Léon XIII

256ᵉ pape ; de 1878 à 1903

25 janvier 1897

Constitution apostolique Officiorum ac munerum

Sur l'interdiction et la censure des livres

Table des matières

Léon, Évêque

Serviteur des ser­vi­teurs de Dieu,

Pour mémoire perpétuelle.

Des devoirs et des charges dont le soin reli­gieux incombe à Notre digni­té apos­to­lique, le prin­ci­pal, qui les résume tous, est de veiller assi­dû­ment et d’ordonner tous Nos efforts à ce que la foi et les mœurs n’aient rien à souf­frir dans leur inté­gri­té. Si cette vigi­lance a jamais été néces­saire, c’est sur­tout à notre époque, où, au milieu d’une licence effré­née des esprits et des cœurs, presque toutes les doc­trines dont Jésus-​Christ le Sauveur des hommes a confié la garde à son Eglise pour le salut du genre humain sont tous les jours atta­quées et mises en péril. Dans ce com­bat, les habi­le­tés de nos enne­mis et leurs moyens de nuire sont certes variés et innom­brables ; au pre­mier rang est une dan­ge­reuse intem­pé­rance qui fait publier et répandre dans les masses de per­ni­cieux écrits. Un ne peut, en effet, rien conce­voir de plus funeste ni de plus cor­rup­teur pour les esprits que ce mépris public de la reli­gion et cet expo­sé des nom­breux appâts du vice. Aussi, dans la crainte d’un si grand mal, l’Eglise, gar­dienne vigi­lante de la foi et des mœurs, a vite com­pris prendre des mesures contre un tel fléau : c’est pour­quoi sa cons­tante pré­oc­cu­pa­tion a été de détour­ner les hommes autant qu’elle le pou­vait de ce ter­rible poi­son qu’est la lec­ture des mau­vais livres. Les pre­miers âges du chris­tia­nisme furent témoins du zèle ardent de saint Paul sur ce point ; et les siècles sui­vants purent consta­ter la vigi­lance des Saints Pères, les déci­sions des évêques, les décrets des Conciles ten­dant au même but.

L’histoire atteste le soin et le zèle vigi­lant des Pontifes romains à empê­cher la libre dif­fu­sion des ouvrages héré­tiques, véri­table cala­mi­té publique. L’antiquité chré­tienne est pleine de ces exemples. Anastase Ier condam­na rigou­reu­se­ment les écrits dan­ge­reux d’Origène ; Innocent Ier ceux de Pélage, et Léon le Grand tous ceux des mani­chéens. On connaît aus­si les Décrétales, publiées si à pro­pos par Gélase sur l’acceptation et la pro­hi­bi­tion des livres. De même, dans le cours des siècles, des sen­tences du Siège Apostolique ont frap­pé les livres funestes des mono­thé­lites, d’Abélard, de Marsile, de Padoue, de Wicleff et de Huss.

Au xve siècle, après l’invention de l’imprimerie non seule­ment on s’occupa des mau­vais écrits déjà parus, mais >on com­men­ça à prendre des mesures pour empê­cher dans la suite la publi­ca­tion d’ouvrages de ce genre. Ces pré­cau­tions étaient néces­si­tées, non par des motifs sans impor­tance, mais par le besoin abso­lu de pro­té­ger l’hon­nê­te­té publique et d’as­su­rer le salut de la socié­té ; en effet, cet art, excellent en soi, fécond en grands avan­tages, propre à favo­ri­ser la civi­li­sa­tion chré­tienne des nations, avait été promp­te­ment trans­for­mé, par un trop grand nombre, en un puis­sant ins­tru­ment de ruines. Les funestes effets des mau­vais écrits étaient aggra­vés et préci­pités par la rapi­di­té de leur dif­fu­sion. C’est donc très sage­ment qu’Alexandre VI et Léon X, nos pré­dé­ces­seurs, éta­blirent des lois pré­cises, fort appro­priées au temps et aux mœurs de l’époque, pour main­te­nir les libraires dans le devoir.

Bientôt s’éleva une tem­pête plus redou­table, et il fal­lut s’opposer avec une vigi­lance et une éner­gie crois­santes à la conta­gion des héré­sies. C’est pour­quoi le même Léon X, puis Clément X, inter­dirent, sous les peines les plus graves, de lire ou de conser­ver les livres de Luther. Mais les mal­heurs des temps ayant gros­si le flot impur des mau­vais livres qui enva­his­sait tous les pays, une répres­sion plus éten­due et plus effi­cace parut s’imposer. C’est ce remède que sut appli­quer le pre­mier Paul IV en dres­sant le cata­logue des écrits et livres inter­dits aux fidèles. Peu de temps après, les Pères du Concile de Trente mirent un nou­veau frein à la licence crois­sante des écrits et des lec­tures. Sur leur ordre, des pré­lats et des théo­lo­giens dési­gnés pour cela aug­men­tèrent et per­fec­tion­nèrent l’Index édi­té par Paul IV et éta­blirent les règles à suivre dans l’é­di­tion, la lec­ture et l’usage des livres ; Pie IV confir­ma ces règles de son auto­ri­té apostolique.

Le sou­ci du bien public, qui avait ins­pi­ré au début les règles du Concile de Trente, com­man­da éga­le­ment d’y appor­ter quelques modi­fi­ca­tions dans le cours des siècles. Aussi les Pontifes Romains, notam­ment Clément VIII, Alexandre VII, Benoît XIV, connais­sant les besoins de leur époque et tenant compte des lois de la pru­dence, publièrent des décrets expli­quant ces règles et les appro­priant aux circonstances.

Tous ces faits prouvent clai­re­ment que les Pontifes Romains se sont constam­ment pré­oc­cu­pés de pré­mu­nir la socié­té contre les erreurs de l’esprit et la cor­rup­tion des mœurs ; cette double cause de ruine et de honte pour les Etats, engen­drée et mul­ti­pliée par les mau­vais livres. Le résul­tat ne trom­pa point leurs efforts aus­si long­temps que la loi éter­nelle pré­si­da aux ordres et aux interdic­tions dans le gou­ver­ne­ment des peuples, et que les chefs d’Etat agirent d’un com­mun accord avec l’autorité religieuse.

On sait ce qui arri­va dans la suite. Les hommes et les circons­tances s’é­tant sen­si­ble­ment modi­fiés, l’Eglise, avec sa pru­dence accou­tu­mée, pre­nant en consi­dé­ra­tion les besoins de l’é­poque, fit ce qui parut plus utile et plus avan­ta­geux. Quelques pres­crip­tions de l’Index, qui avaient per­du de leur oppor­tu­ni­té, furent rappor­tées par décret, ou bien l’Eglise les lais­sa, avec bien­veillance et sagesse, tom­ber en désué­tude. Plus récem­ment, par des lettres adres­sées aux arche­vêques et évêques, Pie IX, en ver­tu de son auto­ri­té apos­to­lique, adou­cit en grande par­tie la règle X. En outre, peu avant le Concile du Vatican, il confia à des savants char­gés de pré­pa­rer les ques­tions à trai­ter, le soin d’examiner, d’apprécier toutes les règles de l’Index, et de juger quelles déci­sions il serait bon de prendre. Tous furent d’avis de les modi­fier. La plu­part des Pères décla­raient ouver­te­ment qu’ils accep­taient ces modi­fi­ca­tions et même les dési­raient. Il existe à ce sujet une lettre des évêques fran­çais, pro­cla­mant la néces­si­té d’établir sans retard ces règles et tout ce qui concerne l’Index sur de nou­velles bases, mieux adap­tées à notre siècle, les ren­dant ain­si plus faciles à obser­ver. Ce fut aus­si à cette époque l’a­vis des évêques d’Allemagne, qui deman­daient net­tement une révi­sion et une rédac­tion nou­velle des règles de l’Index. Nombre d’évêques d’Italie et d’ailleurs par­ta­geaient ce sentiment.

Si on tient compte de l’époque, de la consti­tu­tion actuelle et des mœurs des peuples, la demande de tous ces évêques n’a­vait rien que de légi­time et de conforme à la mater­nelle cha­ri­té de l’Eglise. En effet, étant don­née la marche si rapide des esprits, il n’est aucun point du vaste champ des sciences, où les écri­vains ne fassent de trop libres incur­sions ; de là, ce flot quo­ti­dien de livres néfastes. Et, ce qui est plus grave, c’est non seule­ment la com­pli­ci­té des lois civiles pour un si grand mal, mais la liber­té sans bornes qu’on leur accorde. Il en résulte, d’une part, que beau­coup d’esprits abandon­nent la reli­gion ; d’autre part, qu’on peut impu­né­ment lire tout ce qu’on veut.

Pour remé­dier à ces maux, Nous avons pris deux déci­sions pro­pres à don­ner à tous sur ce point une ligne de conduite pré­cise et bien déter­mi­née : la révi­sion conscien­cieuse de l’Index et sa publi­ca­tion. Quant aux règles elles-​mêmes, Nous leur avons don­né un nou­veau carac­tère, et tout en res­pec­tant leur nature. Nous les avons adou­cies, de sorte qu’il ne soit ni dif­fi­cile ni pénible de s’y con­former pour tout homme bien dis­po­sé. En cela, Nous sui­vons l’exemple de Nos pré­dé­ces­seurs et Nous imi­tons la mater­nelle solli­citude de l’Eglise ; celle-​ci ne désire rien tant que de se mon­trer bien­veillante, elle a tou­jours su, elle a tou­jours à cœur d’en­tou­rer de soins zélés et affec­tueux la fai­blesse de ses fils souffrants.

Aussi, après un mûr exa­men, et après avoir pris conseil des car­di­naux de la Sacrée Congrégation de l’Index, Nous avons publié les Décrets géné­raux repro­duits ci-​dessous et joints à cette Constitution, décrets que cette même Congrégation devra appli­quer uni­que­ment dans la suite, et aux­quels devront se confor­mer exac­te­ment les catho­liques de l’u­ni­vers entier. Nous vou­lons qu’ils aient seuls force de loi, abro­geant les Règles du Saint Concile de Trente, les Observations. Distinctions, Décrets, Avertissements et déci­sions de tous Nos pré­dé­ces­seurs en cette matière, à l’ex­cep­tion de la seule Constitu­tion de Benoît XIV SOLLICITA ET PROVIDA que Nous vou­lons demeu­rer en vigueur dans l’a­ve­nir comme elle l’a été jusqu’à ce jour.

DÉCRETS GÉNÉRAUX
SUR LA PROHIBITION ET LA CENSURE DES LIVRES

Titre I. De l’interdiction des livres.

Ch. I. De l’interdiction des livres des apostats, des hérétiques, des schismatiques et autres écrivains.

1. Tous les livres condam­nés avant 1600 par les Souverains Pon­tifes ou les Conciles œcu­mé­niques et non men­tion­nés dans le nou­vel Index devront être regar­dés comme condam­nés de la même façon qu’autrefois, à l’ex­cep­tion de ceux qui sont auto­ri­sés par les pré­sents décrets généraux.

2. Les livres des apos­tats, des héré­tiques, des schis­ma­tiques et de tout autre écri­vain, pro­pa­geant l’hé­ré­sie ou le schisme, ou ébran­lant en quelque façon les fon­de­ments de la reli­gion, sont absolu­ment prohibés.

3. Sont pro­hi­bés de même les ouvrages des auteurs non catholiques

trai­tant de la reli­gion ex-​professo, à moins qu’ils ne contiennent évi­dem­ment rien de contraire à la foi catholique.

4. Les livres de ces mêmes auteurs qui ne traitent pas ex-​professo de la reli­gion, mais qui ne touchent qu’en pas­sant les véri­tés de la foi, ne seront pas regar­dés comme défen­dus de droit ecclé­sias­tique tant qu’ils n’auront pas été inter­dits par un décret spécial.

Ch. II. Des éditions du texte original et des versions de la Sainte Ecriture en langue non vulgaire.

5. Les édi­tions du texte ori­gi­nal et des anciennes ver­sions catho­liques, même celles de l’Eglise orien­tale, publiées par des écri­vains non catho­liques quels qu’ils soient, bien que fidèles et intègres en appa­rence, sont per­mises à ceux-​là seule­ment qui s’occupent d’é­tudes théo­lo­giques ou bibliques, pour­vu tou­te­fois qu’elles n’at­taquent ni dans les pré­faces, ni, dans les notes, des dogmes de la foi catholique.

6. Pour le même motif, aux mêmes condi­tions, sont auto­ri­sées les autres ver­sions des Saints Livres édi­tées par des non catho­liques, soit en latin, soit dans une autre langue non vulgaire.

Ch. III. Des versions de la Sainte Ecriture en langue vulgaire.

7. L’expérience prou­vant que, si les Bibles en langue vul­gaire sont auto­ri­sées sans dis­cer­ne­ment, il en résulte, à cause de l’im­prudence des esprits, plus d’in­con­vé­nients que d’avantages, toutes les ver­sions en langue vul­gaire, même faites par des catho­liques, sont abso­lu­ment pro­hi­bées, si elles n’ont pas été approu­vées par le Siège Apostolique, ou édi­tées sous la sur­veillance des évêques avec des notes tirées des Pères de l’Eglise et de savants auteurs catholiques.

8. Sont inter­dites toutes les ver­sions des Saints Livres faites par des écri­vains non catho­liques quels qu’ils soient, en n’importe quelle langue vul­gaire, et notam­ment celles publiées par les Sociétés bibliques, que plus d’une fois les Pontifes Romains condam­nèrent, car, dans l’édition de ces livres, les lois salu­taires de l’Eglise sur ce point ont été com­plè­te­ment négligées.

Néanmoins, l’usage de ces ver­sions est per­mis à ceux qui s’oc­cupent d’é­tudes théo­lo­giques ou bibliques, pour­vu qu’ils observent les condi­tions éta­blies ci-​dessus (n° 5).

Ch. IV. Des livres obscènes.

9. Les livres qui traitent ex-​professo de sujets las­cifs ou obs­cènes qui contiennent des récits ou des ensei­gne­ments de ce genre, sont abso­lu­ment pro­hi­bés, car il faut se pré­oc­cu­per, non seule­ment de la foi, mais encore des mœurs, qui, d’ordinaire, sont faci­le­ment cor­rompues par ces sortes de livres.

10. Les livres clas­siques, anciens ou modernes, s’ils sont enta­chés de ce vice, sont per­mis, à cause de l’élégance et de l’originalité du style à ceux-​là seule­ment qu’excusent les devoirs de leur charge ou de l’enseignement ; mais ils ne devront être, sous aucun pré­texte, remis ou lus aux enfants ou aux jeunes gens s’ils n’ont été expur­gés avec un soin minutieux.

Ch. V. De certains livres spéciaux.

11. Sont condam­nés les livres qui contiennent des attaques envers Dieu, la Bienheureuse Vierge Marie, les saints, l’Eglise catho­lique et son culte, les sacre­ments ou le Siège Apostolique. La même con­damnation frappe les livres qui déna­turent la notion de l’inspira­tion de la Sainte Ecriture ou qui en limitent trop l’étendue. Sont éga­le­ment inter­dits les ouvrages qui outragent sys­té­ma­ti­que­ment la hié­rar­chie ecclé­sias­tique, l’état clé­ri­cal ou religieux.

12. Il est défen­du de publier, de lire ou de gar­der les livres qui enseignent ou recom­mandent les sor­ti­lèges, la divi­na­tion, la magie, l’évocation des esprits et autres super­sti­tions analogues.

13. Les livres ou écrits qui racontent de nou­velles appa­ri­tions, révé­la­tions, visions, pro­phé­ties, nou­veaux miracles ou qui sug­gèrent de nou­velles dévo­tions, même sous pré­texte qu’elles sont pri­vées, sont inter­dits s’ils sont publiés sans l’autorisation des supé­rieurs ecclésiastiques.

14. Sont encore défen­dus les ouvrages éta­blis­sant que le duel, le sui­cide ou le divorce sont licites ; qui traitent des sectes maçon­niques ou autres sem­blables, pré­tendent qu’elles sont utiles à l’Eglise et à la socié­té loin de leur être funestes, et qui sou­tiennent des erreurs condam­nées par le Siège Apostolique.

Ch. VI. Des saintes images et des indulgences.

15. Sont abso­lu­ment inter­dites les images de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, de la Bienheureuse Vierge Marie, des Anges, des Saints ou autres Serviteurs de Dieu, quel que soit le sys­tème de repro­duc­tion employé, si elles s’é­cartent de l’esprit et des décrets de l’Eglise. Les nou­velles images, avec ou sans prières, ne devront être publiées qu’avec la per­mis­sion de l’autorité ecclésiastique.

16. Il est inter­dit de répandre des indul­gences apo­cryphes, sup­primées ou révo­quées par le Saint-​Siège. Si elles ont déjà été répan­dues par­mi les fidèles, on devra les en retirer.

17. Aucun livre, som­maire, opus­cule, feuille volante, etc., conte­nant des conces­sions d’in­dul­gences, ne pour­ra être publié qu’a­vec la per­mis­sion de l’autorité compétente.

Ch. VII. Des livres de liturgie et de prières.

18. Dans les édi­tions authen­tiques du Missel, du Bréviaire, du Rituel, du Cérémonial des évêques, du Pontifical Romain et autres livres litur­giques approu­vés par le Saint-​Siège, on ne devra intro­duire aucune modi­fi­ca­tion ; sinon, ces nou­velles édi­tions sont prohibées.

19. A l’ex­cep­tion des lita­nies les plus anciennes et les plus com­munes insé­rées dans les Bréviaires, Missels, Pontificaux et Rituels, à l’exception éga­le­ment des lita­nies de la Sainte Vierge chan­tées à l’é­glise de Lorette, et de celles du Saint Nom de Jésus, déjà approu­vées par le Saint-​Siège, on ne pour­ra publier de lita­nies sans la révi­sion et l’approbation de l’Ordinaire.

20. Les livres ou opus­cules de prières, de dévo­tion, de doc­trine et d’enseignement reli­gieux, moral, ascé­tique, mys­tique, bien qu’ils paraissent propres à entre­te­nir la pié­té des fidèles, ne pour­ront être publiés sans la per­mis­sion de l’autorité légi­time sous peine d’être prohibés.

Ch. VIII. Des journaux, feuilles et publications périodiques.

21. Les jour­naux, feuilles et publi­ca­tions pério­diques qui attaquent sys­té­ma­ti­que­ment la reli­gion ou les bonnes mœurs sont pro­hi­bés non seule­ment de droit natu­rel, mais encore de droit ecclésiastique.

Les Ordinaires auront soin, là où c’est néces­saire, d’a­ver­tir à pro­pos les fidèles du péril et des per­ni­cieux effets de telles lectures.

22. Les catho­liques et sur­tout les ecclé­sias­tiques n’é­cri­ront rien dans ces jour­naux, feuilles ou publi­ca­tions, sans un motif juste et raisonnable.

Ch. IX. De la permission de lire et de garder des livres prohibes.

23. Ceux-​là seuls pour­ront lire et gar­der les livres condam­nés par des décrets spé­ciaux ou par les pré­sents décrets géné­raux, qui en auront reçu régu­liè­re­ment l’autorisation du Siège Apostolique ou d’un de ses délégués.

24. Les Pontifes Romains ont attri­bué à la Sacrée Congrégation de l’Index le pou­voir de concé­der la per­mis­sion de lire et de gar­der tout livre pro­hi­bé. Jouissent aus­si de cette facul­té : la Suprême Congrégation du Saint Office, la Sacrée Congrégation de la Propa­gande pour les régions qui dépendent d’elle, et, pour Rome, le Maître du Sacré Palais apostolique.

25. Les Evêques et autres Prélats ayant une juri­dic­tion quasi-​épiscopale auront le pou­voir d’accorder ces per­mis­sions pour des livres déter­mi­nés et seule­ment dans des cas urgents. S’ils ont obte­nu du Siège Apostolique la facul­té géné­rale d’autoriser les fidèles à lire et à gar­der les livres condam­nés, ils ne devront en user qu’a­vec dis­cer­ne­ment, pour des causes justes et raisonnables.

26. Ceux qui ont obte­nu l’au­to­ri­sa­tion apos­to­lique de lire et de gar­der des livres pro­hi­bés ne peuvent pas pour cela lire ou gar­der n’importe quels livres ou publi­ca­tions pério­diques condam­nés par l’Ordinaire du lieu, à moins que leur induit apos­to­lique ne men­tionne expres­sé­ment la per­mis­sion de lire et de gar­der les livres condam­nés par n’importe quelle auto­ri­té. En outre, ceux qui ont cette auto­ri­sa­tion se sou­vien­dront qu’ils sont rigou­reu­se­ment tenus d’empêcher ces livres de tom­ber en d’autres mains.

Ch. X. De la dénonciation des mauvais livres.

27. Il appar­tient à tous les catho­liques, sur­tout à ceux qui ont une science plus émi­nente, de dénon­cer les mau­vais livres aux Evêques ou au Siège Apostolique ; tou­te­fois, c’est plus spé­cia­le­ment la fonc­tion des Nonces, Délégués Apostoliques, Ordinaires des lieux et Recteurs d’Universités.

28. Dans la dénon­cia­tion des mau­vais livres, il est bon d’indiquer non seule­ment le titre, mais encore, autant que pos­sible, les causes qui doivent en moti­ver la cen­sure. Ceux qui reçoivent la dénoncia­tion consi­dé­re­ront comme un devoir sacré l’obligation de taire le nom des dénonciateurs.

29. Les Ordinaires et les Délégués Apostoliques inter­di­ront les livres et autres écrits nui­sibles publiés ou répan­dus dans leur dio­cèse, et s’ef­for­ce­ront de les sous­traire des mains des fidèles. Ils défé­re­ront au juge­ment du Saint-​Siège ceux de ces ouvrages ou écrits qui réclament un exa­men plus appro­fon­di, ou ceux pour les­quels une sen­tence de l’au­to­ri­té suprême paraît néces­saire pour obte­nir un heu­reux résultat.

Titre II. De la censure des livres.

Ch. I. Des Prélats préposés à la censure des livres.

30. Ceux qui ont le droit d’ap­prou­ver ou de per­mettre les édi­tions et ver­sions des livres sacrés sont dési­gnés dans les disposi­tions ci-​dessus (n° 7).

31 Que per­sonne n’ose publier à nou­veau des livres déjà con­damnés par le Saint-​Siège ; si, pour une cause grave et rai­son­nable, on croit devoir faire excep­tion à cette règle, qu’on ne se le per­mette jamais sans avoir obte­nu au préa­lable la per­mis­sion de la Sacrée Congrégation de l’Index et en obser­vant les condi­tions qu’elle a prescrites.

32. Les écrits concer­nant d’une façon quel­conque les causes de Béatification et de Canonisation des Serviteurs de Dieu ne peuvent être publiés sans le bon plai­sir de la Sacrée Congrégation des Dites.

33. La même règle s’ap­plique aux Collections des Décrets de toutes les Congrégations Romaines ; ces Collections ne peuvent être publiées sans une auto­ri­sa­tion préa­lable, en sui­vant les règles pres­crites par les Préfets de chaque Congrégation.

34. Les Vicaires et Missionnaires Apostoliques doivent obser­ver fidè­le­ment les Décrets de la Sacrée Congrégation de la Propagande concer­nant la publi­ca­tion des livres.

35. L’approbation des livres dont la cen­sure n’est pas réser­vée par les pré­sents Décrets au Siège Apostolique ou aux Congrégations Domaines appar­tient à l’Ordinaire du lieu où ces livres sont publiés,

36. Les Réguliers se sou­vien­dront que, pour publier leurs livres, un décret du Saint Concile de Trente les oblige à obte­nir, outre l’au­to­ri­sa­tion de l’é­vêque, celle du Supérieur dont ils dépendent. Cette double per­mis­sion devra être impri­mée au com­men­ce­ment ou à la fin de l’ouvrage.

37. Si un auteur habi­tant Rome fait impri­mer un livre, non à Rome, mais ailleurs, il n’a besoin d’autre per­mis­sion que celle du Cardinal Vicaire et du Maître du Sacré Palais Apostolique.

Ch. II. Devoirs des censeurs dans l’examen préalable des livres.

38. Les évêques, étant char­gés d’autoriser l’impression des livres, auront soin de pré­po­ser à l’examen de ces ouvrages des hommes d’une pié­té et d’une science recon­nues, dont la foi et l’é­qui­té soient à l’a­bri de tout soup­çon, et qui, loin de rien accor­der à la faveur ou à l’antipathie, laissent de côté toute consi­dé­ra­tion humaine. Ces exa­minateurs n’auront en vue que la gloire de Dieu et l’utilité du peuple chrétien.

39. Suivant l’ordre de Benoît XIV, les cen­seurs devront juter les avis et les opi­nions avec un esprit libre de tout pré­ju­gé. Ainsi donc, qu’ils se dépouillent de tout esprit de natio­na­li­té, de famille, d’école, d’institut et de par­ti. Qu’ils aient uni­que­ment en vue les dogmes de l’Eglise et la doc­trine com­mune conte­nue dans les décrets des Conciles géné­raux, les Constitutions des Pontifes Romains et l’enseignement una­nime des Docteurs.

40. L’examen ache­vé, si rien ne paraît s’op­po­ser à la publi­ca­tion du livre, l’Ordinaire devra accor­der à l’auteur, par écrit et gratui­tement, la per­mis­sion de le publier ; celle-​ci devra être impri­mée au com­men­ce­ment ou à la fin de l’ouvrage.

Ch. III. Des livres soumis à la censure préalable.

41. Les fidèles sont tenus de sou­mettre préa­la­ble­ment à la cen­sure ecclé­sias­tique au moins les livres qui traitent des divines Ecritures, de la théo­lo­gie, de l’Histoire ecclé­sias­tique, du Droit canon, de la Théologie natu­relle, de la Morale et autres sciences reli­gieuses ou morales du même genre, et en géné­ral tous les écrits qui traitent en par­ti­cu­lier de la reli­gion et des mœurs.

42. Les membres du cler­gé sécu­lier ne doivent pas même publier de livres trai­tant d’arts et de sciences pure­ment natu­relles sans consul­ter leur Ordinaire, don­nant ain­si l’exemple de l’obéissance à son égard.

Il leur est éga­le­ment inter­dit d’accepter, sans l’au­to­ri­sa­tion préa­lable de l’Ordinaire, la direc­tion de jour­naux ou publi­ca­tions périodiques.

Ch. IV. Des imprimeurs et des éditeurs.

43. Aucun livre sou­mis à la cen­sure ecclé­sias­tique ne pour­ra être impri­mé s’il ne porte en tête le nom et le sur­nom de l’au­teur et de l’éditeur, le lieu et l’an­née de l’im­pres­sion et de l’é­di­tion. Si, en cer­tains cas, pour de justes motifs, il paraît bon de taire le nom de l’au­teur, l’Ordinaire pour­ra le permettre.

44. Les impri­meurs et édi­teurs doivent savoir que toute nou­velle édi­tion d’un ouvrage approu­vé exige une appro­ba­tion nou­velle et que l’autorisation accor­dée au texte ori­gi­nal n’est pas valable pour les tra­duc­tions en d’autres langues.

45. Les livres condam­nés par le Saint-​Siège seront consi­dé­rés comme pro­hi­bés dans le monde entier et en quelque langue qu’ils soient traduits.

46. Les libraires, sur­tout les catho­liques, s’abstiendront de vendre, de prê­ter et de gar­der les livres trai­tant ex pro­fes­sa de sujets obs­cènes ; ils n’auront pas en vente les autres livres inter­dits, à moins d’en avoir obte­nu l’au­to­ri­sa­tion de la Sacrée Congré­gation de l’Index : en ce cas, ils ne pour­ront les vendre qu’à ceux qu’ils peuvent consi­dé­rer comme ayant le droit de les acheter.

Ch. V. Des peines portées contre ceux qui transgressent les Décrets Généraux.

47. Quiconque lit sciem­ment, sans l’au­to­ri­sa­tion du Siège Apos­tolique, des livres d’apostats ou d’hérétiques, sou­te­nant une héré­sie, ain­si que les livres nomi­na­le­ment condam­nés, de n’importe quel auteur ; qui­conque garde ces livres, les imprime ou s’en fait le défen­seur, encourt ipso fac­to l’excommunication réser­vée spécia­lement au Souverain Pontife.

48. Ceux qui, sans l’ap­pro­ba­tion de l’Ordinaire, impriment ou font impri­mer les Livres Saints, des anno­ta­tions ou com­men­taires, encourent ipso fac­to l’excommunication non réservée.

49. Ceux qui auront trans­gres­sé les autres pres­crip­tions des pré­sents Décrets Généraux seront sévè­re­ment répri­man­dés par leur Evêque en rai­son de leur culpa­bi­li­té ; et, si cela paraît oppor­tun, ils seront même frap­pés des peines canoniques.

Nous décré­tons que les pré­sentes lettres et tout leur conte­nu ne pour­ront jamais être taxées ou accu­sées d’ajout, de sous­trac­tion ou d’un défaut quel­conque d’in­ten­tion de Notre part ; mais elles sont, seront tou­jours valides et dans toute leur force, elles devront être obser­vées invio­la­ble­ment, in judi­cio et extra, par toute per­sonne, de quelque digni­té et pré­émi­nence qu’elle soit ; Nous décla­rons nul et vain tout ce qui pour­ra être fait, par qui que ce soit, pour y intro­duire un chan­ge­ment quel­conque, quels que soient le pré­texte ou l’au­to­ri­té sur les­quels on s’appuie sciem­ment ou incons­ciem­ment, non­obs­tant toutes dis­po­si­tions contraires.

Nous vou­lons que les exem­plaires de ces lettres, même impri­més, mais signés de la main d’un notaire et munis du sceau par un digni­taire ecclé­sias­tique, fassent foi de Notre volon­té, comme le feraient ces pré­sentes lettres si on les mon­trait elles-mêmes.

Donc, per­sonne n’a le droit d’altérer ou de contre­dire témé­rai­re­ment cette Constitution en ce qu’elle dis­pose, limite, dérobe et com­mande. – Si quel­qu’un ten­tait de le faire, qu’il sache qu’il encourt l’in­di­gna­tion du Dieu tout-​puissant et des bien­heu­reux apôtres Pierre et Paul.

Donné à Rome, près de Saint-​Pierre, l’an de l’Incarnation du Sauveur 1897, le 8 des Calendes de février, de notre Pontificat le dix neuvième.

A. Panici. Subdatarius.
A. Card. Macchi.

VISA
De Curia 1. De Aquila e Vicecomitibus.

Loco † Plumbi.
Reg. in. Secret. Brevitum.

I. Cugnonius.

Source : Lettres apos­to­lique de S. S. Léon XIII, tome 5, La Bonne Presse