Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

10 juillet 1939

Décret levant l'interdiction du journal « L'Action Française »

Table des matières

Décret de la Suprême Congrégation du Saint-Office

Par décret de cette Suprême Sacrée Congrégation du Saint-​Office en date du 29 décembre 1926 [1], le jour­nal L’Action Française, tel qu’il était alors publié, fut condam­né et mis à l’Index des livres pro­hi­bés, atten­du ce qui s’écrivait dans ledit jour­nal, sur­tout à cette époque-​là, contre le Siège apos­to­lique et contre le Souverain Pontife lui-même.

Or, par une lettre adres­sée à la date du 20 novembre 1938 au Souverain Pontife Pie XI, de sainte mémoire, le comi­té direc­teur de ce jour­nal fit sa soumis­sion et pré­sen­ta, pour obte­nir que fût levée la pro­hi­bi­tion du jour­nal, une péti­tion qui fut sou­mise à l’examen de cette Sacrée Congrégation.

De plus, récem­ment, ce même comi­té, réité­rant la péti­tion, fit une pro­fes­sion ouverte et louable de véné­ra­tion envers le Saint-​Siège, réprou­va ses erreurs et don­na des garan­ties sur le res­pect du magis­tère de l’Eglise par une lettre adres­sée le 19 juin 1939 au Pape Pie XII, glo­rieu­se­ment régnant, lettre dont le texte est rap­por­té ci-​après à l’annexe N° I.

C’est pour­quoi, dans la séance plé­nière de la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-​Office tenue le mer­cre­di 5 juillet 1939, les émi­nen­tis­simes car­di­naux pré­posés à la sau­ve­garde de la foi et des mœurs, après avoir consul­té les éminentis­simes et révé­ren­dis­simes car­di­naux de France, ont décrété :

A dater du jour de la pro­mul­ga­tion du pré­sent décret, la défense de lire et de conser­ver le jour­nal L’Action Française est levée, res­tant pro­hi­bés les numé­ros mis jusqu’à ce jour à l’Index des livres pro­hi­bés, sans tou­te­fois que cette Suprême Sacrée Congrégation entende por­ter aucun juge­ment sur ce qui regarde les choses pure­ment poli­tiques et sur les buts pour­sui­vis par le jour­nal dans ce domaine — pour­vu, bien enten­du, qu’ils ne soient pas contre la morale — et ad men­tem à savoir ; confor­mé­ment a ce qui a été, à maintes reprises, incul­qué par le Saint- Siège, concer­nant soit la dis­tinc­tion entre les choses reli­gieuses et les choses pure­ment poli­tiques, soit la dépen­dance de la poli­tique par rap­port à la loi morale, soit les prin­cipes et les devoirs éta­blis en vue de pro­mou­voir et de défendre l’Action catho­lique, cette Suprême Sacrée Congrégation recom­mande ins­tam­ment aux Ordinaires de France la vigi­lance en vue d’assurer l’observation de ce qui a été déjà sta­tué en la matière par l’assemblée des car­di­naux et arche­vêques de France en l’année 1936 et qui est rap­por­té dans l’annexe N° II ci-après.

Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-​Augustin Saint-​Maurice – D’après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 303 ; cf. la tra­duc­tion fran­çaise de la Documentation Catholique, XL, col. 985.

Annexe N° I

Lettre du comi­té direc­teur de L’Action Française adres­sée à S. S. le Pape Pie XII le 19 juin 1939 [2] :

Très Saint-​Père,

Nous sous­si­gnés, membres du comi­té direc­teur du jour­nal L’Action Française unis dans les sen­ti­ments de la plus pro­fonde véné­ra­tion pour Votre Sainteté.

Mettons à Ses pieds, au début de Son pon­ti­fi­cat, mar­qué déjà des signes uni­ver­sel­le­ment recon­nus de la jus­tice et de la paix, la sin­cère et loyale déclara­tion de nos inten­tions et des assu­rances par les­quelles nous vou­lons renou­ve­ler l’expression des sen­ti­ments que nous avons déjà sou­mis au très regret­té et véné­ré Pontife Pie XI, de sainte mémoire, dans notre lettre du 20 novembre 1938, pour obte­nir le retrait de la mise à l’Index, pro­non­cée par la Suprême Sacrée Congré­gation du Saint-​Office contre le jour­nal L’Action Française.

1. Pour ce qui concerne le pas­sé, nous expri­mons la plus sin­cère tris­tesse de ce qui, dans les polé­miques et contro­verses anté­rieures et pos­té­rieures au décret de condam­na­tion du Saint-​Office, le 29 décembre 1926, a paru et a été de notre part irres­pec­tueux, inju­rieux et même injuste envers la per­sonne du Pape, envers le Saint-​Siège et la hié­rar­chie ecclé­sias­tique, et contraire au res­pect que tous doivent avoir pour toute auto­ri­té dans l’Eglise.

2. Pour tout ce qui regarde en par­ti­cu­lier la doc­trine, tous ceux d’entre nous qui sont catho­liques, en réprou­vant tout ce qu’ils ont pu écrire d’erroné, rejettent com­plè­te­ment tout prin­cipe et toute théo­rie qui soient contraires aux ensei­gne­ments de l’Eglise catho­lique, ensei­gne­ments pour les­quels nous pro­fes­sons una­ni­me­ment le plus pro­fond respect.

3. Nous décla­rons et assu­rons en outre que nous vou­lons être très atten­tifs à rédi­ger le jour­nal, de telle manière que, ni les col­la­bo­ra­teurs, ni les lec­teurs n’y trouvent rien qui, direc­te­ment ou indi­rec­te­ment, trouble leur conscience et qui s’oppose à l’adhésion due aux ensei­gne­ments et aux direc­tives d’ordre reli­gieux et moral de l’Eglise.

Nous affir­mons for­mel­le­ment notre volon­té una­nime de déve­lop­per notre acti­vi­té de jour­na­listes, même dans le domaine social et poli­tique, de façon à ne jamais man­quer, pour ce qui est des catho­liques, à la sou­mis­sion et, pour nous tous, au res­pect dû aux direc­tives de l’autorité ecclé­sias­tique dans les pro­blèmes qui, en ce domaine social et poli­tique, inté­ressent l’Eglise par leurs rap­ports avec sa fin surnaturelle.

Depuis long­temps, Très Saint-​Père, les vio­lences, attaques et toute autre atti­tude du jour­nal qui ont moti­vé la condam­na­tion de 1926, ont ces­sé et sont désavouées.

C’est pour­quoi nous osons deman­der au Père qui tient les clefs de la miséri­corde et de la jus­tice, de dai­gner consi­dé­rer, en ter­mi­nant l’examen déjà com­men­cé par Sa Sainteté Pie XI, si, selon Son juge­ment sou­ve­rain, les justes motifs de pro­hi­bi­tion ayant, ce nous semble, ces­sé d’exister, celle-​ci ne pour­rait légi­ti­me­ment tom­ber à son tour.

Et nous met­tons aux pieds de Votre Sainteté, avec l’hommage de notre pro­fonde véné­ra­tion, celui de notre dévoue­ment inal­té­rable, en sol­li­ci­tant de tout cœur les béné­dic­tions du Père com­mun sur cha­cune de nos per­sonnes et, par-​delà, sur toute notre France, fille aînée de l’Eglise, à laquelle nous avons dévoué notre vie.

Paris, le 19 juin 1939.

Léon Daudet, co-​directeur de « L’Action Française » ; Ch. Mauras, co-​directeur de « L’Action Française » ; Maurice Pujo, rédac­teur en chef de « L’Action Française » ; Paul Robain ; Jacques Delebecque ; F. de Lassus ; Robert de Boisfleury, admi­nis­tra­teur délé­gué de « L’Action Française » ; Général de Partouneaux, pré­sident du Conseil d’ad­mi­nis­tra­tion ; M. de Roux, avo­cat, leur défen­seur et conseil.

Annexe N° II

Décisions de l’assemblée des car­di­naux et arche­vêques de France de 1936 : 

a) Le clergé

  • 1. Le cler­gé ne doit pas négli­ger de faire son devoir civique, mais il évi­te­ra soi­gneu­se­ment de s’inféoder aux par­tis politiques.
  • 2. Il est tenu d’exposer, en dehors de toute consi­dé­ra­tion de par­ti, la doc­trine catho­lique qui concerne les droits de l’Eglise, de la famille, de l’école et générale­ment le bien commun.

b) Les catholiques

  • 1. Les catho­liques auront le sou­ci constant de main­te­nir l’Eglise et l’Action catho­lique en dehors et au-​dessus des partis.
  • 2. Ils sont tenus de s’intéresser à l’action civique et, pour cela, seront ins­truits des prin­cipes catho­liques d’action civique.
  • 3. Les diri­geants et mili­tants d’Action catho­lique ne seront pas en même temps direc­teurs, repré­sen­tants ou pro­pa­gan­distes d’un par­ti politique.
  • 4. Ils pra­ti­que­ront loya­le­ment les ver­tus du citoyen et notam­ment le res­pect du pou­voir établi.
Notes de bas de page
  1. Cf. Documentation Catholique, t. XVII, col. 135.[]
  2. Les deux annexes sont en fran­çais et ont été publiées à la suite du texte latin du décret ; cf. A. A. S., XXXI, 1939, p. 303 ; cf. Documentation Catholique, t. XL, col. 985.[]
12 mars 1948
Action de Grâces suite à la promulgation de la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia
  • Pie XII