, je n’en par­le­rai pas, ce sont des vétilles à côté du pro­blème capi­tal que je viens d’évoquer.

Veuillez agréer, cher Monsieur l’Abbé, mes sen­ti­ments res­pec­tueux et cor­dia­le­ment dévoués in Christo et Maria.

† Marcel LEFEBVRE, le 19 mars 1975 en la fête de saint Joseph.