Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

2 juillet 1958

Discours à l’union des femmes italiennes d’action catholique

Table des matières

Les célé­bra­tions du Cinquantenaire de l’Union des femmes ita­liennes d’Action catho­lique, ont été cou­ron­nées par une audience pon­ti­fi­cale, au cours de laquelle le Saint-​Père pro­non­ça un dis­cours en ita­lien, dont voi­ci la traduction :

Ce sont les mêmes sen­ti­ments de récon­fort et d’es­pé­rance, qui inon­dèrent le cœur magna­nime de Notre Prédécesseur saint Pie X lors­qu’il approu­va votre Association nais­sante, que vous renou­ve­lez aujourd’­hui dans Notre esprit, chères filles de l’Union des femmes de l’Action Catholique ita­lienne, réunies autour de Nous pour célé­brer avec fruit l’heu­reux cin­quan­te­naire de la fon­da­tion de votre asso­cia­tion pro­vi­den­tielle. Si ce n’est que la splen­dide réa­li­té d’œuvres aus­si nom­breuses qu’in­signes accom­plies par l’U.D.A.C.I. en un demi-​siècle d’exis­tence, les pha­langes denses et actives que celle-​ci accueille sous ses dra­peaux, la fidé­li­té éprou­vée au pro­gramme de fon­da­tion, mais bien plus encore à l’es­prit de dévoue­ment à l’Eglise et à son Chef, qui ani­ma ses pre­miers membres, ajoutent à ces sen­ti­ments une pro­fondeur et une vigueur, que seuls les excel­lents résul­tats déjà obte­nus sont en mesure de sus­ci­ter. Unissez-​vous donc à l’hymne d’ac­tion de grâces que Nous éle­vons de tout cœur vers le Tout-​Puissant pour avoir ins­pi­ré et accru de si abon­dantes mois­sons de sain­te­té et d’a­pos­to­lat, comme l’in­dique lumineuse­ment le sou­ve­nir des cin­quante ans pas­sés ; et en même temps, sachez tirer des réa­li­sa­tions, des épreuves, des luttes du pas­sé des ensei­gne­ments et des sti­mu­lants pour l’a­ve­nir. Afin de mieux vous aider en cela, Nous jet­te­rons un rapide coup d’œil sur les cin­quante années écou­lées de votre Union, non pas tant pour revivre les heu­reux moments de son his­toire méri­tante, mais plu­tôt pour vous indi­quer les pro­blèmes les plus immé­diats et les néces­si­tés les plus urgentes qui vous inté­ressent à pré­sent, afin que vous leur consa­criez votre atten­tion et le zèle de votre activité.

Les origines de l’Union et les encouragements de saint Pie X.

En com­pa­rant — comme de cou­tume en de sem­blables anni­versaires — le déve­lop­pe­ment de votre asso­cia­tion à celui d’un orga­nisme vivant, la pen­sée va spon­ta­né­ment à ses ori­gines, comme à un ber­ceau, pour rani­mer cette atmo­sphère d’es­pé­rance qui d’ha­bi­tude flotte tou­jours autour de toute vie nou­velle. Par­ticulièrement vous, les mères, vous savez com­bien il est doux de reve­nir par la pen­sée au ber­ceau des enfants, lors­qu’on les contem­plant désor­mais grands vous admi­rez avec des regards tendres et presque fur­tifs la vigueur de leur jeu­nesse et de leur matu­ri­té, le dyna­misme de leur esprit, spé­cia­le­ment lors­qu’il est appli­qué à des œuvres cou­ron­nées par un heu­reux suc­cès. Alors qu’ils sont désor­mais deve­nus utiles au sein de la socié­té, vous vous com­plai­sez à les ima­gi­ner encore de tendres enfants, en vous attar­dant à cher­cher dans les sou­ve­nirs loin­tains et tou­jours vivants de leur enfance si leurs pre­miers cris et gestes auraient en quelque sorte lais­sé pré­voir, dès cette époque, leur réa­li­té pré­sente. Or, si vous tour­nez le regard vers le ber­ceau de votre Union, vous recon­naî­trez dans les pre­mières voix, dans les des­seins, dans les actes et dans les per­sonnes, qui accom­pagnèrent sa fon­da­tion, autant de pré­sages et de vita­li­té future, les authen­tiques et saines racines d’où elle tire la sève, grâce à laquelle elle s’ac­crut en impor­tance et en fécondité.

Avant tout, les sou­ve­nirs des ori­gines sont domi­nés par l’é­minent esprit de saint Pie X, dési­gné par vous dans vos écrits comme « Fondateur » de l’Union, secon­dé par l’âme d’éli­te de la pre­mière pré­si­dente, Maria Cristina, de la famille des princes Giustiniani Bandini, femme de forte trempe chré­tienne, pru­dem­ment har­die et ouverte aux pro­blèmes de son temps. Sous le déchaî­ne­ment de la bour­rasque laï­ciste, qui visait non sans quelque suc­cès à iso­ler l’Eglise de la vie publique et à para­ly­ser l’ac­tion des catho­liques par le vent gla­cé du silence et de la déri­sion, votre fon­da­trice consta­ta qu’a­vait son­né l’heure de Dieu, qui appe­lait votre milieu à se ran­ger par­mi les forces saines et chré­tiennes de la nation, et elle mit en avant, pour ain­si dire comme un éten­dard, l’in­ci­ta­tion du Prince des apôtres : Resistite fortes in fide (I Pierre, v, 9). Cette devise, des­ti­née à demeu­rer effi­cace éga­le­ment dans l’a­ve­nir, inter­pré­tait, en har­mo­nie avec les temps et comme un appel à la res­cousse, cette autre posi­tive et uni­ver­selle, choi­sie par saint Pie X comme pro­gramme de son pon­ti­fi­cat : Instaurare omnia in Christo : réunir toutes choses en Jésus-​Christ, les choses du ciel et celles de la terre (Eph., 1, 10). C’est ain­si que, dans un cli­mat brû­lant de luttes, par de har­dis des­seins et un dévoue­ment humble et obéis­sant à l’Eglise, sur­git le rejet nou­veau de l’Union des Fem­mes catho­liques. Dans vos cœurs, aujourd’­hui encore, résonne avec effi­ca­ci­té l’é­cho des pre­mières exhor­ta­tions adres­sées par le saint Pape et bien dignes d’être répé­tées en la cir­cons­tance de ce jour : « Unies vous pour­rez mieux obte­nir les moyens qui sont néces­saires pour accom­plir vos devoirs dans la famille et dans la socié­té » ; et ces autres mots de la per­sonne qui fut char­gée de gui­der les pre­miers pas de l’Union : « Descendez en lice, venez livrer les saintes batailles du Seigneur, pro­pa­ger par la parole et par l’exemple le royaume de Jésus-​Christ, incul­quer les tré­sors de la cha­ri­té chré­tienne au milieu des familles et dans la socié­té » ; mais vous conser­vez avec une satis­fac­tion parti­culière, par­mi les sou­ve­nirs les plus chers de ces temps-​là, le témoi­gnage de confiance expri­mé par saint Pie X, comme avec un accent de pro­phé­tie : « Les femmes catho­liques en Italie fe­ront de grandes choses ; … ce seront elles qui ren­dront chré­tienne l’Italie ». Rendre chré­tienne l’Italie, déve­lop­per le Royau­me du Christ, rem­plir la mis­sion sociale propre à la femme, de manière qu’elle appa­raisse comme un ange d’a­mour au milieu des dou­leurs humaines, rendre pra­tiques, effi­caces et appro­priées aux néces­si­tés des temps les œuvres aux­quelles la femme se consacre dans le domaine de la reli­gion, de la cha­ri­té et de l’ac­tion sociale, en un mot faire de grandes choses à l’a­van­tage de l’Eglise et de la patrie : ce sont là les heu­reux pré­sages et les buts éle­vés de l’Union nais­sante des femmes d’Action Catho­lique, que l’on trouve dans ses pre­miers docu­ments. Votre Union connut aus­si ceux qui, habi­tués à des visions trop étroites des hommes et des choses, jugeaient un tel idéal une pieuse illu­sion ou une aven­ture ni recom­man­dée ni recom­man­dable ; mais le splen­dide témoi­gnage que les cin­quante années écou­lées sont main­te­nant en mesure de ‑don­ner, dépose en faveur de ceux qui vou­lurent que la femme chré­tienne prenne place dans les œu­vres exté­rieures de l’a­pos­to­lat ; mais, en outre, il enseigne com­ment les œuvres de Dieu naissent et se déve­loppent, c’est-​à-​dire avec l’hu­mi­li­té, le silence, la prière et la per­sé­vé­rance de la part de l’homme et, de la part de Dieu, avec son assis­tance effi­cace et déci­sive qui triomphe de toute fai­blesse et oppo­si­tion. Votre Union a revé­cu dans les pro­por­tions qui lui sont propres la para­bole du grain de séne­vé, à peu près dans toutes les phases indi­quées par le divin Maître (Matth., xiii, 3 et ss. ; Luc, xiii, 19 ; Jean, xii, 24). Mais les aspects qui rendent mieux la res­sem­blance de votre Union avec la graine de l’Evangile sont sa « bon­té » et son déve­lop­pe­ment rapide et sûr. L’Union fut, dès le début, une « bonne graine » par la plé­ni­tude de ses buts : la for­ma­tion et la pra­tique chré­tiennes des adhé­rentes, l’a­pos­to­lat au sein de son propre milieu, l’ac­tion à l’a­van­tage de la socié­té. Dans la per­fec­tion géo­mé­trique de ce tri­angle de vie chré­tienne, conseillable à tout laïc qui vit dans le monde, l’Union a exer­cé une acti­vi­té intense et mul­ti­forme, en s’adap­tant avec une vive intel­li­gence aux néces­si­tés propres à l’épo­que et aux régions et en ampli­fiant constam­ment les dimen­sions de son champ de tra­vail et de son influence sur la nation.

Les multiples œuvres entreprises et les beaux résultats obtenus.

Si Nous ne crai­gnions de réduire votre splen­dide his­toire à une simple énu­mé­ra­tion des œuvres, Nous devrions Nous attar­der lon­gue­ment à les citer cha­cune ; tou­te­fois Nous ne pou­vons man­quer d’en men­tion­ner quelques-​unes, comme par exemple, dans le domaine de la for­ma­tion reli­gieuse, les cours sys­té­ma­tiques de culture qui se tiennent chaque année dans les sec­tions dis­tinctes, les réunions extra­or­di­naires de spiri­tualité, « les tours per­pé­tuels de dévo­tion à Marie », les cercles d’é­tude des ency­cliques pon­ti­fi­cales aus­si­tôt dès leur publica­tion, les « Assemblées » dédiées à l’âme d’é­lite de la véné­rable Maria Cristina de Savoie, les retraites spi­ri­tuelles d’un ou plu­sieurs jours, les dévo­tions par­ti­cu­lières de l’Union et les actes solen­nels de culte. Peut-​être moins voyantes, ces entre­prises ont été et seront tou­jours le secret du bon suc­cès de toute acti­vi­té exté­rieure dans le domaine de Dieu. Egalement impo­sante est la flo­rai­son des innom­brables œuvres apos­to­liques, que vous avez dis­tin­guées par des titres signi­fi­ca­tifs et heu­reux, tels que : l’Apostolat du ber­ceau, l’Armoire du pau­vre, Mater par­vu­lo­rum, le Héraut du Pape choi­si dans les Concours caté­chis­tiques. Le tra­vail apos­to­lique qui, lors des pre­mières années, se pro­po­sait prin­ci­pa­le­ment de répri­mer l’im­piété alors enva­his­sante, en affron­tant, le mieux pos­sible, les attaques de l’en­ne­mi contre l’é­du­ca­tion chré­tienne de la jeu­nesse, le carac­tère sacré de la famille, l’ac­com­plis­se­ment assi­du des devoirs du culte, le res­pect du Vicaire du Christ, a pris peu à peu des valeurs posi­tives, comme de sainte contre- offen­sive, en appor­tant le mes­sage chré­tien au-​delà des retran­chements de l’ad­ver­saire. Les cin­quante années pas­sées pré­sentent éga­le­ment une « crois­sance » constante des acti­vi­tés civiques et sociales, en har­mo­nie avec la vigueur accrue des autres forces catho­liques. Si l’on com­pare les démarches timides et contra­riées accom­plies par l’Union à ses débuts dans le domaine de l’as­sis­tance des classes ouvrières et du ser­vice social, avec les réa­li­sa­tions stables et bien ordon­nées du pré­sent, on ne peut que remer­cier encore une fois le Seigneur d’a­voir sus­ci­té in tem­pore neces­si­ta­tis (Ps., xxxi, 6) une œuvre aus­si pro­vi­den­tielle. On doit noter aus­si que d’amples résul­tats ont été obte­nus par un effort silen­cieux et tenace dans des sec­teurs qui, par­fois, sem­blaient éloi­gnés des pro­blèmes stric­te­ment so­ciaux, ou même tout à fait étran­gers à ceux-​ci ; les nou­velles géné­ra­tions s’y pré­pa­raient à faire face aux aspi­ra­tions de jus­tice, en voie de matu­ra­tion, et sur­tout s’é­du­quaient à la sen­si­bi­li­té envers le bien com­mun. De ces pha­langes d’avant- garde qui, durant les pre­mières décades, ne pou­vaient rien faire d’autre — et elles le firent géné­reu­se­ment — que de pro­tester contre les par­ti­sans du divorce, assis­ter les veuves de guerre, pro­cu­rer aux familles les nou­velles des sol­dats dis­pa­rus, rap­pe­ler à l’o­pi­nion publique le droit de la femme au vote, sont sor­ties des pha­langes de diri­geantes, expertes et sûres, du milieu fémi­nin, qui se dis­tinguent à pré­sent avec hon­neur dans les dif­fé­rents sec­teurs de la vie sociale.

Un mystérieux développement, à l’image du grain de sénevé dont parle l’Evangile.

Où la res­sem­blance de l’Union avec la graine de l’Evangile se mani­feste encore plus clai­re­ment, même par des dates et des chiffres, c’est dans son rapide déve­lop­pe­ment en une grande asso­cia­tion, vrai­ment sem­blable à l’arbre au feuillage touf­fu, où les oiseaux du ciel trouvent refuge et repos (Matth., xiii, 52). Les cen­taines de comi­tés et les nom­breux mil­liers d’adhé­rentes, à peu près dans toute paroisse ita­lienne, dont parlent vos chro­niques dès la pre­mière décade, sont déjà par eux-​mêmes des témoi­gnages élo­quents de la san­té de l’or­ga­nisme et de sa dis­ci­pline ordon­née. Il est tou­jours vrai que dans le domaine de l’as­so­cia­tion, les chiffres éle­vés peuvent induire en une erreur d’é­va­lua­tion quant à la force effec­tive, qui résulte davan­tage de la qua­li­té que de la quan­ti­té ; tou­te­fois, d’a­près ce qui a été dit et en même temps d’a­près les chiffres pré­sen­tés à vos congrès, il est per­mis de conclure en faveur d’une vaste fécon­dité de votre Union dans le sec­teur de l’a­pos­to­lat. Sans aucun doute, les rejets jaillis de ses racines et deve­nus de robustes plantes auto­nomes sont plus per­sua­sifs : en pre­mier lieu l’excel­lente Jeunesse Féminine d’Action Catholique, l’Association des Enfants et, en par­tie comme greffe, en par­tie comme bour­geon, la branche fémi­nine de la Fédération Universitaire. Récemment, dans l’im­mé­diat après-​guerre, quand votre Patrie se dis­po­sait à réor­ga­ni­ser les ins­ti­tu­tions publiques et pri­vées, l’Union des femmes d’Action Catholique appa­rut, dans de nom­breux cas, comme le vivier le mieux pour­vu et le plus sain pour ali­men­ter par ses adhé­rentes les nom­breux mou­ve­ments de renais­sance reli­gieuse et sociale, que des néces­si­tés nou­velles exi­geaient éga­le­ment dans le domaine fémi­nin. Fournir de bons sujets aux asso­cia­tions qui se pro­posent des buts spé­ci­fiques, à con­dition que cela ne conduise pas, comme vous dites, à une « sai­gnée » de l’Union, non seule­ment fait hon­neur à votre associa­tion, mais peut-​être consi­dé­ré comme un de ses prin­ci­paux buts. Les néces­si­tés pré­sentes et les pro­blèmes du monde fémi­nin, si dif­fé­rente par nature et objet, réclament par­fois des groupes spé­cia­li­sés, soi­gneu­se­ment pré­pa­rés et assi­dus dans une action spé­ci­fique. Du reste l’Union a elle-​même com­pris cette exi­gence et l’a démon­trée en pré­ci­sant plus net­te­ment ses buts et en s’in­té­res­sant à des rap­ports de col­la­bo­ra­tion avec ces mouve­ments, dans un effort uni vers le but com­mun, qui, dans le pas­sé, fut déjà entiè­re­ment et seule­ment le vôtre : ame­ner le milieu fémi­nin de la Nation à réa­li­ser l’i­déal chré­tien dans tout sec­teur impor­tant de la vie. Aussi avons-​Nous appris avec une vive satis­fac­tion qu’à l’in­té­rieur de l’Union vous vous êtes orien­tées vers le recru­te­ment par caté­go­rie, en fai­sant une dis­tinction entre les milieux urbains et ruraux, dont les néces­si­tés dif­fé­rentes imposent des méthodes appro­priées de péné­tra­tion et de for­ma­tion ; que, grâce à de bonnes ententes, en dehors ou au sein de l’Action Catholique pro­pre­ment dite, soit directe­ment soit par des acti­vi­tés spé­ci­fiques, vous vous occu­pez plus dili­gem­ment de caté­go­ries bien déter­mi­nées, telles que celles des parents, des ensei­gnantes, des infir­mières, des sur­veillantes de l’en­fance, des jeunes filles vivant hors de leurs familles, des « émon­deuses », des émi­grants et des caté­go­ries simi­laires ; que, par­mi toutes les acti­vi­tés exté­rieures, vous pré­fé­rez celles visant à la défense de la reli­gion contre les attaques de l’a­théisme et des sectes non catho­liques, à la for­ma­tion de mères vrai­ment chré­tiennes, à la sur­veillance de la mora­li­té de la mode, des spec­tacles, des moyens d’in­for­ma­tion, de la vil­lé­gia­ture, au bon fonc­tion­ne­ment de l’é­cole et de l’œuvre édu­ca­tive dans les familles ; que sur le ter­rain civique et social, vous vous occu­pez avec un zèle louable de la pro­tec­tion des droits et de l’obser­vation des devoirs de la femme, de sa pré­pa­ra­tion profession­nelle, en accom­plis­sant en même temps une œuvre de haut civisme et de cha­ri­té chrétienne.

La formation et la pratique chrétienne des adhérentes, premier but de l’Union.

Comme Nous y avons déjà fait allu­sion au début de Notre dis­cours, l’his­toire et les réa­li­sa­tions pré­sentes de votre Union doivent tendre à vous éclai­rer et à vous sti­mu­ler pour l’a­ve­nir que, dès à pré­sent, Nous sou­hai­tons encore plus fécond. De quelle façon pourrez-​vous éga­ler et dépas­ser le pas­sé ? Ayez avant tout comme solide prin­cipe que l’Union des femmes d’Action Catholique est encore néces­saire à l’Eglise et à la patrie, et qu’elle jouit tou­jours de la confiance du Vicaire du Christ. Les motifs qui inci­tèrent saint Pie X à l’ap­prou­ver et à espé­rer beau­coup en elle, non seule­ment sub­sistent encore au­jourd’hui, mais se révèlent sans cesse plus fon­dés et urgents. Certains sec­teurs, cer­taines entre­prises, cer­taines méthodes d’a­pos­to­lat ne pour­raient être confiés à d’autres qu’au cœur par­ti­cu­liè­re­ment sen­sible et tou­jours mater­nel de la femme. S’il fal­lait chan­ger de direc­tions, d’œuvres, de sys­tèmes, pour adap­ter l’ac­tion aux temps, aucun chan­ge­ment en vue de per­fec­tion ne peut être appor­té au « tri­angle de vie chré­tienne » déjà cité, dans lequel se trouvent cir­cons­crites les fina­li­tés suprêmes de l’Union, c’est-​à-​dire la for­ma­tion et la pra­tique chré­tiennes des adhé­rentes, l’a­pos­to­lat exté­rieur, l’ac­tion civique et sociale. Mais on n’in­sis­te­ra jamais assez sur le pre­mier et prin­ci­pal des trois buts. On pour­rait peut-​être tolé­rer que la réa­li­sa­tion des deux autres fût empê­chée par des cir­cons­tances adverses, par­ti­cu­liè­re­ment si l’on consi­dère les condi­tions per­sonnelles des adhé­rentes dis­tinctes ; et que les buts pro­po­sés par l’Union ne soient pas atteints en rai­son de causes exté­rieures ; mais on ne pour­rait souf­frir un nau­frage dans la for­ma­tion et la pra­tique chré­tiennes des adhé­rentes. C’est en elles que réside la force intime et irrem­pla­çable de tout orga­nisme reli­gieux ; elles sont les sources d’où jaillissent la cha­ri­té et le zèle, qui trempent les âmes dans la cohé­sion et dans la dis­ci­pline et les rendent éclai­rées, géné­reuses et intré­pides ; c’est là la force inté­rieure, qui atterre les adver­saires, les­quels, en vain, l’en­vient et s’ef­forcent de l’é­ga­ler, en créant des mythes tirés des pas­sions humaines. Votre Union, comme aus­si les autres asso­cia­tions catho­liques d’a­pos­to­lat, ne craint pas d’au­tres adver­saires davan­tage que l’a­ri­di­té spi­ri­tuelle de ses propres membres.

La grande responsabilité de l’aumônier.

De tout cela on conclut com­bien est grande la res­pon­sa­bi­li­té de l’au­mô­nier, dont le minis­tère exer­cé avec un esprit sacer­do­tal exem­plaire et avec une vie irré­pro­chable, consiste prin­ci­pa­le­ment à gui­der et à sti­mu­ler les âmes à la sanc­ti­fi­ca­tion. Les sta­tuts de l’Union, avec beau­coup de sagesse, lui attri­buent une auto­ri­té consi­dé­rable, non seule­ment parce qu’il doit garan­tir le titre de « catho­lique » à votre « action », sur­tout par la confor­mi­té et l’o­béis­sance entières aux ensei­gne­ments et aux inten­tions du Siège Apostolique, mais aus­si parce qu’il doit leur commu­niquer le feu de sanc­ti­fi­ca­tion de l’Esprit divin. Du reste, plus d’une fois, vous l’a­vez vous-​mêmes noté : dans les paroisses, où une de vos Associations peut comp­ter sur un aumô­nier, par­fait dans l’ac­com­plis­se­ment de ses devoirs sacer­do­taux sacrés et vigi­lant dans l’ap­pli­ca­tion des normes des sta­tuts de l’Union, la fer­veur et le rythme de la vie chré­tienne et des œuvres apos­toliques sont plus intenses, le niveau de l’ins­truc­tion reli­gieuse est plus éle­vé, l’as­sis­tance cha­ri­table est bien répar­tie, la défense des prin­cipes chré­tiens est plus empres­sée, les familles sont plus saines, le peuple est plus fidèle à l’Eglise. C’est donc votre devoir de prier le Maître de la mois­son, afin qu’il vous des­tine de tels guides et que, les ayant, vous vous lais­siez conduire par eux.

Egaler et dépas­ser le pas­sé ! Tel est l’en­ga­ge­ment que Nous pro­po­sons à l’Union des femmes d’Action Catholique, au seuil du second cin­quan­te­naire. Le dépas­ser par la droi­ture d’inten­tions, par la mul­ti­pli­ci­té d’œuvres, par l’a­bon­dance de résul­tats. La pen­sée d’un tel dépas­se­ment vous effraie peut-​être ? C’est vrai : votre humi­li­té chré­tienne vous rap­pelle la fai­blesse hu­maine et indique chez celles qui vous ont pré­cé­dées dans la sainte ému­la­tion de l’a­pos­to­lat des élé­va­tions extra­or­di­naires de dons et de ver­tus ; peut-​être les condi­tions pré­sentes du monde semblent-​elles plus ardues que dans le pas­sé ; peut-​être vous sentez-​vous comme per­dues dans l’o­céan de nou­velles néces­si­tés à affron­ter ; peut-​être l’im­po­sante orga­ni­sa­tion des forces du mal vous décourage-​t-​elle. Tout cela n’est pas une rai­son valable pour lâcher la char­rue et inter­rompre le sillon, parce que Dieu est avec vous. Vous êtes ses ins­tru­ments, invi­tées par Lui à jeter la bonne semence dans le monde ; c’est pour sa gloire que vous vous livrez à vos efforts. Considérez Celle qui vous appar­tient par­ti­cu­liè­re­ment, comme Mère et Reine, la Vierge Marie, et répé­tez son grand acte de foi et d’hu­mi­li­té : Ecce ancil­la Domini, fiai mihi secun­dum ver­bum tuum (Luc, i, 38), comme le pro­non­cèrent autre­fois les pre­mières adhé­rentes de l’Union. L’intensité de votre confiance en Dieu doit être telle qu’elle mérite l’é­loge adres­sé jadis par le divin Maître à la femme cana­néenne : « Ô Femme, votre foi est grande », sui­vi de la pro­messe : « qu’il vous soit fait comme vous le vou­lez » (Matth., xv, 28). Dieu offre sa puis­sance aux créa­tures qui ont hum­ble­ment confiance en Lui. Ne crai­gnez donc pas de pro­je­ter de nou­velles œuvres, d’é­tendre votre rayon d’ac­tion, de vous oppo­ser aux menées de l’en­ne­mi appa­rem­ment plus fort que vous, de « vou­loir » toute entre­prise qui abou­tisse à la gloire divine, au déve­lop­pe­ment de l’Eglise, au salut de vos âmes et de celles des autres.

Afin que Notre vœu s’ac­com­plisse, Nous invo­quons les faveurs célestes pour vous ici pré­sentes et pour les pha­langes des adhé­rentes, dis­sé­mi­nées dans la pénin­sule, et, de grand cœur, Nous don­nons à toutes Notre pater­nelle Bénédiction apostolique.

Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-​Maurice Saint-​Augustin. – D’après le texte ita­lien des A. A. S., L, 1958, p. 523 ; tra­duc­tion fran­çaise de l’Osservatore Romano, du 18 juillet 1958.