L’Institut international pour l’unification du Droit privé fut fondé en 1928 et a son siège à Rome (via Panisperna 28).
Il a pour but d’étudier et de coordonner les droits privés des différents États et de préparer graduellement l’élaboration d’un règlement uniforme dans le domaine du droit civil et commercial. Cet Institut tint un Congrès à Rome ; vingt-huit nations y étaient représentées. Le Pape en recevant ses membres, leur dit :
Soyez les bienvenus, Messieurs, car c’est une vraie joie pour Nous de vous voir réunis ici au 20e anniversaire de « l’Institut international pour l’unification du Droit privé ».
Après vingt ans passés dans un austère labeur, votre jubilé illumine d’un rayon de bienfaisante clarté la nuit épaisse qui enveloppe la situation présente de l’humanité, qui pèse sur notre civilisation occidentale et projette tout particulièrement son ombre sur tout le domaine juridique.
Croyez-le bien, nul ne le sent plus profondément que l’Église qui se regarde à bon droit comme la mère de cette civilisation occidentale, de qui les peuples, non seulement de l’Europe et de l’Amérique, mais de l’univers tout entier, ont reçu et reçoivent encore aujourd’hui l’impulsion.
Le Saint-Père montre qu’il est difficile de concilier : – Le respect des autonomies particulières ; – La nécessité de s’entendre sur des règles communes.
C’est vous dire assez le vif intérêt que Nous avons pris à l’exposé de l’activité déployée jusqu’à présent par votre Institut. Opus arduum, certes ! et qui fait honneur à l’intelligence, à la science et au labeur de ceux qui s’y sont dépensés ! Nous ajoutons volontiers : œuvre aussi d’infatigable patience, de ténacité à poursuivre le but proposé, œuvre de tact prudent et délicat dans l’examen des possibilités, si diverses suivant la capacité et les caractères propres à chaque peuple. Œuvre surtout d’imperturbable confiance dans le sens du droit et de la justice, inné au cœur de l’humanité. Quel témoignage tangible de la conviction que sous l’inépuisable variété des formes, le droit présente un fond d’éléments juridiques communs !
L’Église de son côté, a toujours professé qu’il existait un droit commun à l’ensemble des peuples.
Dieu merci ! Nous ne demeurons pas en arrière et Nous accueillons avec un vif plaisir l’occasion que vous Nous offrez de manifester une fois encore Notre propre confiance dans ce sens du droit et de la justice, profondément ancré dans la nature humaine ; Notre propre conviction du fait de ce riche fond juridique, commun à tous les peuples. Puissiez-vous trouver dans cette déclaration du Chef de l’Église universelle, un encouragement et un stimulant à poursuivre courageusement votre tâche.
L’existence de ce droit commun est basée sur la croyance en une personnalité humaine toujours identique à elle-même, quant à son fond :
On ne saurait, en effet, prétendre unifier le droit privé des peuples sans d’abord être convaincu de l’existence inéluctable et partout valide de ce droit. Et d’autre part, comment pourrait-on être convaincu de son existence et de sa valeur universelle sans l’être du rayonnement nécessaire de la personnalité humaine sur les multiples relations des hommes entre eux, même et surtout dans le domaine des biens et des services ?
Le droit naturel est fondé sur les exigences de la personne humaine. Le droit public civil ne peut que préciser ce droit premier ; le droit public n’est pas inventé artificiellement :
Ceux-là seuls qui ne veulent voir, dans l’individu qu’une simple unité qui fait nombre avec une infinité d’autres tout aussi anonymes, qu’un simple élément d’une masse amorphe, d’un conglomérat qui est tout l’opposé d’une société quelconque peuvent se bercer de la vaine illusion de régler tous les rapports entre les hommes uniquement sur la base du droit public. Sans compter que le droit public lui-même s’effondre du jour où la personne cesse d’être considérée, avec tous ses attributs, comme l’origine et la fin de toute vie sociale.
En particulier, en ce qui concerne le droit de propriété, il faut énoncer ce droit comme s’inscrivant dans les nécessités mêmes de toute personne humaine :
Ces réflexions valent avant tout dans les questions du droit privé relatives à la propriété. C’est là le point central, le foyer autour duquel, par la force des choses, gravitent vos travaux. La reconnaissance de ce droit tient ferme ou croule avec la reconnaissance des droits et des devoirs imprescriptibles, inséparablement inhérents à la personnalité libre qu’il a reçue de Dieu.
Seuls ceux qui nient la vraie dignité de la personne humaine peuvent professer la négation de la propriété privée.
Celui-là seul qui refuse à l’homme cette dignité de personne libre, peut admettre la possibilité de substituer au droit à la propriété privée (et par conséquent, à la propriété privée elle-même) on ne sait quel système d’assurances ou garanties légales de droit public.
Il pèse aujourd’hui sur l’humanité une grave menace ; c’est de voir l’humanité se diviser à propos de deux conceptions irréductibles de l’homme et par là des fonctions de la propriété :
Puissions-nous ne pas voir se lever le jour où, sur ce point, une cassure définitive viendrait séparer les peuples ! De difficile qu’il est déjà, le travail d’unification du droit privé deviendrait radicalement impossible. Du même coup, un des maîtres-piliers, qui ont soutenu durant tant de siècles l’édifice de notre civilisation et de notre unité occidentale, céderait, et pareil à ceux des temples antiques, resterait gisant sous les ruines amoncelées par sa chute.
On constate, de fait, de plusieurs côtés, qu’on bat en brèche – tant dans le droit privé que dans le droit public – ce droit naturel de propriété :
Grâce à Dieu, nous n’en sommes point encore là ! Pourtant, le manque de scrupule, avec lequel on viole aujourd’hui des droits privés incontestables non seulement dans la conduite particulière de certains peuples, mais aussi dans des conventions internationales et dans des interventions unilatérales, est de nature à alarmer tous les gardiens qualifiés de notre civilisation.
Néanmoins de plusieurs côtés d’éminents spécialistes sont conscients de ce danger et étudient le moyen de restaurer la saine notion du droit de propriété :
Encore une fois, nous n’en sommes point encore là, et dans la vie juridique des peuples les forces saines semblent enfin se ressaisir, reprendre vigueur et permettre l’espérance. Un symptôme de ce renouveau est précisément à Nos yeux la persistance et la persévérance de votre Institut, auquel bon nombre d’États et d’organisations ont jusqu’à présent assuré leur appui et, Nous n’en doutons pas, continueront de le lui prêter. Aussi est-ce de tout cœur que Nous vous renouvelons l’expression du confiant intérêt que Nous prenons à ce jubilé tandis que Nous appelons sur vous, sur vos familles, sur tous ceux qui vous sont chers, l’abondance des grâces et des bénédictions divines.
Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Labergerie. – D’après le texte français de l’Osservatore Romano, du 21 mai 1948.