Benoît XVI

265e pape ; de 2005 à 2013

14 septembre 2012

Exhortation apostolique Ecclesia in medio oriente

Sur l'Église au Moyen-Orient

Table des matières

Ce docu­ment appelle à une cer­taine com­mu­ni­ca­tio in sacris, et à une liber­té reli­gieuse, choses net­te­ment oppo­sées au magis­tère anté­rieur. Voir notre dos­sier la liber­té reli­gieuse.

Aux Patriarches, au Évêques, au cler­gé, aux per­sonnes consa­crées et aux fidèles laïcs, sur l’Église au Moyen-​Orient, Communion et témoignage

Introduction

1. L’Église au Moyen-​Orient qui, depuis l’aurore de la foi chré­tienne, péré­grine sur cette terre bénie, conti­nue aujourd’hui avec cou­rage son témoi­gnage, fruit d’une vie de com­mu­nion avec Dieu et avec le pro­chain. Communion et témoi­gnage ! Telle a été en effet la convic­tion qui a ani­mé l’Assemblée spé­ciale du Synode des Évêques pour le Moyen-​Orient, réunie autour du suc­ces­seur de Pierre du 10 au 24 octobre 2010, sur le thème : L’Église catho­lique au Moyen-​Orient, com­mu­nion et témoi­gnage. « La mul­ti­tude de ceux qui étaient deve­nus croyants avait un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32).

2. Au début de ce troi­sième mil­lé­naire, je sou­haite confier cette convic­tion qui puise sa force dans le Christ-​Jésus, à la sol­li­ci­tude pas­to­rale de l’ensemble des Pasteurs de l’Église une, sainte, catho­lique et apos­to­lique, et de manière plus par­ti­cu­lière aux véné­rés frères Patriarches, Archevêques et Évêques qui veillent ensemble, en union avec l’Évêque de Rome, sur l’Église catho­lique au Moyen-​Orient. Dans cette région vivent des fidèles natifs appar­te­nant aux véné­rables Églises orien­tales catho­liques sui iuris : l’Église patriar­cale d’Alexandrie des Coptes ; les trois Églises patriar­cales d’Antioche : celle des Grecs-​melkites, des Syriaques et des Maronites ; l’Église patriar­cale de Babylone des Chaldéens et celle de Cilicie des Arméniens. Y vivent éga­le­ment des Évêques, des prêtres et des fidèles appar­te­nant à l’Église latine. Sont pré­sents aus­si des prêtres et des fidèles venus d’Inde des Archevêchés majeurs d’Ernakulam-Angamaly des Siro-​malabars et de Trivandrum des Siro-​malankars, et des autres Églises orien­tales et latine d’Asie et d’Europe de l’Est, ain­si que de nom­breux fidèles venus d’Éthiopie et d’Érythrée. Ensemble, ils témoignent de l’unité de la foi dans la diver­si­té de leurs tra­di­tions. Je veux aus­si confier cette convic­tion à tous les prêtres, reli­gieux et reli­gieuses, et fidèles laïcs moyen-​orientaux, per­sua­dé qu’elle ani­me­ra le minis­tère ou l’apostolat de cha­cun dans son Église res­pec­tive, selon le cha­risme qui lui a été accor­dé par l’Esprit, pour l’édification de tous.

3. Au regard de la foi chré­tienne, « la com­mu­nion est la vie même de Dieu qui se com­mu­nique dans l’Esprit Saint, par Jésus-​Christ ». [1] Elle est un don de Dieu qui inter­pelle notre liber­té et attend notre réponse. C’est jus­te­ment en rai­son de son ori­gine divine que la com­mu­nion a une por­tée uni­ver­selle. Si elle inter­pelle de façon impé­ra­tive les chré­tiens, en rai­son de leur foi apos­to­lique com­mune, elle n’en demeure pas moins ouverte à nos frères juifs et musul­mans, et à toutes les per­sonnes, qui elles aus­si, sous des formes diverses, sont ordon­nées au Peuple de Dieu. L’Église catho­lique au Moyen-​Orient sait qu’elle ne pour­ra pas mani­fes­ter plei­ne­ment cette com­mu­nion aux plans œcu­mé­nique et inter­re­li­gieux si elle ne la ravive pas avant tout en elle-​même et au sein de cha­cune de ses Églises, par­mi tous ses membres : patriarches, évêques, prêtres, reli­gieux, consa­crés et laïcs. L’approfondissement de la vie de foi indi­vi­duelle et le renou­veau spi­ri­tuel interne à l’Église catho­lique per­met­tront la plé­ni­tude de la vie de grâce et la theo­sis (la divi­ni­sa­tion de l’homme). [2] Ainsi cré­di­bi­li­té sera don­née au témoignage.

4. L’exemple de la pre­mière com­mu­nau­té de Jérusalem peut ser­vir de modèle pour renou­ve­ler l’actuelle com­mu­nau­té chré­tienne afin d’en faire un espace de com­mu­nion pour le témoi­gnage. En effet, les Actes des Apôtres livrent une pre­mière des­crip­tion, simple et sai­sis­sante, de cette com­mu­nau­té qui est née le jour de la Pentecôte : une mul­ti­tude de croyants ayant un seul cœur et une seule âme. Il existe, dès l’origine, un lien fon­da­men­tal entre la foi en Jésus et la com­mu­nion ecclé­siale indi­qué par les deux expres­sions inter­chan­geables : un seul cœur et une seule âme. La com­mu­nion n’est donc point le résul­tat d’une construc­tion humaine. Elle est géné­rée avant tout par la force de l’Esprit-Saint qui crée en nous la foi opé­rant par la charité(cf. Ga 5,6).

Selon les Actes, l’unité des croyants se recon­naît au fait qu’« ils étaient assi­dus à l’enseignement des Apôtres et à la com­mu­nion fra­ter­nelle, à la frac­tion du pain et aux prières » (2, 42). L’unité des croyants se nour­rit donc de l’enseignement des Apôtres (l’annonce de la Parole de Dieu) auquel ils répondent par une foi una­nime, de la com­mu­nion fra­ter­nelle (le ser­vice de la cha­ri­té), de la frac­tion du pain (l’Eucharistie et l’ensemble des sacre­ments), et de la prière per­son­nelle et com­mu­nau­taire. C’est sur ces quatre piliers que la com­mu­nion et le témoi­gnage se fondent au sein de la pre­mière com­mu­nau­té des croyants. Puisse l’Église, pré­sente de manière inin­ter­rom­pue au Moyen-​Orient depuis les temps apos­to­liques jusqu’à nos jours, trou­ver dans l’exemple de cette com­mu­nau­té, les res­sources néces­saires pour main­te­nir vifs en elle la mémoire et le dyna­misme apos­to­lique des origines !

6. Les par­ti­ci­pants de l’Assemblée syno­dale ont expé­ri­men­té l’unité au sein de l’Église catho­lique, dans la grande diver­si­té des contextes géo­gra­phiques, reli­gieux, cultu­rels et socio­po­li­tiques. La foi com­mune se vit et se déploie admi­ra­ble­ment bien dans la diver­si­té de ses expres­sions théo­lo­gique, spi­ri­tuelle, litur­gique et cano­nique. Comme mes pré­dé­ces­seurs sur le Siège de Pierre, je renou­velle ici ma volon­té de « conser­ver reli­gieu­se­ment et [de] pro­mou­voir les rites des Églises orien­tales qui sont patri­moine de l’Église du Christ tout entière, dans lequel res­plen­dit la tra­di­tion qui vient des Apôtres par les Pères et qui affirme dans la varié­té la divine uni­té de la foi catho­lique », [3] et j’assure mes frères latins de mon affec­tion atten­tive à leurs besoins et néces­si­tés selon le com­man­de­ment de la cha­ri­té qui pré­side tout, et selon les normes du droit.

Première Partie

Nous ren­dons grâces à Dieu à tout moment pour vous tous,
en fai­sant men­tion de vous sans cesse dans nos prières.

1 Th 1, 2

7. Par cette action de grâce de saint Paul, je désire saluer les chré­tiens qui vivent au Moyen-​Orient les assu­rant de ma prière fer­vente et conti­nue. L’Église catho­lique, et avec elle l’ensemble de la com­mu­nau­té chré­tienne, ne les oublie pas et recon­naît avec gra­ti­tude leur noble et antique contri­bu­tion à l’édification du Corps du Christ. Elle les remer­cie pour leur fidé­li­té et les assure de son affection.

Le contexte

8. C’est avec émo­tion que je me sou­viens de mes voyages au Moyen-​Orient. Terre choi­sie de manière par­ti­cu­lière par Dieu, elle fut arpen­tée par les Patriarches et les Prophètes. Elle ser­vit d’écrin de l’Incarnation du Messie, elle vit se dres­ser la croix du Sauveur, et elle fut témoin de la Résurrection du Rédempteur et de l’effusion de l’Esprit-Saint. Parcourue par les Apôtres, des saints et plu­sieurs Pères de l’Église, elle fut le creu­set des pre­mières for­mu­la­tions dog­ma­tiques. Pourtant, cette terre bénie et les peuples qui y habitent, expé­ri­mentent de manière dra­ma­tique les convul­sions humaines. Que de morts, que de vies sac­ca­gées par l’aveuglement humain, que de peurs et d’humiliations ! Il sem­ble­rait qu’il n’y ait pas de frein au crime de Caïn (cf. Gn 4, 6–10 ; 1 Jn 3, 8–15) par­mi les fils d’Adam et d’Ève créés à l’image de Dieu (cf. Gn 1, 27). Le péché ada­mique conso­li­dé par la faute de Caïn ne cesse de pro­duire épines et char­dons (cf. 3, 18) aujourd’hui encore. Qu’il est triste de voir cette terre bénie souf­frir dans ses enfants qui s’entredéchirent avec achar­ne­ment, et meurent ! Les chré­tiens savent que seul Jésus, étant pas­sé par les tri­bu­la­tions et la mort pour res­sus­ci­ter, peut appor­ter le salut et la paix à tous les habi­tants de cette région du monde (cf. Ac 2, 23–24. 32–33). C’est lui seul, le Christ, le Fils de Dieu, que nous pro­cla­mons ! Repentons-​nous donc et convertissons-​nous « afin que les péchés soient effa­cés et qu’ainsi le Seigneur fasse venir le temps du répit » (Ac 3, 19–20a).

9. Selon les Saintes Écritures, la paix n’est pas seule­ment un pacte ou un trai­té qui favo­rise une vie tran­quille, et sa défi­ni­tion ne peut être réduite à une simple absence de guerre. La paix signi­fie selon son éty­mo­lo­gie hébraïque : être com­plet, être intact, ache­ver une chose pour réta­blir l’intégrité. Elle est l’état de l’homme qui vit en har­mo­nie avec Dieu, avec lui-​même, avec son pro­chain et avec la nature. Avant d’être exté­rieure, la paix est inté­rieure. Elle est béné­dic­tion. Elle est le sou­hait d’une réa­li­té. La paix est tel­le­ment dési­rable qu’elle est deve­nue une salu­ta­tion au Moyen-​Orient (cf. Jn 20, 19 ; 1 P 5, 14). La paix est jus­tice (cf. Is 32, 17) et saint Jacques dans sa Lettre ajoute : « Un fruit de jus­tice est semé dans la paix pour ceux qui pro­duisent la paix » (3, 18 ; cf. Is 32, 17). Le com­bat pro­phé­tique et la réflexion sapien­tielle étaient une lutte et une exi­gence en vue de la paix escha­to­lo­gique. C’est vers cette paix authen­tique en Dieu que le Christ nous conduit. Il en est la seule porte (Jn 10, 9). C’est cette porte unique que les chré­tiens dési­rent franchir.

10. C’est en com­men­çant par se conver­tir soi-​même à Dieu, par vivre le par­don dans son entou­rage proche et com­mu­nau­taire, que l’homme de bien pour­ra répondre à l’invitation du Christ à deve­nir « fils de Dieu » (cf. Mt 5, 9). Seul l’humble goû­te­ra les délices d’une paix inson­dable (cf. Ps 37, 11 ; Pr 3, 2). En inau­gu­rant pour nous l’être en com­mu­nion avec Dieu, Jésus crée la véri­table fra­ter­ni­té, non la fra­ter­ni­té défi­gu­rée par le péché. [4] « C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux … il a fait un seul peuple … il a fait tom­ber ce qui les sépa­rait, le mur de la haine … » (Ep 2, 14). Le chré­tien sait que la poli­tique ter­restre de la paix ne sera effi­cace que si la jus­tice en Dieu et entre les hommes en est la base authen­tique, et si cette même jus­tice lutte contre le péché qui est à l’origine de la divi­sion. C’est pour­quoi l’Église désire sur­mon­ter toute dis­tinc­tion de race, de sexe et de niveau social (cf. Ga 3, 28 ; Col 3, 11) sachant que tous ne font qu’un dans le Christ qui est tout en tous. C’est pour­quoi aus­si l’Église sou­tient et encou­rage tout effort en vue de la paix dans le monde et au Moyen-​Orient en par­ti­cu­lier. De diverses manières, elle ne ménage pas ses efforts pour aider les hommes à vivre en paix et elle favo­rise aus­si l’arsenal juri­dique inter­na­tio­nal qui la conso­lide. Les posi­tions du Saint-​Siège sur les dif­fé­rents conflits qui meur­trissent dra­ma­ti­que­ment la région, et celle sur le Statut de Jérusalem et des Lieux saints sont lar­ge­ment connues. [5] Cependant, l’Église n’oublie pas qu’avant tout, la paix est un fruit de l’Esprit (cf. Ga 5, 22) qu’il ne faut ces­ser de deman­der à Dieu (cf. Mt 7, 7–8).

La vie chrétienne et œcuménique

11. C’est dans ce contexte contrai­gnant, instable et actuel­le­ment enclin à la vio­lence, que Dieu a per­mis l’épanouissement de son Église. Elle y vit dans une mul­ti­for­mi­té remar­quable. Avec l’Église catho­lique, sont pré­sentes au Moyen-​Orient de très nom­breuses et véné­rables Églises aux­quelles se sont ajou­tées des com­mu­nau­tés ecclé­siales d’origine plus récente. Cette mosaïque requiert un effort impor­tant et constant pour favo­ri­ser l’unité, dans le res­pect des richesses propres, afin de raf­fer­mir la cré­di­bi­li­té de l’annonce de l’Évangile et le témoi­gnage chré­tien. [6] L’unité est un don de Dieu qui naît de l’Esprit et qu’il faut faire croître avec une patiente per­sé­vé­rance (cf. 1 P 3, 8–9). Nous savons qu’il est ten­tant, lorsque des divi­sions nous opposent, de ne faire appel qu’au seul cri­tère humain oubliant les sages conseils de saint Paul (cf. 1 Co 6, 7–8). Il exhorte : « Appliquez-​vous à conser­ver l’unité de l’Esprit par ce lien qu’est la paix » (Ep 4, 3). La foi est le centre et le fruit du véri­table œcu­mé­nisme. [7] C’est elle qu’il faut com­men­cer par appro­fon­dir. L’unité sur­git de la prière per­sé­vé­rante et de la conver­sion qui fait vivre cha­cun selon la véri­té et dans la cha­ri­té (cf. Ep 4, 15–16). Le Concile Vatican II a encou­ra­gé cet ‘œcu­mé­nisme spi­ri­tuel’ qui est l’âme du véri­table œcu­mé­nisme. [8] La situa­tion du Moyen-​Orient est elle-​même un appel pres­sant à la sain­te­té de vie. Les mar­ty­ro­loges attestent que des saints et des mar­tyrs de toute appar­te­nance ecclé­siale, ont été – et cer­tains le sont aujourd’hui – des témoins vivants de cette uni­té sans fron­tière dans le Christ glo­rieux, avant-​goût de notre ‘être réunis’ comme peuple fina­le­ment récon­ci­lié en Lui. [9] C’est pour­quoi à l’intérieur même de l’Église catho­lique, il faut conso­li­der la com­mu­nion qui donne un témoi­gnage de l’amour du Christ.

12. Sur la base des indi­ca­tions du Directoire œcu­mé­nique, [10] les fidèles catho­liques peuvent pro­mou­voir l’œcuménisme spi­ri­tuel dans les paroisses, les monas­tères et les cou­vents, dans les ins­ti­tuts sco­laires et uni­ver­si­taires, et dans les sémi­naires. Les pas­teurs auront soin d’habituer les fidèles à être des témoins de la com­mu­nion dans tous les domaines de leur vie. Cette com­mu­nion n’est certes pas une confu­sion. Le témoi­gnage authen­tique demande la recon­nais­sance et le res­pect de l’autre, une dis­po­si­tion au dia­logue en véri­té, la patience comme une dimen­sion de l’amour, la sim­pli­ci­té et l’humilité de celui qui se recon­naît pécheur devant Dieu et le pro­chain, la capa­ci­té de par­don, de récon­ci­lia­tion et de puri­fi­ca­tion de la mémoire, à un niveau per­son­nel et communautaire.

13. J’encourage le tra­vail des théo­lo­giens qui inlas­sa­ble­ment œuvrent pour l’unité, tout comme je salue les acti­vi­tés des Commissions œcu­mé­niques locales qui existent à dif­fé­rents niveaux, et l’activité de com­mu­nau­tés diverses qui prient et agissent en faveur de l’unité tant dési­rée, en pro­mou­vant l’amitié et la fra­ter­ni­té. Dans la fidé­li­té aux ori­gines de l’Église et à ses tra­di­tions vivantes, il est impor­tant éga­le­ment de se pro­non­cer d’une seule voix sur les grandes ques­tions morales à pro­pos de la véri­té humaine, de la famille, de la sexua­li­té, de la bioé­thique, de la liber­té, de la jus­tice et de la paix.

14. Par ailleurs, il existe déjà un œcu­mé­nisme dia­co­nal dans le domaine cari­ta­tif et édu­ca­tif entre les chré­tiens des dif­fé­rentes Églises, et ceux des Communautés ecclé­siales. Et le Conseil des Églises du Moyen-​Orient, qui regroupe les Églises des diverses tra­di­tions chré­tiennes pré­sentes dans la région, offre un bel espace à un dia­logue qui pour­ra se dérou­ler dans l’amour et le res­pect réciproque.

15. Le Concile Vatican II indique que pour être effi­cace, le che­mi­ne­ment œcu­mé­nique doit se faire « par la prière d’abord, par l’exemple de vie, par une reli­gieuse fidé­li­té aux anciennes tra­di­tions orien­tales, par une meilleure connais­sance mutuelle, par la col­la­bo­ra­tion et l’estime fra­ter­nelle des choses et des hommes ». [11] Il convien­drait sur­tout que tous reviennent encore davan­tage vers le Christ lui-​même. Jésus unit ceux qui croient en Lui et qui l’aiment en leur don­nant l’Esprit de son Père ain­si que Marie, sa mère (cf. Jn 14, 26 ; 16, 7 ; 19, 27). Ce double don, de niveau dif­fé­rent, peut aider puis­sam­ment et il mérite une atten­tion plus grande de la part de tous.

Pour une pas­to­rale œcu­mé­nique renou­ve­lée, en vue d’un témoi­gnage com­mun, il est utile de bien com­prendre l’ouverture conci­liaire vers une cer­taine com­mu­ni­ca­tio in sacris pour les sacre­ments de la péni­tence, de l’eucharistie et de l’onction des malades, qui n’est pas seule­ment pos­sible, mais qui peut être recom­man­dable dans cer­taines cir­cons­tances favorables,

16. L’amour com­mun pour le Christ « qui n’a com­mis aucune faute et en qui il n’y a aucune four­be­rie » (cf. 1 P 2, 22) et « les liens étroits » [12] entre les Églises d’Orient qui ne sont pas en pleine com­mu­nion avec l’Église catho­lique, pressent au dia­logue et à l’unité. Dans divers cas, les catho­liques sont liés aux Églises d’Orient qui ne sont pas en pleine com­mu­nion par des ori­gines reli­gieuses com­munes. Pour une pas­to­rale œcu­mé­nique renou­ve­lée, en vue d’un témoi­gnage com­mun, il est utile de bien com­prendre l’ouverture conci­liaire vers une cer­taine com­mu­ni­ca­tio in sacris pour les sacre­ments de la péni­tence, de l’eucharistie et de l’onction des malades, [13] qui n’est pas seule­ment pos­sible, mais qui peut être recom­man­dable dans cer­taines cir­cons­tances favo­rables, selon des normes pré­cises et avec l’approbation des auto­ri­tés ecclé­sias­tiques. [14] Les mariages entre fidèles catho­liques et ortho­doxes sont nom­breux et ils demandent une atten­tion œcu­mé­nique par­ti­cu­lière. [15] J’encourage les Évêques et les Éparques à appli­quer, dans la mesure du pos­sible, et là où ils existent, les accords pas­to­raux pour pro­mou­voir peu à peu une pas­to­rale œcu­mé­nique d’ensemble.

17. L’unité œcu­mé­nique n’est pas l’uniformisation des tra­di­tions et des célé­bra­tions. Avec l’aide de Dieu, je suis cer­tain que, pour com­men­cer, des accords pour­ront être trou­vés pour une tra­duc­tion com­mune de la Prière du Seigneur, le Notre Père, dans les langues ver­na­cu­laires de la région, là où cela est néces­saire. [16] En priant ensemble avec les mêmes paroles, les chré­tiens recon­naî­tront leur enra­ci­ne­ment com­mun dans l’unique foi apos­to­lique, sur laquelle se fonde la recherche de la pleine com­mu­nion. Par ailleurs, l’approfondissement com­mun de l’étude des Pères orien­taux et latins comme celui des tra­di­tions spi­ri­tuelles res­pec­tives, pour­rait y aider puis­sam­ment dans l’application cor­recte des normes cano­niques qui régulent cette matière.

18. J’invite les catho­liques du Moyen-​Orient à culti­ver les rela­tions avec les fidèles des diverses Communautés ecclé­siales pré­sentes dans la région. Différentes ini­tia­tives conjointes sont pos­sibles. Une lec­ture ensemble de la Bible ain­si que sa dif­fu­sion pour­raient, par exemple, ouvrir ce che­mi­ne­ment. Des col­la­bo­ra­tions par­ti­cu­liè­re­ment fécondes dans le domaine des acti­vi­tés cari­ta­tives et de la pro­mo­tion des valeurs de la vie humaine, de la jus­tice et de la paix pour­raient, par ailleurs, se déve­lop­per ou s’approfondir. Tout cela contri­bue­ra à une meilleure connais­sance réci­proque et à la créa­tion d’un cli­mat d’estime, qui sont les condi­tions indis­pen­sables pour pro­mou­voir la fraternité.

Le dialogue interreligieux

19. La nature et la voca­tion uni­ver­selle de l’Église exigent qu’elle soit en dia­logue avec les membres des autres reli­gions. Ce dia­logue est fon­dé au Moyen-​Orient sur les liens spi­ri­tuels et his­to­riques qui unissent les chré­tiens aux juifs et aux musul­mans. Ce dia­logue, qui n’est pas d’abord dic­té par des consi­dé­ra­tions prag­ma­tiques d’ordre poli­tique ou social, repose avant tout sur des fon­de­ments théo­lo­giques qui inter­pellent la foi. Ils pro­viennent des Saintes Écritures et sont clai­re­ment défi­nis dans la Constitution dog­ma­tique sur l’Église, Lumen gen­tium, et dans la Déclaration sur les rela­tions de l’Église avec les reli­gions non chré­tiennes, Nostra aetate[17] Juifs, chré­tiens et musul­mans, croient en Dieu Un, créa­teur de tous les hommes. Puissent les juifs, les chré­tiens et les musul­mans redé­cou­vrir l’un des dési­rs divins, celui de l’unité et de l’harmonie de la famille humaine. Puissent les juifs, les chré­tiens et les musul­mans décou­vrir dans l’autre croyant un frère à res­pec­ter et à aimer pour don­ner en pre­mier lieu sur leurs terres le beau témoi­gnage de la séré­ni­té et de la convi­via­li­té entre fils d’Abraham. Au lieu d’être ins­tru­men­ta­li­sée dans des conflits répé­tés et injus­ti­fiables pour un croyant authen­tique, la recon­nais­sance d’un Dieu unique peut – si elle est vécue avec un cœur pur – contri­buer puis­sam­ment à la paix de la région et à la coha­bi­ta­tion res­pec­tueuse de ses habitants.

20. Nombreux et pro­fonds sont les liens entre les chré­tiens et les juifs. Ils s’ancrent dans un pré­cieux patri­moine spi­ri­tuel com­mun. Il y a certes la foi en un Dieu unique, créa­teur, qui se révèle et se lie à l’homme pour tou­jours, et qui par amour veut la rédemp­tion. Il y a aus­si la Bible qui est en grande par­tie com­mune aux juifs et aux chré­tiens. Elle est ‘Parole de Dieu’ pour les uns et les autres. La fré­quen­ta­tion com­mune de l’Écriture Sainte nous rap­proche. Par ailleurs, Jésus, un fils du Peuple choi­si, est né, a vécu et est mort juif (cf. Rm 9, 4–5). Marie, sa mère, nous invite, elle aus­si, à redé­cou­vrir les racines juives du chris­tia­nisme. Ces liens étroits sont un bien unique dont tous les chré­tiens sont fiers et rede­vables au Peuple élu. Si la judaï­té du Nazaréen per­met aux chré­tiens de goû­ter avec bon­heur au monde de la Promesse et les intro­duit de manière réso­lue dans la foi du Peuple choi­si en les unis­sant à lui, la per­sonne et l’identité pro­fonde de ce même Jésus séparent, car les chré­tiens recon­naissent en lui le Messie, le Fils de Dieu.

21. Il est bon que les chré­tiens prennent davan­tage conscience de la pro­fon­deur du mys­tère de l’Incarnation pour aimer Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme et de tout leur pou­voir (cf. Dt 6, 5). Le Christ, le Fils de Dieu, s’est fait chair dans un peuple, dans une tra­di­tion de foi et dans une culture dont la connais­sance ne peut qu’enrichir la com­pré­hen­sion de la foi chré­tienne. Les chré­tiens ont enri­chi cette connais­sance par l’apport spé­ci­fique don­né par le Christ lui-​même à tra­vers sa mort et sa résur­rec­tion (cf. Lc 24, 26). Mais, ils doivent tou­jours être conscients et recon­nais­sants de leurs racines. Car pour que la greffe sur l’antique arbre puisse prendre (cf. Rm 11, 17–18), elle a besoin de la sève qui vient des racines.

22. Les rela­tions entre les deux com­mu­nau­tés croyantes ont été mar­quées par l’histoire et par les pas­sions humaines. Les incom­pré­hen­sions et les méfiances réci­proques ont été innom­brables et répé­tées. Les per­sé­cu­tions insi­dieuses ou vio­lentes du pas­sé sont inex­cu­sables et hau­te­ment condam­nables ! Et pour­tant, mal­gré ces tristes situa­tions, les apports réci­proques au cours des siècles ont été si féconds qu’ils ont contri­bué à la nais­sance et à l’épanouissement d’une civi­li­sa­tion et d’une culture appe­lées com­mu­né­ment judéo-​chrétiennes. Comme si ces deux mondes se disant dif­fé­rents ou contraires pour diverses rai­sons, avaient déci­dé de s’unir pour offrir à l’humanité un noble alliage. Ce lien qui unit tout en les sépa­rant juifs et chré­tiens, doit les ouvrir à une res­pon­sa­bi­li­té nou­velle les uns pour les autres, les uns avec les autres. [18] Car, les deux peuples ont reçu la même Bénédiction, et des pro­messes d’éternité qui per­mettent d’avancer avec confiance vers la fraternité.

23. L’Église catho­lique, fidèle à l’enseignement du Concile Vatican II, regarde les musul­mans avec estime, eux qui rendent un culte à Dieu, sur­tout par la prière, l’aumône et le jeûne, qui vénèrent Jésus comme pro­phète sans recon­naître tou­te­fois sa divi­ni­té, et qui honorent Marie, sa mère vir­gi­nale. Nous savons que la ren­contre de l’islam et du chris­tia­nisme a sou­vent pris la forme de la contro­verse doc­tri­nale. Malheureusement, ces dif­fé­rences doc­tri­nales ont ser­vi de pré­texte aux uns et aux autres pour jus­ti­fier, au nom de la reli­gion, des pra­tiques d’intolérance, de dis­cri­mi­na­tion, de mar­gi­na­li­sa­tion et même de per­sé­cu­tion. [19]

24. Malgré ce constat, les chré­tiens par­tagent avec les musul­mans la même vie quo­ti­dienne au Moyen-​Orient où leur pré­sence n’est ni nou­velle ni acci­den­telle, mais his­to­rique. Faisant par­tie inté­grante du Moyen-​Orient, ils ont éla­bo­ré au long des siècles un type de rela­tion avec leur entou­rage qui peut ser­vir d’enseignement. Ils se sont lais­sés inter­pel­ler par la reli­gio­si­té des musul­mans, et ils ont conti­nué, selon leurs moyens et dans la mesure du pos­sible, à vivre et à pro­mou­voir les valeurs de l’Évangile dans la culture ambiante. Il en résulte une sym­biose par­ti­cu­lière. C’est pour­quoi, il est juste de recon­naître l’apport juif, chré­tien et musul­man dans la for­ma­tion d’une culture riche propre au Moyen-​Orient. [20]

C’est à cause de Jésus que le chré­tien est sen­sible à la digni­té de la per­sonne humaine et à la liber­té reli­gieuse qui en découle.

25. Les catho­liques du Moyen-​Orient dont la majo­ri­té sont des citoyens natifs de leur pays, ont le devoir et le droit de par­ti­ci­per plei­ne­ment à la vie natio­nale en œuvrant à l’édification de leur patrie. Ils doivent jouir d’une pleine citoyen­ne­té et ne pas être trai­tés en citoyens ou en croyants mineurs. Comme par le pas­sé où, pion­niers de la renais­sance arabe, ils ont été par­tie inté­grante de la vie cultu­relle, éco­no­mique et scien­ti­fique des diverses civi­li­sa­tions de la région, ils dési­rent aujourd’hui, encore et tou­jours, par­ta­ger avec les musul­mans leurs expé­riences en appor­tant leur contri­bu­tion spé­ci­fique. C’est à cause de Jésus que le chré­tien est sen­sible à la digni­té de la per­sonne humaine et à la liber­té reli­gieuse qui en découle. C’est par amour pour Dieu et pour l’humanité, glo­ri­fiant ain­si la double nature du Christ et par goût de la vie éter­nelle, que les chré­tiens ont construit des écoles, des hôpi­taux et des ins­ti­tu­tions de toutes sortes où tous sont reçus sans dis­cri­mi­na­tion aucune (cf. Mt 25, 31ss.). C’est pour ces rai­sons que les chré­tiens portent une atten­tion par­ti­cu­lière aux droits fon­da­men­taux de la per­sonne humaine. Affirmer pour autant que ces droits ne sont que des droits chré­tiens de l’homme, n’est pas juste. Ils sont sim­ple­ment des droits exi­gés par la digni­té de toute per­sonne humaine et de tout citoyen quels que soient ses ori­gines, ses convic­tions reli­gieuses et ses choix politiques.

La liber­té reli­gieuse est le som­met de toutes les liber­tés. Elle est un droit sacré et inalié­nable. Elle com­prend à la fois, au niveau indi­vi­duel et col­lec­tif, la liber­té de suivre sa conscience en matière reli­gieuse, et la liber­té de culte. Elle inclut la liber­té de choi­sir la reli­gion que l’on juge être vraie et de mani­fes­ter publi­que­ment sa propre croyance.

26. La liber­té reli­gieuse est le som­met de toutes les liber­tés. Elle est un droit sacré et inalié­nable. Elle com­prend à la fois, au niveau indi­vi­duel et col­lec­tif, la liber­té de suivre sa conscience en matière reli­gieuse, et la liber­té de culte. Elle inclut la liber­té de choi­sir la reli­gion que l’on juge être vraie et de mani­fes­ter publi­que­ment sa propre croyance. [21] Il doit être pos­sible de pro­fes­ser et de mani­fes­ter libre­ment sa reli­gion et ses sym­boles, sans mettre en dan­ger sa vie et sa liber­té per­son­nelle. La liber­té reli­gieuse s’enracine dans la digni­té de la per­sonne ; elle garan­tit la liber­té morale et favo­rise le res­pect mutuel. Les juifs qui ont long­temps subi des hos­ti­li­tés sou­vent meur­trières, ne peuvent pas oublier les bien­faits de la liber­té reli­gieuse. Pour leur part, les musul­mans par­tagent avec les chré­tiens la convic­tion qu’aucune contrainte en matière reli­gieuse, et encore moins par la force, n’est per­mise. Cette contrainte qui peut prendre des formes mul­tiples et insi­dieuses aux plans per­son­nel et social, cultu­rel, admi­nis­tra­tif et poli­tique, est contraire à la volon­té de Dieu. Elle est une source d’instrumentalisation politico-​religieuse, de dis­cri­mi­na­tion et de vio­lence qui peut conduire à la mort. Dieu veut la vie, non la mort. Il inter­dit le meurtre, même celui du meur­trier (cf. Gn 4, 15–16 ; 9, 5–6 ; Ex 20, 13).

27. La tolé­rance reli­gieuse existe dans de nom­breux pays, mais elle n’engage pas beau­coup car elle demeure limi­tée dans son champ d’action. Il est néces­saire de pas­ser de la tolé­rance à la liber­té reli­gieuse. Ce pas n’est pas une porte ouverte au rela­ti­visme, comme l’affirment cer­tains. Ce pas à fran­chir n’est pas une fis­sure ouverte dans la croyance, mais une recon­si­dé­ra­tion du rap­port anthro­po­lo­gi­queà la reli­gion et à Dieu. Il n’est pas une atteinte por­tée aux véri­tés fon­da­trices de la croyance, car, en dépit des diver­gences humaines et reli­gieuses un rayon de véri­té illu­mine tous les hommes. [22] Nous savons bien que la véri­té hors de Dieu n’existe pas comme un en soi. Elle serait alors une idole. La véri­té ne peut se déve­lop­per que dans l’altérité qui ouvre à Dieu qui veut faire connaître sa propre alté­ri­té à tra­vers et dans mes frères humains. Ainsi, il ne convient pas d’affirmer de manière excluante : ‘je pos­sède la véri­té’. La véri­té n’est pos­sé­dée par per­sonne, mais elle est tou­jours un don qui nous appelle à un che­mi­ne­ment d’assimilation tou­jours plus pro­fonde à la véri­té. La véri­té ne peut être connue et vécue que dans la liber­té, c’est pour­quoi, nous ne pou­vons pas impo­ser la véri­té à l’autre ; la véri­té se dévoile seule­ment dans la ren­contre d’amour.

28. Le monde entier fixe son atten­tion sur le Moyen-​Orient qui cherche sa voie. Puisse cette Région mon­trer que le vivre ensemble n’est pas une uto­pie et que la méfiance et le pré­ju­dice ne sont pas une fata­li­té. Les reli­gions peuvent se mettre ensemble au ser­vice du bien com­mun et contri­buer à l’épanouissement de chaque per­sonne et à la construc­tion de la socié­té. Les chré­tiens moyen-​orientaux vivent depuis des siècles le dia­logue islamo-​chrétien. Pour eux, il s’agit du dia­logue de et dans la vie quo­ti­dienne. Ils en connaissent les richesses et les limites. Ils vivent aus­si le dia­logue judéo-​chrétien plus récent. Depuis long­temps existe éga­le­ment un dia­logue bila­té­ral ou tri­la­té­ral d’intellectuels ou de théo­lo­giens juifs, chré­tiens et musul­mans. C’est là un labo­ra­toire de ren­contres et de recherches diverses qu’il faut pro­mou­voir. Y contri­buent effi­ca­ce­ment tous les Instituts ou Centres catho­liques divers – de phi­lo­so­phie, de théo­lo­gie et d’autres encore –, qui sont nés au Moyen-​Orient, il y a long­temps, et qui y tra­vaillent dans des condi­tions par­fois dif­fi­ciles. Je les salue cor­dia­le­ment et les encou­rage à conti­nuer leur œuvre de paix, sachant qu’il faut sou­te­nir tout ce qui com­bat l’ignorance en favo­ri­sant la connais­sance. L’union heu­reuse du dia­logue de la vie quo­ti­dienne et de celui des intel­lec­tuels ou des théo­lo­giens contri­bue­ra cer­tai­ne­ment peu à peu, avec l’aide de Dieu, à amé­lio­rer la convi­via­li­té judéo-​chrétienne, judéo-​islamique, et islamo-​chrétienne. C’est le sou­hait que je for­mule, et l’intention pour laquelle je prie.

Deux nouvelles réalités

29. Comme le reste du monde, le Moyen-​Orient connaît deux réa­li­tés oppo­sées : la laï­ci­té avec ses formes par­fois extrêmes, et le fon­da­men­ta­lisme violent qui reven­dique une ori­gine reli­gieuse. C’est avec grande sus­pi­cion que cer­tains res­pon­sables poli­tiques et reli­gieux moyen-​orientaux, toutes com­mu­nau­tés confon­dues, consi­dèrent la laï­ci­té comme athée ou immo­rale. Il est vrai que la laï­ci­té peut affir­mer par­fois de manière réduc­trice que la reli­gion relève exclu­si­ve­ment de la sphère pri­vée comme si elle n’était qu’un culte indi­vi­duel et domes­tique situé hors de la vie, de l’éthique, de l’altérité. Dans sa forme extrême et idéo­lo­gique, cette laï­ci­té deve­nue sécu­la­risme, nie au citoyen l’expression publique de sa reli­gion et pré­tend que l’État seul peut légi­fé­rer sur sa forme publique. Ces théo­ries sont anciennes. Elles ne sont plus seule­ment occi­den­tales et elles ne peuvent pas être confon­dues avec le chris­tia­nisme. La saine laï­ci­té, en revanche, signi­fie libé­rer la croyance du poids de la poli­tique et enri­chir la poli­tique par les apports de la croyance, en main­te­nant la néces­saire dis­tance, la claire dis­tinc­tion et l’indispensable col­la­bo­ra­tion entre les deux. Aucune socié­té ne peut se déve­lop­per sai­ne­ment sans affir­mer le res­pect réci­proque entre poli­tique et reli­gion en évi­tant la ten­ta­tion constante du mélange ou de l’opposition. Le rap­port appro­prié se fonde, avant toute chose, sur la nature de l’homme – sur une saine anthro­po­lo­gie donc – et sur le res­pect total de ses droits inalié­nables. La prise de conscience de ce rap­port appro­prié per­met de com­prendre qu’il existe une sorte d’unité-distinction qui doit carac­té­ri­ser le rap­port entre le spi­ri­tuel (reli­gieux) et le tem­po­rel (poli­tique), puisque tous deux sont appe­lés, même dans la néces­saire dis­tinc­tion, à coopé­rer har­mo­nieu­se­ment pour le bien com­mun. Une telle laï­ci­té saine garan­tit à la poli­tique d’opérer sans ins­tru­men­ta­li­ser la reli­gion, et à la reli­gion de vivre libre­ment sans s’alourdir du poli­tique dic­té par l’intérêt, et quel­que­fois peu conforme, voire même contraire, à la croyance. C’est pour­quoi la saine laï­ci­té (unité-​distinction) est néces­saire, et même indis­pen­sable aux deux. Le défi consti­tué par la rela­tion entre le poli­tique et le reli­gieux peut être rele­vé avec patience et cou­rage par une for­ma­tion humaine et reli­gieuse adé­quate. Il faut rap­pe­ler conti­nuel­le­ment la place de Dieu dans la vie per­son­nelle, fami­liale et civile, et la juste place de l’homme dans le des­sein de Dieu. Et sur­tout à cette fin, il faut prier davantage.

30. Les incer­ti­tudes économico-​politiques, l’habileté mani­pu­la­trice de cer­tains et une com­pré­hen­sion défi­ciente de la reli­gion, entre autres, font le lit du fon­da­men­ta­lisme reli­gieux. Celui-​ci afflige toutes les com­mu­nau­tés reli­gieuses, et refuse le vivre-​ensemble sécu­laire. Il veut prendre le pou­voir, par­fois avec vio­lence, sur la conscience de cha­cun et sur la reli­gion pour des rai­sons poli­tiques. Je lance un appel pres­sant à tous les res­pon­sables reli­gieux juifs, chré­tiens et musul­mans de la région, afin qu’ils cherchent par leur exemple et leur ensei­gne­ment à tout mettre en œuvre afin d’éradiquer cette menace qui touche indis­tinc­te­ment et mor­tel­le­ment, les croyants de toutes les reli­gions. « Utiliser les paroles révé­lées, les Écritures Saintes ou le nom de Dieu, pour jus­ti­fier nos inté­rêts, nos poli­tiques si faci­le­ment accom­mo­dantes, ou nos vio­lences, est une faute très grave ». [23]

Les migrants

31. La réa­li­té moyen-​orientale est riche par sa diver­si­té, mais elle est trop sou­vent contrai­gnante et même vio­lente. Elle concerne l’ensemble des habi­tants de la région et tous les aspects de leur vie. Placés dans une posi­tion sou­vent déli­cate, les chré­tiens res­sentent de manière par­ti­cu­lière, et par­fois avec las­si­tude et peu d’espérance, les consé­quences néga­tives de ces conflits et de ces incer­ti­tudes. Ils se sentent sou­vent humi­liés. Par expé­rience, ils savent aus­si qu’ils sont des vic­times dési­gnées lorsqu’il y a des troubles. Après avoir par­ti­ci­pé acti­ve­ment pen­dant des siècles à la construc­tion des nations res­pec­tives et contri­bué à la for­ma­tion de leur iden­ti­té et à leur pros­pé­ri­té, les chré­tiens sont nom­breux à choi­sir des cieux plus pro­pices, des lieux de paix où eux et leurs familles pour­ront vivre digne­ment et en sécu­ri­té, et des espaces de liber­té où leur foi pour­ra s’exprimer sans être sou­mis à des contraintes diverses. [24] Ce choix est déchi­rant. Il affecte gra­ve­ment les indi­vi­dus, les familles et les Églises. Il ampute les nations et contri­bue à l’appauvrissement humain, cultu­rel et reli­gieux moyen-​oriental. Un Moyen-​Orient sans ou avec peu de chré­tiens n’est plus le Moyen-​Orient, car les chré­tiens par­ti­cipent avec les autres croyants à l’identité si par­ti­cu­lière de la région. Les uns sont res­pon­sables des autres devant Dieu. Il importe donc que les diri­geants poli­tiques et les res­pon­sables reli­gieux com­prennent cette réa­li­té et évitent une poli­tique ou une stra­té­gie com­mu­nau­ta­riste qui ten­drait vers un Moyen-​Orient mono­chrome qui ne reflè­te­ra en rien sa riche réa­li­té humaine et historique.

32. Les pas­teurs des Églises orien­tales catho­liques sui iuris constatent, avec pré­oc­cu­pa­tion et dou­leur, que le nombre de leurs fidèles se réduit sur les ter­ri­toires tra­di­tion­nel­le­ment patriar­caux et, depuis quelque temps, ils se voient obli­gés de déve­lop­per une pas­to­rale de l’émigration. [25] Je suis cer­tain qu’ils font leur pos­sible pour exhor­ter leurs fidèles à l’espérance, à res­ter dans leur pays et à ne pas vendre leurs biens. [26] Je les encou­rage à conti­nuer à entou­rer d’affection leurs prêtres et leurs fidèles de la dia­spo­ra en les invi­tant à res­ter en contact étroit avec leurs familles et leurs Églises, et sur­tout à gar­der avec fidé­li­té leur foi en Dieu grâce à leur iden­ti­té reli­gieuse construite sur des tra­di­tions spi­ri­tuelles véné­rables. [27] C’est en conser­vant cette appar­te­nance à Dieu et à leurs Églises res­pec­tives, et en culti­vant un amour pro­fond pour leurs frères et sœurs latins, qu’ils appor­te­ront à l’ensemble de l’Église catho­lique un grand béné­fice. Par ailleurs, j’exhorte les pas­teurs des cir­cons­crip­tions ecclé­sias­tiques qui accueillent les catho­liques orien­taux à les rece­voir avec cha­ri­té et estime comme des frères, à favo­ri­ser les liens de com­mu­nion entre les émi­grés et leurs Églises de pro­ve­nance, à don­ner la pos­si­bi­li­té de célé­brer selon les propres tra­di­tions et à exer­cer des acti­vi­tés pas­to­rales et parois­siales, là où cela est pos­sible. [28]

33. L’Église latine pré­sente au Moyen-​Orient tout en souf­frant de l’hémorragie de nom­breux de ses fidèles, expé­ri­mente une autre situa­tion et se trouve confron­tée à rele­ver de nom­breux et nou­veaux défis pas­to­raux. Ses pas­teurs doivent gérer l’arrivée mas­sive et la pré­sence dans les pays à éco­no­mie forte de la région, de tra­vailleurs de toute sorte venant d’Afrique, d’Extrême-Orient et du sous-​continent indien. Ces popu­la­tions consti­tuées d’hommes et de femmes sou­vent seuls ou de familles entières, sont confron­tées à une double pré­ca­ri­té. Ils sont étran­gers dans le pays où ils tra­vaillent, et ils expé­ri­mentent trop sou­vent des situa­tions de dis­cri­mi­na­tion et d’injustice. L’étranger est l’objet de l’attention de Dieu et il mérite donc le res­pect. Son accueil sera pris en compte au Jugement der­nier (cf. Mt 25, 35 et 43). [29]

34. Corvéables à mer­ci sans pou­voir se défendre, ayant des contrats de tra­vail plus ou moins limi­tés ou légaux, ces per­sonnes sont par­fois vic­times d’infractions des lois locales et des conven­tions inter­na­tio­nales. Par ailleurs, elles subissent de fortes pres­sions et de graves limi­ta­tions reli­gieuses. La tâche de leurs pas­teurs est néces­saire et déli­cate. J’encourage tous les fidèles catho­liques et tous les prêtres quelle que soit leur Église d’appartenance, à la com­mu­nion sin­cère et à la col­la­bo­ra­tion pas­to­rale avec l’Évêque du lieu, et celui-​ci à une com­pré­hen­sion pater­nelle envers les fidèles orien­taux. C’est en col­la­bo­rant ensemble et sur­tout en par­lant d’une seule voix, que, dans cette situa­tion par­ti­cu­lière, tous pour­ront vivre et célé­brer leur foi en s’enrichissant par la diver­si­té des tra­di­tions spi­ri­tuelles tout en demeu­rant en contact avec les com­mu­nau­tés chré­tiennes d’origine. J’invite aus­si les gou­ver­nants des pays qui reçoivent ces popu­la­tions nou­velles à res­pec­ter et à défendre leurs droits, à leur per­mettre la libre expres­sion de leur foi en favo­ri­sant la liber­té reli­gieuse et l’édification de lieux de culte. La liber­té reli­gieuse « pour­rait faire l’objet d’un dia­logue entre les chré­tiens et les musul­mans, un dia­logue dont l’urgence et l’utilité ont été réaf­fir­mées par les Pères syno­daux ». [30]

35. Alors que par néces­si­té, las­si­tude ou déses­poir des catho­liques natifs du Moyen-​Orient se décident au choix dra­ma­tique de lais­ser la terre de leurs aïeux, leur famille et leur com­mu­nau­té croyante, d’autres, au contraire pleins d’espérance, font le choix de res­ter dans leur pays et dans leur com­mu­nau­té. Je les encou­rage à conso­li­der cette belle fidé­li­té et à demeu­rer fermes dans la foi. D’autres catho­liques enfin, fai­sant un choix tout aus­si déchi­rant que les chré­tiens moyen-​orientaux qui émigrent, et fuyant des pré­ca­ri­tés dans l’espoir de construire un ave­nir meilleur, choi­sissent les pays de la région pour y tra­vailler et y vivre.

36. En tant que Pasteur de l’Église uni­ver­selle, je m’adresse ici à l’ensemble des fidèles catho­liques de la région, les natifs et les nou­veaux arri­vés, dont la pro­por­tion s’est rap­pro­chée ces der­nières années, car pour Dieu, il n’y a qu’un seul peuple, et pour les croyants, qu’une seule foi ! Cherchez à vivre res­pec­tueu­se­ment unis et en com­mu­nion fra­ter­nelle les uns avec les autres dans l’amour et l’estime réci­proques pour témoi­gner de manière cré­dible de votre foi dans la mort et la résur­rec­tion du Christ ! Dieu écou­te­ra votre prière, béni­ra votre com­por­te­ment et vous don­ne­ra son Esprit pour affron­ter le poids du jour. Car, « là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liber­té » (2 Co 3, 17). Saint Pierre écri­vait à des fidèles expé­ri­men­tant des situa­tions simi­laires, des paroles que je reprends volon­tiers pour vous les adres­ser en exhor­ta­tion : « Et qui vous ferait du mal, si vous deve­nez zélés pour le bien ? […] N’ayez d’eux aucune crainte et ne soyez pas trou­blés. Au contraire, sanc­ti­fiez dans vos cœurs le Seigneur Christ, tou­jours prêts à la défense contre qui­conque vous demande rai­son de l’espérance qui est en vous » (1 P 3, 13. 14b-15).

Deuxième Partie

La mul­ti­tude de ceux qui étaient deve­nus croyants avait
un seul cœur et une seule âme.

Ac 4, 32

37. La visi­bi­li­té de la com­mu­nau­té chré­tienne nais­sante est décrite par des qua­li­tés imma­té­rielles expri­mant la koi­no­nia ecclé­siale : un seul cœur et une seule âme, tra­dui­sant ain­si le sens pro­fond du témoi­gnage. Il est le reflet d’une inté­rio­ri­té per­son­nelle et com­mu­nau­taire. Se lais­sant pétrir de l’intérieur par la grâce divine, toute Église par­ti­cu­lière peut retrou­ver la beau­té de la pre­mière com­mu­nau­té des croyants cimen­tée par une foi ani­mée par la cha­ri­té, qui carac­té­rise les dis­ciples du Christ aux yeux des hommes (cf. Jn 13, 35). La koi­no­nia donne consis­tance et cohé­rence au témoi­gnage et exige une conver­sion per­ma­nente. Celle-​ci per­fec­tionne la com­mu­nion et conso­lide à son tour le témoi­gnage. « Sans com­mu­nion, il ne peut pas y avoir de témoi­gnage : le grand témoi­gnage est pré­ci­sé­ment la vie de com­mu­nion ». [31] La com­mu­nion est un don à accueillir plei­ne­ment par tous et une réa­li­té à construire sans relâche. En ce sens, j’invite tous les membres des Églises pré­sentes au Moyen-​Orient, cha­cun selon sa voca­tion propre, à ravi­ver la com­mu­nion, avec humi­li­té et dans la prière, afin que se réa­lise l’unité pour laquelle Jésus a prié (cf. Jn 17, 21).

38. Le concept d’Église ‘catho­lique’ contemple la com­mu­nion entre l’universel et le par­ti­cu­lier. Il y a là un rap­port de ‘mutuelle inté­rio­ri­té’ entre Église uni­ver­selle et Églises par­ti­cu­lières, qui iden­ti­fie et concré­tise la catho­li­ci­té de l’Église. La pré­sence ‘du tout dans la par­tie’ met la par­tie en ten­sion vers l’universalité, ten­sion qui se mani­feste – en un sens – dans le souffle mis­sion­naire de cha­cune des Églises, et – dans un autre sens – dans l’appréciation sin­cère de la bon­té des ‘autres par­ties’, qui com­prend l’action en syn­to­nie et en syner­gie avec elles. L’Église uni­ver­selle est une réa­li­té préa­lable aux Églises par­ti­cu­lières, qui naissent dans et par l’Église uni­ver­selle. [32] Cette véri­té reflète fidè­le­ment la doc­trine catho­lique et par­ti­cu­liè­re­ment celle du Concile Vatican II. [33] Elle intro­duit à la com­pré­hen­sion de la dimen­sion ‘hié­rar­chique’ de la com­mu­nion ecclé­siale et per­met à la diver­si­té riche et légi­time des Églises par­ti­cu­lières de s’articuler tou­jours dans l’unité, lieu dans lequel les dons par­ti­cu­liers deviennent une authen­tique richesse pour l’universalité de l’Église. Une prise de conscience renou­ve­lée et vécue de ces points fon­da­men­taux de l’ecclésiologie per­met­tra de redé­cou­vrir la spé­ci­fi­ci­té et la richesse de l’identité ‘catho­lique’ en terre d’Orient.

Les Patriarches

39. « Pères et Chefs » d’Églises sui iuris, les Patriarches sont les signes visibles réfé­ren­tiels et les gar­diens vigi­lants de la com­mu­nion. Par leur iden­ti­té et leur mis­sion propres, ce sont des hommes de com­mu­nion, des veilleurs sur le trou­peau selon Dieu (cf. 1 P 5, 1–4), des ser­vi­teurs de l’unité ecclé­siale. Ils exercent un minis­tère qui opère par le moyen de la cha­ri­té vécue réel­le­ment à tous les niveaux : entre les Patriarches eux-​mêmes, entre chaque Patriarche et les évêques, les prêtres, les per­sonnes consa­crées et les fidèles laïcs sous sa juridiction.

40. Les Patriarches dont l’union indé­fec­tible avec l’Évêque de Rome est enra­ci­née dans l’eccle­sias­ti­ca com­mu­nio qu’ils ont deman­dée au Souverain Pontife et reçue au len­de­main de leur élec­tion cano­nique, rendent tan­gibles par ce lien par­ti­cu­lier l’universalité et l’unité de l’Église. [34] Leur sol­li­ci­tude va à tout dis­ciple de Jésus Christ vivant sur le ter­ri­toire patriar­cal. En signe de com­mu­nion pour le témoi­gnage, ils sau­ront ren­for­cer l’union et la soli­da­ri­té au sein du Conseil des Patriarches catho­liques d’Orient et des dif­fé­rents synodes patriar­caux, en pri­vi­lé­giant tou­jours la concer­ta­tion sur des ques­tions de grande impor­tance pour l’Église en vue d’une action col­lé­giale et uni­taire. Pour la cré­di­bi­li­té de son témoi­gnage, le Patriarche cher­che­ra la jus­tice, la pié­té, la foi, la cha­ri­té, la constance et la dou­ceur (cf. 1 Tm 6, 11), ayant à cœur un style de vie sobre à l’image du Christ qui s’est dépouillé pour nous enri­chir de sa pau­vre­té (cf. 2 Co 8, 9). Il veille­ra aus­si à pro­mou­voir entre les cir­cons­crip­tions ecclé­sias­tiques une réelle soli­da­ri­té dans une saine ges­tion du per­son­nel et des biens ecclé­sias­tiques. C’est ce qui relève de son devoir. [35] À l’imitation de Jésus par­cou­rant toutes les villes et les vil­lages dans l’accomplissement de sa mis­sion (cf. Mt 9, 35), le Patriarche effec­tue­ra avec zèle la visite pas­to­rale dans ses cir­cons­crip­tions ecclé­sias­tiques. [36] Il le fera non seule­ment pour exer­cer son droit et son devoir de vigi­lance mais aus­si pour témoi­gner concrè­te­ment de sa cha­ri­té fra­ter­nelle et pater­nelle envers les Évêques, les prêtres et les fidèles laïcs, sur­tout envers les per­sonnes qui sont pauvres, malades et mar­gi­na­li­sées, ain­si qu’envers celles qui souffrent spirituellement.

Les Évêques

41. En ver­tu de son ordi­na­tion, l’Évêque est éta­bli à la fois membre du Collège épis­co­pal et pas­teur d’une com­mu­nau­té locale à tra­vers son minis­tère d’enseignement, de sanc­ti­fi­ca­tion et de gou­ver­ne­ment. Avec les Patriarches, les Évêques sont les signes visibles de l’unité dans la diver­si­té de l’Église com­prise comme Corps, dont le Christ est la Tête (cf. Ep 4, 12–15). Ils sont les pre­miers à être choi­sis gra­tui­te­ment et à être envoyés par­mi toutes les nations pour faire des dis­ciples, pour leur apprendre à obser­ver tout ce que le Ressuscité leur a pres­crit (cf. Mt 28, 19–20). [37] Il est alors vital qu’ils écoutent et conservent dans leur cœur la Parole de Dieu. Ils ont à l’annoncer avec cou­rage, et à défendre avec fer­me­té l’intégrité et l’unité de la foi, dans les situa­tions dif­fi­ciles, qui mal­heu­reu­se­ment ne manquent pas au Moyen-Orient.

42. Pour pro­mou­voir la vie de com­mu­nion et de dia­ko­nia, il est impor­tant que les Évêques tra­vaillent tou­jours à leur renou­vel­le­ment per­son­nel. Cette vigi­lance du cœur passe « d’abord par leur vie de prière, d’abnégation, de sacri­fice et d’écoute ; puis par leur vie exem­plaire d’apôtres et de pas­teurs, faite de sim­pli­ci­té, de pau­vre­té et d’humilité ; enfin par leur sou­ci constant de défendre la véri­té, la jus­tice, les mœurs et la cause des faibles ». [38] En outre, le renou­veau tant dési­ré des com­mu­nau­tés passe par le soin pater­nel qu’ils auront pour tous les bap­ti­sés et par­ti­cu­liè­re­ment pour leurs col­la­bo­ra­teurs immé­diats, les prêtres. [39]

43. La com­mu­nion au sein de chaque Église locale est le fon­de­ment pre­mier de la com­mu­nion inter-​ecclésiale, qui se nour­rit tou­jours de la Parole de Dieu et des sacre­ments, ain­si que d’autres formes de prières. J’invite alors les Évêques à mon­trer leur sol­li­ci­tude à l’égard de tous les fidèles chré­tiens pré­sents dans leur juri­dic­tion sans accep­tion de condi­tion, de natio­na­li­té et de pro­ve­nance ecclé­siale. Qu’ils paissent le trou­peau de Dieu qui leur est confié, en veillant sur lui, « non pas en fai­sant les sei­gneurs à l’égard de ceux qui [leur] sont échus en par­tage, mais en deve­nant les modèles du trou­peau » (1 P 5, 3). Puissent-​ils prê­ter une atten­tion par­ti­cu­lière à ceux qui ont une pra­tique reli­gieuse incons­tante et à ceux qui l’ont aban­don­née pour diverses rai­sons. [40] Ils auront aus­si à cœur d’être la pré­sence aimante du Christ auprès des per­sonnes qui ne pro­fessent pas la foi chré­tienne. Ainsi, ils pour­ront pro­mou­voir l’unité entre les chré­tiens eux-​mêmes et la soli­da­ri­té entre tous les hommes créés à l’image de Dieu (cf. Gn 1, 27), car tout vient du Père et c’est vers lui qui nous allons (cf. 1 Co 8, 6).

44. Il revient aux Évêques d’assurer une ges­tion saine, hon­nête et trans­pa­rente des biens tem­po­rels de l’Église, en confor­mi­té avec le Code des Canons des Églises orien­tales ou le Code de Droit cano­nique de l’Église latine. Les Pères syno­daux ont esti­mé néces­saire que soit fait un audit sérieux des finances et des biens dans le sou­ci d’éviter la confu­sion entre les biens per­son­nels et ceux de l’Église. [41] L’apôtre Paul dit que le ser­vi­teur de Dieu est un inten­dant des mys­tères de Dieu. « Or, ce qu’en fin de compte on demande à des inten­dants, c’est que cha­cun soit fidèle. » (1 Co 4, 2). L’intendant gère des biens qui ne sont pas à lui, et qui, selon l’apôtre, sont des­ti­nés à un usage supé­rieur, celui des mys­tères de Dieu (cf. Mt 19, 28–30 ; 1 P 4, 10). Cette ges­tion fidèle et dés­in­té­res­sée vou­lue par les moines fon­da­teurs – véri­tables colonnes de nom­breuses Églises orien­tales – doit ser­vir prio­ri­tai­re­ment à l’évangélisation et à la cha­ri­té. Les Évêques veille­ront à assu­rer aux prêtres, leurs pre­miers col­la­bo­ra­teurs, une juste sub­sis­tance afin qu’ils ne se perdent pas dans la recherche du tem­po­rel, et puissent se consa­crer digne­ment aux choses de Dieu et à leur mis­sion pas­to­rale. Par ailleurs, qui aide un pauvre, gagne le ciel ! Saint Jacques insiste sur le res­pect dû au pauvre, sur sa gran­deur et sur sa vraie place dans la com­mu­nau­té (cf. 1, 9–11 ; 2, 1–9). C’est pour­quoi il est néces­saire que la ges­tion des biens devienne un lieu d’annonce effi­cace du mes­sage libé­ra­teur de Jésus : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consa­cré par l’onction, pour por­ter la bonne nou­velle aux pauvres. Il m’a envoyé annon­cer aux cap­tifs la déli­vrance et aux aveugles le retour à la vue, ren­voyer en liber­té les oppri­més, pro­cla­mer une année de grâce du Seigneur » (Lc 4, 18–19). L’intendant fidèle est celui qui a com­pris que seul le Seigneur est la perle fine (cf. Mt 13, 45–46), et que lui seul est le vrai tré­sor (cf. Mt 6, 19–21 ; 13, 44). Puissent les Évêques le mani­fes­ter de manière exem­plaire aux prêtres, aux sémi­na­ristes et aux fidèles ! Par ailleurs, l’aliénation des biens d’Église doit répondre stric­te­ment aux normes cano­niques et aux dis­po­si­tions pon­ti­fi­cales en vigueur.

Les prêtres, les diacres et les séminaristes

45. L’ordination sacer­do­tale confi­gure le prêtre au Christ et le rend proche col­la­bo­ra­teur du Patriarche et de l’Évêque, dont il devient par­ti­ci­pant au triple munus. [42] Il est par ce fait même un ser­vi­teur de la com­mu­nion ; et l’accomplissement de cette tâche requiert son lien constant avec le Christ et son zèle dans la cha­ri­té et les œuvres de misé­ri­corde envers tous. Il pour­ra ain­si rayon­ner la sain­te­té à laquelle tous les bap­ti­sés sont appe­lés. Il édu­que­ra le Peuple de Dieu à construire la civi­li­sa­tion de l’amour évan­gé­lique et de l’unité. Pour cela, il renou­vel­le­ra et for­ti­fie­ra la vie des fidèles par la trans­mis­sion sage de la Parole de Dieu, de la Tradition et de la Doctrine de l’Église, et par les sacre­ments. [43] Les tra­di­tions orien­tales ont eu l’intuition de la direc­tion spi­ri­tuelle. Puissent les prêtres, les diacres et les consa­crés la pra­ti­quer eux-​mêmes et ouvrir par elle aux fidèles les che­mins d’éternité.

46. En outre, le témoi­gnage de com­mu­nion exige une for­ma­tion théo­lo­gique et une spi­ri­tua­li­té solide, qui requièrent une régé­né­ra­tion intel­lec­tuelle et spi­ri­tuelle per­ma­nente. Il convient aux Évêques de four­nir aux prêtres et aux diacres les moyens néces­saires pour leur per­mettre d’approfondir leur vie de foi pour le bien des fidèles afin qu’ils puissent leur don­ner « la nour­ri­ture en son temps » (Ps 145 [vg 144], 15). Par ailleurs, les fidèles attendent d’eux l’exemple d’une conduite sans reproches (cf. Ph 2, 14–16).

47. Je vous invite chers prêtres à redé­cou­vrir chaque jour le sens onto­lo­gique de l’ordre sacré qui pousse à vivre le sacer­doce comme une source de sanc­ti­fi­ca­tion pour les bap­ti­sés, et pour la pro­mo­tion de tout homme. « Paissez le trou­peau de Dieu qui vous est confié (…) non pour un gain sor­dide, mais avec l’élan du cœur » (1 P 5, 2).Ayez aus­si en estime la vie en équipe – là où elle est pos­sible –, mal­gré les dif­fi­cul­tés qui lui sont inhé­rentes (cf. 1 P4, 8–10), car elle vous aide à apprendre et à mieux vivre la com­mu­nion sacer­do­tale et pas­to­rale au niveau local et uni­ver­sel. Chers diacres, en com­mu­nion avec votre Évêque et les prêtres, ser­vez le Peuple de Dieu selon votre minis­tère propre dans les charges spé­ci­fiques qui vous seront confiées.

48. Le céli­bat sacer­do­tal est un don ines­ti­mable de Dieu à son Église, qu’il convient d’accueillir avec recon­nais­sance, aus­si bien en Orient qu’en Occident, car il repré­sente un signe pro­phé­tique tou­jours actuel. Rappelons, en outre, le minis­tère des prêtres mariés qui sont une com­po­sante ancienne des tra­di­tions orien­tales. Je vou­drais adres­ser aus­si mes encou­ra­ge­ments à ces prêtres qui, avec leurs familles, sont appe­lés à la sain­te­té dans le fidèle exer­cice de leur minis­tère et dans leurs condi­tions de vie par­fois dif­fi­ciles. À tous, je redis que la beau­té de votre vie sacer­do­tale [44] sus­ci­te­ra sans doute de nou­velles voca­tions qu’il vous incom­be­ra de cultiver.

49. La voca­tion du jeune Samuel (cf. 1 Sa 3, 1–19) enseigne que les humains ont besoin de guides avi­sés pour les aider à dis­cer­ner la volon­té du Seigneur et à répondre géné­reu­se­ment à son appel. En ce sens, l’éclosion des voca­tions doit être favo­ri­sée par une pas­to­rale propre. Elle doit être sou­te­nue par la prière en famille, en paroisse, au sein des mou­ve­ments ecclé­siaux et dans les struc­tures édu­ca­tives. Les per­sonnes qui répondent à l’appel du Seigneur ont besoin de gran­dir dans des lieux de for­ma­tion spé­ci­fiques et d’être accom­pa­gnées par des for­ma­teurs idoines et exem­plaires. Ceux-​ci les édu­que­ront à la prière, à la com­mu­nion, au témoi­gnage et à la conscience mis­sion­naire. Des pro­grammes appro­priés abor­de­ront les aspects de la vie humaine, spi­ri­tuelle, intel­lec­tuelle et pas­to­rale et gére­ront avec sagesse la diver­si­té des milieux, des ori­gines, des appar­te­nances cultu­relles et ecclé­siales. [45]

50. Chers sémi­na­ristes, de même que pri­vé d’eau, le jonc ne peut croître (cf. Jb 8, 11), de même vous ne pour­rez pas être de véri­tables arti­sans de com­mu­nion et d’authentiques témoins de la foi, sans un enra­ci­ne­ment pro­fond en Jésus Christ, sans une conver­sion per­ma­nente à sa Parole, sans un amour pour son Église et sans une cha­ri­té dés­in­té­res­sée pour le pro­chain. C’est aujourd’hui que vous êtes appe­lés à vivre et à per­fec­tion­ner la com­mu­nion en vue d’un témoi­gnage cou­ra­geux sans ombre. L’affermissement de la foi du Peuple de Dieu dépen­dra aus­si de la qua­li­té de votre témoi­gnage. Je vous invite à vous ouvrir davan­tage à la diver­si­té cultu­relle de vos Églises, par l’apprentissage par exemple des langues et des cultures autres que les vôtres en vue de votre future mis­sion. Soyez aus­si ouverts à la diver­si­té ecclé­siale, œcu­mé­nique, et au dia­logue inter­re­li­gieux. Une étude atten­tive de ma Lettre adres­sée aux sémi­na­ristes, vous sera de grand pro­fit. [46]

La vie consacrée

51. Le mona­chisme sous ses diverses formes, est né au Moyen-​Orient et il est à l’origine de cer­taines des Églises qui s’y trouvent. [47] Puissent les moines et les moniales qui consacrent leur vie à la prière, sanc­ti­fiant les heures du jour et de la nuit, por­tant dans leur prières les sou­cis et les besoins de l’Église et de l’humanité, être pour tous le rap­pel per­ma­nent de l’importance de la prière dans la vie de l’Église et de chaque fidèle. Que les monas­tères soient éga­le­ment des lieux où les fidèles puissent se lais­ser gui­der dans l’initiation à la prière !

52. La vie consa­crée, contem­pla­tive et apos­to­lique, est un appro­fon­dis­se­ment de la consé­cra­tion bap­tis­male. Les reli­gieux et les reli­gieuses cherchent en effet à suivre plus radi­ca­le­ment le Christ à tra­vers la pro­fes­sion des conseils évan­gé­liques : l’obéissance, la chas­te­té et la pau­vre­té. [48] Le don d’eux-mêmes sans réserve au Seigneur et leur amour dés­in­té­res­sé pour tout homme, témoignent de Dieu et sont des signes réels de son amour pour le monde. Vécue comme un don pré­cieux de l’Esprit Saint, la vie consa­crée est un sou­tien irrem­pla­çable pour la vie et la pas­to­rale de l’Église. [49] En ce sens, les com­mu­nau­tés reli­gieuses seront des signes pro­phé­tiques de com­mu­nion dans leurs Églises et dans le monde entier, si elles sont fon­dées réel­le­ment sur la Parole de Dieu, la com­mu­nion fra­ter­nelle et le témoi­gnage de la dia­co­nie (cf. Ac 2, 42). Dans la vie céno­bi­tique, la com­mu­nau­té ou le monas­tère a pour voca­tion d’être l’espace pri­vi­lé­gié de l’union avec Dieu et de la com­mu­nion avec le pro­chain. C’est le lieu où la per­sonne consa­crée apprend à repar­tir tou­jours du Christ [50] pour être fidèle à sa mis­sion dans la prière et le recueille­ment, et pour être pour tous les fidèles un signe de la vie éter­nelle déjà com­men­cée ici-​bas (cf. 1 P 4, 7).

53. Je vous invite, vous tous qui êtes appe­lés à la seque­la Christi dans la vie reli­gieuse au Moyen-​Orient, à vous lais­ser séduire tou­jours par la Parole de Dieu, à l’instar du Prophète Jérémie et à la gar­der en votre cœur comme un feu dévo­rant (cf. Jr 20, 7–9). Elle est la rai­son d’être, le fon­de­ment et la réfé­rence ultime et objec­tive de votre consé­cra­tion. La Parole de Dieu est véri­té. En lui obéis­sant, vous sanc­ti­fiez vos âmes pour vous aimer sin­cè­re­ment comme des frères et des sœurs (cf. 1 P 1, 22). Quel que soit le sta­tut cano­nique de votre congré­ga­tion reli­gieuse, montrez-​vous dis­po­nibles pour col­la­bo­rer, dans un esprit de com­mu­nion, avec l’évêque à l’activité pas­to­rale et mis­sion­naire. La vie reli­gieuse est une adhé­sion per­son­nelle au Christ, Tête du Corps (cf. Col 1, 18 ; Ep 4, 15), et elle reflète le lien indis­so­luble entre le Christ et son Église. En ce sens, sou­te­nez les familles dans leur voca­tion chré­tienne et encou­ra­gez les paroisses à s’ouvrir aux diverses voca­tions sacer­do­tales et reli­gieuses. Cela contri­bue à conso­li­der la vie de com­mu­nion pour le témoi­gnage, au sein de l’Église locale. [51] Ne vous las­sez pas de répondre aux appels des hommes et des femmes de notre temps, en leur indi­quant le che­min et le sens pro­fond de l’existence humaine.

54. Je désire ajou­ter une consi­dé­ra­tion sup­plé­men­taire qui va au-​delà des seuls consa­crés et qui s’adresse à l’ensemble des membres des Églises catho­liques orien­tales. Elle concerne les conseils évan­gé­liques qui carac­té­risent notam­ment la vie monas­tique sachant que cette même vie reli­gieuse a été déter­mi­nante à l’origine de nom­breuses Églises sui iuris, et conti­nue à l’être dans leur vie pré­sente. Il me semble qu’il convien­drait de médi­ter lon­gue­ment et avec soin sur les conseils évan­gé­liques : l’obéissance, la chas­te­té et la pau­vre­té, pour redé­cou­vrir aujourd’hui leur beau­té, la force de leur témoi­gnage et leur dimen­sion pas­to­rale. Il ne peut y avoir de régé­né­ra­tion interne du fidèle, de la com­mu­nau­té croyante, et de l’Église tout entière que s’il y a un retour déter­mi­né et sans équi­voque, cha­cun selon sa voca­tion, vers le quae­rere Deum (la recherche de Dieu) qui aide à défi­nir et à vivre en véri­té le rap­port à Dieu, au pro­chain et à soi-​même. Ceci concerne certes les Églises sui iuris, mais aus­si l’Église latine.

Les laïcs

55. Par le bap­tême, les fidèles laïcs sont plei­ne­ment membres du Corps du Christ et sont asso­ciés à la mis­sion de l’Église uni­ver­selle. [52] Leur par­ti­ci­pa­tion à la vie et aux acti­vi­tés internes de l’Église est la source spi­ri­tuelle per­ma­nente qui leur per­met d’aller au-​delà des confins des struc­tures ecclé­siales. Comme apôtres dans le monde, ils tra­duisent en actions concrètes l’Évangile, la doc­trine et l’enseignement social de l’Église. [53] En effet, « les chré­tiens, citoyens de plein droit, peuvent et doivent appor­ter leur contri­bu­tion avec l’esprit des béa­ti­tudes, en deve­nant des construc­teurs de paix et des apôtres de la récon­ci­lia­tion au pro­fit de la socié­té tout entière ». [54]

56. Puisque le tem­po­rel est votre domaine propre, [55] je vous encou­rage, chers fidèles laïcs, à ren­for­cer les liens de fra­ter­ni­té et de col­la­bo­ra­tion avec les per­sonnes de bonne volon­té pour la recherche du bien com­mun, la saine ges­tion des biens publics, la liber­té reli­gieuse, et le res­pect de la digni­té de chaque per­sonne. Même quand la mis­sion de l’Église est ren­due dif­fi­cile dans les milieux où l’annonce expli­cite de l’Évangile ren­contre des obs­tacles ou n’est pas pos­sible, « ayez au milieu des nations une belle conduite afin que (…) la vue de vos bonnes œuvres les amène à glo­ri­fier Dieu, au jour de sa Visite » (1 P 2, 12). Ayez à cœur de rendre rai­son de votre foi (cf. 1 P 3, 15) par la cohé­rence de votre vie et de votre agir quo­ti­diens. [56] Pour que votre témoi­gnage porte réel­le­ment du fruit (cf. Mt 7, 16.20), je vous exhorte à sur­mon­ter les divi­sions et toute inter­pré­ta­tion sub­jec­ti­viste de la vie chré­tienne. Veillez à ne pas sépa­rer celle-​ci – avec ses valeurs et ses exi­gences – de la vie en famille ou dans la socié­té, dans le tra­vail, dans la poli­tique et dans la culture, parce que tous les divers domaines de la vie du laïc rentrent dans le des­sein de Dieu. [57] Je vous invite à avoir de l’audace à cause du Christ, sûrs que ni la tri­bu­la­tion, ni l’angoisse, ni la per­sé­cu­tion ne peuvent vous sépa­rer de Lui (cf. Rm 8, 35).

57. Au Moyen-​Orient, les laïcs sont habi­tués à vivre des rela­tions fra­ter­nelles et assi­dues avec les fidèles catho­liques des diverses Églises patriar­cales ou latine, et à fré­quen­ter leurs lieux de culte sur­tout s’il n’y a aucune autre pos­si­bi­li­té. À cette admi­rable réa­li­té qui démontre une com­mu­nion authen­ti­que­ment vécue, s’ajoute le fait que les diverses juri­dic­tions ecclé­siales sont super­po­sées de manière féconde sur un même ter­ri­toire. Sur ce point par­ti­cu­lier, l’Église au Moyen-​Orient est exem­plaire pour les autres Églises locales du reste du monde. Le Moyen-​Orient est ain­si, en quelque sorte, un labo­ra­toire qui actua­lise déjà l’avenir de la situa­tion ecclé­siale. Cette exem­pla­ri­té qui demande à être per­fec­tion­née et conti­nuel­le­ment puri­fiée, concerne éga­le­ment l’expérience acquise loca­le­ment dans le domaine œcuménique.

La famille

58. Institution divine fon­dée sur le mariage tel qu’il a été vou­lu par le Créateur lui-​même (cf. Gn 2, 18–24 ; Mt 19, 5), la famille est expo­sée aujourd’hui à plu­sieurs périls. La famille chré­tienne en par­ti­cu­lier est plus que jamais confron­tée à la ques­tion de son iden­ti­té pro­fonde. En effet, les pro­prié­tés essen­tielles du mariage sacra­men­tel – uni­té et indis­so­lu­bi­li­té (cf. Mt 19, 6) – et le modèle chré­tien de la famille, de la sexua­li­té et de l’amour sont de nos jours sinon contes­tés du moins incom­pris par cer­tains fidèles. La ten­ta­tion existe de s’approprier des modèles contraires à l’Évangile véhi­cu­lés par une cer­taine culture contem­po­raine répan­due par­tout dans le monde. L’amour conju­gal est insé­ré dans l’Alliance défi­ni­tive entre Dieu et son Peuple, plei­ne­ment scel­lée dans le sacri­fice de la croix. Son carac­tère de don mutuel de soi à l’autre jusqu’au mar­tyre, est mani­feste dans cer­taines des Églises d’Orient, où cha­cun des fian­cés reçoit l’autre pour « cou­ronne » durant la céré­mo­nie du mariage, appe­lée à juste titre « office du cou­ron­ne­ment ». L’amour conju­gal n’est pas l’œuvre d’un moment, mais le pro­jet patient de toute une vie. Appelée à vivre quo­ti­dien­ne­ment l’amour chris­tique, la famille chré­tienne est un ins­tru­ment pri­vi­lé­gié de la pré­sence et de la mis­sion de l’Église dans le monde. En ce sens, elle a besoin d’être accom­pa­gnée pas­to­ra­le­ment [58] et sou­te­nue dans ses pro­blèmes et ses dif­fi­cul­tés, sur­tout là où les repères sociaux, fami­liaux et reli­gieux tendent à s’affaiblir ou à se perdre. [59]

59. Familles chré­tiennes au Moyen-​Orient, je vous invite à vous régé­né­rer tou­jours par la force de la Parole de Dieu et des sacre­ments, pour être davan­tage l’Église domes­tique qui éduque à la prière et à la foi, la pépi­nière des voca­tions, l’école natu­relle des ver­tus et des valeurs éthiques, la cel­lule vivante et pre­mière de la socié­té. Contemplez tou­jours la Famille de Nazareth [60] qui a eu la joie d’accueillir la vie et d’exprimer sa pié­té en obser­vant la Loi et les pra­tiques reli­gieuses de son temps (cf. Lc 2, 22–24. 41). Regardez cette Famille qui a vécu aus­si l’épreuve de la perte de Jésus-​enfant, la dou­leur de la per­sé­cu­tion, de l’émigration et le dur labeur quo­ti­dien (cf. Mt 2, 13ss. ; Lc 2, 41ss.). Aidez vos enfants à gran­dir en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes (cf. Lc 2, 52) ; enseignez-​leur à faire confiance au Père, à imi­ter le Christ et à se lais­ser gui­der par l’Esprit Saint.

60. Après ces quelques réflexions sur la digni­té et la voca­tion com­munes de l’homme et de la femme dans le mariage, ma pen­sée se tourne avec une atten­tion par­ti­cu­lière vers les femmes au Moyen-​Orient. Le pre­mier récit de la créa­tion montre l’égalité onto­lo­gique entre l’homme et la femme (cf. Gn 1, 27–29). Cette éga­li­té est bles­sée par les consé­quences du péché (cf. Gn 3, 16 ; Mt 19, 4). Surmonter cet héri­tage, fruit du péché, est un devoir pour tout être humain, homme ou femme. [61] Je vou­drais assu­rer toutes les femmes que l’Église catho­lique, se situant dans la fidé­li­té au des­sein divin, pro­meut la digni­té per­son­nelle de la femme, et son éga­li­té avec l’homme, en face des formes les plus variées de dis­cri­mi­na­tion aux­quelles elle est sou­mise, du seul fait qu’elle est femme. [62] De telles pra­tiques blessent la vie de com­mu­nion et de témoi­gnage. Elles offensent gra­ve­ment non seule­ment la femme mais aus­si et sur­tout Dieu, le Créateur. Reconnaissant leur sen­si­bi­li­té innée pour l’amour et la pro­tec­tion de la vie humaine, et leur ren­dant hom­mage pour leur apport spé­ci­fique dans l’éducation, la san­té, le tra­vail huma­ni­taire et la vie apos­to­lique, j’estime que les femmes doivent s’engager et être impli­quées davan­tage dans la vie publique et ecclé­siale. [63] Elles appor­te­ront ain­si leur part propre à l’édification d’une socié­té plus fra­ter­nelle et d’une Église ren­due plus belle par la com­mu­nion réelle entre les baptisés.

61. Par ailleurs, lors des dif­fé­rends juri­diques qui, mal­heu­reu­se­ment, peuvent oppo­ser l’homme et la femme sur­tout dans des ques­tions d’ordre matri­mo­nial, la voix de la femme doit être écou­tée et prise en consi­dé­ra­tion avec res­pect à l’égal de celle de l’homme pour faire ces­ser cer­taines injus­tices. Dans ce sens, il fau­drait encou­ra­ger une appli­ca­tion plus saine et plus juste du Droit de l’Église. La jus­tice de l’Église doit être exem­plaire à tous ses niveaux et dans tous les domaines qu’elle touche. Il faut abso­lu­ment veiller à ce que les dif­fé­rends juri­diques rela­tifs aux ques­tions matri­mo­niales ne conduisent pas à l’apostasie. Par ailleurs, les chré­tiens des pays de la région doivent avoir la pos­si­bi­li­té d’appliquer dans le domaine matri­mo­nial et dans les autres domaines, leur droit propre sans restriction.

Les jeunes et les enfants

62. Je salue avec sol­li­ci­tude pater­nelle tous les enfants et les jeunes de l’Église au Moyen-​Orient. Je pense aux jeunes en quête d’un sens humain et chré­tien durable pour leur vie, sans oublier ceux pour qui la jeu­nesse coïn­cide avec un éloi­gne­ment pro­gres­sif de l’Église, se tra­dui­sant par l’abandon de la pra­tique religieuse.

63. Je vous invite chers jeunes à culti­ver en per­ma­nence l’amitié vraie avec Jésus (cf. Jn 15, 13–15) par la force de la prière. Plus elle est solide, plus elle vous ser­vi­ra de phare et vous pro­té­ge­ra des éga­re­ments de la jeu­nesse (cf. Ps 25, 7). La prière per­son­nelle devien­dra plus forte par la fré­quen­ta­tion régu­lière des sacre­ments qui per­mettent une ren­contre authen­tique avec Dieu et avec les frères en Église. N’ayez pas peur ou honte de témoi­gner de l’amitié avec Jésus dans la sphère fami­liale et publique. Faites-​le tou­te­fois en res­pec­tant les autres croyants, juifs et musul­mans, avec qui vous par­ta­gez la croyance en Dieu, Créateur du ciel et de la terre, et aus­si de grands idéaux humains et spi­ri­tuels. N’ayez pas peur ou honte d’être chré­tiens. La rela­tion avec Jésus vous ren­dra dis­po­nibles pour col­la­bo­rer sans réserve avec vos conci­toyens, quelle que soit leur appar­te­nance reli­gieuse, pour construire l’avenir de vos pays sur la digni­té humaine, source et fon­de­ment de la liber­té, de l’égalité et de la paix dans la jus­tice. En aimant le Christ et son Église, vous pour­rez dis­cer­ner avec sagesse dans la moder­ni­té les valeurs utiles à votre pleine réa­li­sa­tion et les maux qui intoxiquent len­te­ment votre vie. Cherchez à ne pas vous lais­ser séduire par le maté­ria­lisme et par cer­tains réseaux sociaux dont l’usage, sans dis­cer­ne­ment, pour­rait muti­ler la vraie nature des rela­tions humaines. L’Église au Moyen-​Orient compte beau­coup sur votre prière, sur votre enthou­siasme, sur votre créa­ti­vi­té, sur votre savoir-​faire et sur votre enga­ge­ment plé­nier pour ser­vir le Christ, l’Église, la socié­té et sur­tout les autres jeunes de votre âge. [64] N’hésitez pas à adhé­rer à toute ini­tia­tive qui vous aide­ra à ren­for­cer votre foi et à répondre à l’appel spé­ci­fique que le Seigneur vous adres­se­ra. N’hésitez pas non plus à suivre l’appel du Christ en choi­sis­sant la vie sacer­do­tale, reli­gieuse ou missionnaire.

64. Ai-​je besoin de vous rap­pe­ler, chers enfants à qui je m’adresse main­te­nant, que dans votre che­mi­ne­ment avec le Seigneur, un hon­neur par­ti­cu­lier doit être ren­du à vos parents (cf. Ex 20, 12 ; Dt 5, 16) ? Ils sont vos édu­ca­teurs dans la foi. Dieu vous a confiés à eux comme un don inouï pour le monde afin qu’ils prennent soin de votre san­té, de votre édu­ca­tion humaine, chré­tienne et de votre for­ma­tion intel­lec­tuelle. Et pour leur part, les parents, les édu­ca­teurs et les for­ma­teurs, les ins­ti­tu­tions publiques, ont le devoir de res­pec­ter le droit des enfants à par­tir du moment de la concep­tion. [65] Quant à vous chers enfants, appre­nez dès main­te­nant l’obéissance à Dieu en étant obéis­sants à vos parents, comme Jésus-​enfant (cf. Lc 2, 51). Apprenez aus­si à vivre chré­tien­ne­ment en famille, à l’école et par­tout. Le Seigneur ne vous oublie pas (cf. Is 49, 15). Il marche tou­jours à vos côtés et désire que vous mar­chiez avec Lui en étant sérieux, cou­ra­geux et gen­tils (cf. Tb 6, 2). En toute cir­cons­tance, bénis­sez le Seigneur Dieu, demandez-​lui de diri­ger vos voies, et de faire abou­tir vos sen­tiers et vos pro­jets ; rappelez-​vous tou­jours de ses com­man­de­ments et ne les lais­sez pas s’effacer de votre cœur (cf. Tb 4, 19).

65. Je désire insis­ter à nou­veau sur la for­ma­tion des enfants et des jeunes qui revêt une impor­tance par­ti­cu­lière. La famille chré­tienne est le lieu natu­rel du déve­lop­pe­ment de la foi des enfants et des jeunes, leur pre­mière école de caté­chèse. En ces temps tour­men­tés, édu­quer un enfant ou un jeune, est dif­fi­cile. Cette tâche irrem­pla­çable est ren­due plus com­plexe encore à cause des cir­cons­tances socio­po­li­tiques et reli­gieuses par­ti­cu­lières que vit la région. C’est pour­quoi je désire assu­rer les parents de mon appui et de ma prière. Il est impor­tant que l’enfant gran­disse dans une famille unie qui vit sa foi sim­ple­ment et avec convic­tion. Il est impor­tant pour l’enfant et le jeune de voir ses parents prier. Il est impor­tant qu’il les accom­pagne à l’église et qu’il voit et com­prenne que ses parents aiment Dieu et dési­rent mieux le connaître. Et il est tout aus­si impor­tant que l’enfant et le jeune voit la cha­ri­té de ses parents envers celui qui a authen­ti­que­ment besoin. Il com­prend ain­si qu’il est bon et beau d’aimer Dieu, et il aime­ra être en Église et il en sera fier car il aura sai­si de l’intérieur et expé­ri­men­té qui est le vrai roc sur lequel il construi­ra sa vie (cf. Mt 7, 24–27 ; Lc 6, 48). Aux enfants et aux jeunes qui n’ont pas cette chance, je sou­haite de trou­ver sur leur che­min d’authentiques témoins pour les aider à ren­con­trer le Christ et à décou­vrir la joie de se mettre à sa suite.

Troisième Partie

Nous pro­cla­mons … un Christ cru­ci­fié …
puis­sance de Dieu et sagesse de Dieu.

1 Co 1, 23–24

66. Le témoi­gnage chré­tien, pre­mière forme de la mis­sion, fait par­tie de la voca­tion ori­gi­nelle de l’Église, qui se réa­lise dans la fidé­li­té au man­dat reçu du Seigneur Jésus : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extré­mi­tés de la terre » (Ac 1, 8). Quand elle pro­clame le Christ cru­ci­fié et res­sus­ci­té (cf. Ac 2, 23–24), l’Église devient de plus en plus ce qu’elle est déjà par nature et voca­tion : sacre­ment de com­mu­nion et de récon­ci­lia­tion avec Dieu et entre les hommes. [66] Communion et témoi­gnage au Christ consti­tuent donc les deux aspects d’une même réa­li­té, car l’un et l’autre puisent à la même source, la Trinité sainte, et reposent sur les mêmes fon­de­ments : la Parole de Dieu et les sacrements.

67. Ceux-​ci ali­mentent et authen­ti­fient les autres actes du culte divin tout comme les pra­tiques dévo­tion­nelles de pié­té popu­laire. La conso­li­da­tion de la vie spi­ri­tuelle fait gran­dir la cha­ri­té et porte natu­rel­le­ment au témoi­gnage. Le chré­tien est avant tout un témoin. Et le témoi­gnage requiert non seule­ment une for­ma­tion chré­tienne adé­quate à l’intelligibilité des véri­tés de foi, mais aus­si la cohé­rence d’une vie conforme à cette même foi afin de pou­voir répondre aux exi­gences de nos contemporains.

La Parole de Dieu, âme et source de la communion et du témoignage

68. « Ils étaient assi­dus à l’enseignement des Apôtres » (Ac 2, 42). Par cette affir­ma­tion, saint Luc fait de la pre­mière com­mu­nau­té le pro­to­type de l’Église apos­to­lique, c’est-à-dire fon­dée sur les Apôtres choi­sis par le Christ et sur leur ensei­gne­ment. La mis­sion prin­ci­pale de l’Église, qu’elle tient du Christ lui-​même, est de gar­der intact le dépôt de la foi apos­to­lique (cf. 1 Tm 6, 20), fon­de­ment de son uni­té, en pro­cla­mant cette foi au monde entier. L’enseignement des Apôtres a expli­ci­té le rap­port de l’Église aux Écritures de la Première Alliance, qui trouvent leur accom­plis­se­ment en la per­sonne de Jésus-​Christ (cf. Lc 24, 44–53).

69. La médi­ta­tion du mys­tère de l’Église, comme com­mu­nion et témoi­gnage, à la lumière des Écritures, ce grand Livre de l’Alliance entre Dieu et son peuple (cf. Ex 24, 7), conduit à la connais­sance de Dieu, « lumière sur la route » (Ps 119 [vg 118], 105) « pour ne pas chan­ce­ler » (Ps 121, 3). [67] Puissent les fidèles, héri­tiers de cette Alliance, cher­cher tou­jours la véri­té dans toute l’Écriture qui est ins­pi­rée de Dieu (cf. 2 Tm 3, 16–17). Elle n’est pas un objet de curio­si­té his­to­rique, mais « l’œuvre de l’Esprit-Saint, par laquelle nous pou­vons entendre la voix même du Seigneur et connaître sa pré­sence dans l’histoire », [68] dans notre his­toire humaine.

70. Les écoles exé­gé­tiques d’Alexandrie, d’Antioche, d’Édesse ou de Nisibe ont contri­bué puis­sam­ment à l’intelligence et à la for­mu­la­tion dog­ma­tique du mys­tère chré­tien aux IVe et Ve siècles. [69] L’Église entière leur en est recon­nais­sante. Les tenants des divers cou­rants d’interprétation des textes s’accordaient sur des prin­cipes tra­di­tion­nels en exé­gèse, com­mu­né­ment admis par les Églises d’Orient et d’Occident. Le plus impor­tant est la croyance que Jésus-​Christ incarne l’unité intrin­sèque des deux Testaments et par consé­quent l’unité du des­sein sal­vi­fique de Dieu dans l’histoire (cf. Mt 5, 17). Les dis­ciples ne com­mencent à com­prendre cette uni­té qu’à par­tir de la Résurrection, lorsque Jésus aura été glo­ri­fié (cf. Jn 12, 16). Vient ensuite la fidé­li­té à une lec­ture typo­lo­gique de la Bible, selon laquelle cer­tains faits de l’Ancien Testament sont une pré­fi­gu­ra­tion (type et figure) des réa­li­tés de la Nouvelle Alliance en Jésus-​Christ, clé de lec­ture de toute la Bible (cf. 1 Co 15, 22 . 45–47 ; He 8 , 6–7). Les textes litur­giques et spi­ri­tuels de l’Église témoignent de la per­ma­nence de ces deux prin­cipes d’interprétation qui struc­turent la célé­bra­tion ecclé­siale de la Parole de Dieu et ins­pirent le témoi­gnage chré­tien. À ce pro­pos, le Concile Vatican II a ulté­rieu­re­ment pré­ci­sé que pour décou­vrir le sens exact des textes sacrés, il faut prê­ter atten­tion au conte­nu et à l’unité de toute l’Écriture, eu égard à la Tradition vivante de toute l’Église et à l’analogie de la foi. [70] Dans la pers­pec­tive d’une approche ecclé­siale de la Bible, une lec­ture, indi­vi­duelle et en groupe, de l’Exhortation apos­to­lique post-​synodale Verbum Domini sera de grand apport.

71. La pré­sence chré­tienne dans les pays bibliques moyen-​orientaux va bien au-​delà d’une appar­te­nance socio­lo­gique ou d’une simple réus­site éco­no­mique et cultu­relle. En retrou­vant la sève des ori­gines, à la suite des pre­miers dis­ciples choi­sis par Jésus pour être ses com­pa­gnons et pour les envoyer prê­cher (cf. Mc 3, 14), la pré­sence chré­tienne pren­dra un nou­vel élan. Pour que la Parole de Dieu soit l’âme et le fon­de­ment de la vie chré­tienne, la dif­fu­sion de la Bible dans les familles favo­ri­se­ra la lec­ture et la médi­ta­tion au quo­ti­dien de la Parole de Dieu (lec­tio divi­na). Il s’agit de mettre en place de façon appro­priée une véri­table pas­to­rale biblique.

72. Les moyens de com­mu­ni­ca­tion modernes peuvent être un ins­tru­ment adap­té à l’annonce de la Parole, et favo­ri­ser sa lec­ture et sa médi­ta­tion. En expli­quant la Bible de manière simple et acces­sible, on contri­bue­ra à dis­si­per bien des pré­ju­gés ou des idées erro­nées sur la Bible, qui entraînent des contro­verses inutiles et humi­liantes. [71] À ce pro­pos, il serait judi­cieux d’y inclure les dis­tinc­tions néces­saires entre ins­pi­ra­tion et révé­la­tion, car l’ambiguïté de ces deux concepts dans l’esprit de beau­coup fausse leur intel­li­gence des textes sacrés, ce qui n’est pas sans consé­quence sur l’avenir du dia­logue inter­re­li­gieux. Ces moyens peuvent aus­si aider à la dif­fu­sion du magis­tère de l’Église.

73. Pour que ces objec­tifs soient atteints, il convient de sou­te­nir les moyens de com­mu­ni­ca­tion déjà exis­tants ou de favo­ri­ser le déve­lop­pe­ment de nou­velles struc­tures appro­priées. La for­ma­tion d’un per­son­nel spé­cia­li­sé dans ce sec­teur névral­gique non seule­ment du point de vue tech­nique, mais aus­si doc­tri­nal et éthique est une urgence tou­jours plus grande, notam­ment en vue de l’évangélisation.

74. Mais, quelle que soit la place accor­dée aux moyens de com­mu­ni­ca­tion sociale mis en œuvre, ils ne sau­raient se sub­sti­tuer à la médi­ta­tion de la Parole de Dieu, à son inté­rio­ri­sa­tion et à son appli­ca­tion en vue de répondre aux ques­tions des fidèles. Naîtront ain­si en eux une fami­lia­ri­té avec les Écritures, une quête et un appro­fon­dis­se­ment de la spi­ri­tua­li­té, et un enga­ge­ment à l’apostolat et à la mis­sion. [72] Selon les condi­tions pas­to­rales de chaque pays de la région, une Année biblique pour­rait éven­tuel­le­ment être pro­cla­mée, et être sui­vie, si cela est oppor­tun, d’une Semaine annuelle de la Bible[73]

La liturgie et la vie sacramentaire

75. Tout au long de l’histoire, la litur­gie a été pour les fidèles du Moyen-​Orient un élé­ment essen­tiel d’unité spi­ri­tuelle et de com­mu­nion. En effet, la litur­gie témoigne de façon pri­vi­lé­giée de la Tradition des Apôtres, conti­nuée et déve­lop­pée dans les tra­di­tions par­ti­cu­lières des Églises d’Orient et d’Occident. Entreprendre un renou­vel­le­ment des textes et des célé­bra­tions litur­giques, là où c’est néces­saire, pour­rait per­mettre aux fidèles de mieux s’approprier la tra­di­tion et la richesse biblique et patris­tique, théo­lo­gique et spi­ri­tuelle des litur­gies, dans l’expérience du Mystère auquel elles intro­duisent. [74] Une telle entre­prise doit bien sûr être menée, autant qu’il est pos­sible, en col­la­bo­ra­tion avec les Églises qui ne sont pas en pleine com­mu­nion, mais qui sont co-​dépositaires des mêmes tra­di­tions litur­giques. Le renou­veau litur­gique sou­hai­té doit être fon­dé sur la Parole de Dieu, sur la tra­di­tion propre à chaque Église, et sur les nou­velles don­nées théo­lo­giques et anthro­po­lo­giques chré­tiennes. Il por­te­ra du fruit si les chré­tiens acquièrent la convic­tion que la vie sacra­men­telle les intro­duit pro­fon­dé­ment dans la vie nou­velle dans le Christ (cf. Rm 6, 1–6 ; 2 Co 5, 17), source de com­mu­nion et de témoignage.

76. Un lien vital existe entre la litur­gie, source et som­met de la vie de l’Église, qui fonde l’unité de l’épiscopat et de l’Église uni­ver­selle, et le minis­tère de Pierre qui main­tient cette uni­té. La litur­gie exprime cette réa­li­té, sur­tout lors de la célé­bra­tion eucha­ris­tique qui est faite en union non seule­ment avec l’Évêque, mais d’abord avec le Pape, avec l’ordre épis­co­pal, avec tout le cler­gé et le peuple de Dieu tout entier.

77. Par le sacre­ment du Baptême, confé­ré au nom de la Trinité sainte, nous entrons dans la com­mu­nion du Père, du Fils et du Saint-​Esprit, et sommes confor­més au Christ, en vue de mener une vie nou­velle (cf. Rm 6, 11–14 ; Col 2, 12), une vie de foi et de conver­sion (cf. Mc 16, 15–16 ; Ac 2, 38). Le Baptême nous incor­pore aus­si dans le Corps du Christ, l’Église, germe et anti­ci­pa­tion de l’humanité récon­ci­liée dans le Christ (cf. 2 Co 5, 19). En com­mu­nion avec Dieu, les bap­ti­sés sont appe­lés à vivre ici et main­te­nant en com­mu­nion fra­ter­nelle entre eux, tout en déve­lop­pant une réelle soli­da­ri­té avec les autres membres de la famille humaine, sans dis­cri­mi­na­tion basée sur la race et la reli­gion, par exemple. Dans ce contexte, il convient de veiller à ce que la pré­pa­ra­tion sacra­men­telle des jeunes et des adultes se fasse avec la plus grande pro­fon­deur et sur une période qui ne soit pas trop brève.

78. L’Église catho­lique tient le Baptême vali­de­ment confé­ré comme « le lien sacra­men­tel d’unité exis­tant entre ceux qui ont été régé­né­rés par lui ». [75] Puisse un accord œcu­mé­nique sur la recon­nais­sance mutuelle du Baptême voir le jour sans tar­der entre l’Église catho­lique et les Églises avec les­quelles elle est en dia­logue théo­lo­gique, en vue de res­tau­rer par la suite la pleine com­mu­nion dans la foi apos­to­lique ! La cré­di­bi­li­té du mes­sage et du témoi­gnage chré­tiens au Moyen-​Orient en dépend partiellement.

79. L’Eucharistie où l’Église célèbre le grand mys­tère de la mort et de la résur­rec­tion de Jésus-​Christ pour le salut de la mul­ti­tude, fonde la com­mu­nion ecclé­siale et la mène à sa plé­ni­tude. Saint Paul l’a admi­ra­ble­ment éri­gé en un prin­cipe ecclé­sio­lo­gique par ces termes : « Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, nous sommes tous un seul corps ; car nous par­ti­ci­pons à cet unique pain » (1 Co 10, 17). Souffrant dans sa mis­sion du drame des divi­sions et des sépa­ra­tions, et ne dési­rant pas que ses membres se réunissent pour leur propre condam­na­tion (cf. 1 Co 11, 17–34), l’Église du Christ espère ardem­ment que proche soit le jour où tous les chré­tiens pour­ront enfin com­mu­nier ensemble au même pain dans l’unité d’un seul corps.

80. Dans la célé­bra­tion de l’Eucharistie, l’Église fait aus­si l’expérience quo­ti­dienne de la com­mu­nion de ses membres en vue du témoi­gnage quo­ti­dien dans la socié­té, qui est une dimen­sion essen­tielle de l’espérance chré­tienne. L’Église prend ain­si conscience de l’unité intrin­sèque de l’espérance escha­to­lo­gique et de l’engagement dans le monde quand elle fait mémoire de toute l’économie du salut : de l’Incarnation à la Parousie. Cette notion pour­rait être davan­tage appro­fon­die à une époque où la dimen­sion escha­to­lo­gique de la foi s’est affai­blie, et où le sens chré­tien de l’histoire, comme marche vers son achè­ve­ment en Dieu, s’estompe au pro­fit de pro­jets limi­tés au seul hori­zon humain. Pèlerins en marche vers Dieu, à la suite des innom­brables ermites et moines, cher­cheurs d’Absolu, les chré­tiens vivant au Moyen-​Orient sau­ront trou­ver dans l’Eucharistie la force et la lumière néces­saires pour témoi­gner, sou­vent à contre-​courant et mal­gré d’innombrables contraintes, de l’Évangile. Ils s’appuieront sur l’intercession des justes, des saints, des mar­tyrs et des confes­seurs et de tous ceux qui ont plu au Seigneur comme le chantent nos litur­gies d’Orient et d’Occident.

81. Le sacre­ment du par­don et de la récon­ci­lia­tion, dont je sou­haite avec l’ensemble des pères syno­daux un renou­veau dans la com­pré­hen­sion et la pra­tique par­mi les fidèles, est une invi­ta­tion à la conver­sion du cœur. [76] En effet, le Christ demande clai­re­ment : « avant de pré­sen­ter ton offrande à l’autel […] va d’abord te récon­ci­lier avec ton frère » (Mt 5, 23–24). La conver­sion sacra­men­telle est un don qui réclame d’être mieux accueilli et mis en œuvre. Le sacre­ment du par­don et de la récon­ci­lia­tion remet certes les péchés, mais il gué­rit aus­si. Une pra­tique plus fré­quente ne peut que favo­ri­ser la for­ma­tion de la conscience et la récon­ci­lia­tion, en aidant à sur­mon­ter les peurs diverses et à lut­ter contre la vio­lence. Car Dieu seul donne la paix authen­tique (cf. Jn 14, 27). Dans cette ligne, j’exhorte les Pasteurs et les fidèles qui leur sont confiés à puri­fier sans cesse la mémoire indi­vi­duelle et col­lec­tive, en libé­rant les esprits des pré­ju­gés, à tra­vers l’acceptation mutuelle et la col­la­bo­ra­tion avec des per­sonnes de bonne volon­té. Je les exhorte éga­le­ment à pro­mou­voir toute ini­tia­tive de paix et de récon­ci­lia­tion, même au milieu des per­sé­cu­tions, pour deve­nir de vrais dis­ciples du Christ, selon l’esprit des Béatitudes (cf. Mt 5, 3–12). Il convient que la « bonne conduite » des chré­tiens (cf. 1 P 3, 16) devienne par son exem­pla­ri­té le levain dans la pâte humaine (cf. Lc 13, 20–21), car elle se fonde sur le Christ qui invite à la per­fec­tion (cf. Mt 5, 48 ; Jc 1, 4 ; 1 P 1, 16).

La prière et les pèlerinages

82. L’Assemblée spé­ciale du Synode des Évêques pour le Moyen-​Orient a sou­li­gné avec vigueur la néces­si­té de la prière dans la vie de l’Église afin que celle-​ci se laisse trans­for­mer par son Seigneur, et que chaque fidèle laisse le Christ vivre en lui (cf. Ga 2, 20). En effet, comme Jésus lui-​même l’a mon­tré en se reti­rant pour prier aux moments déci­sifs de sa vie, l’efficacité de la mis­sion évan­gé­li­sa­trice et donc du témoi­gnage trouve sa source dans la prière. En s’ouvrant à l’action de l’Esprit de Dieu, le croyant, par sa prière per­son­nelle et com­mu­nau­taire, fait péné­trer dans le monde la richesse de l’amour et la lumière de l’espérance qui sont en lui (cf. Rm 5, 5). Puisse le désir de la prière gran­dir chez les Pasteurs du peuple de Dieu et chez les fidèles afin que leur contem­pla­tion du visage du Christ ins­pire tou­jours plus leur témoi­gnage et leurs actions ! Jésus a recom­man­dé à ses dis­ciples de prier sans cesse et de ne pas se décou­ra­ger (cf. Lc 18, 1). Les situa­tions humaines dou­lou­reuses engen­drées par l’égoïsme, l’iniquité ou la volon­té de puis­sance, peuvent sus­ci­ter de la las­si­tude et du décou­ra­ge­ment. Pourtant Jésus recom­mande la prière conti­nuelle. Elle est la véri­table ‘tente de la ren­contre’ (cf. Ex 40, 34), le lieu pri­vi­lé­gié de la com­mu­nion avec Dieu et avec les hommes. N’oublions pas la signi­fi­ca­tion du nom de l’Enfant dont la nais­sance est annon­cée par Isaïe et qui apporte le salut : Emmanuel, « Dieu avec nous » (cf. Is 7, 14 ; Mt 1, 23). Jésus est notre Emmanuel, vrai Dieu avec nous. Invoquons-​le avec ferveur !

83. Terre de la révé­la­tion biblique, le Moyen-​Orient est deve­nu très tôt un but de pèle­ri­nage pri­vi­lé­gié pour beau­coup de chré­tiens venus du monde entier pour conso­li­der leur foi et vivre une expé­rience pro­fon­dé­ment spi­ri­tuelle. Il s’agissait alors d’une démarche péni­ten­tielle qui répon­dait à une authen­tique soif de Dieu. Le pèle­ri­nage biblique actuel doit reve­nir à cette intui­tion ini­tiale. En se situant dans la péni­tence pour la conver­sion et dans la recherche de Dieu, met­tant ses pas dans les pas tem­po­rels du Christ et des apôtres, le pèle­ri­nage vers les lieux saints et apos­to­liques peut être, s’il est vécu avec foi et pro­fon­deur, une authen­tique seque­la Christi. Dans un second temps, il per­met éga­le­ment aux fidèles de s’imprégner davan­tage de la richesse visuelle de l’histoire biblique qui retrace devant eux les grands moments de l’économie du salut. Au pèle­ri­nage biblique, il convient aus­si d’associer le pèle­ri­nage aux sanc­tuaires des mar­tyrs et des saints, en qui l’Église vénère le Christ, source de leur mar­tyre et de leur sainteté.

84. Certes, l’Église vit dans l’attente vigi­lante et confiante de l’avènement final de l’Époux (cf. Mt 25, 1–13). Elle rap­pelle à la suite de son Maître que la véri­table ado­ra­tion se fait en esprit et en véri­té, et n’est pas limi­tée à un lieu saint, quelle que soit son impor­tance sym­bo­lique et reli­gieuse dans la conscience des croyants (cf. Jn 4, 21.23). L’ Église, et en elle chaque bap­ti­sé, res­sent néan­moins le besoin légi­time d’un retour aux sources. Dans les lieux où se sont dérou­lés les évé­ne­ments du salut, chaque pèle­rin pour­ra s’engager sur un che­min de conver­sion à son Seigneur et trou­ver un nou­vel élan. Je sou­haite que les fidèles du Moyen-​Orient puissent se faire eux-​mêmes pèle­rins en ces lieux sanc­ti­fiés par le Seigneur lui-​même et avoir accès libre­ment sans res­tric­tion aux lieux saints. Par ailleurs, les pèle­ri­nages dans ces lieux feront décou­vrir aux chré­tiens non orien­taux la richesse litur­gique et spi­ri­tuelle des Églises orien­tales. Ils contri­bue­ront éga­le­ment à sou­te­nir et à encou­ra­ger les com­mu­nau­tés chré­tiennes à demeu­rer fidè­le­ment et vaillam­ment sur ces terres bénies.

L’évangélisation et la charité : mission de l’Église

85. La trans­mis­sion de la foi chré­tienne est une mis­sion essen­tielle pour l’Église. Afin de mieux répondre aux défis du monde d’aujourd’hui, j’ai invi­té l’ensemble des fidèles de l’Église à une nou­velle évan­gé­li­sa­tion. Pour qu’elle porte ses fruits, elle devra demeu­rer dans la fidé­li­té à la foi en Jésus-​Christ. « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1 Cor 9, 16) s’exclamait saint Paul. Dans les situa­tions mou­vantes actuelles, cette nou­velle évan­gé­li­sa­tion désire faire prendre conscience au fidèle que son témoi­gnage de vie [77] donne force à sa parole quand il ose par­ler de Dieu ouver­te­ment et cou­ra­geu­se­ment afin d’annoncer la Bonne Nouvelle du salut. Aussi l’ensemble de l’Église catho­lique pré­sente au Moyen-​Orient est-​elle invi­tée, avec l’Église uni­ver­selle, à s’engager dans cette évan­gé­li­sa­tion, en tenant compte avec dis­cer­ne­ment du contexte cultu­rel et social actuel, sachant recon­naître ses attentes et ses limites. C’est avant tout un appel à se lais­ser évan­gé­li­ser à nou­veau par la ren­contre avec le Christ, appel qui s’adresse à toute com­mu­nau­té ecclé­siale comme à cha­cun de ses membres. Car, ain­si que le rap­pe­lait le Pape Paul VI : « Celui qui a été évan­gé­li­sé évan­gé­lise à son tour. C’est là le test de véri­té, la pierre de touche de l’évangélisation : il est impen­sable qu’un homme ait accueilli la Parole et se soit don­né au Règne sans deve­nir quelqu’un qui témoigne et annonce à son tour ». [78]

86. L’approfondissement du sens théo­lo­gique et pas­to­ral de cette évan­gé­li­sa­tion est une tâche impor­tante afin de « par­ta­ger le don ines­ti­mable que Dieu a vou­lu nous faire, en nous fai­sant par­ti­ci­per à sa vie même ». [79] Une telle réflexion devra être ouverte aux deux dimen­sions œcu­mé­nique et inter­re­li­gieuse, inhé­rentes à la voca­tion et à la mis­sion propres de l’Église catho­lique au Moyen-Orient.

87. Depuis plu­sieurs années les mou­ve­ments ecclé­siaux et les com­mu­nau­tés nou­velles sont pré­sents au Moyen-​Orient. Ils sont un don de l’Esprit à notre époque. S’il ne faut pas éteindre l’Esprit (cf. 1 Th 5, 19), il incombe néan­moins à cha­cun et à chaque com­mu­nau­té de mettre son cha­risme au ser­vice du bien com­mun (cf. 1 Cor 12, 7). L’Église catho­lique au Moyen-​Orient se réjouit du témoi­gnage de foi et de com­mu­nion fra­ter­nelle de ces com­mu­nau­tés où se ras­semblent des chré­tiens de plu­sieurs Églises, sans confu­sion ni pro­sé­ly­tisme. J’encourage les membres de ces mou­ve­ments et com­mu­nau­tés à être des arti­sans de com­mu­nion et des témoins de la paix qui vient de Dieu, en union avec l’Évêque du lieu et selon ses direc­tives pas­to­rales, en tenant compte de l’histoire, de la litur­gie, de la spi­ri­tua­li­té et de la culture de l’Église locale. [80] Ils démon­tre­ront ain­si leur atta­che­ment géné­reux et leur désir de ser­vir l’Église locale et l’Église uni­ver­selle. Enfin, leur bonne inté­gra­tion expri­me­ra la com­mu­nion dans la diver­si­té et aide­ra à la nou­velle évangélisation.

88. Héritière d’un élan apos­to­lique qui a por­té la Bonne Nouvelle dans des terres loin­taines, cha­cune des Églises catho­liques pré­sentes au Moyen-​Orient est aus­si invi­tée à renou­ve­ler son esprit mis­sion­naire par la for­ma­tion et l’envoi d’hommes et de femmes fiers de leur foi dans le Christ mort et res­sus­ci­té, et capables d’annoncer avec cou­rage l’Évangile, tant dans la région que dans des ter­ri­toires de la dia­spo­ra, ou encore en d’autres pays du monde. [81] L’Année de la Foi qui se situe dans le contexte de la nou­velle évan­gé­li­sa­tion, sera, si elle est vécue avec une intense convic­tion, un excellent sti­mu­lant pour pro­mou­voir une évan­gé­li­sa­tion interne des Églises de la région, et pour conso­li­der le témoi­gnage chré­tien. Faire connaître le Fils de Dieu mort et res­sus­ci­té, seul et unique Sauveur de tous, est un devoir consti­tu­tif de l’Église et une res­pon­sa­bi­li­té impé­ra­tive pour tout bap­ti­sé. « Dieu veut que tous les hommes soient sau­vés et par­viennent à la connais­sance de la véri­té » (1 Tm 2, 4). Face à cette tâche urgente et exi­geante, et dans un contexte mul­ti­cul­tu­rel et pluri-​religieux, l’Église jouit de l’assistance de l’Esprit Saint, don du Seigneur res­sus­ci­té, qui conti­nue de sou­te­nir les siens, et du tré­sor des grandes tra­di­tions spi­ri­tuelles qui aident à cher­cher Dieu. J’encourage les cir­cons­crip­tions ecclé­sias­tiques, les ins­ti­tuts reli­gieux et les mou­ve­ments à déve­lop­per un authen­tique souffle mis­sion­naire qui sera pour eux un gage de renou­veau spi­ri­tuel. Pour cette tâche, l’Église catho­lique au Moyen-​Orient peut comp­ter sur l’appui de l’Église universelle.

89. Depuis long­temps, l’Église catho­lique au Moyen-​Orient œuvre grâce à un réseau d’institutions édu­ca­tives, sociales et cari­ta­tives. Elle fait sien l’appel de Jésus : « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Elle accom­pagne l’annonce de l’Évangile d’œuvres de cha­ri­té, confor­mé­ment à la nature même de la cha­ri­té chré­tienne, en réponse aux néces­si­tés immé­diates de tous, quelle que soit leur reli­gion, indé­pen­dam­ment des par­tis et des idéo­lo­gies, dans le seul but de vivre sur terre l’amour de Dieu pour les humains. [82] À tra­vers le témoi­gnage de la cha­ri­té, l’Église apporte sa contri­bu­tion à la vie de la socié­té et désire contri­buer à la paix dont la région a besoin.

90. Le Christ Jésus s’est fait proche des plus faibles. Guidée par son exemple, l’Église œuvre au ser­vice de l’accueil des enfants dans des mater­ni­tés et des orphe­li­nats, de celui des pauvres, des per­sonnes han­di­ca­pées, des malades et de toute per­sonne néces­si­teuse afin qu’elle soit tou­jours mieux insé­rée dans la com­mu­nau­té humaine. L’Église croit en la digni­té inalié­nable de chaque per­sonne humaine et elle adore Dieu, créa­teur et père, en ser­vant sa créa­ture dans le besoin tant maté­riel que spi­ri­tuel. C’est à cause de Jésus, vrai Dieu et vrai homme, que l’Église accom­plit son minis­tère de conso­la­tion qui ne cherche qu’à reflé­ter la cha­ri­té de Dieu pour l’humanité. Je vou­drais dire ici mon admi­ra­tion et ma recon­nais­sance envers toutes les per­sonnes qui consacrent leur vie à ce noble idéal, et les assu­rer de la béné­dic­tion de Dieu.

91. Les centres d’éducation, les écoles, les ins­ti­tuts supé­rieurs et les uni­ver­si­tés catho­liques du Moyen-​Orient sont nom­breux. Les reli­gieux, les reli­gieuses et les laïcs qui y œuvrent, réa­lisent un tra­vail impres­sion­nant que je salue et encou­rage. Étrangères à tout pro­sé­ly­tisme, ces ins­ti­tu­tions édu­ca­tives catho­liques accueillent des élèves ou des étu­diants d’autres Églises et d’autres reli­gions. [83] Étant d’inestimables ins­tru­ments de culture pour la for­ma­tion à la connais­sance des jeunes, elles démontrent de manière écla­tante la pos­si­bi­li­té qu’il y a au Moyen-​Orient de vivre dans le res­pect et la col­la­bo­ra­tion, par une édu­ca­tion à la tolé­rance et par une recherche conti­nuelle de qua­li­té humaine. Elles sont éga­le­ment atten­tives aux cultures locales qu’elles dési­rent pro­mou­voir en sou­li­gnant les élé­ments posi­tifs qu’elles contiennent. Une grande soli­da­ri­té entre les parents, les étu­diants, les uni­ver­si­tés et les épar­chies et dio­cèses, y com­pris à l’aide de caisses de mutuelles, per­met­tra de garan­tir à tous l’accès à l’éducation, sur­tout à ceux qui sont pri­vés des res­sources néces­saires. L’Église demande aus­si aux divers res­pon­sables poli­tiques de sou­te­nir ces ins­ti­tu­tions qui, par leur acti­vi­té, col­la­borent réel­le­ment et effi­ca­ce­ment au bien com­mun, à la construc­tion et à l’avenir des diverses nations. [84]

La catéchèse et la formation chrétienne

92. Saint Pierre rap­pelle dans sa Première Lettre qu’il faut être « tou­jours prêts à la défense contre qui­conque vous demande rai­son de l’espérance qui est en vous. Mais que ce soit avec dou­ceur et res­pect … » (3, 15b-​16a). Les bap­ti­sés ont reçu le don de la foi. Elle ins­pire toute leur vie et les porte à en rendre rai­son avec déli­ca­tesse et res­pect des per­sonnes, mais aus­si avec fran­chise et cou­rage (cf. Ac 4, 29ss). Aussi seront-​ils ini­tiés de manière adé­quate à la célé­bra­tion des saints Mystères, intro­duits à la connais­sance de la doc­trine révé­lée et invi­tés à la cohé­rence de la vie et de l’agir quo­ti­dien. Cette for­ma­tion des fidèles est assu­rée avant tout par la caté­chèse, autant que pos­sible dans une fra­ter­nelle col­la­bo­ra­tion entre les dif­fé­rentes Églises.

93. La litur­gie, et en pre­mier lieu la célé­bra­tion de l’Eucharistie, est une école de foi qui conduit au témoi­gnage. La Parole de Dieu annon­cée de façon adap­tée doit conduire les fidèles à décou­vrir sa pré­sence et son effi­ca­ci­té dans leur vie et dans celle des hommes d’aujourd’hui. Le Catéchisme de l’Église catho­lique est une base néces­saire. Comme je l’ai déjà indi­qué, sa lec­ture et son ensei­gne­ment doivent être encou­ra­gés, tout comme une ini­tia­tion concrète à la Doctrine sociale de l’Église, expri­mée notam­ment dans le Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, ain­si que dans les grands docu­ments du Magistère pon­ti­fi­cal. [85] La réa­li­té de la vie ecclé­siale moyen-​orientale et l’entraide dans la dia­co­nie de la cha­ri­té per­met­tront à cette for­ma­tion d’avoir une dimen­sion œcu­mé­nique, selon la spé­ci­fi­ci­té des lieux et en accord avec les auto­ri­tés ecclé­siales respectives.

94. Par ailleurs, l’engagement des chré­tiens dans l’Église et dans les ins­ti­tu­tions de la cité sera ren­for­cé par une solide for­ma­tion spi­ri­tuelle. Il semble néces­saire de faci­li­ter aux fidèles, sur­tout à ceux qui vivent dans les tra­di­tions orien­tales et à cause de l’histoire de leurs Églises, l’accès aux tré­sors des Pères de l’Église et des maîtres spi­ri­tuels. J’invite les Synodes et les autres orga­nismes épis­co­paux à réflé­chir sérieu­se­ment à la réa­li­sa­tion pro­gres­sive de ce sou­hait et à l’actualisation néces­saire de l’enseignement patris­tique qui com­plé­te­ra la for­ma­tion biblique. Ceci implique qu’en pre­mier lieu les prêtres, les consa­crés et les sémi­na­ristes ou novices puisent dans ces tré­sors pour appro­fon­dir leur vie per­son­nelle de foi, afin de pou­voir ensuite les par­ta­ger avec sûre­té. Les ensei­gne­ments des maîtres spi­ri­tuels de l’Orient et de l’Occident, et ceux des saints et saintes aide­ront celui ou celle qui cherche vrai­ment Dieu.

Conclusion

95. « Sois sans crainte, petit trou­peau ! » (Lc 12, 32) C’est avec ces paroles du Christ, que je désire encou­ra­ger tous les pas­teurs et les fidèles chré­tiens au Moyen-​Orient à gar­der cou­ra­geu­se­ment vivante la flamme de l’amour divin dans l’Église et dans leurs milieux de vie et d’activités. C’est ain­si qu’ils main­tien­dront intègres l’essence et la mis­sion de l’Église telles que le Christ les a vou­lues. C’est ain­si aus­si que les diver­si­tés légi­times et his­to­riques enri­chi­ront la com­mu­nion entre les bap­ti­sés, avec le Père et avec son Fils Jésus-​Christ dont le sang puri­fie de tout péché (cf. 1 Jn 1, 3.6–7). À l’aube de la chré­tien­té, saint Pierre, Apôtre de Jésus Christ, a écrit sa Première Lettre à des com­mu­nau­tés croyantes d’Asie mineure en dif­fi­cul­tés. Au début de ce nou­veau mil­lé­naire, il a été bon que se réunissent en Synode autour du suc­ces­seur de Pierre des Pasteurs et des fidèles du Moyen-​Orient et d’ailleurs, pour prier et réflé­chir ensemble. L’exigence apos­to­lique et la com­plexi­té du moment invitent à la prière et au dyna­misme pas­to­ral. L’urgence de l’heure et l’injustice de tant de situa­tions dra­ma­tiques demandent, en fai­sant une relec­ture de la Première Lettre de saint Pierre, de s’unir pour témoi­gner ensemble du Christ mort et res­sus­ci­té. Cet être-​ensemble, cette com­mu­nion vou­lue par notre Seigneur et Dieu, est néces­saire plus que jamais. Mettons de côté tout ce qui semble être cause d’insatisfaction, même légi­time, pour nous concen­trer d’un seul cœur sur l’unique néces­saire : unir dans le Fils unique tous les hommes et tout l’univers (cf. Rm 8, 29 ;
Ep 1, 5.10).

96. Le Christ a confié à Pierre la mis­sion spé­ci­fique de faire paître ses bre­bis (cf. Jn 21, 15–17) et c’est sur lui qu’il a édi­fié son Église (cf. Mt 16, 18). Le Successeur de Pierre que je suis, n’oublie pas les tri­bu­la­tions et les souf­frances des fidèles du Christ et, sur­tout, de ceux qui vivent au Moyen-​Orient. Le Pape leur est par­ti­cu­liè­re­ment uni spi­ri­tuel­le­ment. Voilà pour­quoi au nom de Dieu, je demande aux res­pon­sables poli­tiques et reli­gieux des socié­tés non pas seule­ment de sou­la­ger ces souf­frances, mais d’éliminer les causes qui les pro­duisent. Je leur demande de tout mettre en œuvre pour qu’enfin règne la paix.

97. Le Pape n’oublie pas non plus que l’Église – la cité sainte, la Jérusalem céleste – dont le Christ est la pierre angu­laire (cf. 1 P 2, 4. 7) et dont lui-​même a reçu la mis­sion de prendre soin sur terre, est construite sur des assises faites de pier­re­ries dif­fé­rentes, colo­rées et pré­cieuses (cf. Ap 21, 14. 19–20). Les véné­rables Églises orien­tales et l’Église de rite latin sont ces joyaux res­plen­dis­sants, qui s’effacent en ado­ra­tion devant « le fleuve de vie, lim­pide comme le cris­tal, qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau » (Ap 22, 1).

98. C’est pour per­mettre aux hommes de voir la face de Dieu et son nom ins­crit sur leurs fronts (cf. Ap 22, 4), que j’invite l’ensemble des fidèles catho­liques à se lais­ser conduire par l’Esprit de Dieu pour conso­li­der davan­tage entre eux la com­mu­nion, et à la vivre dans une fra­ter­ni­té simple et joyeuse. Je sais que cer­taines cir­cons­tances peuvent par­fois conduire à incli­ner vers des accom­mo­de­ments qui menacent de rompre la com­mu­nion humaine et chré­tienne. Elles y arrivent mal­heu­reu­se­ment trop sou­vent, et cette tié­deur déplaît à Dieu (cf. Ap 3, 15–19). La lumière du Christ (cf. Jn 12, 46) veut rejoindre les recoins de la terre et de l’homme, même les plus obs­curs (cf. 1 P 2, 9). Pour être un lam­pa­daire por­teur de l’unique Lumière (cf. Lc 11, 33–36) et pour pou­voir témoi­gner par­tout (cf. Mc 16, 15–18), il importe de choi­sir le che­min qui mène à la vie (cf. Mt 7,14) en lais­sant der­rière soi les œuvres sté­riles des ténèbres (cf. Ep 5, 9–14) et en les reje­tant avec déter­mi­na­tion (cf. Rm 13, 12s).

99. Puisse la fra­ter­ni­té des chré­tiens deve­nir par son témoi­gnage, un levain dans la pâte humaine (cf. Mt 13, 33) ! Puissent les chré­tiens du Moyen-​Orient, catho­liques et autres, don­ner dans l’unité avec cou­rage ce témoi­gnage peu facile, mais exal­tant à cause du Christ, pour rece­voir la cou­ronne de vie (cf. Ap 2, 10b) ! L’ensemble de la com­mu­nau­té chré­tienne les encou­rage et les sou­tient. Puisse l’épreuve que vivent cer­tains de nos frères et sœurs (cf. Ps 66 [vg 65] 10 ; Is 48, 10 ; 1P 1, 7), for­ti­fier la fidé­li­té et la foi de tous ! « À vous grâce et paix en abon­dance … Paix à vous tous, qui êtes dans le Christ » (1P 1, 2b ; 5, 14b) !

100. Le cœur de Marie, Théotókos et Mère de l’Église, a été trans­per­cé (cf. Lc 2, 34–35) à cause de la ‘contra­dic­tion’ que son Divin Fils a appor­tée, c’est à dire à cause des oppo­si­tions et de l’hostilité à la mis­sion de lumière que le Christ a affron­tées et que l’Église, son Corps mys­tique, conti­nue de vivre. Marie, que l’Église entière, aus­si bien en Orient qu’en Occident, vénère avec ten­dresse, nous assis­te­ra mater­nel­le­ment. Marie, la toute Sainte, qui a che­mi­né par­mi nous, sau­ra une nou­velle fois pré­sen­ter nos néces­si­tés à son Divin Fils. Elle nous offre son Fils. Écoutons-​la qui nous ouvre à l’espérance : « Tout ce qu’il vous dira, faites-​le ! » (Jn 2, 5).

Donné à Beyrouth, au Liban, le 14 sep­tembre 2012, fête de la Croix Glorieuse, en la hui­tième année de mon Pontificat.

Notes de bas de page
  1. Benoît XVI, Homélie de la messe d’ouverture de l’Assemblée spé­ciale du Synode des Évêques pour le Moyen-​Orient (10 octobre 2010) : AAS 102 (2010), p. 805.[]
  2. Cf. Proposition 4.[]
  3. Code des Canons des Églises Orientales, canon 39 ; cf. Conc. œcum. Vat. II, Décret sur les Églises orien­tales catho­liques Orientalium Ecclesiarum, n. 1 ; Jean-​Paul II, Exhort. Apost. post-​synodale Une espé­rance nou­velle pour le Liban (10 mai 1997), n. 40 : AAS 89 (1997), pp. 346–347 où est déve­lop­pé le thème de l’unité entre la Tradition apos­to­lique com­mune et les tra­di­tions ecclé­siales qui en sont issues en Orient.[]
  4. Cf. Benoît XVI, Homélie de la messe de minuit (24 décembre 2010): AAS 103 (2011), pp. 17–21.[]
  5. Cf. Proposition 9.[]
  6. Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décret sur l’œcuménisme, Unitatis redin­te­gra­tio, n. 1.[]
  7. Cf. Benoît XVI, Discours aux par­ti­ci­pants à l’assemblée plé­nière de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (27 jan­vier 2012), AAS 104 (2012), p. 109.[]
  8. Cf.Conc. œcum. Vat. II, Décret sur l’œcuménisme, Unitatis redin­te­gra­tio, n. 8[]
  9. Cf. Jean-​Paul II, Lett. enc. Ut unum sint (25 mai 1995), nn. 83–84 : AAS 87 (1995), pp. 971–972.[]
  10. Cf. Conseil pon­ti­fi­cal pour la pro­mo­tion de l’unité des chré­tiens, Directoire pour l’application des prin­cipes et des normes de l’œcuménisme (25 mars 1993) : AAS 85 (1993), pp. 1039–1119.[]
  11. Décret sur les Églises orien­tales catho­liques, Orientalium Ecclesiarum, n. 24.[]
  12. Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décret sur l’œcuménisme, Unitatis redin­te­gra­tio, n. 15.[]
  13. Cf. idem, Décret sur les Églises orien­tales catho­liques, Orientalium Ecclesiarum, nn. 26–27.[]
  14. Cf. idem, Décret sur l’œcuménisme, Unitatis redin­te­gra­tio, n. 15 ; Conseil pon­ti­fi­cal pour la pro­mo­tion de l’unité des chré­tiens, Directoire pour l’application des prin­cipes et des normes de l’œcuménisme (25 mars 1993), nn. 122–128 : AAS 85 (1993), pp. 1086–1088.[]
  15. Cf. Conseil pon­ti­fi­cal pour la pro­mo­tion de l’unité des chré­tiens, Directoire pour l’application des prin­cipes et des normes de l’œcuménisme (25 mars 1993), n. 145 : AAS 85 (1993), p. 1092.[]
  16. Cf. Proposition 28,dont cer­taines ini­tia­tives pro­po­sées sont de com­pé­tences pas­to­rales locales et d’autres qui engagent l’ensemble de l’Église catho­lique, seront étu­diées en accord avec le Siège de Pierre.[]
  17. Cf. Proposition 40.[]
  18. Cf. Benoît XVI, Discours au Centre Heichal Shlomo, Jérusalem (12 mai 2009) : AAS 101 (2009), pp. 522–523 ; Proposition 41.[]
  19. Cf. Proposition 5.[]
  20. Cf. Proposition 42.[]
  21. Cf . Conc. œcum. Vat. II, Déclaration sur la liber­té reli­gieuse Dignitatis huma­nae, nn. 2–8 ; Benoît XVI, Message pour la célé­bra­tion de la Journée mon­diale pour la paix 2011 :AAS 103 (2011), pp. 46–58 ; Discours aux membres du Corps diplo­ma­tique accré­di­té près le Saint-​Siège (10 jan­vier 2011) : AAS 103 (2011), pp. 100–107.[]
  22. Cf. Conc. œcum. Vat. II, Déclaration sur les rela­tions de l’Église avec les reli­gions non chré­tiennes, Nostra aetate, n. 2.[]
  23. Benoît XVI, Discours lors de la ren­contre avec les membres du Gouvernement, les repré­sen­tants des Institutions de la République, le Corps diplo­ma­tique et les repré­sen­tants des prin­ci­pales reli­gions (Cotonou, 19 novembre 2011), AAS 103 (2011), p. 820.[]
  24. Cf . Benoît XVI, Message pour la jour­née mon­diale des migrants et des réfu­giés 2006 :AAS 97(2005), pp. 981–983 ; idem 2008 : AAS 100 (2008), pp. 805–808 ; et ibi­dem 2012 : AAS 103 (2011), pp. 763–766.[]
  25. Cf. Proposition 11.[]
  26. Cf. Propositions 6 et 10.[]
  27. Cf. Proposition 12.[]
  28. Cf. Proposition 15.[]
  29. Cf. Proposition 14.[]
  30. Benoît XVI, Homélie de la messe de clô­ture de l’Assemblée spé­ciale du Synode des Évêques pour le Moyen-​Orient (24 octobre 2010): AAS 102 (2010), p. 815.[]
  31. Cf. Benoît XVI, Homélie d’ouverture de l’Assemblée spé­ciale du Synode des Évêques pour le Moyen-​Orient (10 octobre 2010) : AAS 102 (2010), p. 805. []
  32. Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux Évêques de l’Église catho­lique sur cer­tains aspects de l’Église com­prise comme com­mu­nion – Communionis notio, (28 mai 1992), 9 : AAS 85 (1993), pp. 843–844 : notam­ment dans le 1er para­graphe : « l’Église uni­ver­selle ne peut être conçue ni comme la somme des Églises par­ti­cu­lières, ni comme une fédé­ra­tion d’Églises par­ti­cu­lières. Elle n’est pas le résul­tat de leur com­mu­nion, mais elle est, dans son mys­tère essen­tiel, une réa­li­té onto­lo­gi­que­ment et chro­no­lo­gi­que­ment préa­lable à toute Église par­ti­cu­lière sin­gu­lière. »[]
  33. Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l’Église Lumen gen­tium, n. 23.[]
  34. Cf. Code des Canons des Églises Orientales, canons 76, §§ 1 et 2, et 92, §§ 1 et 2.[]
  35. Cf. idem, canon 97.[]
  36. Cf. idem, canon 83, § 1.[]
  37. Cf. Jean-​Paul II, Exhort. apost. post-​synodale Pastores gre­gis (16 octobre 2003), n. 26 : AAS 96 (2004), pp. 859–860.[]
  38. Idem, Exhort. apost. post-​synodale Une espé­rance nou­velle pour le Liban (10 mai 1997), n. 60 : AAS 89 (1997), p. 364.[]
  39. Cf. Proposition 22.[]
  40. Cf. Code des Canons des Églises Orientales, canon 192, §1.[]
  41. Cf. Proposition 7.[]
  42. Cf. Conc. œcum. Vat.II, Décret sur le minis­tère et la vie des prêtres Presbyterorum ordi­nis, nn. 4–6.[]
  43. Cf. Message final de l’Assemblée spé­ciale du Synode des Évêques pour le Moyen-​Orient (22 octobre 2010), n. 4, 3 : L’Osservatore Romano, édi­tion fran­çaise, n. 3.159 (09 novembre 2010), p. 23.[]
  44. Cf. Conc. œcum. Vat.II, Décret sur le minis­tère et la vie des prêtres, Presbyterorum ordi­nis, n. 11.[]
  45. Cf. Congrégation pour l’Éducation catho­lique, Ratio fun­da­men­ta­lis Institutionis sacer­do­ta­lis (19 mars 1985), nn. 5–10.[]
  46. Cf. Lettre aux sémi­na­ristes (18 octobre 2010) : AAS 102 (2010), pp. 793–798.[]
  47. cf. Jean-​Paul II, Lett. Apost. Orientale Lumen (02 mai 1995) : AAS 87 (1995), p. 745–774[]
  48. Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l’Église Lumen gen­tium, n. 44 ; Décret sur la réno­va­tion et l’adaptation de la vie reli­gieuse Perfectae cari­ta­tis, n. 5 ; Jean-​Paul II, Exhort. apost. post-​synodale Vita conse­cra­ta (25 mars 1996), nn. 14. 30 : AAS 88 (1996), p. 387–388 et 403–404.[]
  49. Cf. Proposition 26.[]
  50. Cf. Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique, Instruction Repartir du Christ. Un enga­ge­ment renou­ve­lé de la vie consa­crée au troi­sième mil­lé­naire (19 mai 2002) : Ench. Vat. 21, nn. 372–510 ; L’Osservatore Romano, édi­tion fran­çaisen. 2.741 (10 sep­tembre 2002), pp. 5–14.[]
  51. Cf. Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers et Congrégation pour les Évêques, Directives de base sur les rap­ports entre les évêques et les reli­gieux dans l’Église Mutuae rela­tiones (14 mai 1978), nn. 52–65 : AAS 70 (1978) pp. 500–505. Sur la place des moines dans les Églises orien­tales catho­liques, voir Code des Canons des Églises Orientales, canons 410–572.[]
  52. Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l’Église Lumen gen­tium, nn. 30–38 ;Décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam actuo­si­ta­tem ; Jean-​Paul II, Exhort. apost. post-​synodale, Christifideles lai­ci (30 décembre 1988) : AAS 81 (1989), pp. 393–521.[]
  53. Cf. Jean-​Paul II, Exhort. apost. post-​synodale Une espé­rance nou­velle pour le Liban (10 mai 1997), nn. 45.103 : AAS 89 (1997), pp 350–352 et 400 ; Proposition 24[]
  54. Benoît XVI, Homélie de la messe de clô­ture de l’Assemblée spé­ciale du Synode des Évêques pour le Moyen-​Orient (24 octobre 2010) : AAS 102 (2010), p. 814.[]
  55. Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l’Église Lumen gen­tium, n. 31.[]
  56. Cf. Proposition 30.[]
  57. Cf. Jean-​Paul II, Exhort. apost. post-​synodale Christifideles lai­ci (30 décembre 1988), nn. 57–63 : AAS 81 (1989), pp. 506–518.[]
  58. Cf. Jean-​Paul II, Exhort. apost. Familiaris consor­tio (22 novembre 1981) : AAS 74 (1982), pp. 81–191 ; Saint-​Siège, Charte des droits de la famille (22 octobre 1983), Cité du Vatican, 1983 ; Jean-​Paul II, Lettre aux familles (2 février 1994) : AAS 86 (1994), pp. 868–925 ; Conseil pon­ti­fi­cal jus­tice et paixCompendium de la doc­trine sociale de l’Église, nn. 209–254.[]
  59. Cf. Proposition 35.[]
  60. Cf. Benoît XVI, Homélie de la messe au Mont du Précipice, Nazareth (14 mai 2009) : AAS 101 (2009), pp. 478–482.[]
  61. Cf. Jean-​Paul II, Lett. apost. Mulieris digni­ta­tem (15 août 1988), n. 10 : AAS 80 (1988), pp. 1676–1677.[]
  62. Cf. Idem, Exhort. apost. post-​synodale Christifideles lai­ci (30 décembre 1988), n. 49 : AAS 81 (1989), p. 487.[]
  63. Cf. Idem, Exhort. apost. post-​synodale Une espé­rance nou­velle pour le Liban (10 mai 1997), n. 50 : AAS 89 (1997), p. 355 ; Message final de l’Assemblée spé­ciale du Synode des Évêques pour le Moyen-​Orient (22 octobre 2010), n. 4.4 : L’Osservatore Romano, édi­tion fran­çaise, n. 3.159, (9 novembre 2010), p. 22 ; Proposition 27.[]
  64. Cf. Proposition 36.[]
  65. Cf. Proposition 27.[]
  66. Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l’Église Lumen gen­tium, n. 1[]
  67. Cf. Benoît XVI, Exhort. Apost. post-​synodale Verbum Domini (30 sep­tembre 2010), n. 24 : AAS 102 (2010), p. 704.[]
  68. Idem, n. 19 : AAS 102 (2010), p. 701.[]
  69. Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décret sur l’œcuménisme, Unitatis redin­te­gra­tio, n. 14.[]
  70. Cf. Const. dogm. sur la révé­la­tion divine, Dei Verbum, n. 12.[]
  71. Cf. Proposition 2.[]
  72. Cf. Ibidem.[]
  73. Cf. Proposition 3.[]
  74. Cf. Proposition 39.[]
  75. Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décret sur l’œcuménisme, Unitatis redin­te­gra­tio, n. 22.[]
  76. Cf. Proposition 37.[]
  77. Cf. Benoît XVI, Exhort. Apost. post-​synodale, Verbum Domini (30 sep­tembre 2010), n. 97 : AAS 102 (2010) , pp. 767–768.[]
  78. Exhort. Apost. Sous forme de motu pro­prio Evangelii nun­tian­di (8 décembre 1975), n. 24 : AAS 68 (1976), p. 21.[]
  79. Benoît XVI, Lett. apost. Ubicumque sem­per (21 sep­tembre 2010) : AAS 102 (2010), p. 791.[]
  80. Cf. Proposition 17.[]
  81. Cf. Proposition 34.[]
  82. Cf . Benoît XVI, Lett. enc. Deus cari­tas est (25 décembre 2005) n.31 : AAS 98 (2006), pp. 243–245. []
  83. Cf . Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doc­tri­nale sur cer­tains aspects de l’évangélisation, (3 décembre 2007), n. 12, note 49 trai­tant du pro­sé­ly­tisme : AAS 100 (2008), p. 502.[]
  84. Cf. Proposition 32.[]
  85. Cf. Proposition 30.[]
25 juin 1834
Condamnation de l'indifférentisme et du libéralisme de Lamennais et de son livre "Paroles d'un croyant"
  • Grégoire XVI