Cette lettre est adressée aux Evêques et traite de l’immodestie du vêtement.
Quand l’Auguste Pontife édicta qu’une Année Mariale serait célébrée par toute la terre, dans l’Encyclique pour le centenaire de la définition du dogme de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie[1], il exhorta les Evêques, tout le clergé et l’ensemble du peuple chrétien à travailler de plus en plus ardemment au renouveau des mœurs chrétiennes, sous la conduite et le patronage de la très aimante Mère de Dieu et de nous tous, pour que tous reproduisent, avec le plus grand zèle, en regardant filialement en elle, son image dans leur vie, chacun selon sa condition. Il proclama qu’il faut en premier lieu presser vivement « la jeunesse généreuse et inexpérimentée à grandir pure et intacte, et à ne pas laisser la fleur éclatante de son âge se corrompre, s’imprégner du souffle du siècle, se faner dans les vices ; à diriger et régler convenablement ses penchants déréglés et ses passions envahissantes, et — dans l’éloignement de tous les pièges — à se détourner de ce qui est dommageable et mauvais, pour s’élever vers tout ce qui est saint, aimable, noble » [2].
Or, si ces exhortations du Pasteur Suprême ont provoqué des résultats salutaires non négligeables, il n’en faut pas moins déplorer qu’elles n’aient pas produit en ce qui concerne les mœurs privées et publiques, tous les résultats souhaités par le Souverain Pontife.
Personne en effet n’ignore que surtout en cette période estivale se voient çà et là des spectacles qui ne peuvent pas ne pas offenser les yeux et les âmes de ceux qui n’ont pas négligé ou totalement méprisé la vertu chrétienne et la pudeur humaine. Non seulement sur les plages, non seulement dans les centres de tourisme à la campagne, mais presque partout, même par les rues de la ville ou du village, dans les lieux privés et publics, et assez fréquemment même dans les édifices consacrés à Dieu, s’est répandue une mode vestimentaire indigne et impudente ; et c’est surtout l’âme de la jeunesse, facilement infléchie au vice, qui se trouve en très grave péril de perdre son innocence, ornement le plus grand et le plus beau de l’âme et du corps. La parure féminine, si on peut l’appeler une parure, les vêtements des femmes « si on doit les appeler vêtements, car il n’y a rien en eux qui puisse protéger le corps ou même la pudeur »4, sont parfois tels qu’ils semblent plutôt rechercher l’impudeur que la pudeur.
Il s’y ajoute que tout ce qui se fait et se montre de mal et de honteux en privé et en public, les journaux, revues et brochures de toutes sortes le rapportent effrontément, les spectacles cinématographiques dans leurs salles très fréquentées le présentent sous les yeux de tous, dans l’éclat de la lumière mouvante, au point de troubler profondément par des séductions malsaines non seulement la jeunesse impressionnable et présomptueuse, mais aussi l’âge avancé. Il n’est personne qui ne voie combien grands sont les maux qui s’ensuivent, quels dangers considérables menacent les mœurs publiques. C’est pourquoi il est nécessaire et que la beauté de la chasteté mise en pleine lumière soit recommandée à tous, et que les séductions et attraits des vices soient réprimés et empêchés autant qu’on le peut, et enfin que tous soient rappelés aux bonnes mœurs avec la sévérité nécessaire ; car, comme le dit le plus grand orateur Romain : « Souvent nous voyons vaincus en chasteté ceux qui ne seraient vaincus d’aucune (autre) manière » [3].
Il s’agit, comme chacun le voit, d’une question très grave, à laquelle est unie le plus intimement non seulement la vertu chrétienne, mais aussi la santé du corps, la force également et le progrès de la société humaine. C’est très justement qu’un très ancien poète a dit à ce sujet : « C’est le commencement de la débauche de dévêtir les corps en public » [4]. On voit donc facilement qu’une affaire de cette importance n’intéresse pas seulement l’Eglise, mais aussi ceux qui tiennent le gouvernail de l’Etat, car eux aussi doivent désirer que les forces du corps, que les énergies de la vertu ne soient pas affaiblies et brisées.
Mais c’est à vous surtout « que le Saint-Esprit a placés comme Evêques pour conduire l’Eglise de Dieu » [5] qu’il appartient de considérer attentivement le mal et de procurer et favoriser de toutes vos forces tout ce qui concerne la protection de la pureté et le progrès des mœurs chrétiennes. « Puisque le Saint- Esprit introduit et consacré en nous a fait de nous tous le temple de Dieu, le gardien de son temple est la chasteté, qui ne permettra pas que rien d’impur ou d’impie y soit porté, pour que Dieu qui l’habite n’abandonne pas, offensé, une demeure souillée » [6]. Or, tout le monde le voit aisément, la manière actuelle de se vêtir, surtout des femmes et jeunes filles, offense gravement la pudeur, cette « compagne de la pureté et dont la présence rend la chasteté plus sûre »[7]. Il est donc absolument nécessaire, d’avertir et exhorter toutes les catégories de citoyens, surtout la jeunesse, de la manière que vous jugerez la plus apte, d’éviter les occasions de ces dommages qui totalement contraires à la vertu chrétienne et civique, peuvent la mettre en très grave péril. « Combien belle est la pudeur et quelle splendide perle de vertu [8]. » Qu’on ne l’offense donc pas, ni ne la viole par des séductions et agréments des vices qui suivent ce laisser-aller vestimentaire, ou par d’autres manières d’agir analogues rappelées plus haut et que tous les hommes de bien ne peuvent que déplorer.
L’Auguste Pontife souhaite vivement que cette entreprise soit commencée avec zèle surtout pendant l’Année Mariale en cours, et que particulièrement les Evêques ne négligent absolument aucun moyen de guérir ce mal ; que sous leur conduite éclairée, l’ensemble du clergé travaille, avec prudence, ardeur et persévérance, chacun dans son milieu, à cet heureux résultat ; que les pères et mères de famille par leur exemple d’abord, ensuite par des conseils opportuns, venant comme il convient chez des chrétiens d’une force d’âme austère, écartent leurs enfants de ces périls et ne se jugent satisfaits qu’à la vue de l’éclat brillant de la pureté aux fronts de leurs fils.
Que les militants de l’Action Catholique eux aussi se chargent comme d’une tâche principale de cette salutaire entreprise. Qu’ils veillent surtout à ce que tous ceux qui vivent dans leur intimité ou sont de quelque manière en relations avec eux, puissent voir resplendir dans leur manière de se vêtir et d’agir la beauté des mœurs chrétiennes ; que leurs yeux brillent de l’innocence intérieure de leur âme ; que leurs paroles et leurs actions répandent l’odeur de la vertu : alors seulement ils pourront en effet porter plus aisément les autres par leurs conseils persuasifs à se vêtir dignement et convenablement et à bien agir.
Puisse nous exaucer tous la Très Bienheureuse Vierge Marie, qui fut dès son origine exempte de la tache de tout péché, qui dans tout le cours de sa vie l’emporta sur tous par sa haute sainteté, et qui est notre Mère très aimante à tous.
Et que nous les obtienne de Dieu, la Bénédiction apostolique, gage des faveurs célestes et témoignage de paternelle bienveillance, accordée par le Très Saint-Père aux Evêques, à tout le clergé et l’ensemble du peuple chrétien, à ceux surtout qui donneront leur travail à cette œuvre salutaire.
Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-Augustin Saint-Maurice – D’après le texte latin des A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 458.
- Cf. Lettre Encyclique Fulgens Corona, A. A. S., XXXXV, 1953, p. 577 ; Documents Pontificaux 1953, p. 571.[↩]
- Ibid., p. 588 ; Documents Pontificaux 1953, p. 385.[↩]
- Sénèque, De ben., VII, 9. 5 Cicéron, Tusc., II, 28.[↩]
- Ennius, dans Cicéron ; Tusc., IV, 33.[↩]
- Act. Ap., XX, 28.[↩]
- Tertullien, De cultu fem., II, 1 ; Migne, P. L., t. I, 1316.[↩]
- S. Ambroise, De aff., I, 20 ; Migne, P. L., t. XVI, 48.[↩]
- S. Bernard, Serm. LXXXVI, in Cant. ; Migne, P. L., t. CLXXXIII, p. 135.[↩]