Jean XXIII

261e pape ; de 1958 à 1963

25 décembre 1961

Bulle pontificale Humanae salutis

Convocation du IIe Concile du Vatican

Table des matières

Dans la mati­née du jour de Noël, le Saint-​Père a signé, dans la salle Clémentine, la Bulle d’in­dic­tion du IIe Concile œcu­mé­nique du Vatican. Le texte, écrit sur par­che­min, a été remis par S. Em. le car­di­nal Copello, chan­ce­lier de la sainte Eglise romaine, à Mgr Tinello, régent de la chan­cel­le­rie apos­to­lique, lequel l’a pré­sen­té à genoux au Saint-​Père pour qu’il y appose sa signa­ture avec la plume d’or qui lui a été offerte récem­ment par l’Osservatore Romano. Sa Sainteté a ensuite char­gé S. Exc. Mgr Felici, secré­taire géné­ral de la Commission cen­trale pré­con­ci­liaire, de faire la lec­ture de la Bulle sous le por­tique de la basi­lique Saint-​Pierre. La même lec­ture a ensuite été faite par Mgr Capoferri, maître des céré­mo­nies, devant les trois autres basi­liques patriar­cales : Saint-​Jean-​de-​Latran, Sainte-​Marie-​Majeure et Saint-​Paul hors les murs.

Jean, Évêque, Serviteur des ser­vi­teurs de Dieu,
pour per­pé­tuelle mémoire de la chose

Introduction

Jésus-​Christ, Rédempteur du genre humain, avant de mon­ter au ciel, a don­né aux apôtres qu’il avait choi­sis le com­man­de­ment de por­ter la lumière de l’Evangile à toutes les nations, leur don­nant en même temps cette récon­for­tante pro­messe, pour garan­tir et affer­mir la mis­sion qu’il leur avait confiée : « Et moi je suis avec vous pour tou­jours jus­qu’à la fin du monde. » [1] Cette conso­lante pré­sence du Christ n’a jamais ces­sé d’être vivante et opé­rante dans la sainte Eglise, mais par­ti­cu­liè­re­ment dans les périodes les plus graves de l’hu­ma­ni­té. C’est alors que l’Epouse du Christ se montre dans toute sa splen­deur d’é­du­ca­trice de la véri­té et de ministre du salut, et qu’elle mani­feste aux regards de tous la puis­sance de la cha­ri­té, de la prière, de la souf­france et des dif­fi­cul­tés, accep­tées par amour de Dieu. Ces moyens sur­na­tu­rels sont invin­cibles, car ce sont les mêmes dont s’est ser­vi notre divin Fondateur, qui a dit à l’heure solen­nelle de sa vie : « Gardez cou­rage, j’ai vain­cu le monde. » [2]

Douloureuses constatations

L’Eglise, aujourd’­hui, assiste à une grave crise de la socié­té humaine qui va vers d’im­por­tants chan­ge­ments. Tandis que l’hu­ma­ni­té est au tour­nant d’une ère nou­velle, de vastes tâches attendent l’Eglise, comme ce fut le cas à chaque époque dif­fi­cile. Ce qui lui est deman­dé main­te­nant, c’est d’in­fu­ser les éner­gies éter­nelles, vivi­fiantes et divines de l’Evangile dans les veines du monde moderne ; ce monde qui est fier de ses der­nières conquêtes tech­niques et scien­ti­fiques, mais qui subit les consé­quences d’un ordre tem­po­rel que cer­tains ont vou­lu réor­ga­ni­ser en fai­sant abs­trac­tion de Dieu. C’est pour­quoi Nous consta­tons que les hommes d’au­jourd’­hui ne font pas autant de pro­grès dans le domaine spi­ri­tuel que dans le domaine maté­riel. D’où un affai­blis­se­ment de l’as­pi­ra­tion aux valeurs qui ne péris­sent pas et, par contre, une atti­rance chez la plu­part vers les plai­sirs faciles de ce monde que le pro­grès met si aisé­ment à la por­tée de tous. D’où aus­si cette chose nou­velle et décon­cer­tante qu’est la consti­tu­tion d’or­ga­ni­sa­tions athées mili­tantes qui enva­hissent de nom­breux pays.

Motifs de confiance

Ces dou­lou­reuses consta­ta­tions nous rap­pellent le devoir de la vigi­lance et font prendre conscience à cha­cun de ses res­pon­sa­bi­li­tés. Nous savons que la vue de ces maux plonge cer­tains dans un tel décou­ra­ge­ment, qu’ils ne voient que ténèbres enve­lop­pant com­plè­te­ment notre monde. Pour Nous, Nous aimons faire toute confiance au Sauveur du genre humain qui n’a­ban­donne pas les hommes qu’il a rache­tés. Nous confor­mant aux paroles de Notre-​Seigneur, qui nous exhorte à recon­naître les « signes… des temps » [3], Nous dis­tin­guons au milieu de ces ténèbres épaisses de nom­breux indices qui Nous semblent annon­cer des temps meilleurs pour l’Eglise et le genre humain. Certes, les guerres meur­trières qui aujourd’­hui se suc­cèdent sans inter­rup­tion, les déplo­rables maux spi­ri­tuels cau­sés çà et là par de nom­breuses idéo­lo­gies, les amères expé­riences faites par les hommes depuis trop long­temps, tout cela a valeur d’a­ver­tis­se­ment. Le pro­grès tech­nique lui-​même, qui a per­mis à l’homme de fabri­quer des armes redou­tables pour sa propre des­truc­tion, crée beau­coup d’an­xié­tés et de dan­gers ; mais cela pousse les hommes à s’in­ter­ro­ger, à recon­naître plus faci­le­ment leurs propres limites, aspi­rer à la paix, à appré­cier la valeur des biens spi­ri­tuels ; et cela accé­lère le pro­ces­sus dans lequel on peut dire que la socié­té est déjà enga­gée, bien que d’une façon encore incer­taine, ce pro­ces­sus qui conduit de plus en plus tous les indi­vi­dus, les classes sociales et les nations elles-​mêmes à s’u­nir ami­ca­le­ment, à s’ai­der, à se com­plé­ter et à se per­fec­tion­ner mutuel­le­ment. Cela faci­lite gran­de­ment l’ac­tion apos­to­lique de l’Eglise, car beau­coup de gens, qui peut-​être jusque-​là n’a­vaient pas prê­té atten­tion à sa haute mis­sion, aujourd’­hui, mûris par l’ex­pé­rience, sont plus dis­po­sés à rece­voir ses avertissements.

Vitalité actuelle de l’Église

L’Eglise, pour sa part, n’est pas res­tée inerte devant l’é­vo­lu­tion des peuples, les pro­grès tech­niques et scien­ti­fiques, les révo­lu­tions sociales, mais elle les a sui­vis très atten­ti­ve­ment ; elle s’est oppo­sée de toutes ses forces aux idéo­lo­gies qui rap­portent tout à la matière ou qui cherchent à saper les fon­de­ments de la foi catho­lique ; et enfin, elle a pui­sé dans son sein des éner­gies immenses pour l’a­pos­to­lat, pour la prière, pour son action dans tous les domaines de l’ac­ti­vi­té humaine, grâce avant tout à un cler­gé tou­jours davan­tage à la hau­teur de sa tâche par sa doc­trine et ses ver­tus, grâce ensuite aux laïcs aux­quels ont été confiées des tâches plus concrètes dans l’Eglise, ayant spé­cia­le­ment le devoir, qui incombe à cha­cun, d’ap­por­ter leur aide à la hié­rar­chie ecclé­sias­tique. A cela s’a­joutent les immenses souf­frances qu’en­durent aujourd’­hui de nom­breuses com­mu­nau­tés chré­tiennes. De très nom­breux et admi­rables pas­teurs, prêtres et laïcs y endurent des per­sé­cu­tions de toutes sortes parce qu’ils sont res­tés indé­fec­ti­ble­ment fidèles à leur foi catho­lique, et ils donnent des exemples de cou­rage chré­tien com­pa­rables à ceux ins­crits en lettres d’or dans les annales de l’Eglise. De sorte que si l’as­pect de la socié­té humaine appa­raît comme pro­fon­dé­ment chan­gé, l’Eglise catho­lique elle aus­si nous appa­raît comme trans­for­mée et renou­ve­lée ; elle connaît une uni­té interne plus ferme, une plus grande vigueur intel­lec­tuelle, un plus grand rayon­ne­ment de sain­te­té. Elle appa­raît ain­si actuel­le­ment comme par­fai­te­ment prête à mener les saints com­bats de la foi.

Le IIe Concile Œcuménique du Vatican

Devant ce double spec­tacle, d’une part un monde souf­frant d’une grande indi­gence spi­ri­tuelle, d’autre part l’Eglise du Christ res­plen­dis­sante de vita­li­té, dès le début de Notre pon­ti­fi­cat – auquel la pro­vi­dence de Dieu a bien vou­lu Nous éle­ver mal­gré Notre indi­gni­té, – Nous avons pen­sé que c’é­tait un grave devoir de Notre charge d’ap­pe­ler tous Nos fils à unir leurs efforts pour que l’Eglise se montre de plus en plus apte à résoudre les pro­blèmes des hommes de notre époque. C’est pour­quoi, obéis­sant à une voix venue de Notre cœur comme une ins­pi­ra­tion sur­na­tu­relle, Nous avons pen­sé que les temps étaient mûrs pour don­ner à l’Eglise catho­lique et à toute la famille humaine un nou­veau Concile œcu­mé­nique venant s’ins­crire à la suite des vingt grands Conciles qui, tout au long des siècles, nous ont valu tant de pro­grès chré­tien, tant d’ac­crois­se­ment de grâce dans les cœurs des fidèles. La joie avec laquelle les catho­liques du monde entier ont accueilli son annonce ; les prières inces­santes de toute l’Eglise à cette inten­tion ; l’ar­deur mani­fes­tée dans le tra­vail de pré­pa­ra­tion du Concile et qui confirme abon­dam­ment Notre espé­rance ; et enfin le vif inté­rêt, ou du moins l’at­ten­tion res­pec­tueuse mani­fes­tée à l’é­gard du Concile par les chré­tiens sépa­rés de l’Eglise catho­lique romaine ou même par des non-​chrétiens, tout cela montre d’une façon élo­quente que la grande impor­tance et la gra­vi­té de cet évé­ne­ment n’é­chappent à personne.

La per­pé­tuelle jeu­nesse de l’Eglise. Le pro­chain Concile œcu­mé­nique aura donc lieu à un moment où l’Eglise res­sent plus vive­ment le désir de don­ner une nou­velle vigueur à sa foi et de jouir du magni­fique spec­tacle de son uni­té, et où, en même temps, elle se sent obli­gée d’une façon plus urgente non seule­ment de don­ner plus d’ef­fi­ca­ci­té à ses saines éner­gies et de pro­mou­voir la sanc­ti­fi­ca­tion de ses fils, mais aus­si d’ac­croître la dif­fu­sion de la véri­té chré­tienne et le déve­lop­pe­ment de ses autres ins­ti­tu­tions. Cela met­tra en évi­dence la vie et la per­pé­tuelle jeu­nesse de notre mère l’Eglise, qui est tou­jours pré­sente aux évé­ne­ments humains et qui, au fur et à mesure que passent les siècles, renou­velle sa beau­té, brille d’une nou­velle splen­deur et rem­porte de nou­velles vic­toires, tout en res­tant tou­jours la même et en se confor­mant à cette splen­dide image qu’a vou­lu lui don­ner Jésus-​Christ, son divin Epoux, qui l’aime et la protège.

L’unité visible de l’Eglise. A un moment où, dans diverses par­ties du monde, nous voyons les efforts accrus et cou­ra­geux de beau­coup pour réa­li­ser cette uni­té visible de tous les chré­tiens qui réponde digne­ment au désir du divin Sauveur, il convient plei­ne­ment que le pro­chain Concile fasse plus de clar­té sur la doc­trine et soit un exemple de cha­ri­té fra­ter­nelle, de sorte que les chré­tiens sépa­rés du Siège apos­to­lique aspirent plus vive­ment à l’u­ni­té [4] et que le che­min qui y conduit soit apla­ni pour eux.

La paix. Quant à la famille humaine enfin, que les menaces de guerres épou­van­tables rem­plissent conti­nuel­le­ment d’in­cer­ti­tude, d’an­xié­té et de trouble, le pro­chain Concile œcu­mé­nique fera naître et encou­ra­ge­ra chez tous les hommes de bonne volon­té des pen­sées et des réso­lu­tions de paix. Mais la véri­table paix peut et doit sur­tout venir des biens spi­ri­tuels et sur­na­tu­rels, ain­si que de l’in­tel­li­gence et de la conscience des hommes, gui­dées et éclai­rées par Dieu, Créateur et Rédempteur du genre humain.

Programme de travail du Concile

Ces fruits, que Nous espé­rons si vive­ment du Concile œcu­mé­nique et dont Nous avons volon­tiers et sou­vent par­lé, sup­posent une grande somme de dis­cus­sions, d’é­tudes et de tra­vaux au stade pré­pa­ra­toire. C’est pour­quoi sont pro­po­sées des ques­tions d’ordre doc­tri­nal ou d’ordre pra­tique, afin que les ins­ti­tu­tions et les pré­ceptes chré­tiens cor­res­pondent par­fai­te­ment aux mul­tiples réa­li­tés de la vie et servent le Corps mys­tique du Christ, ain­si que sa mis­sion sur­na­tu­relle. Ces ques­tions concernent la sainte Ecriture, la tra­di­tion, les sacre­ments et les prières de l’Eglise, la dis­ci­pline ecclé­sias­tique, les œuvres de cha­ri­té et d’as­sis­tance, l’a­pos­to­lat des laïcs, les missions.

L’influence du Concile sur l’ordre tem­po­rel. Mais l’ordre sur­na­tu­rel doit faire sen­tir toute son effi­ca­ci­té sur l’ordre tem­po­rel qui, mal­heu­reu­se­ment, est sou­vent le seul qui inté­resse et pré­oc­cupe les hommes. Dans le domaine tem­po­rel aus­si l’Eglise s’est mon­trée « Mère et Educatrice », selon l’ex­pres­sion uti­li­sée par Notre Prédécesseur d’heu­reuse mémoire Innocent III, à l’oc­ca­sion du IVe Concile du Latran. Bien que l’Eglise ne pour­suive pas de fins direc­te­ment ter­restres, elle ne peut cepen­dant pas se dés­in­té­res­ser des ques­tions d’ordre tem­po­rel qu’elle ren­contre sur son che­min ni des tra­vaux que celles-​ci com­portent. Elle sait com­bien pro­fitent aux âmes immor­telles les moyens sus­cep­tibles de rendre plus humaine la vie de cha­cun des hommes qui doivent être sau­vés. Elle sait qu’en appor­tant aux hommes la lumière du Christ, elle les aide à bien se connaître eux-​mêmes, car elle leur fait prendre conscience de ce qu’ils sont, de leur grande digni­té, de la fin qu’ils doivent pour­suivre. C’est ain­si qu’ac­tuel­le­ment l’Eglise est pré­sente, de droit ou de fait, dans les orga­nismes inter­na­tio­naux ; qu’elle a éla­bo­ré une doc­trine sociale sur la famille, l’é­cole, le tra­vail, la socié­té civile et toutes les autres ques­tions connexes, par laquelle elle a atteint un si haut pres­tige que sa voix grave fait auto­ri­té par­mi tous les hommes de valeur, qui l’ac­cueillent comme l’in­ter­prète et la pro­tec­trice de l’ordre moral, la garante des droits et des devoirs des indi­vi­dus et des Etats.

C’est pour­quoi Nous avons confiance que les ques­tions qui seront dis­cu­tées au Concile œcu­mé­nique auront une telle effi­ca­ci­té que, non seule­ment elles infu­se­ront dans les cœurs des éner­gies fer­ventes et la lumière de la sagesse chré­tienne, mais qu’elles péné­tre­ront toute la masse des acti­vi­tés humaines.

La convocation du Concile

La pre­mière annonce du Concile que Nous avons faite le 25 jan­vier 1959 fut comme une petite semence que Nous avons dépo­sée d’une main et d’un cœur trem­blants. Soutenu par l’aide de Dieu, Nous avons alors abor­dé le com­plexe et grave tra­vail de pré­pa­ra­tion. Presque trois années se sont écou­lées depuis, pen­dant les­quelles Nous avons vu la petite semence deve­nir, par la grâce divine, un grand arbre. En regar­dant le long et dif­fi­cile che­min par­cou­ru, Nous ren­dons grâces à Dieu, qui Nous a pro­di­gué son aide, pour que tout se déroule comme il faut et dans la concorde.

Avant de déci­der des sujets qui seraient étu­diés au Concile, Nous avons vou­lu avant tout entendre l’a­vis sage et pru­dent des car­di­naux, des évêques du monde entier, des dicas­tères de la Curie romaine, des supé­rieurs géné­raux des ordres reli­gieux et des congré­ga­tions, ain­si que des uni­ver­si­tés catho­liques et des facul­tés ecclé­sias­tiques. Ces consul­ta­tions d’une extrême impor­tance ont occu­pé une année ; elles ont fait res­sor­tir clai­re­ment quelles étaient les ques­tions qui devaient prin­ci­pa­le­ment être étudiées.

Nous avons ensuite créé les divers orga­nismes de la pré­pa­ra­tion du Concile, aux­quels Nous avons confié la tâche dif­fi­cile de pro­po­ser les sché­mas des décrets doc­tri­naux et dis­ci­pli­naires, par­mi les­quels Nous choi­si­rons ceux qui seront sou­mis à l’Assemblée géné­rale du Concile.

Nous avons enfin la joie de vous com­mu­ni­quer que cet intense tra­vail d’é­tude, auquel des car­di­naux, des évêques, de pré­lats, des théo­lo­giens, des cano­nistes, des savants et des spé­cia­listes du monde entier ont conjoin­te­ment appor­té leur pré­cieux concours, touche main­te­nant à sa fin.

Alors, confiant dans l’aide du divin Rédempteur, prin­cipe et fin de toutes choses, de sa Mère, la bien­heu­reuse Vierge Marie, et de saint Joseph, à la pro­tec­tion duquel Nous avons dès le début confié ce grave évé­ne­ment, Nous esti­mons que le temps est venu de convo­quer le IIe Concile œcu­mé­nique du Vatican.

C’est pour­quoi, après avoir enten­du l’a­vis des car­di­naux de la sainte Eglise romaine, par l’au­to­ri­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, des saints apôtres Pierre et Paul et de la Nôtre, Nous annon­çons, décré­tons et convo­quons pour l’an­née pro­chaine 1962 le IIe Concile œcu­mé­nique et uni­ver­sel du Vatican, qui sera célé­bré solen­nel­le­ment dans la basi­lique patriar­cale du Vatican aux jours que Dieu, dans sa pro­vi­dence, Nous per­met­tra de fixer.

Nous vou­lons donc et Nous ordon­nons que viennent du monde entier au Concile œcu­mé­nique convo­qué par Nous Nos chers fils les car­di­naux de la sainte Eglise romaine, Nos véné­rables frères les patriarches, les pri­mats, les arche­vêques et les évêques, rési­den­tiels ou titu­laires, ain­si que tous les ecclé­sias­tiques qui de droit doivent assis­ter au Concile.

Invitation à la prière

Nous deman­dons enfin à tous les fidèles et à tout le peuple chré­tien de por­ter toute leur atten­tion au Concile et de vou­loir bien prier inten­sé­ment le Dieu tout-​puissant pour qu’il daigne accom­pa­gner cette entre­prise si impor­tante, désor­mais immi­nente et qu’il l’af­fer­misse de sa force pour qu’elle devienne un juste sujet d’hon­neur. Que ces prières com­munes jaillissent conti­nuel­le­ment de la foi, comme une source d’eau vive ; qu’elles soient accom­pa­gnées de sacri­fices cor­po­rels volon­taires pour qu’elles soient plus agréables à Dieu et sou­ve­rai­ne­ment effi­caces ; qu’elles s’en­ri­chissent aus­si d’un géné­reux effort de vie chré­tienne qui mon­tre­ra que tous sont dis­po­sés à appli­quer les déci­sions et les décrets qui seront pris par le Concile.

Cet appel Nous l’a­dres­sons à Nos très chers fils de l’un et l’autre cler­gé, répar­tis dans le monde entier, et à toutes les caté­go­ries de fidèles, mais par­ti­cu­liè­re­ment aux enfants, dont l’in­no­cence et les prières ont tant de poids auprès de Dieu, comme cha­cun le sait, ain­si qu’aux malades et à ceux qui souffrent, car Nous avons la cer­ti­tude que leurs souf­frances, leur vie sem­blable à une hos­tie se trans­forment par la croix du Christ en bonne prière, en salut, en source de vie plus sainte pour l’Eglise universelle.

La prière des frères sépa­rés. Enfin, Nous invi­tons vive­ment à la prière tous les chré­tiens qui sont sépa­rés de l’Eglise catho­lique, car les fruits du Concile débor­de­ront aus­si sur eux. Nous n’i­gno­rons pas, en effet, que beau­coup de ces fils aspirent à l’u­ni­té et à la paix selon la doc­trine du Christ et la prière qu’il a adres­sée à son Père ; Nous savons éga­le­ment que non seule­ment l’an­nonce du Concile a été accueillie par eux avec une grande joie, mais aus­si que beau­coup d’entre eux ont pro­mis leurs prières pour son heu­reux suc­cès et ont bon espoir que leurs com­mu­nau­tés pour­ront envoyer des repré­sen­tants pour suivre de près les tra­vaux du Concile. Tout cela est pour Nous un motif de beau­coup de conso­la­tion et d’es­pé­rance ; et pour que des contacts de ce genre soient ren­dus plus faciles et plus libres, Nous avons il y a quelque temps créé un Secrétariat spécial.

Puisse-​t-​il en être de la famille chré­tienne d’au­jourd’­hui comme des apôtres à Jérusalem après l’as­cen­sion du Christ, lorsque toute l’Eglise nou­velle née n’é­tait qu’une seule âme autour de Pierre, pas­teur des agneaux et des bre­bis, et priait avec lui et pour lui. Et daigne l’a­do­rable Esprit de Dieu exau­cer les vœux ardents de tous et accep­ter cette prière qui monte vers lui chaque jour de toutes les par­ties du monde : « Renouvelez en notre époque, comme pour une nou­velle Pentecôte, vos mer­veilles et accor­dez à la sainte Eglise que dans une prière una­nime, ins­tante et per­sé­vé­rante avec Marie, la Mère de Jésus, sous la conduite de saint Pierre, s’é­tende le royaume du divin Sauveur, royaume de véri­té, de jus­tice et de paix. Ainsi soit-​il. » (A. A. S., 1959, vol. Il, p. 932.) [5])

Clause de style. Nous vou­lons que cette Constitution soit appli­cable main­te­nant et tou­jours, de sorte que ses déci­sions soient reli­gieu­se­ment obser­vées par ceux qu’elle concerne et soient donc en vigueur. Aucune pres­crip­tion contraire, quelle qu’elle soit, ne pour­ra s’op­po­ser à l’ef­fi­ca­ci­té de cette Constitution, toutes les pres­crip­tions de cette sorte étant abro­gées par ladite Constitution. C’est pour­quoi si quel­qu’un, quelle que soit son auto­ri­té, sciem­ment ou non, agit contre Notre déci­sion, Nous ordon­nons que ses actes soient nuls et non ave­nus. Il n’est per­mis à per­sonne de retran­cher ou d’al­té­rer quoi que ce soit des exem­plaires de Notre déci­sion ou de cette Constitution ; les exem­plaires et extraits, impri­més ou écrits à la main, por­tant le sceau d’une per­son­na­li­té consti­tuée dans la digni­té ecclé­sias­tique et signés par un notaire ecclé­sias­tique, seront revê­tus de la même auto­ri­té que les pré­sentes. Si quel­qu’un méprise ou rejette en quelque façon Nos déci­sions en géné­ral, qu’il sache qu’il encourt les peine fixées par le droit pour ceux qui n’o­béissent pas aux ordres des Souverains Pontifes.

Donné à Rome, auprès de Saint-​Pierre, en la fête de Noël, le 25 décembre de l’an­née 1961, de Notre Pontificat la quatrième.

MOI, JEAN, ÉVÊQUE DE L’EGLISE CATHOLIQUE.

Notes

(1) Traduction de la D. C., d’a­près le texte latin publié par l’Osservatore Romano des 26–27 décembre 1961. L’Osservatore Romano du 15 décembre pré­cé­dent avait, dans un article inti­tu­lé « Notes his­to­riques sur l’in­dic­tion des Conciles », rap­pe­lé ce qu’est une Bulle :

[…] qu’est-​ce qu’une bulle pon­ti­fi­cale ? Le mot latin Bulla n’in­di­que­rait à pro­pre­ment par­ler que le seul sceau de plomb qu’on appose aux docu­ments impor­tants ; par exten­sion, le terme Bulla a fini par signi­fier, au lieu de cette par­tie acces­soire, le docu­ment lui-même.

Le nom de Bulle ain­si enten­du remonte au XIIIe siècle et n’a jamais eu de recon­nais­sance offi­cielle. Les docu­ments que nous indi­quons par ce mot sont les Apostolicae sub plum­bo lit­te­rae (Lettres apos­to­liques sous plomb), dis­tinctes des Brefs qui réclament un sceau de cire, et des Motu pro­prio, des chi­ro­graphes, etc., qui ne portent aucun sceau. Quoi qu’il en soit, ce terme reste assez géné­rique ; il com­prend des docu­ments de conte­nu divers, mais pour­tant sous une forme exté­rieure presque inva­riable en ce sens qu’on y retrouve quelques par­ties qu’on peut consi­dé­rer comme essen­tielles, telles que le Protocole, le texte, l’escha­to­cole, appe­lé aus­si très impro­pre­ment pro­to­cole final.

C’est cette forme qui dis­tingue ces docu­ments de tous les autres docu­ments pon­ti­fi­caux ou de la curie romaine, même s’ils sont sem­blables en apparence.

La Bulle porte enfin non pas au som­met du docu­ment, mais à la pre­mière ligne, le nom du Pontife régnant sui­vi immé­dia­te­ment de son titre : Episcopus, Servus ser­vo­rum Dei, régu­liè­re­ment en usage depuis saint Grégoire le Grand. Pour la date, les années sont comp­tées à par­tir du cou­ron­ne­ment du Pape ; le sceau de plomb porte d’un côté le nom du Pontife qui adresse la Bulle et de l’autre les figures de saint Pierre et de saint Paul.

Le texte de la Bulle, disions-​nous, peut être de conte­nu dog­ma­tique, ou dis­ci­pli­naire, ou varié. Il est des Bulles res­tées fameuses dans l’his­toire de l’Eglise, entre autres, la Bulle dog­ma­tique de Boniface VIII, Unam sanc­tam, qui remonte à 1302 ; Ineffabilis Deus, par laquelle Pie lX défi­nit le dogme de l’Immaculée Conception ; Munificentissimus Deus, de Pie XII, pour la défi­ni­tion du dogme de l’Assomption, en 1950.

Les Bulles jus­qu’au Xe siècle étaient écrites sur papy­rus, puis elles com­men­cèrent à être écrites sur par­che­min, comme on le fait encore. La langue employée a tou­jours été le latin et elles sont pré­pa­rées par la Chancellerie apos­to­lique avec une écri­ture par­ti­cu­lière qu’on appelle « bollatique ».

Il en sera ain­si pour la pro­chaine Bulle qui, com­men­çant par les mots Iohannes Episcopus, Servus ser­vo­rum Dei, pro­cla­me­ra au monde la date où s’ou­vri­ra le IIe Concile oecu­mé­nique du Vatican. Ce sera un docu­ment his­to­rique d’une impor­tance sem­blable à celle des Bulles – pour ne citer que les deux der­niers Conciles – Initio Nostri, par laquelle Paul III convo­quait le Concile de Trente en 1545, et Aeterni Patris, par laquelle Pie IX, le 29 juin 1868, convo­quait le pre­mier Concile du Vatican pour le 8 décembre de l’an­née suivante. […]

Notes de bas de page

  1. Matth., XXVIII, 20.[]
  2. Jean, XVI, 33.[]
  3. Matth., XVI, 14[]
  4. La tra­duc­tion ita­lienne de ce docu­ment, publiée dans le même numé­ro de l’Osservatore Romano, et dont se sont ins­pi­rés tes textes parus dans la presse, parle du desi­de­rio dell’aus­pi­ca­to ritor­no all’u­ni­ta (le désir du retour sou­hai­té à l’u­ni­té). Le mot « retour » n’est pas dans le texte latin (ad eam­dem uni­ta­tem acrius accen­dan­tur). (N. D. L. R.) []
  5. D. C., n° 1323 du 6 mars 1960, col. 296. (N. D. L. R.[]