Pie IX

255ᵉ pape ; de 1846 à 1878

20 mai 1850

Allocution consistoriale Si semper antea

Situation politique du Saint-Siège et protestation contre les lois de laïcisation du Royaume de Sardaigne

Pie IX dresse ici l’é­tat diplo­ma­tique com­plexe du Saint-​Siège en ces années d’ins­ta­bi­li­té. Il a été contraint de quit­ter le palais du Quirinal, à Rome, après l’at­taque des par­ti­sans de Mazzini et se réfu­gia à Gaète dans le Royaume des Deux-​Siciles. La France envoya un corps expé­di­tion­naire com­man­dé par le géné­ral Oudinot, qui s’empare de Rome le 30 juin 1849 et en chasse défi­ni­ti­ve­ment les révo­lu­tion­naires en juillet. Le pape revint à Rome le 12 avril 1850. Mais il doit déplo­rer les lois de laï­ci­sa­tion pro­mul­guées par le Royaume de Sardaigne en 1850 qui valurent l’in­car­cé­ra­tion à Mgr Fransoni, arche­vêque de Turin.

Ce dis­cours est cité comme source de la pro­po­si­tion condam­née n° 76 du Syllabus de 1864 :

L’abrogation de la sou­ve­rai­ne­té civile dont le Saint-​Siège est en pos­ses­sion ser­vi­rait, même beau­coup, à la liber­té et au bon­heur de l’Église.

Proposition condam­née n° 76 du Syllabus.

Prononcée dans le consis­toire secret du 20 mai 1850.

Vénérables Frères.

Si jus­qu’à pré­sent Nous avons tou­jours recon­nu l’admirable Providence du Dieu très-​grand et très-​bon dans la conduite des affaires du monde catho­lique, c’est sur­tout dans ces der­nières années que Nous avons vu se mani­fes­ter d’une manière admi­rable cette force céleste, cette assis­tance que Dieu a garan­tie à son Eglise jusqu’à la consom­ma­tion des siècles. Par tout l’Univers ou a appris les déplo­rables vicis­si­tudes qui, pen­dant plus de seize mois, Nous ont tenu en exil et dans la dou­leur éloi­gné de Notre Siège ; on sait aus­si ce qu’ont été ces temps d’a­mer­tume pro­fonde et qu’on ne sau­rait assez déplo­rer, pen­dant les­quels le prince des ténèbres a pu vomir toute sa rage contre l’Eglise et le Saint-​Siège apos­to­lique, et don­ner car­rière à ses fureurs jusque dans cette ville, centre de la véri­té, Nous plon­geant dans un deuil incroyable, ain­si que vous et tous les hommes de bien. Tout le monde sait aus­si com­ment le Sei­gneur juste et misé­ri­cor­dieux, qui frappe et qui gué­rit, « donne la mort et la vie, conduit jusqu’aux enfers et en ramène » [1], Nous a conso­lé dans Notre tri­bu­la­tion par les secours sen­sibles et évi­dents de sa bon­té ; com­ment, accueillant d’un visage pro­pice et serein Nos prières et Nos gémis­se­ments et ceux de toute l’Eglise, il a dai­gné apai­ser cette effroyable tem­pête exci­tée par l’en­fer, arra­cher Nos sujets bien aimés à l’état mal­heu­reux dans lequel ils gémis­saient, et Nous rame­ner dans cette sainte ville au milieu de la joie des peuples et aux applau­dis­se­ments du monde entier. Aussi, devant vous par­ler aujourd’hui pour la pre­mière fois depuis Notre retour dans Rome, Nous n’avons rien de plus à cœur que de rendre à Dieu de très grandes, d’immortelles actions de grâces pour tant de bien­faits, et de payer un digne tri­but de louanges aux nobles Nations et aux Princes qui, sous l’inspiration de Dieu, ont si bien méri­té de Nous et de ce Siège apos­to­lique, et se sont fait une joie et une conso­la­tion d’aider et de défendre par leurs tré­sors, leurs conseils et leurs armes, la Souveraineté tem­po­relle de ce même Siège, et de rendre à la ville et à l’Etat pon­ti­fi­cal l’ordre et la tranquillité.

Ainsi Notre très cher Fils en Jésus-​Christ, Ferdinand II, illustre roi des Deux-​Siciles, a droit à toute Notre recon­nais­sance et à tous Nos éloges. Obéissant en effet à ses sen­ti­ments de reli­gion, à peine infor­mé de Notre arri­vée à Gaète, sans retard, il vola vers Nous avec son auguste épouse Marie-​Thérèse, heu­reux d’offrir au Vicaire de Jésus-​Christ sur la terre les témoi­gnages de sa pié­té sin­gu­lière, de son dévoue­ment et de son res­pect filial : il Nous don­na une géné­reuse hos­pi­ta­li­té, et pen­dant tout le temps que Nous avons demeu­ré dans son royaume, vous avez vu vous-​mêmes, Vénérables Frères, qu’il n’a jamais ces­sé de Nous com­bler de toute espèce de bons offices ; quand d’autres Nations accou­rurent aus­si au secours de la Souve­raineté tem­po­relle de ce Siège apos­to­lique, ce Prince a vou­lu se mettre lui-​même à la tête de ses troupes. Ces mérites par­ti­cu­liers d’un roi très pieux envers Nous et le Saint-​Siège sont tel­le­ment gra­vés dans Notre cœur, que jamais l’oubli ne pour­ra en effa­cer le doux souvenir.

il faut nom­mer la très noble Nation fran­çaise, si illustre par sa gloire mili­taire, par son dévoue­ment au Saint-​Siège, et par tant d’autres mérites […] cette nation et l’illustre Président de la Répu­blique accou­rant à l’aide de Notre per­sonne et de Nos Etats, sans épar­gner aucune dépense, ont déci­dé d’envoyer ces braves géné­raux et ces soldats

Maintenant c’est avec un grand hon­neur et un éter­nel témoi­gnage de Notre recon­nais­sance, qu’il faut nom­mer la très noble Nation fran­çaise, si illustre par sa gloire mili­taire, par son dévoue­ment au Saint-​Siège, et par tant d’autres mérites, et qui Nous a témoi­gné une bonne volon­té si géné­reuse et por­té de si puis­sants secours. En effet, cette nation et l’illustre Président de la Répu­blique accou­rant à l’aide de Notre per­sonne et de Nos Etats, sans épar­gner aucune dépense, ont déci­dé d’envoyer ces braves géné­raux et ces sol­dats qui, après avoir sou­te­nu tant de fatigues, ont déli­vré la ville de la mal­heu­reuse condi­tion à laquelle elle était réduite, et se sont fait une gloire de Nous rame­ner dans ses murs.

Nous vou­lons éga­le­ment com­prendre dans ces éloges et dans ce témoi­gnage de Notre recon­nais­sance Notre très cher Fils en Jésus-​Christ François-​Joseph, empe­reur d’Autriche, roi apos­to­lique de Hongrie, et illustre roi de Bohême, qui, gui­dé par sa pié­té héré­di­taire et sou res­pect pour la Chaire de Saint-​Pierre, a prê­té son puis­sant concours et ses soins au main­tien de la Souverai­neté tem­po­relle du Saint-​Siège, et par ses armes vic­to­rieuses, a déli­vré sur­tout les pro­vinces du Saint-​Siège, l’Emilie, la marche d’Ancône et l’Ombrie, d’une injuste et triste domi­na­tion, et les a rame­nées sous Notre légi­time gouverne­ment. Nous devons aus­si un sou­ve­nir très recon­nais­sant à Notre très chère Fille en Jésus-​Christ Marie-​Isabelle, reine catho­lique d’Espagne, et à son gou­ver­ne­ment ; car, comme vous le savez, très bien, dès qu’elle a connu Nos mal­heurs, elle n’a rien eu de plus pres­sé que d’exciter toutes les Puissances catho­liques à sou­te­nir la cause du Père com­mun, et elle a envoyé ses braves troupes à la défense des pos­ses­sions de l’Eglise romaine. Nous ne pou­vons ici, Vénérables Frères, pas­ser sous silence ces Princes illustres, ceux-​là mêmes qui ne sont point en union avec cette Chaire de Pierre, qui Nous ont témoi­gné leur bien­veillance dévouée, et qui, s’ils ne Nous ont pas envoyé leurs troupes, se sont effor­cés par leurs bons offices de sou­te­nir Nos droits tem­po­rels et ceux de l’Eglise romaine. C’est pour­quoi Nous leur ren­dons à tous les actions de grâces qu’ils méritent, et Nous pro­fes­sons leur être très recon­nais­sant. Et dans ceci, per­sonne ne peut mécon­naître la haute Providence de Dieu, qui dis­pose tout avec force et sua­vi­té, qui, au milieu des troubles et des dif­fi­cul­tés si grandes de ces temps, a fait que les Princes, même ceux qui ne sont point en com­mu­nion avec l’Eglise romaine, défen­dissent et sou­tinssent la Souveraineté tem­po­relle de cette même Eglise, dont le Pontife romain jouit au titre le plus incon­tes­table depuis tant de siècles, par une dis­po­si­tion sin­gu­lière de la Pro­vidence, afin que dans le gou­ver­ne­ment de l’Eglise uni­ver­selle qui lui est divi­ne­ment confié, il puisse exer­cer sa suprême auto­ri­té apos­to­lique sur toute la terre avec cette liber­té qui lui est si néces­saire pour rem­plir les devoirs du Souverain Pontificat et pro­cu­rer le salut du trou­peau du Seigneur.

Nous vou­lons aus­si louer et hono­rer tous les per­son­nages qui ont été auprès de Nous et de ce Saint-​Siège les ambas­sa­deurs et les ministres de ces Princes et de ces Nations, et qui, au nom de ces mêmes Princes et de ces mêmes Na­tions, ont déployé toute leur volon­té et tout leur zèle à défendre Notre per­sonne avant Notre retraite, et qui Nous ont fidè­le­ment assis­té dans Notre exil et dans Notre retour. Ces marques si nom­breuses et si grandes de pié­té sin­gu­lière, d’amour géné­reux, de sou­mis­sion très dévouée, de libé­ra­li­té sans bornes, que Nous avons reçues de l’u­ni­vers catho­lique, Nous ont si profondé­ment tou­ché, que Nous dési­re­rions vive­ment don­ner dans cette assem­blée des remer­cie­ments et des éloges par­ti­cu­liers, non seule­ment pour cha­cune des villes et des cités, mais encore pour cha­cun des nom­breux fidèles qui ont bien méri­té de Nous ; mais les bornes qui Nous sont pres­crites ne le per­mettent pas. Nous ne pou­vons pas Nous taire cepen­dant sur les illustres et admi­rables témoi­gnages de foi, de pié­té, d’amour, de libé­ra­li­té, dont Nous ont entou­ré Nos Vénérables Frères, les Evêques du monde catho­lique, et qui ont été pour Nous la source de la plus grande joie. Tout enga­gés qu’ils étaient eux-​mêmes, en effet, dans les dif­fi­cul­tés et dans les périls les plus graves, ils n’ont jamais ces­sé cepen­dant de rem­plir leur minis­tère avec tout le cou­rage et tout le zèle sacer­do­tal, de com­battre le bon com­bat, de défendre héroï­que­ment, soit par la parole, soit par de salu­taires écrits, soit par des conciles épis­co­paux, la cause, les droits, la liber­té de l’Eglise, et de pour­voir au salut du trou­peau confié à leur garde. Nous expri­me­rons aus­si Notre pro­fonde recon­nais­sance envers Vous, Vénérables Frères, Cardinaux de la sainte Eglise romaine, qui Nous avez pro­di­gué tant de conso­la­tions et de sou­la­ge­ment, vous qui avez sui­vi Notre infor­tune et qui l’a­vez par­ta­gée, qui avez oppo­sé à l’adversité un cœur invin­cible, qui, prêts à tout souf­frir pour l’Eglise de Dieu, à vous mon­trer dignes par la pra­tique de toutes les ver­tus du rang éle­vé que vous occu­pez dans cette même Eglise, n’avez rien négli­gé pour Nous venir en aide par vos conseils et par vos tra­vaux dans de si cri­tiques et si périlleuses conjonc­tures. Et puisque, par le très grand bien­fait de Dieu, les choses ont tour­né de telle sorte que Nous avons pu recou­vrer ce Siège apos­to­lique, non seule­ment aux accla­ma­tions de cette bonne ville, mais encore de tous les peuples, qu’avons-nous de mieux à faire que de rendre, dans l’humilité de Notre cœur, d’assidues et immor­telles actions de grâces au Dieu très clé­ment, au Seigneur des miséri­cordes, et à la très sainte Mère de Dieu, l’Immaculée Vierge Marie, à la toute-​puissante pro­tec­tion de laquelle Nous attri­buons le salut qui nous a été accordé.

Vous connais­sez, Vénérables Frères, l’affreuse et inexo­rable guerre sou­le­vée entre la lumière et les ténèbres, entre la véri­té et l’erreur, entre le vice et la ver­tu, entre Bélial et le Christ, et Vous n’ignorez pas par quels arti­fices et par quelles menées des hommes enne­mis s’efforcent d’attaquer et de fou­ler aux pieds les choses de Notre très sainte Religion

Jusqu’ici, Vénérables Frères, Nous avons rap­pe­lé ce qui Nous a cau­sé une douce satis­fac­tion ; main­te­nant, pres­sé par le devoir de Notre minis­tère Apos­tolique, Nous devons dire ce qui inquiète pro­fon­dé­ment Notre cœur, ce qui le rem­plit d’angoisses, ce qui l’accable. Vous connais­sez, Vénérables Frères, l’affreuse et inexo­rable guerre sou­le­vée entre la lumière et les ténèbres, entre la véri­té et l’erreur, entre le vice et la ver­tu, entre Bélial et le Christ, et Vous n’ignorez pas par quels arti­fices et par quelles menées des hommes enne­mis s’efforcent d’attaquer et de fou­ler aux pieds les choses de Notre très sainte Religion, d’arracher jusqu’à la der­nière racine le germe de toutes les ver­tus chré­tiennes, de pro­pa­ger par­tout une licence effré­née et impie de pen­ser et de vivre, d’infecter et de cor­rompre par des erreurs per­verses et mor­telles les esprits et les cœurs, sur­tout de la mul­ti­tude inex­pé­ri­men­tée et de la jeu­nesse impru­dente, de bou­le­ver­ser tous les droits divins et humains, et, si cela pou­vait être jamais, de détruire de fond en comble l’Eglise catho­lique et de ren­ver­ser cette sainte Chaire de Pierre. Il n’est per­sonne qui ne voie de quels nom­breux et immenses mal­heurs, de quelles cala­mi­tés sont assié­gés et déchi­rés par la puis­sance des ténèbres, à la grande dou­leur de Notre âme, le trou­peau de Jésus-​Christ confié à Nos soins et la socié­té humaine elle-​même. Aussi, Vénérables Frères, aujourd’­hui plus que jamais Nous devons, et vous avec Nous, Nous appli­quer ardem­ment, par l’union intime de nos esprits, par toute vigi­lance, par tout zèle, par tout effort, par toute œuvre, par toute parole, par tout exemple, à éle­ver un mur de défense devant la mai­son d’Israël, et à com­battre intré­pi­de­ment les com­bats du Seigneur. Pour Nous, bien qu’ayant con­science de Notre fai­blesse, mais appuyé sur le secours de Dieu, selon le devoir de votre suprême minis­tère Apostolique, Propter Sion non tace­bi­mus et prop­ter Hierusalem non quies­ce­mus (Is 62, 1) [2], et éle­vant constam­ment les yeux vers Jésus, l’au­teur et le consom­ma­teur de Notre foi, Nous n’épargnerons ni soins, ni conseils, ni tra­vaux pour don­ner un appui à la mai­son, for­ti­fier le temple, répa­rer les ruines de l’Eglise et pour­voir au salut de tous, dis­po­sé et prêt à don­ner très volon­tiers Notre vie pour le Seigneur Jésus-​Christ et sa sainte Eglise. Et ici, Nous adres­sant à tous nos Vénérables Frères, les Evêques de l’univers catho­lique, appe­lés à par­ta­ger Notre sol­li­ci­tude, tout en les féli­ci­tant vive­ment de leurs glo­rieux tra­vaux pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, Nous les encou­ra­geons, afin que dans cette hor­rible guerre contre Notre divine Religion, una­nimes eux-​mêmes dans les liens et l’expression des mêmes senti­ments, for­ti­fiés dans le Seigneur et dans la puis­sance de Sa Vertu, pre­nant en main le bou­clier inex­pug­nable de la foi, et cei­gnant le glaive de l’esprit, qui est le Verbe de Dieu, ils se lèvent, comme ils l’ont déjà fait, pour com­battre intré­pi­de­ment en faveur de Notre très sainte Religion avec un zèle de jour en jour plus vif, avec leur ver­tu pas­to­rale, avec leur constance et leur pru­dence, et pour s’opposer aux efforts des hommes enne­mis, repous­ser leurs traits, rompre leur fougue, défendre contre leurs embûches et leurs vio­lences le trou­peau qui leur est com­mis et le conduire dans les voies du salut.

Nous devons, et vous avec Nous, Nous appli­quer ardem­ment, par l’union intime de nos esprits, par toute vigi­lance, par tout zèle, par tout effort, par toute œuvre, par toute parole, par tout exemple, à éle­ver un mur de défense devant la mai­son d’Israël, et à com­battre intré­pi­de­ment les com­bats du Seigneur.

En outre, Nous deman­dons à Nos Vénérables Frères, qu’ils ne ces­sant ja­mais d’avertir, d’exhorter, d’exciter sur­tout les ecclé­sias­tiques, afin que, s’ap­pliquant à l’oraison, rem­plis de fer­veur spi­ri­tuelle et vivant dans la pié­té et la sain­te­té, ils appa­raissent en tout comme des modèles de bonnes œuvres, et qu’en­flam­més du zèle de la gloire de Dieu et du salut des âmes, unis entre eux par le lien étroit de la cha­ri­té, ils revêtent l’armure divine et marchent au com­bat d’un seul cœur et d’une seule âme, met­tant en com­mun toutes leurs forces, et sous la conduite de leur propre Evêque, éle­vant nuit et jour la voix sacer­do­tale, prê­chant avec ardeur au peuple chré­tien la loi de Dieu et les pres­crip­tions de l’Eglise son Epouse. Que nos Vénérables Frères ne cessent pas non plus d’inculquer aux ecclé­sias­tiques le devoir de décou­vrir au peuple chré­tien les embûches et les pièges que lui tendent des hommes fal­la­cieux, et de rap­pe­ler aux fidèles que du péché sont tou­jours venus et viennent tou­jours tous les mal­heurs et toutes les cala­mi­tés qui accablent les peuples, et que la véri­table et solide féli­ci­té consiste dans l’observance de la loi chré­tienne. Qu’ils n’épargnent donc rien afin que tous, détes­tant le mal et s’adonnant au bien, marchent dans la voie des com­man­de­ments de Dieu, et que les éga­rés, arra­chés aux ténèbres de l’erreur et à la fange du vice, se conver­tissent au Seigneur.

Déjà, Vénérables Frères, Nous Vous avons fait part de la grande conso­la­tion qui Nous a été don­née au milieu de tant d’angoisses, lorsque Nous avons connu les décrets ren­dus par Notre très cher Fils François-​Joseph, empe­reur d’Au­triche, roi apos­to­lique de Hongrie, illustre roi de Bohème, décrets par les­quels, sui­vant les ins­pi­ra­tions de sa pié­té, accom­plis­sant Nos vœux et Nos demandes, et ceux de Nos Vénérables Frères les Evêques de son vaste empire, à la gloire de son nom, à la joie de tous les gens de bien, il a, de concert avec ses minis­tres et d’un cœur ardent, assu­ré dans ses Etats la liber­té si dési­rée de l’Eglise catho­lique. Une si grande action, une action si digne d’un Prince catho­lique mérite à cet illustre Empereur et Roi les louanges que Nous lui don­nons, en le féli­ci­tant ardem­ment dans le Seigneur. Nous nour­ris­sons la douce espé­rance que ce Prince si reli­gieux, dans son zèle pour le bien de l’Eglise, vou­dra, en conti­nuant son œuvre et l’amenant à la per­fec­tion, mettre le comble à ses mérites.

une loi a été pro­mul­guée contraire aux lois de l’Eglise et aux conven­tions solen­nel­le­ment conclues avec ce Siège Apostolique

Mais pen­dant que Nous Nous livrions à cette conso­la­tion, une dou­leur cruelle est sur­ve­nue, dont Nous res­sen­tons vive­ment le poids et les étreintes, voyant com­ment, dans un autre royaume catho­lique, sont trai­tées les choses de Notre Religion très sainte et fou­lés aux pieds les droits sacrés de l’Eglise et de ce Saint-​Siège. Vous com­pre­nez, Vénérables Frères, que Nous vou­lons par­ler du Royaume Subalpin, où, tout le monde le sait, par les lettres pri­vées ou publiques, une loi a été pro­mul­guée contraire aux lois de l’Eglise et aux conven­tions solen­nel­le­ment conclues avec ce Siège Apostolique [3], et où, en ces der­niers jours, Notre âme en est rem­plie de dou­leur, et tous les hommes de bien à Turin et dans tout le royaume en sont dans le deuil, l’illustre Pontife de Turin, Notre Vénérable Frère Louis Fransoni, arra­ché par la force armée de sa mai­son épis­co­pale, a été conduit à la cita­delle. Ainsi que l’exigeaient la gra­vi­té du fait et le devoir de Notre charge pour la défense des droits de l’Eglise, Nous avons immé­dia­te­ment, par l’organe de Notre Cardinal ministre, récla­mé auprès de ce gou­ver­ne­ment, d’abord contre la loi sus­dite, ensuite contre l’in­jure et la vio­lence faites à l’illustre Archevêque. Dans l’amertume qui rem­plit Notre cœur, Notre conso­la­tion est d’espérer que ces récla­ma­tions auront l’issue dési­rée, et Nous remet­tons à une autre Allocution, lorsque le moment Nous sem­ble­ra oppor­tun, de vous entre­te­nir des affaires ecclé­sias­tiques de ce Royaume.

Nous ne pou­vons main­te­nant Nous défendre, dans Notre sol­li­ci­tude pater­nelle envers l’illustre nation des Belges, qui s’est tou­jours fait remar­quer par son zèle pour la reli­gion catho­lique, de témoi­gner publi­que­ment Notre dou­leur à la vue des périls qui menacent chez elle la reli­gion catho­lique. Nous avons la confiance que désor­mais son Roi Sérénissime, et tous ceux qui, dans ce Royaume, tiennent le timon des affaires, réflé­chi­ront dans leur sagesse com­bien l’Eglise catho­lique et sa doc­trine servent à la tran­quilli­té et à la pros­pé­ri­té tem­po­relle des peuples ; qu’ils vou­dront conser­ver dans son inté­gri­té la force salu­taire de cette même Eglise, et consi­dé­rer comme leur tâche la plus impor­tante celle de pro­té­ger et de défendre les Saints Prélats et les Ministres de l’Église.

Nous Nous tour­nons de toute l’affection de Notre cœur vers tous ceux qui sont sépa­rés de Nous, et Nous les sup­plions dans le Seigneur de dis­si­per les ténèbres de l’erreur, d’ouvrir les yeux à la lumière de la véri­té, de se réfu­gier dans le sein de la Sainte Mère Eglise et auprès de cette Chaire de Pierre, sur laquelle le Christ a bâti son Église.

Et parce que la cha­ri­té apos­to­lique, dans laquelle Nous embras­sons en Notre Seigneur toutes les nations et tous les peuples, Nous presse de telle sorte que Nous ne sou­hai­tons rien tant, et avec plus d’ardeur, que de voir tous les hommes confes­ser le Fils de Dieu dans l’unité de la foi, Nous Nous tour­nons de toute l’affection de Notre cœur vers tous ceux qui sont sépa­rés de Nous, et Nous les sup­plions dans le Seigneur de dis­si­per les ténèbres de l’erreur, d’ouvrir les yeux à la lumière de la véri­té, de se réfu­gier dans le sein de la Sainte Mère Eglise et auprès de cette Chaire de Pierre, sur laquelle le Christ a bâti son Église.

Enfin, Vénérables Frères, ne ces­sons jamais d’adresser, avec toute la persé­vérance dont Nous sommes capables, d’humbles et fer­ventes prières au Dieu très clé­ment d’où pro­cèdent tous les biens, afin que, par les mérites de son Fils Unique Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, de sa Très Sainte Mère, la Vierge Immaculée, des Bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et de tous les saints, il délivre son Eglise sainte de toutes les adver­si­tés, qu’il l’orne et l’accroisse chez tous les peuples et par toute la terre, par les plus écla­tants triomphes, qu’il Nous comble Nous-​même chaque jour des dons les plus abon­dants de sa bon­té, qu’il répande les tré­sors du vrai bon­heur sur les Princes et sur les Nations qui ont si bien méri­té de Nous, et accorde à tout l’univers la paix, objet de tous nos désirs.

Source : Recueil des allo­cu­tions consis­to­riales, ency­cliques et autres lettres apos­to­liques citées dans l’encyclique et le Syllabus, Librairie Adrien Le Clere, Paris, 1865, p. 264.

Notes de bas de page
  1. 1 S 2, 6[]
  2. « A cause de Sion Je ne Me tai­rai point, et à cause de Jérusalem Je ne pren­drai pas de repos »[]
  3. Note de LPL : il s’a­git des lois Siccardi, approu­vées à Turin par le Royaume de Sardaigne en 1850.[]
7 mars 1874
Sur les persécutions dont était victime l'Église de l'Empire d'Autriche-Hongrie et la liberté dont l'Eglise doit jouir à l'égard du pouvoir civil
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