Le 7e Congrès international d’hématologie, qui réunissait des médecins de 53 pays, s’est tenu à Rome au début de septembre. Les nombreux congressistes (près de 2000) furent reçus en audience par le Souverain Pontife, qui prononça en français l’allocution suivante.
Dans la seconde partie de son discours, le Pape répond aux diverses questions qui lui avaient été soumises par la Société internationale d’hématologie.
Le VIIe Congrès international d’hématologie, qui rassemble à Rome plus de mille spécialistes de différents pays, vous a suggéré, Messieurs, la pensée de Nous rendre visite. Nous en sommes très touché et vous souhaitons cordialement la bienvenue. Votre assemblée a été précédée par le Congrès international pour la transfusion du sang, auquel Nous avons eu le plaisir d’adresser aussi la parole.
Un simple coup d’œil sur les sujets énumérés dans votre programme suffit à montrer la variété et l’abondance des problèmes, qui se posent aujourd’hui en hématologie. Nous y relevons, parmi les sujets traités dans les séances plénières, des questions concernant l’immunohématologie, les malaises hémorragiques, la leucémie, la rate et le système réticuloendothélial, l’anémie, l’utilisation des isotopes radioactifs en hématologie. A cela s’ajoutent les exposés et discussions, qui font l’objet des symposiums. Vous aurez ainsi la possibilité d’enrichir votre savoir scientifique et de mieux appliquer ces connaissances dans la vie de tous les jours, aux individus et aux familles, à qui finalement ces acquisitions sont destinées. On peut dire que les problèmes du sang, hérités des générations antérieures, et dont les hommes d’aujourd’hui prennent conscience, non sans étonnement ni crainte parfois, revêtent un caractère d’universalité, qui justifie amplement vos efforts, et que souligne entre autres la représentation largement internationale de votre Congrès.
Essais de solution.
L’ouvrage que Nous avons déjà cité dans Notre allocution précédente au sujet de la consultation génétique[1] expose les différentes manières, dont on envisage couramment la solution du problème de l’hérédité défectueuse.
Selon ses dires, depuis qu’on a découvert la technique de la fécondation artificielle, la semi-adoption a été utilisée sur une large échelle pour avoir des enfants, lorsque le mari est stérile, ou lorsque le couple a découvert qu’il était porteur d’un gène récessif grave. Si le père adoptif a des doutes sur la légalité de l’enfant que sa femme a engendré par cette méthode, on peut y remédier très simplement par l’adoption. Une relation scientifique publiée en 1954 souligne que les couples, qui se suspectent mutuellement de stérilité, ont tendance à vouloir déterminer lequel des conjoints est en cause, en recourant à l’adultère volontaire. Pour prévenir des expériences tragiques de ce genre, une clinique de la fécondité peut être d’un grand secours.
Un autre cas assez typique est celui de la femme qui s’adresse à la consultation génétique, parce qu’elle se sait porteuse d’une maladie héréditaire, et qui, ne pouvant accepter les moyens anti-conceptionnels, a l’intention de se soumettre à la stérilisation.
Nouvelle condamnation de l’insémination artificielle.
Le premier cas mentionné envisage, comme solution au problème de la stérilité du mari, l’insémination artificielle, laquelle suppose évidemment un donneur étranger au couple. Nous avons déjà eu l’occasion de prendre position contre cette pratique dans l’allocution adressée au IVe Congrès international des médecins catholiques, le 29 septembre 1949. Nous y avons réprouvé absolument l’insémination entre personnes non-mariées et même entre époux [2]. Nous sommes revenu sur cette question dans Notre allocution au Congrès mondial de la fertilité et de la stérilité, le 19 mai 1956 [3], pour réprouver à nouveau toute espèce d’insémination artificielle, parce que cette pratique n’est pas comprise dans les droits des époux et qu’elle est contraire à la loi naturelle et à la morale catholique. Quant à l’insémination artificielle entre célibataires, déjà en 1949 Nous avions déclaré qu’elle violait le principe de droit naturel, que toute vie nouvelle ne peut être procréée que dans un mariage valide.
La solution par l’adultère volontaire se condamne elle-même, quels que soient les motifs biologiques, eugéniques ou juridiques, par lesquels on tenterait de la justifier. Aucun époux ne peut mettre ses droits conjugaux à la disposition d’une tierce personne, et toute tentative d’y renoncer reste sans effets ; elle ne pourrait pas non plus s’appuyer sur l’axiome juridique : volenti non fit iniuria.
Stérilisation directe et indirecte.
On envisage aussi comme solution, la stérilisation, soit de la personne, soit de l’acte seul. Pour des motifs biologiques et eugéniques ces deux méthodes acquièrent maintenant une faveur croissante et se répandent progressivement à la faveur de drogues nouvelles, toujours plus efficaces et d’emploi plus commode. La réaction de certains groupes de théologiens à cet état de choses est symptomatique et assez alarmante. Elle révèle une déviation du jugement moral, allant de pair avec une promptitude exagérée à réviser en faveur de nouvelles techniques les positions communément reçues. Cette attitude procède d’une intention louable, qui, pour aider ceux qui sont en difficulté, refuse d’exclure trop vite de nouvelles possibilités de solution. Mais cet effort d’adaptation est appliqué ici d’une façon malheureuse, parce qu’on comprend mal certains principes, ou qu’on leur donne un sens ou une portée qu’ils ne peuvent avoir. Le Saint-Siège se trouve alors dans une situation semblable à celle du bienheureux Innocent XI, qui se vit, plus d’une fois, obligé à condamner des thèses de morale avancées par des théologiens animés d’un zèle indiscret et d’une hardiesse peu clairvoyante [4].
Plusieurs fois déjà Nous avons pris position au sujet de la stérilisation. Nous avons exposé en substance que la stérilisation directe n’était pas autorisée par le droit de l’homme à disposer de son propre corps, et ne peut donc être considérée comme une solution valable pour empêcher la transmission d’une hérédité maladive. « La stérilisation directe, disions-Nous le 29 octobre 1951, c’est-à-dire celle qui vise, comme moyen ou comme but, à rendre impossible la procréation, est une violation grave de la loi morale, et donc elle est illicite. Même l’autorité publique n’a pas le droit, sous prétexte d’une indication quelconque, de la permettre, et beaucoup moins encore de la prescrire ou de la faire exécuter contre des innocents. Ce principe est déjà énoncé dans l’encyclique Casti connubii de Pie XI sur le mariage. Aussi lorsque, il y a une dizaine d’années, la stérilisation commença à être toujours plus largement appliquée, le Saint-Siège se vit dans la nécessité de déclarer expressément et publiquement que la stérilisation directe, perpétuelle ou temporaire, de l’homme comme de la femme, est illicite en vertu de la loi naturelle, dont l’Eglise elle-même, comme vous le savez, n’a pas le pouvoir de dispenser [5]. »
Par stérilisation directe, Nous entendions désigner l’action de qui se propose, comme but ou comme moyen, de rendre impossible la procréation ; mais Nous n’appliquons pas ce terme à toute action, qui rend impossible en fait la procréation. L’homme, en effet, n’a pas toujours l’intention de faire ce qui résulte de son action, même s’il l’a prévu. Ainsi, par exemple, l’extirpation d’ovaires malades aura comme conséquence nécessaire de rendre impossible la procréation ; mais cette impossibilité peut n’être pas voulue soit comme fin, soit comme moyen. Nous avons repris en détail les mêmes explications dans Notre allocution du 8 octobre 1953 au Congrès des urologistes [6]. Les mêmes principes s’appliquent au cas présent et interdisent de considérer comme licite l’extirpation des glandes ou des organes sexuels, dans le but d’entraver la transmission de caractères héréditaires défectueux.
Ils permettent aussi de résoudre une question très discutée aujourd’hui chez les médecins et les moralistes ; Est-il licite d’empêcher l’ovulation au moyen de pilules utilisées comme remèdes aux réactions exagérées de l’utérus et de l’organisme, quoique ce médicament, en empêchant l’ovulation, rende aussi impossible la fécondation ? Est-ce permis à la femme mariée qui, malgré cette stérilité temporaire, désire avoir des relations avec son mari ? La réponse dépend de l’intention de la personne. Si la femme prend ce médicament, non pas en vue d’empêcher la conception, mais uniquement sur avis du médecin, comme un remède nécessaire à cause d’une maladie de l’utérus ou de l’organisme, elle provoque une stérilisation indirecte, qui reste permise selon le principe général des actions à double effet. Mais on provoque une stérilisation directe, et donc illicite, lorsqu’on arrête l’ovulation, afin de préserver l’utérus et l’organisme des conséquences d’une grossesse, qu’il n’est pas capable de supporter. Certains moralistes prétendent qu’il est permis de prendre des médicaments dans ce but, mais c’est à tort. Il faut rejeter également l’opinion de plusieurs médecins et moralistes, qui en permettent l’usage, lorsqu’une indication médicale rend indésirable une conception trop prochaine, ou en d’autres cas semblables, qu’il ne serait pas possible de mentionner ici ; dans ces cas l’emploi des médicaments a comme but d’empêcher la conception en empêchant l’ovulation ; il s’agit donc de stérilisation directe.
Pour la justifier, on cite parfois un principe de morale, juste en soi, mais qu’on interprète mal : licet corrigere defectus naturae dit-on, et puisqu’en pratique il suffit, pour user de ce principe, d’avoir une probabilité raisonnable, on prétend qu’il s’agit ici de corriger un défaut naturel. Si ce principe avait une valeur absolue, l’eugénique pourrait sans hésiter utiliser la méthode des drogues pour arrêter la transmission d’une hérédité défectueuse. Mais il faut encore voir de quelle manière on corrige le défaut naturel et prendre garde à ne point violer d’autres principes de la moralité.
Les préservatifs.
On propose ensuite comme moyen capable d’arrêter la transmission d’une hérédité défectueuse, l’utilisation des préservatifs et la méthode Ogino-Knaus. — Des spécialistes de l’eugénique, qui en condamnent l’usage absolument, lorsqu’il s’agit simplement de donner cours à la passion, approuvent ces deux systèmes, lorsqu’il existe des indications hygiéniques sérieuses ; ils les considèrent comme un mal moindre que la procréation d’enfants tarés. Même si d’aucuns approuvent cette position, le christianisme a suivi et continue à suivre une tradition différente. Notre prédécesseur Pie XI l’a exposée d’une manière solennelle dans son encyclique Casti connubii du 31 décembre 1930, Il caractérise l’usage des préservatifs comme une violation de la loi naturelle ; un acte, auquel la nature a donné la puissance de susciter une vie nouvelle, en est privé par la volonté humaine : quemlibet matrimonii usum, écrivait-il, in quo exercendo, actus, de industria hominum, naturali sua vitae procreandae vi destituatur, Dei et naturae legem infringere, et eos qui tale quid commiserint gravis noxae labe commaculari[7].
La méthode Ogino-Knaus.
Par contre, la mise a profit de la stérilité temporaire naturelle, dans la méthode Ogino-Knaus, ne viole pas l’ordre naturel, comme la pratique décrite plus haut, puisque les relations conjugales répondent à la volonté du Créateur. Quand cette méthode est utilisée pour des motifs sérieux proportionnés (et les indications de l’eugénique peuvent avoir un caractère grave), elle se justifie moralement. Déjà Nous en avons parlé dans Notre allocution du 29 octobre 1951, non pour exposer le point de vue biologique ou médical, mais pour mettre fin aux inquiétudes de conscience de beaucoup de chrétiens, qui l’utilisaient dans leur vie conjugale. D’ailleurs, dans son encyclique du 31 décembre 1930, Pie XI avait déjà formulé la position de principe : Neque contra naturae ordinem agere ii dicendi sunt coniuges, qui iure suo recte et naturali ratione utuntur, etsi ob naturales sive temporis sive quorundam defectuum causas nova inde vita oriri non possit [8].
Nous avons précisé dans Notre allocution de 1951 que les époux, qui font usage de leurs droits conjugaux, ont l’obligation positive, en vertu de la loi naturelle propre à leur état, de ne pas exclure la procréation. Le Créateur en effet a voulu que le genre humain se propageât précisément par l’exercice naturel de la fonction sexuelle. Mais à cette loi positive Nous appliquions le principe qui vaut pour toutes les autres : elles n’obligent pas dans la mesure où leur accomplissement comporte des inconvénients notables, qui ne sont pas inséparables de la loi elle-même, ni inhérents à son accomplissement, mais viennent d’ailleurs, et que le législateur n’a donc pas eu l’intention d’imposer aux hommes, lorsqu’il a promulgué la loi.
L’adoption.
Le dernier moyen mentionné plus haut, et sur lequel Nous voulions exprimer Notre avis, était celui de l’adoption. Lorsqu’il faut déconseiller la procréation naturelle, à cause du danger d’une hérédité tarée, à des époux qui voudraient quand même avoir un enfant, on leur suggère le système de l’adoption. On constate par ailleurs que ce conseil est en général suivi d’heureux résultats et rend aux parents le bonheur, la paix, la sérénité. Du point de vue religieux et moral, l’adoption ne soulève aucune objection ; c’est une institution reconnue presque dans tous les Etats civilisés. Si certaines lois contiennent des dispositions inacceptables en morale, cela ne touche pas l’institution elle-même. Du point de vue religieux, il faut demander que les enfants de catholiques soient pris en charge par des parents adoptifs catholiques ; la plupart du temps en effet les parents imposeront à leur enfant adoptif leur propre religion.
Réponse aux questions posées.
Après avoir discuté les solutions proposées couramment, au problème de l’hérédité défectueuse, il Nous reste encore à donner réponse aux questions que vous Nous avez posées [9]. Elles s’inspirent toutes du désir de préciser l’obligation morale découlant de résultats de l’eugénique, que l’on peut considérer comme acquis.
Il s’agit, dans des différents cas présentés, de l’obligation générale d’éviter tout danger ou dommage plus ou moins grave, tant pour l’intéressé, que pour son conjoint et ses descendants. Cette obligation est proportionnée à la gravité du dommage possible, à sa probabilité plus ou moins grande, à l’intensité et à la proximité de l’influence pernicieuse exercée, à la gravité des motifs que l’on a de poser des actions dangereuses et d’en permettre les conséquences néfastes. Or ces questions sont en majeure partie des questions de fait, auxquelles seuls l’intéressé, le médecin et les spécialistes consultés peuvent donner réponse. Au point de vue moral, on peut dire en général que l’on n’a pas le droit de ne pas tenir compte des risques réels que l’on connaît.
La visite prénuptiale.
D’après ce principe de base, on peut répondre affirmativement à la première question que vous posiez : faut-il conseiller, en général, la visite prénuptiale et, en particulier, l’examen du sang, en Italie et dans le bassin méditerranéen ? Cette visite est à conseiller, et même, si le danger est vraiment grave, on pourrait l’imposer en certaines provinces ou localités. En Italie, dans tout le bassin méditerranéen et les pays qui accueillent des groupes d’émigrés de ces pays, il faut tenir compte spécialement du désordre hématologique méditerranéen. Le moraliste évitera de se prononcer, dans les cas particuliers, par un „oui” ou un „non” apodictique ; seule l’observation de toutes les données de fait permet de déterminer si l’on se trouve devant une obligation grave.
On peut parfois déconseiller le mariage, mais non l’interdire.
Vous demandez ensuite s’il est permis de déconseiller le mariage à deux fiancés, chez lesquels l’examen du sang a révélé la présence du mal méditerranéen ? Lorsqu’un sujet est porteur du mal hématologique méditerranéen, on peut lui déconseiller le mariage, mais non le lui interdire. Le mariage est un des droits fondamentaux de la personne humaine, auquel on ne saurait porter atteinte. Si l’on a peine parfois à comprendre le point de vue généreux de l’Eglise, c’est que l’on perd trop facilement de vue le présupposé que Pie XI exposait dans l’encyclique Casti connubii sur le mariage : les hommes sont engendrés non pas d’abord et surtout pour cette terre et pour la vie temporelle, mais pour le ciel et l’éternité. Ce principe essentiel semble étranger aux préoccupations de l’eugénique. Et cependant il est juste ; il est même le seul pleinement valable. Pie XI affirmait encore, dans la même encyclique, qu’on n’a pas le droit d’empêcher quelqu’un de se marier ou d’user d’un mariage légitimement contracté, même lorsque, en dépit de tous les efforts, le couple est incapable d’avoir des enfants sains. En fait, il sera souvent difficile de faire coïncider les deux points de vue, celui de l’eugénique et celui de la morale. Mais pour garantir l’objectivité de la discussion, il est nécessaire que chacun connaisse le point de vue de l’autre et soit familiarisé avec ses raisons [10].
On peut parfois déconseiller les époux d’avoir des enfants, mais non le leur interdire.
On s’inspirera des mêmes idées pour répondre à la troisième question : si après le mariage l’on constate la présence du mal hématologique méditerranéen chez les deux époux, est-il permis de leur déconseiller d’avoir des enfants ? On peut leur déconseiller d’avoir des enfants, mais on ne peut pas le leur défendre. Par ailleurs, il reste à voir quelle méthode le conseiller (qu’il soit médecin, hématologue ou moraliste) leur suggérera à cette fin. Les ouvrages spécialisés refusent ici de répondre et laissent aux époux intéressés toute leur responsabilité. Mais l’Eglise ne peut se contenter de cette attitude négative ; elle doit prendre position. Comme Nous l’avons expliqué, rien ne s’oppose à la continence parfaite, à la méthode Ogino-Knaus, ni à l’adoption d’un enfant.
L’ignorance d’une tare héréditaire ne peut rendre nul un mariage contracté sans conditions.
La question suivante concerne la validité du mariage contracté par des époux porteurs du mal hématologique méditerranéen. Si les époux ignorent leur état au moment du mariage, ce fait peut-il être une raison de nullité du mariage ? Abstraction faite du cas où Ton pose comme condition[11] l’absence de toute hérédité maladive, ni la simple ignorance, ni la dissimulation frauduleuse d’une hérédité tarée, ni même l’erreur positive qui aurait empêché le mariage si elle avait été décelée, ne suffisent pour mettre en doute sa validité. L’objet du contrat de mariage est trop simple et trop clair, pour qu’on puisse en alléguer l’ignorance. Le lien contracté avec une personne déterminée doit être considéré comme voulu, à cause de la sainteté du mariage, de la dignité des époux, et de la sécurité des enfants engendrés, et le contraire doit être prouvé clairement et sûrement. L’erreur grave ayant été cause du contrat [12] n’est pas niable, mais elle ne prouve pas l’absence de volonté réelle de contracter mariage avec une personne déterminée. Ce qui est décisif dans le contrat, ce n’est pas ce que l’on aurait fait, si l’on avait su telle ou telle circonstance, mais ce qu’on a voulu et fait en réalité, parce que, de fait, on ne savait pas.
La « situation Rh ».
Dans la septième question, vous demandez si l’on peut considérer la « situation Rh » comme un motif de nullité de mariage, lorsqu’elle entraîne la mort des enfants dès la première grossesse. Vous supposez que les époux n’ont pas voulu s’engager à avoir des enfants, qui seraient victimes d’une mort précoce à cause d’une tare héréditaire. Mais le simple fait que des tares héréditaires entraînent la mort des enfants ne prouve pas l’absence de la volonté de conclure le mariage. Cette situation évidemment est tragique, mais le raisonnement s’appuie sur une considération qui ne porte pas. L’objet du contrat matrimonial n’est pas l’enfant, mais l’accomplissement de l’acte matrimonial naturel, ou, plus précisément, le droit d’accomplir cet acte ; ce droit reste tout à fait indépendant du patrimoine héréditaire de l’enfant engendré, et de même de sa capacité de vivre.
Dans le cas d’un couple en « situation Rh » vous demandez aussi s’il est permis de déconseiller toujours la procréation ou s’il faut attendre le premier incident ?
Les spécialistes de la génétique et l’eugénique sont plus compétents que Nous en ce domaine. Il s’agit en effet d’une question de fait, qui dépend de facteurs nombreux, dont vous êtes les juges compétents. Au point de vue moral, il suffit d’appliquer les principes, que Nous avons exposés plus haut, avec les distinctions nécessaires.
Les mariages entre consanguins.
Vous demandez enfin s’il est permis de faire de la propagande sur le plan technique pour souligner les dangers inhérents au mariage entre consanguins. Sans aucun doute, il est utile d’informer le public des risques sérieux qu’entraînent les mariages de ce genre. On tiendra compte ici également de la gravité du danger pour juger de l’obligation morale.
Avec sagacité et persévérance, vous tentez d’explorer toutes les issues possibles à tant de situations difficiles ; vous vous employez sans relâche à prévenir et guérir une infinité de souffrances et de misères humaines. Même si des précisions ou des modifications apparaissent souhaitables en certains points, cela n’enlève rien au mérite incontestable de vos travaux. Nous les encourageons bien volontiers. Nous apprécions hautement la collaboration active et sérieuse, qui permet aux diverses opinions de s’exprimer librement, mais ne s’arrête jamais aux critiques négatives. C’est la seule voie ouverte au progrès réel, aussi bien dans l’acquisition de nouvelles connaissances théoriques, que dans leur application clinique.
Puissiez-vous continuer votre œuvre avec courage et avec le souci constant de sauvegarder les plus hautes valeurs spirituelles, qui seules peuvent couronner dignement vos efforts. En gage de Notre bienveillance et des faveurs divines, Nous vous accordons à vous-mêmes et à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.
Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-Maurice Saint-Augustin. – D’après le texte français des A. A. S., L, 1958, p. 752.
- Sheldon C. Reed, Counseling in Medical Genetics.[↩]
- Documents Pontificaux 1949, pp. 411–414.[↩]
- Documents Pontificaux 1956, pp. 315–316.[↩]
- Cf. Denzinger, n. 1151–1216, 1221–1288.[↩]
- Documents Pontificaux 1951, p. 482.[↩]
- Documents Pontificaux 1953, pp. 492–498.[↩]
- A, A. S., XXII, 1930, pp. 559–560.[↩]
- A. A. S., XXII, 1930, p. 561.[↩]
- Voici les questions posées : 1. Faut-il conseiller, en général, la visite prénuptiale et, en particulier, l’examen du sang, en Italie et dans le bassin méditerranéen ? 2. Si cet examen est positif, en ce qui concerne deux fiancés déterminés, y a‑t-il lieu de déconseiller le mariage ? 3. Le mariage une fois consommé, si l’on constate, chez les deux époux, le « désordre hématologique méditerranéen », est-il permis dé déconseiller la progéniture ? 4. Cette situation, si elle était ignorée des époux au moment du mariage, peut-elle être considérée comme une raison de nullité de ce dernier ? 5. Est-il permis, sur le plan technique, de faire une propagande destinée à souligner les dangers, pour la progéniture, du mariage entre consanguins ? 6. A un couple se trouvant dans la « situation Rh », est-il permis de déconseiller toujours la procréation ou seulement après le premier incident ? 7. Dans le cas où la « situation Rh » se présenterait particulièrement grave, s’il est donné de constater des facteurs mortels dès la première grossesse, empêchant ainsi totalement la procréation, cela peut-il constituer un motif de nullité du mariage ?[↩]
- Cf. A. A. S., XXII, 1930, pp. 564–565.[↩]
- Can. 1092.[↩]
- Can. 1084.[↩]