Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

15 août 1954

Lettre de la Sacrée Congrégation du Concile sur la modestie du vêtement

Cette lettre est adres­sée aux Evêques et traite de l’im­mo­des­tie du vêtement.

Quand l’Auguste Pontife édic­ta qu’une Année Mariale serait célé­brée par toute la terre, dans l’Encyclique pour le cente­naire de la défi­ni­tion du dogme de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie[1], il exhor­ta les Evêques, tout le cler­gé et l’en­semble du peuple chré­tien à tra­vailler de plus en plus ardem­ment au renou­veau des mœurs chré­tiennes, sous la conduite et le patro­nage de la très aimante Mère de Dieu et de nous tous, pour que tous repro­duisent, avec le plus grand zèle, en regar­dant filia­le­ment en elle, son image dans leur vie, cha­cun selon sa condi­tion. Il pro­cla­ma qu’il faut en pre­mier lieu pres­ser vive­ment « la jeu­nesse géné­reuse et inex­pé­ri­men­tée à gran­dir pure et intacte, et à ne pas lais­ser la fleur écla­tante de son âge se cor­rompre, s’im­pré­gner du souffle du siècle, se fa­ner dans les vices ; à diri­ger et régler conve­na­ble­ment ses pen­chants déré­glés et ses pas­sions enva­his­santes, et — dans l’éloi­gnement de tous les pièges — à se détour­ner de ce qui est dom­mageable et mau­vais, pour s’é­le­ver vers tout ce qui est saint, aimable, noble » [2].

Or, si ces exhor­ta­tions du Pasteur Suprême ont pro­vo­qué des résul­tats salu­taires non négli­geables, il n’en faut pas moins déplo­rer qu’elles n’aient pas pro­duit en ce qui concerne les mœurs pri­vées et publiques, tous les résul­tats sou­hai­tés par le Souverain Pontife.

Personne en effet n’i­gnore que sur­tout en cette période esti­vale se voient çà et là des spec­tacles qui ne peuvent pas ne pas offen­ser les yeux et les âmes de ceux qui n’ont pas négli­gé ou tota­le­ment mépri­sé la ver­tu chré­tienne et la pudeur humaine. Non seule­ment sur les plages, non seule­ment dans les centres de tou­risme à la cam­pagne, mais presque par­tout, même par les rues de la ville ou du vil­lage, dans les lieux pri­vés et publics, et assez fré­quem­ment même dans les édi­fices consa­crés à Dieu, s’est répan­due une mode ves­ti­men­taire indigne et impu­dente ; et c’est sur­tout l’âme de la jeu­nesse, faci­le­ment inflé­chie au vice, qui se trouve en très grave péril de perdre son inno­cence, orne­ment le plus grand et le plus beau de l’âme et du corps. La parure fémi­nine, si on peut l’ap­pe­ler une parure, les vête­ments des femmes « si on doit les appe­ler vête­ments, car il n’y a rien en eux qui puisse pro­té­ger le corps ou même la pudeur »4, sont par­fois tels qu’ils semblent plu­tôt recher­cher l’im­pu­deur que la pudeur.

Il s’y ajoute que tout ce qui se fait et se montre de mal et de hon­teux en pri­vé et en public, les jour­naux, revues et bro­chures de toutes sortes le rap­portent effron­té­ment, les spec­tacles ciné­ma­to­gra­phiques dans leurs salles très fré­quen­tées le pré­sentent sous les yeux de tous, dans l’é­clat de la lumière mou­vante, au point de trou­bler pro­fon­dé­ment par des séduc­tions mal­saines non seule­ment la jeu­nesse impres­sion­nable et pré­somptueuse, mais aus­si l’âge avan­cé. Il n’est per­sonne qui ne voie com­bien grands sont les maux qui s’en­suivent, quels dan­gers consi­dé­rables menacent les mœurs publiques. C’est pour­quoi il est néces­saire et que la beau­té de la chas­te­té mise en pleine lumière soit recom­man­dée à tous, et que les séduc­tions et attraits des vices soient répri­més et empê­chés autant qu’on le peut, et enfin que tous soient rap­pe­lés aux bonnes mœurs avec la sévé­rité néces­saire ; car, comme le dit le plus grand ora­teur Romain : « Souvent nous voyons vain­cus en chas­te­té ceux qui ne seraient vain­cus d’au­cune (autre) manière » [3].

Il s’a­git, comme cha­cun le voit, d’une ques­tion très grave, à laquelle est unie le plus inti­me­ment non seule­ment la ver­tu chré­tienne, mais aus­si la san­té du corps, la force éga­le­ment et le pro­grès de la socié­té humaine. C’est très jus­te­ment qu’un très ancien poète a dit à ce sujet : « C’est le com­men­ce­ment de la débauche de dévê­tir les corps en public » [4]. On voit donc facile­ment qu’une affaire de cette impor­tance n’in­té­resse pas seule­ment l’Eglise, mais aus­si ceux qui tiennent le gou­ver­nail de l’Etat, car eux aus­si doivent dési­rer que les forces du corps, que les éner­gies de la ver­tu ne soient pas affai­blies et brisées.

Mais c’est à vous sur­tout « que le Saint-​Esprit a pla­cés comme Evêques pour conduire l’Eglise de Dieu » [5] qu’il appar­tient de consi­dé­rer atten­ti­ve­ment le mal et de pro­cu­rer et favo­riser de toutes vos forces tout ce qui concerne la pro­tec­tion de la pure­té et le pro­grès des mœurs chré­tiennes. « Puisque le Saint- Esprit intro­duit et consa­cré en nous a fait de nous tous le temple de Dieu, le gar­dien de son temple est la chas­te­té, qui ne permet­tra pas que rien d’im­pur ou d’im­pie y soit por­té, pour que Dieu qui l’ha­bite n’a­ban­donne pas, offen­sé, une demeure souillée » [6]. Or, tout le monde le voit aisé­ment, la manière actuelle de se vêtir, sur­tout des femmes et jeunes filles, offense gra­ve­ment la pudeur, cette « com­pagne de la pure­té et dont la pré­sence rend la chas­te­té plus sûre »[7]. Il est donc abso­lu­ment néces­saire, d’a­ver­tir et exhor­ter toutes les caté­go­ries de citoyens, sur­tout la jeu­nesse, de la manière que vous juge­rez la plus apte, d’é­vi­ter les occa­sions de ces dom­mages qui tota­le­ment contraires à la ver­tu chré­tienne et civique, peuvent la mettre en très grave péril. « Combien belle est la pudeur et quelle splen­dide perle de ver­tu [8]. » Qu’on ne l’of­fense donc pas, ni ne la viole par des séduc­tions et agré­ments des vices qui suivent ce laisser-​aller ves­ti­men­taire, ou par d’autres manières d’a­gir ana­logues rap­pelées plus haut et que tous les hommes de bien ne peuvent que déplorer.

L’Auguste Pontife sou­haite vive­ment que cette entre­prise soit com­men­cée avec zèle sur­tout pen­dant l’Année Mariale en cours, et que par­ti­cu­liè­re­ment les Evêques ne négligent abso­lu­ment au­cun moyen de gué­rir ce mal ; que sous leur conduite éclai­rée, l’en­semble du cler­gé tra­vaille, avec pru­dence, ardeur et persévé­rance, cha­cun dans son milieu, à cet heu­reux résul­tat ; que les pères et mères de famille par leur exemple d’a­bord, ensuite par des conseils oppor­tuns, venant comme il convient chez des chré­tiens d’une force d’âme aus­tère, écartent leurs enfants de ces périls et ne se jugent satis­faits qu’à la vue de l’é­clat brillant de la pure­té aux fronts de leurs fils.

Que les mili­tants de l’Action Catholique eux aus­si se char­gent comme d’une tâche prin­ci­pale de cette salu­taire entre­prise. Qu’ils veillent sur­tout à ce que tous ceux qui vivent dans leur inti­mi­té ou sont de quelque manière en rela­tions avec eux, puis­sent voir res­plen­dir dans leur manière de se vêtir et d’a­gir la beau­té des mœurs chré­tiennes ; que leurs yeux brillent de l’inno­cence inté­rieure de leur âme ; que leurs paroles et leurs actions répandent l’o­deur de la ver­tu : alors seule­ment ils pour­ront en effet por­ter plus aisé­ment les autres par leurs conseils per­sua­sifs à se vêtir digne­ment et conve­na­ble­ment et à bien agir.

Puisse nous exau­cer tous la Très Bienheureuse Vierge Marie, qui fut dès son ori­gine exempte de la tache de tout péché, qui dans tout le cours de sa vie l’emporta sur tous par sa haute sain­te­té, et qui est notre Mère très aimante à tous.

Et que nous les obtienne de Dieu, la Bénédiction apos­to­lique, gage des faveurs célestes et témoi­gnage de pater­nelle bienveil­lance, accor­dée par le Très Saint-​Père aux Evêques, à tout le cler­gé et l’en­semble du peuple chré­tien, à ceux sur­tout qui don­neront leur tra­vail à cette œuvre salutaire.

Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-​Augustin Saint-​Maurice – D’après le texte latin des A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 458.

Notes de bas de page
  1. Cf. Lettre Encyclique Fulgens Corona, A. A. S., XXXXV, 1953, p. 577 ; Documents Pontificaux 1953, p. 571.[]
  2. Ibid., p. 588 ; Documents Pontificaux 1953, p. 385.[]
  3. Sénèque, De ben., VII, 9. 5 Cicéron, Tusc., II, 28.[]
  4. Ennius, dans Cicéron ; Tusc., IV, 33.[]
  5. Act. Ap., XX, 28.[]
  6. Tertullien, De cultu fem., II, 1 ; Migne, P. L., t. I, 1316.[]
  7. S. Ambroise, De aff., I, 20 ; Migne, P. L., t. XVI, 48.[]
  8. S. Bernard, Serm. LXXXVI, in Cant. ; Migne, P. L., t. CLXXXIII, p. 135.[]