Pie IX

255ᵉ pape ; de 1846 à 1878

9 juin 1862

Allocution consistoriale Maxima quidem

Condamnations des erreurs modernes découlant du naturalisme

Table des matières

Par cette impor­tante allo­cu­tion, Pie IX dénon­çait les nom­breuses erreurs liées au natu­ra­lisme, qui s’at­taquent aux fon­de­ment même de la reli­gion et dont l’es­sor était inquié­tant. Cette allo­cu­tion est citée comme source de nom­breuses pro­po­si­tions condam­née dans le Syllabus de 1864. La consti­tu­tion Dei Filius du Concile Vatican I don­ne­ra une sanc­tion solen­nelle à beau­coup de ces condamnations.

Dans le consis­toire secret du 9 juin 1862, auquel assis­taient, outre les car­di­naux de la Sainte Eglise Romaine, les Patriarches, Primats, Archevêques, et Évêques réunis à Rome à l’oc­ca­sion de la cano­ni­sa­tion des mar­tyrs du Japon et de Michel de Sanctis.

Vénérables Frères,

Nous avons été péné­tré d’une joie pro­fonde, lorsque Nous avons pu hier, avec l’aide de Dieu, décer­ner les hon­neurs et le culte des saints à vingt-​sept intré­pides héros de notre divine reli­gion, et cela en vous pos­sé­dant à nos côtés, vous qui, doués d’une si haute pié­té et de tant de ver­tus, appe­lés à par­tager notre sol­li­ci­tude au milieu de temps si dou­lou­reux, com­bat­tant vaillam­ment pour la mai­son d’Israël, êtes pour Nous une conso­la­tion et un appui sou­ve­rain. Plût à Dieu que, pen­dant que Nous sommes inon­dé de cette joie, aucune cause de cha­grin et de deuil ne vînt Nous contris­ter d’ailleurs ! En effet Nous ne pou­vons pas ne pas être acca­blé de dou­leur et d’angoisses, lorsque Nous voyons les dom­mages et les maux si tristes et à jamais déplo­rables dont l’Eglise catho­lique et la socié­té civile elle-​même sont misé­ra­ble­ment tourmen­tées et oppri­mées au grand détri­ment des âmes. Vous connais­sez en effet, Vé­nérables Frères, cette guerre impla­cable décla­rée au catho­li­cisme tout entier par ces mêmes hommes qui, enne­mis de la croix de Jésus-​Christ, impa­tients de la saine doc­trine, unis entre eux par une cou­pable alliance, ignorent tout, blas­phèment tout, et entre­prennent d’ébranler les fon­de­ments de la socié­té humaine, bien plus, de la ren­ver­ser de fond en comble si cela était pos­sible ; de per­ver­tir les esprits et les cœurs, de les rem­plir des plus per­ni­cieuses er­reurs et de les arra­cher à la reli­gion catho­lique. Ces per­fides arti­sans de fraudes, ces fabri­ca­teurs de men­songes ne cessent pas de faire sor­tir des ténè­bres les mons­trueuses erreurs des anciens temps, déjà tant de fois réfu­tées et vain­cues par les plus sages et les plus savants écrits et condam­nées par les plus sévères juge­ments de l’Eglise ; de les exa­gé­rer en les revê­tant de formes et de paroles nou­velles et fal­la­cieuses et de les pro­pa­ger par­tout et de toute manière. Avec cet art détes­table et vrai­ment sata­nique, ils souillent et per­vertissent toute science, ils répandent pour la perte des âmes un poi­son mor­tel, ils favo­risent une licence effré­née et les plus mau­vaises pas­sions ; ils bou­le­versent l’ordre reli­gieux et social ; ils s’efforcent de détruire toute idée de jus­tice, de véri­té, de droit, d’honneur et de reli­gion, et ils tournent en déri­sion, insultent et méprisent la doc­trine et les saints pré­ceptes du Christ. L’esprit se refuse et recule d’horreur à tou­cher, même légè­re­ment, les prin­cipales de ces erreurs pes­ti­len­tielles par les­quelles ces hommes, dans nos temps mal­heu­reux, troublent toutes les choses divines et humaines.

Le naturalisme

ces hommes détruisent com­plè­te­ment la cohé­sion néces­saire qui, par la volon­té de Dieu, unit l’ordre natu­rel et l’ordre surnaturel

Personne de vous n’ignore, Vénérables Frères, que ces hommes détruisent com­plè­te­ment la cohé­sion néces­saire qui, par la volon­té de Dieu, unit l’ordre natu­rel et l’ordre sur­na­tu­rel, et qu’en même temps ils changent, ren­versent et abo­lissent le carac­tère propre, véri­table, légi­time de la Révélation divine, l’autorité, la consti­tu­tion et la puis­sance de l’Eglise. Et ils en arrivent à cette témé­ri­té d’opinion qu’ils ne craignent point de nier auda­cieu­se­ment toute véri­té, toute loi, toute puis­sance, tout droit d’origine divine ; ils n’ont pas honte d’affirmer que la science de la phi­lo­so­phie et de la morale, ain­si que les lois civiles, peuvent et doivent ne pas rele­ver de la révé­la­tion et décli­ner l’au­torité de l’Eglise ; que l’Eglise n’est pas une socié­té véri­table et par­faite, plei­ne­ment libre, et qu’elle ne peut pas s’appuyer sur les droits propres et per­ma­nents que lui a confé­rés son divin Fondateur ; mais qu’il appar­tient à la puis­sance civile de défi­nir quels sont les droits de l’Eglise et dans quelles li­mites elle peut les exer­cer. De là, ils concluent à tort que la puis­sance civile peut s’immiscer aux choses qui appar­tiennent à la reli­gion, aux mœurs et au gou­ver­ne­ment spi­ri­tuel, et même empê­cher que les pré­lats et les peuples fidèles com­mu­niquent libre­ment et mutuel­le­ment avec le Pontife romain, di­vinement éta­bli le pas­teur suprême de toute l’Eglise ; et cela afin de dis­soudre cette néces­saire et très étroite union qui, par l’institution divine de Notre-​Seigneur lui-​même, doit exis­ter entre les membres mys­tiques du corps du Christ et son chef véné­rable. Ils ne craignent pas non plus de pro­cla­mer avec ruse et faus­se­té, devant la mul­ti­tude, que les ministres de l’Eglise et le Pon­tife romain doivent être exclus de tous droits et de toute puis­sance temporelle.

Négation de la révélation

Tandis qu’ils font mali­cieu­se­ment déri­ver toutes les véri­tés de reli­gion de la force native de la rai­son humaine, ils accordent à chaque homme une sorte de droit pri­mordial par lequel il peut libre­ment pen­ser et par­ler de la reli­gion et rendre à Dieu l’honneur et le culte qu’il trouve le meilleur selon son caprice.

En outre, ils n’hésitent pas, dans leur extrême impu­dence, à affir­mer que non seule­ment la révé­la­tion divine ne sert de rien, mais qu’elle nuit à la per­fection de l’homme, qu’elle est elle-​même impar­faite et par consé­quent sou­mise à un pro­grès conti­nu et indé­fi­ni qui doit répondre au pro­grès de la rai­son humaine. Aussi osent-​ils pré­tendre que les pro­phé­ties et les miracles expo­sés et racon­tés dans les Livres sacrés sont des fables de poètes ; que les saints mys­tères de notre foi sont le résul­tat d’investigations phi­lo­so­phiques ; que les livres divins de l’Ancien et du Nouveau Testament ne contiennent que des mythes, et que, ce qui est hor­rible à dire, Notre-​Seigneur Jésus-​Christ est une fic­tion mythique. En consé­quence, ces tur­bu­lents adeptes de dogmes per­vers sou­tiennent que les lois morales n’ont pas besoin de sanc­tion divine, qu’il n’est point néces­saire que les lois humaines se conforment au droit na­turel ou reçoivent de Dieu la force obli­ga­toire, et ils affirment que la loi divine n’existe pas. De plus, ils nient toute action de Dieu sur le monde et sur les hommes, et ils avancent témé­rai­re­ment que la rai­son humaine, sans aucun res­pect de Dieu, est l’unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal ; qu’elle est à elle-​même sa loi, et qu’elle suf­fit par ses forces natu­relles pour pro­cu­rer le bien des hommes et des peuples. Tandis qu’ils font mali­cieu­se­ment déri­ver toutes les véri­tés de reli­gion de la force native de la rai­son humaine, ils accordent à chaque homme une sorte de droit pri­mordial par lequel il peut libre­ment pen­ser et par­ler de la reli­gion et rendre à Dieu l’honneur et le culte qu’il trouve le meilleur selon son caprice.

Le panthéisme

ils ne craignent pas d’affirmer que la Divinité suprême, pleine de sagesse et de pro­vi­dence, n’est pas dis­tincte de l’universa­lité des choses ; que Dieu est la même chose que la Nature, sujet comme elle aux chan­ge­ments ; que Dieu se confond avec l’homme et le monde, que tout est Dieu, que Dieu est une même sub­stance, une même chose que le monde, et par suite qu’il n’y a point de dif­fé­rence entre l’esprit et la matière

Or, ils en viennent à ce degré d’impiété et d’impudence qu’ils attaquent le ciel et s’efforcent d’éliminer Dieu lui-​même. En effet, dans une méchan­ce­té qui n’a d’égale que leur sot­tise, ils ne craignent pas d’affirmer que la Divinité suprême, pleine de sagesse et de pro­vi­dence, n’est pas dis­tincte de l’universa­lité des choses ; que Dieu est la même chose que la Nature, sujet comme elle aux chan­ge­ments ; que Dieu se confond avec l’homme et le monde, que tout est Dieu, que Dieu est une même sub­stance, une même chose que le monde, et par suite qu’il n’y a point de dif­fé­rence entre l’esprit et la matière, la né­cessité et la liber­té, le vrai et le faux, le bien et le mal, le juste et l’injuste. Certes, rien de plus insen­sé, rien de plus impie, rien de plus répu­gnant à la rai­son même ne sau­rait être ima­gi­né. Ils font déri­sion de l’autorité et du droit avec tant de témé­ri­té qu’ils ont l’impudence de dire que l’autorité n’est rien, si ce n’est celle du nombre et de la force maté­rielle ; que le droit consiste dans le fait, que les devoirs des hommes sont un vain mot et que tous les faits humains ont force de droit.

Matérialisme

ils n’hésitent pas à sub­sti­tuer à la place du droit véri­table et lé­gitime le droit faux et men­teur de la force et à subor­don­ner l’ordre moral à l’ordre matériel

Ajoutant ensuite les men­songes aux men­songes, les délires aux délires, fou­lant aux pieds toute auto­ri­té légi­time, tout droit légi­time, toute obli­ga­tion, tout devoir, ils n’hésitent pas à sub­sti­tuer à la place du droit véri­table et lé­gitime le droit faux et men­teur de la force et à subor­don­ner l’ordre moral à l’ordre maté­riel. Ils ne recon­naissent d’autre force que celle qui réside dans la matière. Ils mettent toute la morale et l’honneur à accu­mu­ler la richesse par quelque moyen que ce soit et à assou­vir toutes les pas­sions dépra­vées. Par ces prin­cipes abo­mi­nables, ils favo­risent la rébel­lion de la chair contre l’esprit ; ils l’entretiennent et l’exaltent, et ils lui accordent ces droits et ces dons na­turels qu’ils pré­tendent mécon­nus par la doc­trine catho­lique ; mépri­sant ain­si l’avertissement de l’Apôtre, qui s’écrie : « Si vous vivez selon la chair, vous mour­rez ; si vous mor­ti­fiez la chair par l’esprit, vous vivrez. « Ils s’efforcent d’envahir et d’anéantir les droits de toute pro­prié­té légi­time, et ils ima­ginent, par la per­ver­si­té de leur esprit, une sorte de droit affran­chi de toute limite, dont, selon eux, joui­rait l’Etat, dans lequel ils pré­tendent témé­rai­re­ment voir la source et l’origine de tous les droits.

Atteinte à la souveraineté du Saint-Siège

Mais pen­dant que Nous par­cou­rons rapi­de­ment et avec dou­leur ces erreurs prin­ci­pales de notre mal­heu­reux siècle, Nous oublions de rap­pe­ler, Vénérables Frères, tant d’autres faus­se­tés presque innom­brables que vous connais­sez par­fai­te­ment et à l’aide des­quelles les enne­mis de Dieu et des hommes s’effor­cent de trou­bler et d’ébranler la socié­té sacrée et la socié­té civile. Nous pas­sons sous silence les injures, les calom­nies, les outrages si graves et si multi­pliés dont ils ne cessent de pour­suivre les ministres de l’Eglise et ce Siège Apostolique. Nous ne par­lons pas de cette hypo­cri­sie odieuse avec laquelle les chefs et les satel­lites de cette rébel­lion et de ce désordre, sur­tout en Italie, affectent de dire qu’ils veulent que l’Eglise jouisse de sa liber­té, tan­dis qu’avec une audace sacri­lège ils foulent aux pieds de plus en plus chaque jour les droits et les lois de cette Eglise, la dépouillent de ses biens, per­sé­cutent des pré­lats et des ecclé­sias­tiques noble­ment voués à leur minis­tère, les emprison­nent, chassent vio­lem­ment de leurs asiles les dis­ciples des ordres reli­gieux et les vierges consa­crées à Dieu, et ne reculent devant aucune entre­prise pour réduire à une hon­teuse ser­vi­tude et pour oppri­mer l’Eglise.

Unité de l’épiscopat avec le Saint-Siège

Pendant que votre pré­sence si dési­rée Nous cause une allé­gresse sin­gu­lière, vous êtes témoins vous-​mêmes de la liber­té qu’ont aujourd’hui en Italie nos Vénérables Frères dans l’épiscopat, qui, com­bat­tant avec cou­rage et per­sé­vé­rance les com­bats du Seigneur, ont été, à notre pro­fonde dou­leur, empê­chés de venir vers nous et de se trou­ver avec vous, d’assister à cette assem­blée, ce qu’ils dési­raient si vive­ment, ain­si que les Archevêques et Evêques de la mal­heureuse Italie Nous l’ont fait savoir par leurs lettres toutes rem­plies, envers Nous et envers le Saint-​Siège, d’amour et de dévoue­ment. Vous ne voyez non plus ici aucun des Prélats du Portugal, et Nous sommes vive­ment affli­gé en consi­dé­rant la nature des dif­fi­cul­tés qui se sont oppo­sées à ce qu’ils prissent le che­min de Rome. Nous omet­tons aus­si de rap­pe­ler les tristes hor­reurs que les sec­ta­teurs de ces per­verses doc­trines accom­plissent, à la cruelle déso­la­tion de notre cœur, du vôtre et de celui des gens de bien. Nous ne disons rien de cette conspi­ra­tion impie, de ces manœuvres cou­pables et fal­la­cieuses par les­quelles ils veulent ren­ver­ser et détruire la sou­ve­rai­ne­té tem­po­relle de ce Saint-​Siège. Il nous plaît davan­tage de rap­pe­ler cette admi­rable una­ni­mi­té avec laquelle vous-​mêmes, unis à tous les Vénérables Prélats de l’univers ca­tholique, vous n’avez jamais ces­sé, et par vos lettres adres­sées à Nous, et par vos écrits pas­to­raux adres­sés aux fidèles, de dévoi­ler et réfu­ter ces per­fi­dies, ensei­gnant en même temps que cette sou­ve­rai­ne­té tem­po­relle du Saint-​Siège a été don­née au Pontife romain par un des­sein par­ti­cu­lier de la divine Pro­vidence, et qu’elle est néces­saire, afin que ce Pontife romain, n’étant sujet d’aucun prince ou d’aucun pou­voir civil, exerce dans toute l’Eglise, avec la plé­ni­tude de sa liber­té, la suprême puis­sance et auto­ri­té dont il a été divine­ment inves­ti par Notre-​Seigneur Jésus-​Christ lui-​même, pour conduire et gou­ver­ner le trou­peau entier du Seigneur, et qu’il puisse pour­voir au plus grand bien de l’Eglise, aux besoins et aux avan­tages des fidèles.

Les sujets lamen­tables dont Nous vous avons jusqu’ici entre­te­nus, Véné­rables Frères, forment sans doute un dou­lou­reux spec­tacle. Qui ne voit, en effet, que tant de dogmes impies, que tant de machi­na­tions et de folies dé­pravées cor­rompent chaque jour plus misé­ra­ble­ment le peuple chré­tien, le poussent à la ruine, attaquent l’Eglise catho­lique, sa doc­trine salu­taire, ses droits et ses lois véné­rables, ses ministres sacrés, pro­pagent les vices et les crimes et bou­le­versent la socié­té civile elle-même ?

Condamnation de ces erreurs

éle­vant notre voix apos­to­lique en votre illustre assem­blée, Nous réprou­vons, pros­cri­vons et condam­nons les erreurs ci-​dessus énon­cées, non seule­ment comme contraires à la foi et à la doc­trine catho­liques, aux lois divines et ecclé­sias­tiques, mais même à la loi et à la jus­tice natu­relle et éter­nelle et à la droite raison.

Aussi, quant à Nous, Nous sou­ve­nant de notre charge apos­to­lique et plein de sol­li­ci­tude pour le salut spi­ri­tuel de tous les peuples qui Nous ont été divi­nement confiés, « comme, » pour Nous ser­vir des mots de saint Léon notre pré­dé­ces­seur, « Nous ne pou­vons autre­ment gou­ver­ner ceux qui Nous sont confiés qu’en pour­sui­vant avec le zèle de la foi du Seigneur ceux qui perver­tissent et sont per­ver­tis, et en arra­chant avec toute la sévé­ri­té pos­sible ce ve­nin des âmes saines afin qu’il ne s’étende pas plus au loin ; » éle­vant notre voix apos­to­lique en votre illustre assem­blée, Nous réprou­vons, pros­cri­vons et condam­nons les erreurs ci-​dessus énon­cées, non seule­ment comme contraires à la foi et à la doc­trine catho­liques, aux lois divines et ecclé­sias­tiques, mais même à la loi et à la jus­tice natu­relle et éter­nelle et à la droite raison.

Exhortation des évêques à la viligance

Pour vous, Vénérables Frères, qui êtes le sel de la terre, les gar­diens et les pas­teurs du trou­peau du Seigneur, Nous vous exhor­tons et vous conju­rons de plus en plus à conti­nuer, avec votre admi­rable pié­té et votre zèle épis­co­pal, ain­si que vous l’avez fait, au sou­ve­rain hon­neur de votre ordre, d’éloigner avec un soin et une vigi­lance extrêmes de ces pâtu­rages empoi­son­nés les fidèles qui vous sont confiés, de com­battre et de réfu­ter la per­ver­si­té mons­trueuse de ces opi­nions, tant par la parole que par les écrits. Vous savez en effet qu’il s’agit d’intérêts suprêmes, puisqu’il s’agit de la cause de notre très sainte foi, de l’Eglise catho­lique, de sa doc­trine, du salut des peuples, de la paix et de la tran­quilli­té de la socié­té humaine. C’est pour­quoi, autant qu’il est en vous, ne ces­sez jamais d’éloigner des fidèles la conta­gion de ce fléau, c’est-à-dire de détour­ner de leurs yeux et de leurs mains les livres et les jour­naux per­ni­cieux, d’instruire les fidèles des saints pré­ceptes de notre auguste reli­gion, de les exhor­ter et de les aver­tir de fuir ces doc­teurs d’iniquité comme on fuit la ren­contre d’un ser­pent. Portez tous vos soins et toutes vos sollici­tudes par­ti­cu­lières à ce que le cler­gé soit sain­te­ment et savam­ment ins­truit, et qu’il brille de toutes les ver­tus ; que la jeu­nesse des deux sexes soit for­mée à l’honnêteté du cœur, à la pié­té et à toutes les ver­tus ; que l’ordre des études soit salu­taire. Veillez avec une extrême dili­gence à ce que, dans les lettres et dans les hautes et fortes études, rien ne se glisse qui soit contraire à la foi, à la reli­gion et aux bonnes mœurs. Agissez avec éner­gie, Vénérables Frères, et, dans cette grande per­tur­ba­tion des temps, ne lais­sez pas abattre votre cou­rage ; mais, for­te­ment appuyés sur le secours divin, pre­nant le bou­clier inex­pug­nable de la jus­tice et de la foi, sai­sis­sant le glaive spi­ri­tuel qui est la parole de Dieu, ne ces­sez pas de vous oppo­ser aux efforts de tous les enne­mis de l’Eglise catho­lique et de ce Siège Apostolique, de bri­ser leurs traits et de rompre leurs assauts.

Recours à la prière pour écarter les erreurs

Et cepen­dant, les yeux éle­vés jour et nuit vers le ciel, ne ces­sons pas, Vé­nérables Frères, d’implorer dans l’humilité de notre cœur, et par nos plus fer­ventes prières, le Père des misé­ri­cordes et le Dieu de toute conso­la­tion qui fait luire la lumière dans les ténèbres, qui des pierres même peut faire sor­tir des enfants d’Abraham, et de le conju­rer par les mérites de Jésus-​Christ Notre-​Seigneur, son Fils unique, de tendre une main secou­rable à la socié­té chré­tienne et civile, de dis­si­per toutes les erreurs et les impié­tés, d’éclairer des clar­tés de sa grâce les intel­li­gences de ceux qui s’égarent, de les conver­tir et de les rap­pe­ler à lui, d’assurer à sa sainte Eglise la paix dési­rée, afin qu’elle obtienne par toute la terre de plus grands accrois­se­ments et qu’elle y fleu­risse et y pros­père. Afin que nous puis­sions obte­nir plus faci­le­ment ce que nous deman­dons, pre­nons pour média­trice auprès de Dieu, la très sainte et Imma­culée Mère de Dieu, la Vierge Marie, qui, pleine de misé­ri­corde et d’amour pour tous les hommes, a tou­jours anéan­ti toutes les héré­sies et de qui le pa­tronage auprès de Dieu n’a jamais été plus oppor­tun. Sollicitons aus­si les suf­frages tant de S. Joseph, l’époux de la très sainte Vierge, que des saints apô­tres Pierre et Paul, de tous les habi­tants des cieux, et sur­tout de ceux que nous hono­rons et véné­rons comme venant d’être ins­crits dans les fastes de la sainteté.

Avant de mettre un terme à nos paroles, Nous ne pou­vons résis­ter au désir de confir­mer de nou­veau le témoi­gnage de la suprême conso­la­tion qui Nous pénètre en jouis­sant de votre admi­rable concours, à vous, Vénérables Frères, qui êtes atta­chés à Nous et à cette Chaire de Pierre par les liens de la fidé­li­té, de la pié­té et de la révé­rence, et, rem­plis­sant votre minis­tère avec un zèle admi­rable, vous glo­ri­fiez de pro­cu­rer la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes ; vous qui, dans la plus étroite concorde de vos âmes, ne ces­sez pas, ain­si que vos Vénérables Frères les Evêques de tout l’univers catho­lique et les fidèles confies à leurs soins, d’apporter de toute manière des sou­la­ge­ments et des adou­cis­se­ments à nos graves angoisses et à nos cruelles amer­tumes. C’est pour­quoi, en cette occa­sion, Nous fai­sons pro­fes­sion publique, et par le lan­gage le plus affec­tueux, de la recon­nais­sance et de l’amour que Nous por­tons à vous, à ces véné­rables frères et à tous ces fidèles. Et Nous vous deman­dons que, de retour dans vos dio­cèses, vous vou­liez, en notre nom, faire connaître ces sen­ti­ments aux fidèles remis à vos soins, et de les assu­rer de notre af­fection pater­nelle en leur confé­rant la béné­dic­tion apos­to­lique que, du fond de notre cœur et avec les vœux les meilleurs de toute féli­ci­té, Nous sommes heu­reux d’accorder à vous, Vénérables Frères, et à eux-mêmes.

Source : Recueil des allo­cu­tions consis­to­riales, ency­cliques et autres lettres apos­to­liques citées dans l’encyclique et le Syllabus, Librairie Adrien Le Clere, Paris, 1865, p. 264. – Les titres ont été ajou­tés par nos soins.