Rome, Saint Pierre, le 25 janvier 1983, cinquième année de notre Pontificat.
Maître et modèle divin de toute perfection, Jésus-Christ, avec le Père et l’Esprit Saint, est célébré comme le « seul saint ». Il a aimé l’Église comme son épouse et s’est voué à elle afin de la sanctifier pour se la présenter à lui-même toute resplendissante. Ayant transmis à tous ses disciples le précepte d’imiter la perfection du Père, il leur envoie à tous son Esprit Saint pour que celui-ci les amène intimement à aimer Dieu de tout leur cœur et à s’aimer les uns les autres comme lui-même les a aimés. Les disciples du Christ – comme nous l’enseigne le Concile Vatican Il – conviés et justifiés par Jésus-Christ, non pour leurs œuvres mais par le dessein et la grâce de Dieu, sont devenus dans le baptême de la foi vrais fils de Dieu et acteurs de la nature divine et, par conséquent, réellement saints.
Parmi eux, de tout temps, Dieu en a choisi beaucoup qui, ayant suivi au plus près l’exemple du Christ, ont magnifiquement témoigné du Royaume des cieux par le sang versé ou par la pratique héroïque des vertus.
Dans la réalité, l’Église qui, dès les premiers siècles du christianisme, a toujours cru en la communion plus étroite des Apôtres et les Martyrs avec nous dans le Christ, les a entourés d’une vénération particulière, avec la bienheureuse Vierge Marie et les saints Anges, et elle a pieusement imploré le secours de leur médiation. Très vite leur furent associés ceux qui avaient suivi de très près la virginité et la pauvreté du Christ et tous ceux que la pratique remarquable des vertus et les charismes divins recommandaient à la pieuse dévotion et à l’imitation des fidèles.
Lorsque nous considérons la vie de ceux qui ont fidèlement suivi le Christ, nous sentons une nouvelle raison nous exhorter à rechercher la cité future et un chemin nous est montré grâce auquel, dans ce monde changeant et selon l’état et la condition propres à chacun de nous, nous pouvons parvenir à l’union parfaite avec le Christ, c’est-à-dire à la sainteté.
Nous trouvant face à tant de témoins à travers lesquels Dieu nous manifeste sa présence et nous parle, nous sommes fortement attirés vers le Royaume des cieux. Recevant avec un immense respect les signes de son Seigneur et écoutant docilement sa voix, le Saint Siège, de par la grande mission qui lui est confiée d’enseigner, de sanctifier et de gouverner le Peuple de Dieu, depuis des temps immémoriaux a offert des hommes et des femmes glorieux par le feu de leur charité et des autres vertus évangéliques à l’exemple, à la vénération et à la prière des fidèles ; et, suite aux enquêtes menées dans ce but, le Saint-Siège apostolique les a déclarés saints ou saintes par un acte solennel de canonisation.
L’instruction des causes de canonisation, que notre prédécesseur Sixte Quint confia à la Sacrée Congrégation des Rites fondée par lui-même, fut sans cesse modifiée et complétée au cours des siècles, notamment par Urbain VIII, par de nouvelles normes que Prosper Lambertini (devenu par la suite Benoît XIV), y joignant l’expérience acquise avec le temps, légua à la postérité dans une œuvre intitulée « De Servorum Dei beatificatione et beatorum canonizatione », qui servit de règle à la Sacrée Congrégation des Rites pendant presque deux siècles. Ces normes furent reprises pour l’essentiel dans le Code de droit canon publié en 1917.
Avec les progrès accomplis par les sciences historiques, le besoin s’est fait sentir de doter la Congrégation d’un instrument de travail plus adapté à notre temps ; afin de mieux répondre aux exigences de la critique, notre prédécesseur Pie Xl, dans sa Lettre apostolique « Già da qualche tempo » (Motu proprio) publiée 6 février 1930, institua au sein de la Sacrée Congrégation des Rites la « Section historique » à laquelle il confia l’étude des causes « historiques ». Le 4 janvier 1939, le même Pontife fit publier les « Normae servandae in construendis processibus ordinariis super causis historicis » qui rendaient caduc le procès « apostolique » et fit en sorte que pour les causes « historiques », une autorité ordinaire n’instruisit dès lors qu’un seul procès.
Mais Paul VI établit par la Lettre apostolique « Sanctitas clarior » du 19 mars 1969, que même pour les causes récentes ne serait menée qu’une seule procédure d’instruction : celle destinée à recueillir les preuves et à être instruite par l’Évêque, avec toutefois l’autorisation du Saint Siège. Ce même Pontife, substituant la Sacrée Congrégation des Rites, institua avec la Constitution apostolique « Sacra rituum congregatio » du 8 mai 1969 deux nouveaux dicastères : à l’un, il confiait le soin de s’occuper du culte divin ; à l’autre, des causes des saints. Par la même occasion, il modifiait en partie la procédure de ces causes.
Suite à de récentes expériences, il nous a semblé opportun de réviser encore la procédure d’instruction et de réorganiser cette Congrégation pour les Causes des saints afin de répondre aux exigences des savants et aux désirs de nos frères de l’Épiscopat qui ont plusieurs fois manifesté leur désir de voir la procédure allégée, tout en conservant le sérieux des enquêtes dû dans un si grand domaine. En base à la doctrine du Concile Vatican II sur la collégialité, nous croyons réellement qu’il convient que les Évêques soit davantage associés au Siège apostolique pour l’étude des causes des saints.
A l’avenir donc, ayant abrogé toutes les lois concernant cette matière, quelles qu’elles soient, nous ordonnons d’observer les normes suivantes :
1. Il appartient de droit aux Évêques diocésains ou à toute autre autorité ecclésiastique juridiquement assimilée, dans le cadre des limites de leur juridiction, soit d’office, soit à la demande de simples fidèles ou d’associations légitimes, ou de leurs procureurs, d’enquêter sur la vie, les vertus ou le martyre, les miracles présumés, et, le cas échéant, sur l’ancienneté du culte du serviteur de Dieu dont on demande la canonisation.
2. Dans le cadre de ces enquêtes, l’Évêque doit procéder selon les normes spécifiques publiées par la Sacrée Congrégation pour les causes des saints, en respectant l’ordre suivant :
1) – Une enquête approfondie sur la vie du serviteur de Dieu doit être faite par le postulateur de la cause, nommé légitimement par le demandeur qui doit également fournir toutes les informations justifiant des raisons qui plaident en faveur de la cause de canonisation.
2) – Si le serviteur de Dieu a publié des textes autographes, l’Évêque doit les faire examiner par des théologiens censeurs.
3) – Si, dans ces écrits, rien ne figure qui soit contraire à la foi et aux bonnes moeurs, l’Évêque doit alors charger d’autres personnes compétentes de rechercher tout autre écrit inédit (lettres, journal intime, etc.) ainsi que tout autre document quel qu’il soit qui soit lié à la cause : après avoir accompli scrupuleusement leur travail, ces personnes doivent rédiger un rapport sur leurs recherches.
4) – Si, arrivé à ce stade, l’Évêque juge, avec prudence, que la procédure peut se poursuivre, il doit faire interroger, en respect des règles établies, les témoins retenus par le postulateur ou convoqués d’office. Si l’urgence se présente de devoir interroger les témoins pour ne pas risquer de perdre des preuves, il doivent l’être même si la quête de documents est encore en cours.
5) – L’enquête sur les miracles présumés doit se faire séparément de celle sur les vertus ou sur le martyre.
6) – Une fois les enquêtes conclues, les copies authentiques de tous les actes recueillis ainsi que les exemplaires des livres du serviteur de Dieu ayant été soumis à l’examen des théologiens censeurs, avec les avis de ces derniers, doivent être envoyées, en double exemplaire, à la Sacrée Congrégation. L’ Évêque doit en outre y joindre une déclaration sur le respect des décrets d’Urbain VIII concernant l’absence de culte.
3. La Sacrée Congrégation pour les causes des saints, présidée par le Cardinal Préfet, aidé d’un secrétaire, a le devoir de traiter les canonisations des serviteurs de Dieu en aidant, par ses conseils et par sa compétence, les Évêques dans l’instruction des causes, en étudiant les causes de façon approfondie et en émettant un vote favorable ou pas. Il incombe à cette même Congrégation de décider de tout ce qui concerne l’authenticité et la conservation des reliques.
4. Le secrétaire a pour fonction de : 1) s’occuper des relations avec l’extérieur, en particulier avec les Évêques qui instruisent les causes ; 2) participer aux discussions sur les causes et voter pendant la Congrégation des Pères Cardinaux et des Évêques ; 3) rédiger un rapport sur le vote des Cardinaux et des Évêques et le transmettre au
Souverain Pontife ;
5. Dans sa fonction, le secrétaire est aidé d’un Sous-secrétaire dont le rôle principal est de s’assurer que dans le déroulement de la procédure d’instruction des causes les normes prescrites ont bien été observées. Il jouit également de l’aide d’un nombre d’Officiers requis par la situation.
6. Pour l’examen des causes par la Sacrée Congrégation, un Collège de Rapporteurs est institué, présidé par le Rapporteur général.
7. Chaque Rapporteur doit : 1) Examiner, avec des collaborateurs externes, les causes qui lui sont confiées et préparer les « Positiones super virtutibus et martyrio » ; 2) Rédiger par écrit toutes les justifications historiques dans l’hypothèse où elles sont requises par les Consulteurs ; 3) Participer en tant qu’expert, sans droit de vote, aux réunions des théologiens.
8. Un des rapporteurs sera particulièrement chargé de traiter la « Positio super miraculis », d’assister à la réunion des médecins et au Congrès des théologiens.
9. Le Rapporteur général qui préside la rencontre des Consulteurs historiens peut bénéficier de l’aide quelques assistants.
10. La Sacrée Congrégation compte un « Promotor fidei » ou Prélat théologien dont le devoir est de : 1) présider au Congrès des théologiens au sein duquel il possède un droit de vote ; 2) rédiger un rapport relatif aux discussions Congrès ; 3) participer en tant qu’expert, sans droit de vote, à la Congrégation des Pères Cardinaux et Évêques. Pour l’examen de toute cause, si besoin en était, le Cardinal Préfet peut nommer un « Promotor fidei » ad hoc.
11. La Sacrée Congrégation pour les causes des saints tient à sa disposition des Consulteurs, de toute origine, experts en histoire et en théologie.
12. Pour l’examen des guérisons considérées comme des miracles, la Sacrée Congrégation s’appuie sur un groupe de médecins experts.
13. Lorsque l’évêque a envoyé à Rome tous les actes et les documents relatifs à la cause, la procédure suivie à la Sacrée Congrégation pour les causes des saints est la suivante :
1) En premier lieu, le Sous Secrétaire vérifie que, dans les enquêtes menées par l’Évêque, les normes en vigueur ont bien été respectées et il en réfère au Congrès ordinaire.
2) Si le Congrès juge que la cause a bien été instruite en application des normes en vigueur, il décide de la confier à un Rapporteur ; ce dernier, avec l’aide d’un collaborateur externe, préparera la « Positio super virtutibus et martyrio » en respect des règles observées dans l’hagiographie critique.
3) Dans les causes anciennes et dans celles récentes dont le caractère particulier nécessite l’avis du Rapporteur général, la « Positio », une fois rédigée, doit être soumise à l’examen de Consulteurs experts en la matière afin qu’ils donnent leur avis sur sa valeur scientifique et sur sa valeur probatoire. Si un cas le nécessite, la Sacrée Congrégation peut charger d’autres experts ne faisant pas partie des Consulteurs de préparer la « Positio ».
4) La « Positio » (avec les votes écrits des Consulteurs historiens ainsi que, si cela est nécessaire, les nouveaux éclaircissements apportés par le Rapporteur) est transmise aux Consulteurs théologiens qui doivent exprimer leur avis sur le fond de la cause ; il est de leur devoir d’examiner la cause, avec le « Promotor fidei » et avant qu’elle ne soit soumise à la discussion du Congrès ad hoc, jusqu’à ce que soit achevé l’examen, si nécessaire, des questions théologiques controversées.
5) Les votes définitifs des Consulteurs théologiens seront remis, avec les conclusions du « Promotor fideis », aux Cardinaux et aux Évêques et soumis à leur jugement.
14. La Congrégation examine les miracles en observant les critères suivants :
1) Les miracles présumés, au sujet desquels le Rapporteur désigné à cet effet prépare la « Positio », sont étudiés au cours de la réunion des experts (ou des médecins s’il s’agit de guérisons) ; les avis et les conclusions doivent être consignés dans un rapport détaillé.
2) Les miracles sont ensuite soumis à discussion au cours d’un Congrès des théologiens ad hoc puis dans la Congrégation des Pères Cardinaux et Évêques.
15. Les avis des Pères Cardinaux et Évêques seront remis au Souverain Pontife, à qui seul revient le droit de décision sur le culte public ecclésiastique rendu à un serviteur de Dieu.
16. Pour toutes les causes de canonisation actuellement en cours auprès de la Sacrée Congrégation, cette dernière définit par un décret spécifique le moyen de poursuivre la procédure, tout en respectant l’esprit de ces nouvelles normes.
17. Les normes que Nous avons établies par la présente Constitution entrent en vigueur à partir de ce jour. Nous voulons que, dès maintenant et pour l’avenir, ces normes soient appliquées et respectées, sous réserve qu’elles ne soient pas contraires aux Constitutions et aux ordonnances apostoliques édictées par nos prédécesseurs ainsi qu’à d’autres dispositions dignes de mention particulière et de dérogation.
Rome, Saint Pierre, le 25 janvier 1983, cinquième année de notre Pontificat.
Jean-Paul II