Saint Pie X

257ᵉ pape ; de 1903 à 1914

15 novembre 1904

Allocution aux Jurisconsultes catholiques français

Le bon combat pour les droits de Dieu

Très chers fils,

Bien douce, Très Chers Fils, est la joie que Nous res­sen­tons de votre pré­sence. Nous savons com­bien vous vous dis­tin­guez à la fois par vos émi­nentes ver­tus, par l’é­ten­due de vos connais­sances et par votre com­pé­tence, sur­tout dans les sciences juri­diques et légales. Vous venez de Nous adres­ser des paroles qui ont reten­ti bien agréa­ble­ment dans Notre âme : d’une part, cet expo­sé si lumi­neux que Nous a fait des ori­gines de votre Société le véné­rable évêque de Montpellier ; de l’autre, ces cha­leu­reux accents de foi, de dévoue­ment, de saint cou­rage sor­tis de la bouche du très dis­tin­gué séna­teur, votre président.

Il n’est que trop mani­feste pour tous où tendent, depuis bien long­temps, les impies pro­jets et le but final des enne­mis de l’Église catho­lique. Ce qu’ils vou­draient, c’est éteindre la foi du peuple chré­tien en y semant leurs néga­tions et les doutes de leur incré­du­li­té ; c’est étouf­fer par l’indifférence tout sen­ti­ment de géné­ro­si­té ; c’est éloi­gner les peuples de cette chaire de véri­té et les sous­traire à l’obéissance du Vicaire de Jésus-​Christ, afin de les faire ser­vir à l’exécution de leurs téné­breux desseins.

On ne sau­rait, sans nul doute, rien ima­gi­ner de plus funeste, soit aux inté­rêts de la reli­gion, soit au véri­table bien-​être des peuples, alors que l’Église, avec ses doc­trines et ses ensei­gne­ments, avec sa morale, ses lois et les innom­brables moyens de sanc­ti­fi­ca­tion dont elle dis­pose, pro­cure non seule­ment l’éternel salut de cha­cun de ses fidèles enfants, mais encore le bien tem­po­rel des socié­tés, qu’en vain on cher­che­rait en dehors de Dieu et de sa providence.

Dès lors, qui pour­rait appré­cier à toute sa valeur le mérite de ces hommes bénis, qui, pour mieux obéir au pré­cepte de Dieu ordon­nant à chaque homme de s’intéresser à son pro­chain – Et man­da­vit illis uni­cuique de proxi­mo suo,1 – s’unissent par des liens spé­ciaux, afin de s’opposer plus effi­ca­ce­ment à cette ligue infer­nale, de faire res­plen­dir avec plus d’éclat sur les peuples le soleil de la véri­té et d’y semer plus abon­dam­ment les germes de l’amour et de la vertu ?

C’est pour­quoi, Nos Très Chers Fils, Nous vous féli­ci­tons de tout cœur et Nous féli­ci­tons tous les membres de votre Société qui, depuis trente ans, se dévoue à cette double fin. Vous com­bat­tez les bons com­bats, en défen­dant, soit dans vos rela­tions pri­vées, soit en public, devant les tri­bu­naux, les droits de Dieu et de l’Église, la pro­prié­té et la liber­té de ses fils ; vous oppo­sez une bar­rière à l’im­pié­té, qui pré­tend sup­pri­mer les noms mêmes de Dieu, de son Église et de ceux qui en pro­clament les lois saintes et les préceptes.

Nous vous féli­ci­tons de plus, ô géné­reux cham­pions de la bonne cause, de ce que, recon­nais­sant les devoirs que vous impose le rang dis­tin­gué qui vous a été dépar­ti dans la socié­té, vous exer­cez de fait une puis­sante influence sur le peuple, que votre exemple retient dans l’u­nion avec le Christ et son Église.

Nous vous féli­ci­tons, auxi­liaires et pro­tec­teurs fidèles des reli­gieux et des pas­teurs des âmes. Vous voyant ain­si à leurs cotés aux heures de com­bat, ils sentent dou­bler leurs forces et, grâce à votre élo­quence, se mul­ti­plier au cen­tuple les fruits de leur ministère.

Soyez donc féli­ci­tés, glo­rieux défen­seurs des per­sé­cu­tés et des oppri­més ; les prières de tant d’âmes recon­nais­santes qui ont été l’objet de votre zèle vous obtien­dront du ciel, soyez-​en sûrs, les plus pré­cieuses bénédictions.

Sans doute, et Nous ne pou­vons l’ignorer, habi­tués en chré­tiens fer­vents à rem­plir scru­pu­leu­se­ment vos devoirs envers Dieu et envers les hommes, riches de tous les mérites que Nous venons de rap­pe­ler, vous n’ambitionnez pas que la reli­gion vous féli­cite et vous décerne des éloges. Vous aimez, au contraire, à vous redire ces paroles que Jésus-​Christ a lui-​même sug­gé­rées à ses apôtres : « Nous sommes des ser­vi­teurs inutiles : nous n’avons fait que notre devoir. Servi inutiles sumus, quod debui­mus facere feci­mus. » (Lc 17, 10).

Mais si vous récu­sez les éloges de la reli­gion, agréez du moins ceux de votre patrie, qui voit en vous le prin­cipe de son salut. Agréez ceux du Pasteur suprême des âmes, qui appré­cie hau­te­ment votre ver­tu, vos tra­vaux, vos sacri­fices et qui déjà entre­voit les heu­reux résul­tats pour le calme et la paix de l’Église.

Lors du cata­clysme du déluge uni­ver­sel, Dieu a conser­vé dans la famille de Noé le germe de la résur­rec­tion du genre humain. Vous êtes les dépo­si­taires d’un germe ana­logue. Par vous, la géné­ra­tion future sera appe­lée du nom du Seigneur : Annuntiabitur Domino gene­ra­tio ven­tu­ra (Ps 21, 32). Par vous, cette géné­ra­tion vivra pour Dieu et le ser­vi­ra. Daigne le Tout-​Puissant exau­cer au plus tôt Notre vœu ! En atten­dant, comme gage de cette céleste faveur et de Notre par­ti­cu­lière affec­tion, Nous vous accor­dons à tous, ici pré­sents, à tous les membres de votre Société, à vos parents et à vos amis, la Bénédiction apostolique.

  1. « Et Il a don­né à cha­cun d’eux des ordres au sujet de son pro­chain. » (Si 17, 12.) []
11 avril 1909
Béatification des trente-quatre martyrs de Chine, d’Annam et du Tonkin, François de Capillas, E.-Th. Cuénot, J.-P. Néel, P.-Fr. Néron, J.-Th. Vénard et leurs compagnons.
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