Pie XI

259ᵉ pape ; de 1922 à 1939

29 septembre 1937

Lettre encyclique Ingravescentibus malis

Sur le Rosaire de la Bienheureuse Vierge Marie

Devant les ten­sions inter­na­tio­nales mon­tantes qui allaient débou­cher sur la seconde guerre mon­diale, le Pape deman­dait que les catho­liques aient recours au rosaire.

Aux patriarches, pri­mats, arche­vêques, évêques et autres ordi­naires des lieux en paix et com­mu­nion avec le siège apostolique,

Pie XI, Pape

Vénérables frères, salut et béné­dic­tion apostolique.

Aux maux tou­jours plus graves de notre époque, ce n’est pas une fois seule­ment que Nous avons affir­mé — et Nous l’avons répé­té tout récem­ment dans la Lettre Encyclique Divini Redemptoris — qu’on ne peut appor­ter aucun remède si ce n’est par le retour au Christ et à ses pré­ceptes très saints.

Lui seul, en effet, a les paroles de la vie éter­nelle (Jn 6, 69), et ni les indi­vidus ni la socié­té ne peuvent, s’ils ne tiennent pas compte de la majes­té de Dieu et s’ils rejettent sa loi, construire quoi que ce soit qui ne vienne à tom­ber insen­si­ble­ment et misérablement.

Cependant, qui­conque étu­die avec atten­tion les annales de l’Eglise catho­lique ver­ra faci­le­ment uni à tous les fastes du nom chré­tien le patro­nage effi­cace de la Vierge Mère de Dieu.

Lorsque la puis­sance musul­mane impie, confiante dans des flottes puis­santes et des armées aguer­ries, mena­çait de rui­ner et d’asservir les peuples de l’Europe, sur le conseil du Souverain Pontife on implo­ra avec fer­veur la pro­tec­tion de la céleste Mère, et les enne­mis furent défaits et leurs bateaux coulés.

En effet, lorsque les erreurs, se répan­dant en tous lieux, s’achar­naient à lacé­rer le vête­ment sans cou­ture de l’Eglise et à boule­verser tout l’univers catho­lique, c’est à Celle qui a détruit seule toutes les héré­sies du monde [1] que nos pères s’adressèrent d’un cœur assu­ré, et la vic­toire rem­por­tée par elle rame­na des temps meilleurs.

Lorsque la puis­sance musul­mane impie, confiante dans des flottes puis­santes et des armées aguer­ries, mena­çait de rui­ner et d’asservir les peuples de l’Europe, sur le conseil du Souverain Pontife on implo­ra avec fer­veur la pro­tec­tion de la céleste Mère, et les enne­mis furent défaits et leurs bateaux coulés.

Dans les mal­heurs publics comme dans les néces­si­tés pri­vées, à toutes les époques, les fidèles se sont adres­sés sup­pliants à Marie, afin que dans sa grande bon­té elle vint à leur secours en leur obte­nant des maux du corps et de l’âme le sou­la­ge­ment ou la guérison.

Et jamais, certes, son très puis­sant secours n’a été vai­ne­ment atten­du par ceux qui d’une pieuse et confiante prière l’ont imploré.

De nos jours aus­si, des dan­gers, non moindres que ceux du pas­sé, menacent la socié­té reli­gieuse et civile.

En effet, puisque trop d’hommes méprisent et rejettent tota­lement l’autorité supé­rieure et éter­nelle de Dieu qui com­mande et défend, la conscience du devoir chré­tien s’affaiblit, la foi lan­guit dans les âmes ou s’y éteint tout à fait, et ain­si les bases mêmes de la socié­té humaine sont ébran­lées et s’écroulent misérablement.

C’est ain­si que l’on voit d’un côté les classes des citoyens se livrer en tel endroit une lutte achar­née parce que les uns pos­sèdent de très grandes richesses tan­dis que les autres doivent, au contraire, gagner par leur tra­vail quo­ti­dien leur pain et celui de leur famille.

En cer­taines régions même, comme cha­cun sait, le mal est arri­vé à tel point qu’on a vou­lu détruire jusqu’au droit de pro­prié­té pri­vée pour mettre tous les biens en commun.

D’autre part, il y a des hommes qui déclarent hono­rer et exal­ter sur­tout la puis­sance de l’Etat et pro­clament qu’il faut assu­rer l’ordre public et ren­for­cer l’autorité par tous les moyens. Ils pré­tendent qu’on peut ain­si repous­ser com­plè­te­ment les théo­ries exé­crables des com­mu­nistes ; tou­te­fois, mépri­sant la lumière de la sagesse évan­gé­lique, ils s’efforcent de réno­ver les erreurs des païens et leur manière de vivre. Qu’on ajoute à cela la secte très adroite et très funeste de ceux qui, niant et haïs­sant Dieu, se déclarent avec jac­tance enne­mis de l’Eternel, s’insinuent par­tout, dis­cré­ditent et arrachent aux âmes toute croyance reli­gieuse, foulent aux pieds, enfin, tout le droit divin et humain. Et, tan­dis qu’ils jettent le ridi­cule sur l’espérance des biens célestes, ils excitent les hommes à pour­suivre, même par les pro­cé­dés les plus injustes, un bon­heur ter­restre ima­gi­naire, et en sus­ci­tant les désordres, les rébel­lions san­glantes et la guerre civile, ils poussent avec une témé­raire audace à la des­truc­tion de l’ordre social.

Néanmoins, Vénérables Frères, bien que tant et de si grands maux menacent et que nous ayons à en craindre de plus grands encore pour l’avenir, nous ne devons pas perdre cou­rage ni lais­ser lan­guir en nous l’espoir confiant qui s’appuie uni­que­ment sur Dieu. Lui, qui a fait gué­ris­sables les peuples et les nations (Sg 1, 14), ne fera sûre­ment pas défaut à ceux qu’il a rache­tés de son sang pré­cieux, il ne fera pas défaut à son Eglise. Mais pour­tant, comme Nous l’avons déjà rap­pe­lé, employons auprès de Dieu la média­tion et le patro­nage de la Bienheureuse Vierge, très agréable à ses yeux, puisque, pour nous ser­vir des paroles de saint Bernard, « telle est sa volon­té (de Dieu), lequel a vou­lu que nous rece­vions tout par l’entremise de Marie » [2]

Mais par­mi les diverses prières publiques qu’utilement nous adres­sons à la Vierge Mère de Dieu, le saint rosaire occupe une place par­ti­cu­lière et excep­tion­nelle. Pas un chré­tien ne l’ignore. Cette prière, que quelques-​uns appellent le « Psautier de la Vierge » ou « Bréviaire de l’Evangile et de la vie chré­tienne », est décrite et fort recom­man­dée par Notre pré­dé­ces­seur d’heureuse mémoire Léon XIII, en ces termes éner­giques : « Elle est bien admi­rable, cette cou­ronne tres­sée par la Salutation angé­lique, à laquelle est entre­mê­lée l’Oraison domi­ni­cale et ajou­tée l’obliga­tion de la médi­ta­tion ; elle forme la plus excel­lente méthode de prière, très effi­cace pour nous faire acqué­rir la vie éter­nelle. » [3]

C’est ce qui res­sort clai­re­ment des fleurs mêmes dont est tres­sée cette cou­ronne mys­tique. Quelles prières, en effet, peut-​on trou­ver qui soient plus appro­priées et plus saintes ? La pre­mière est celle que notre Rédempteur lui-​même pro­non­ça quand les dis­ciples lui deman­dèrent : Apprenez-​nous à prier (Lc 11, 1) ; très sainte prière assu­ré­ment qui a pour but la gloire de Dieu, dans la mesure de nos possibi­lités, elle consi­dère aus­si tous les besoins de notre corps et de notre âme. Et en fait, com­ment le Père éter­nel, quand nous le prions par les paroles de son Fils, pourrait-​il ne pas nous venir en aide ?

L’autre prière est la Salutation angé­lique, qui com­mence par l’éloge de l’archange Gabriel et de sainte Elisabeth, et se ter­mine par la très pieuse sup­pli­ca­tion par laquelle nous deman­dons le secours de la Bienheureuse Vierge main­te­nant et à l’heure de notre mort. A ces invo­ca­tions faites de vive voix s’ajoute la contem­plation des saints mys­tères, qui place presque sous nos yeux les joies, les dou­leurs, les triomphes, de Jésus-​Christ et de sa Mère, de telle sorte que nous y pui­sons adou­cis­se­ment et récon­fort dans nos angoisses et que nous aus­si, sui­vant ces exemples très saints, nous sommes sti­mu­lés à nous éle­ver à la féli­ci­té de l’éternelle patrie par les degrés d’une ver­tu tou­jours plus haute.

si dans l’enivrement de son orgueil notre siècle se moque du saint rosaire et le rejette avec dédain, une mul­ti­tude innom­brable d’hommes saints de tout âge, de toute condi­tion, l’ont tou­jours beau­coup aimé, l’ont réci­té avec grande dévo­tion et s’en sont ser­vis en tout temps comme d’une arme très puissante

Facile, assu­ré­ment, Vénérables Frères, et appro­priée à tous, âmes igno­rantes et simples, est cette pra­tique de pié­té admi­ra­ble­ment pro­pa­gée par saint Dominique non sans l’inspiration de la Vierge Mère de Dieu et un céleste aver­tis­se­ment. Mais com­bien sont éloi­gnés du che­min de la véri­té ceux qui regardent cette dévo­tion comme une for­mule fas­ti­dieuse, répé­tée sou­vent avec une can­ti­lène mono­tone, et la rejettent en la lais­sant tout au plus aux enfants et aux bonnes femmes ! A ce pro­pos, il est à remar­quer d’abord que, même lorsque la pié­té et l’amour répètent fois sur fois les mêmes paroles, ils ne répètent pas pour cela la même chose, mais expriment tou­jours quelque chose de nou­veau pui­sé assu­ré­ment dans un nou­veau sen­ti­ment de cha­ri­té. De plus, cette façon de prier a tout à fait le par­fum de la sim­pli­ci­té évangé­lique et requiert et demande l’humilité de l’esprit, dont le mépris, comme nous l’enseigne le divin Rédempteur lui-​même, nous rend impos­sible l’acquisition du royaume céleste : Je vous le dis en véri­té, si vous n’avez été chan­gés et n’êtes deve­nus sem­blables aux petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux (Mt 18, 3).

Toutefois, si dans l’enivrement de son orgueil notre siècle se moque du saint rosaire et le rejette avec dédain, une mul­ti­tude innom­brable d’hommes saints de tout âge, de toute condi­tion, l’ont tou­jours beau­coup aimé, l’ont réci­té avec grande dévo­tion et s’en sont ser­vis en tout temps comme d’une arme très puis­sante pour chas­ser les démons, pour conser­ver l’intégrité de la vie, pour acqué­rir plus faci­le­ment la ver­tu, en un mot, pour obte­nir la véri­table paix aux hommes. Il y a même eu des hommes très Émi­nents par leur science et leur sagesse qui, bien qu’ils fussent absor­bés par l’é­tude et les recherches scien­ti­fiques, n’ont jamais vou­lu pas­ser même un seul jour sans prier à genoux et avec fer­veur devant l’image de la Vierge, selon cette manière très pieuse. S’en firent éga­le­ment un devoir des rois et des princes, bien qu’ils fussent acca­blés par les sou­cis et les occu­pa­tions diverses. Cette cou­ronne mys­tique n’est pas seule­ment tenue et dérou­lée par les doigts des per­sonnes peu culti­vées et pauvres, elle est aus­si en hon­neur par­mi les citoyens de toutes les classes sociales.

Et Nous ne vou­lons point pas­ser ici sous silence que, à notre époque éga­le­ment, la Très Sainte Vierge elle-​même a ins­tam­ment recom­man­dé cette manière de prier lorsque, appa­rais­sant dans la Grotte de Lourdes à l’innocente enfant, elle lui apprit par son exemple la réci­ta­tion du rosaire.

Pourquoi donc n’espérerions-nous pas toutes les grâces si nous invo­quons de cette manière, selon l’usage, avec pié­té, ain­si qu’il sied, notre Mère céleste ?

C’est pour­quoi, Vénérables Frères, Nous dési­rons très vive­ment que, durant ce pro­chain mois d’octobre, le saint rosaire soit réci­té par tous les chré­tiens, aus­si bien dans les églises que dans les habi­ta­tions pri­vées, avec une pié­té plus ardente.

au temps des Croisades s’élevait dans toute l’Eu­rope, de tous les peuples, une seule voix, une sup­pli­ca­tion unique

Ce devoir s’impose dès cette année sur­tout ; les enne­mis du Nom divin, c’est-à-dire tous ceux qui nient et méprisent avec effron­te­rie le Dieu éter­nel ; ceux qui tendent des embûches à la foi catho­lique et à la liber­té due à l’Eglise ; ceux enfin qui, en fai­sant des efforts insen­sés, se révoltent contre les droits divins et humains et tentent de conduire à la ruine et à la per­di­tion la socié­té humaine, tous, par l’entremise de la médi­ta­tion toute puis­sante de la Vierge Mère de Dieu, seront vain­cus quelque jour, péné­trés de repen­tir, pour reprendre le droit che­min et se mettre sous la tutelle et la pro­tec­tion de Marie.

Que Celle qui vic­to­rieu­se­ment chas­sa des fron­tières des pays chré­tiens la ter­rible secte des Albigeois, par nous aujourd’hui invo­quée et sup­pliée, dis­sipe les nou­velles erreurs, celles des com­munistes par­ti­cu­liè­re­ment, qui pour plu­sieurs rai­sons et par leurs nom­breux for­faits rap­pellent les anciennes hérésies.

Et de même qu’au temps des Croisades s’élevait dans toute l’Eu­rope, de tous les peuples, une seule voix, une sup­pli­ca­tion unique, qu’aujourd’hui éga­le­ment, dans le monde entier, dans les métro­poles et les villes et dans les bour­gades et les vil­lages, unis par le cœur et l’effort, tous cherchent par leurs ins­tantes prières à obte­nir de la puis­sante Mère de Dieu que soient défaits les des­truc­teurs de la civi­li­sa­tion chré­tienne et humaine, et que sur les nations fati­guées et inquiètes res­plen­disse la paix véritable !

Et cha­cun peut com­prendre com­bien il est salu­taire, spé­cia­le­ment de nos jours, où quel­que­fois même par­mi les fidèles on res­sent un cer­tain éloigne­ment à l’égard des choses spi­ri­tuelles et presque de l’ennui pour la doc­trine chrétienne.

Et si tous accom­plissent bien ce qui est deman­dé, avec une grande confiance et une fer­vente pié­té, on peut espé­rer vrai­ment que, comme par le pas­sé, la Bienheureuse Vierge obtien­dra éga­lement de nos jours, de son divin Fils, que les flots des tem­pêtes se retirent, s’abaissent et se calment, et qu’une écla­tante vic­toire sou­tienne et accom­pagne cette noble ému­la­tion des chré­tiens dans la prière.

Mais le saint rosaire ne sert pas seule­ment puis­sam­ment à triom­pher des blas­phé­ma­teurs de Dieu et des enne­mis de la reli­gion, il est éga­le­ment un sti­mu­lant et un aiguillon pour la pra­tique des ver­tus évan­gé­liques qu’il pro­cure à nos âmes.

Et avant tout, il ali­mente la foi catho­lique, qui refleu­rit préci­sément par l’opportune médi­ta­tion des saints mys­tères et élève les esprits jusqu’aux véri­tés révé­lées par Dieu. Et cha­cun peut com­prendre com­bien il est salu­taire, spé­cia­le­ment de nos jours, où quel­que­fois même par­mi les fidèles on res­sent un cer­tain éloigne­ment à l’égard des choses spi­ri­tuelles et presque de l’ennui pour la doc­trine chrétienne.

L’espérance des biens immor­tels, le rosaire la ravive encore alors que le triomphe de Jésus-​Christ et de sa Mère, médi­té par nous dans la der­nière par­tie de sa réci­ta­tion, nous montre le ciel ouvert et nous invite à la conquête de l’éternelle patrie. Aussi, alors que le cœur humain n’a plus qu’un désir effré­né des choses de la terre et que chaque jour plus ardem­ment les hommes convoitent les biens péris­sables et les plai­sirs éphé­mères, tous y trouvent un utile rap­pel des tré­sors célestes dont le voleur n’approche pas, que le ver ne détruit pas (Lc 12, 33), et des biens qui ne péri­ront jamais.

Puisque chez beau­coup s’est alan­guie et refroi­die la cha­ri­té, com­ment ne se rallumerait-​elle pas, par un retour d’amour, dans l’âme de ceux qui se rap­pel­le­ront, dans la médi­ta­tion du rosaire, les tor­tures et la mort de notre Rédempteur et les dou­leurs de sa Mère très affligée ?

Enfin, de cette cha­ri­té envers Dieu, il ne peut pas ne pas jaillir néces­sai­re­ment un amour plus intense du pro­chain, par le seul fait que nos pen­sées s’arrêteront à consi­dé­rer les peines et les souf­frances que Notre-​Seigneur endu­ra pour nous réin­té­grer tous dans l’héritage per­du d’enfants de Dieu.

Ayez donc à cœur, Vénérables Frères, que cette pra­tique de dévo­tion si fruc­tueuse soit de jour en jour plus répan­due, qu’elle soit hau­te­ment esti­mée par tous et qu’elle aug­mente la pié­té générale.

Que sou­vent et clai­re­ment par votre zèle et celui de ceux qui vous aident au soin du trou­peau qui vous est confié en soient prê­chés et répé­tés aux fidèles de toutes les classes sociales les louanges et les avantages.

Que la jeu­nesse y puise l’énergie néces­saire pour domp­ter les mou­ve­ments tou­jours renais­sants des pas­sions et pour conser­ver intacte et sans tache l’innocence de l’âme ; que dans cette dévo­tion éga­le­ment les vieillards retrouvent dans les cir­cons­tances inquié­tantes et dif­fi­ciles le repos, le sou­la­ge­ment et la paix. Qu’elle serve éga­le­ment à ceux qui se dévouent à l’Action catho­lique de sti­mu­lant pour les pous­ser dans leur apos­to­lat avec plus de fer­veur et de zèle. Qu’elle apporte encore à tous ceux qui souffrent de toutes manières, par­ti­cu­liè­re­ment aux mou­rants, le récon­fort, et qu’elle aug­mente leur espé­rance en l’éternelle félicité.

il décou­le­ra pour le foyer domes­tique une sereine tran­quilli­té et l’abondance des dons célestes

Et que les pères et les mères de famille, en cela aus­si, donnent l’exemple à leurs enfants : spé­cia­le­ment, au déclin du jour, en la mai­son fami­liale, quand tous sont reve­nus de leurs tra­vaux, de leurs affaires, qu’ils com­mencent, sui­vis par tous leurs enfants, devant la sainte image de la Mère céleste, à réci­ter les prières du saint rosaire d’une seule voix, avec une même foi, d’un seul cœur. C’est là, certes, une habi­tude sin­gu­liè­re­ment salu­taire, d’où très cer­tai­ne­ment il décou­le­ra pour le foyer domes­tique une sereine tran­quilli­té et l’abondance des dons célestes.

C’est pour­quoi, depuis qu’il Nous arrive de rece­voir très sou­vent en audience de nou­veaux époux et de leur adres­ser pater­nel­le­ment la parole, non seule­ment Nous leur fai­sons don­ner un cha­pe­let en leur recom­man­dant ins­tam­ment de s’en ser­vir, mais Nous les exhor­tons, allant même jusqu’à Nous pro­po­ser en exemple, à ne pas lais­ser pas­ser un seul jour, en dépit des plus grands sou­cis, des plus grands tra­vaux, sans réci­ter le rosaire.

C’est pour ces motifs, Vénérables Frères, que Nous avons pen­sé à vous recom­man­der vive­ment, et par vous à tous les fidèles, cette pieuse pra­tique de dévo­tion ; et Nous ne dou­tons pas que, corres­pondant plei­ne­ment à Notre invi­ta­tion avec l’empressement cou­tumier, vous n’en reti­riez des fruits abondants.

Un autre motif Nous engage à vous adres­ser cette Encyclique. Nous vou­lons, en effet, que s’unissent avec Nous tous Nos fils en Jésus-​Christ, pour rendre d’immortelles actions de grâces à la sublime Mère de Dieu, à cause de Notre meilleur état de san­té, heu­reu­se­ment recou­vré. Cette grâce, comme Nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire [4], Nous l’attribuons à la spé­ciale inter­ces­sion de la vierge de Lisieux, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Mais Nous savons néan­moins que tout ce qui nous est accor­dé nous vient du Dieu tout-​puissant par les mains de la Mère de Dieu.

Et fina­le­ment, puisque tout récem­ment la grande presse a répan­du avec une témé­raire inso­lence une très grave injure contre la Bienheureuse Vierge, Nous ne pou­vons lais­ser échap­per cette occa­sion sans offrir, uni à l’épiscopat et au peuple de la nation qui vénère Marie sous le nom de « Reine du royaume de Pologne », avec l’hommage de Notre pié­té, la répa­ra­tion qui s’impose à cette auguste Reine ; ni sans dénon­cer au monde entier, comme une chose aus­si indigne que dou­lou­reuse, un tel sacri­lège com­mis impu­né­ment chez un peuple civilisé.

En gage des grâces célestes et en témoi­gnage de Notre bienveil­lance pater­nelle, c’est de grand cœur que Nous vous don­nons, Vénérables Frères, ain­si qu’aux fidèles confiés à vos soins, la Bénédiction apos­to­lique dans le Seigneur.

Donné à Castel-​Gandolfo, près de Rome, le 29 sep­tembre, en la fête de la dédi­cace de saint Michel archange, de l’année 1937, de Notre Pontificat la seizième. 

PIE XI, PAPE.

Source : Actes de S. S. Pie XI, t. XVI, p. 86 – Original latin : A. A. S., t. XXIX, 1937, p. 373–380. – Cf. Documentation Catholique, t. XXXVIII, col. 515–521.

Notes de bas de page
  1. Bréviaire Romain[]
  2. Sermon sur la nati­vi­té de la Bienheureuse Vierge Marie[]
  3. Encyclique Diuturni Temporis du 5 sep­tembre 1898[]
  4. Chirographie du 3 sep­tembre 1937 au car­di­nal Pacelli[]