Décret de la Suprême Congrégation du Saint-Office
Par décret de cette Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office en date du 29 décembre 1926 [1], le journal L’Action Française, tel qu’il était alors publié, fut condamné et mis à l’Index des livres prohibés, attendu ce qui s’écrivait dans ledit journal, surtout à cette époque-là, contre le Siège apostolique et contre le Souverain Pontife lui-même.
Or, par une lettre adressée à la date du 20 novembre 1938 au Souverain Pontife Pie XI, de sainte mémoire, le comité directeur de ce journal fit sa soumission et présenta, pour obtenir que fût levée la prohibition du journal, une pétition qui fut soumise à l’examen de cette Sacrée Congrégation.
De plus, récemment, ce même comité, réitérant la pétition, fit une profession ouverte et louable de vénération envers le Saint-Siège, réprouva ses erreurs et donna des garanties sur le respect du magistère de l’Eglise par une lettre adressée le 19 juin 1939 au Pape Pie XII, glorieusement régnant, lettre dont le texte est rapporté ci-après à l’annexe N° I.
C’est pourquoi, dans la séance plénière de la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office tenue le mercredi 5 juillet 1939, les éminentissimes cardinaux préposés à la sauvegarde de la foi et des mœurs, après avoir consulté les éminentissimes et révérendissimes cardinaux de France, ont décrété :
A dater du jour de la promulgation du présent décret, la défense de lire et de conserver le journal L’Action Française est levée, restant prohibés les numéros mis jusqu’à ce jour à l’Index des livres prohibés, sans toutefois que cette Suprême Sacrée Congrégation entende porter aucun jugement sur ce qui regarde les choses purement politiques et sur les buts poursuivis par le journal dans ce domaine — pourvu, bien entendu, qu’ils ne soient pas contre la morale — et ad mentem à savoir ; conformément a ce qui a été, à maintes reprises, inculqué par le Saint- Siège, concernant soit la distinction entre les choses religieuses et les choses purement politiques, soit la dépendance de la politique par rapport à la loi morale, soit les principes et les devoirs établis en vue de promouvoir et de défendre l’Action catholique, cette Suprême Sacrée Congrégation recommande instamment aux Ordinaires de France la vigilance en vue d’assurer l’observation de ce qui a été déjà statué en la matière par l’assemblée des cardinaux et archevêques de France en l’année 1936 et qui est rapporté dans l’annexe N° II ci-après.
Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-Augustin Saint-Maurice – D’après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 303 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, XL, col. 985.
Annexe N° I
Lettre du comité directeur de L’Action Française adressée à S. S. le Pape Pie XII le 19 juin 1939 [2] :
Très Saint-Père,
Nous soussignés, membres du comité directeur du journal L’Action Française unis dans les sentiments de la plus profonde vénération pour Votre Sainteté.
Mettons à Ses pieds, au début de Son pontificat, marqué déjà des signes universellement reconnus de la justice et de la paix, la sincère et loyale déclaration de nos intentions et des assurances par lesquelles nous voulons renouveler l’expression des sentiments que nous avons déjà soumis au très regretté et vénéré Pontife Pie XI, de sainte mémoire, dans notre lettre du 20 novembre 1938, pour obtenir le retrait de la mise à l’Index, prononcée par la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office contre le journal L’Action Française.
1. Pour ce qui concerne le passé, nous exprimons la plus sincère tristesse de ce qui, dans les polémiques et controverses antérieures et postérieures au décret de condamnation du Saint-Office, le 29 décembre 1926, a paru et a été de notre part irrespectueux, injurieux et même injuste envers la personne du Pape, envers le Saint-Siège et la hiérarchie ecclésiastique, et contraire au respect que tous doivent avoir pour toute autorité dans l’Eglise.
2. Pour tout ce qui regarde en particulier la doctrine, tous ceux d’entre nous qui sont catholiques, en réprouvant tout ce qu’ils ont pu écrire d’erroné, rejettent complètement tout principe et toute théorie qui soient contraires aux enseignements de l’Eglise catholique, enseignements pour lesquels nous professons unanimement le plus profond respect.
3. Nous déclarons et assurons en outre que nous voulons être très attentifs à rédiger le journal, de telle manière que, ni les collaborateurs, ni les lecteurs n’y trouvent rien qui, directement ou indirectement, trouble leur conscience et qui s’oppose à l’adhésion due aux enseignements et aux directives d’ordre religieux et moral de l’Eglise.
Nous affirmons formellement notre volonté unanime de développer notre activité de journalistes, même dans le domaine social et politique, de façon à ne jamais manquer, pour ce qui est des catholiques, à la soumission et, pour nous tous, au respect dû aux directives de l’autorité ecclésiastique dans les problèmes qui, en ce domaine social et politique, intéressent l’Eglise par leurs rapports avec sa fin surnaturelle.
Depuis longtemps, Très Saint-Père, les violences, attaques et toute autre attitude du journal qui ont motivé la condamnation de 1926, ont cessé et sont désavouées.
C’est pourquoi nous osons demander au Père qui tient les clefs de la miséricorde et de la justice, de daigner considérer, en terminant l’examen déjà commencé par Sa Sainteté Pie XI, si, selon Son jugement souverain, les justes motifs de prohibition ayant, ce nous semble, cessé d’exister, celle-ci ne pourrait légitimement tomber à son tour.
Et nous mettons aux pieds de Votre Sainteté, avec l’hommage de notre profonde vénération, celui de notre dévouement inaltérable, en sollicitant de tout cœur les bénédictions du Père commun sur chacune de nos personnes et, par-delà, sur toute notre France, fille aînée de l’Eglise, à laquelle nous avons dévoué notre vie.
Paris, le 19 juin 1939.
Léon Daudet, co-directeur de « L’Action Française » ; Ch. Mauras, co-directeur de « L’Action Française » ; Maurice Pujo, rédacteur en chef de « L’Action Française » ; Paul Robain ; Jacques Delebecque ; F. de Lassus ; Robert de Boisfleury, administrateur délégué de « L’Action Française » ; Général de Partouneaux, président du Conseil d’administration ; M. de Roux, avocat, leur défenseur et conseil.
Annexe N° II
Décisions de l’assemblée des cardinaux et archevêques de France de 1936 :
a) Le clergé
- 1. Le clergé ne doit pas négliger de faire son devoir civique, mais il évitera soigneusement de s’inféoder aux partis politiques.
- 2. Il est tenu d’exposer, en dehors de toute considération de parti, la doctrine catholique qui concerne les droits de l’Eglise, de la famille, de l’école et généralement le bien commun.
b) Les catholiques
- 1. Les catholiques auront le souci constant de maintenir l’Eglise et l’Action catholique en dehors et au-dessus des partis.
- 2. Ils sont tenus de s’intéresser à l’action civique et, pour cela, seront instruits des principes catholiques d’action civique.
- 3. Les dirigeants et militants d’Action catholique ne seront pas en même temps directeurs, représentants ou propagandistes d’un parti politique.
- 4. Ils pratiqueront loyalement les vertus du citoyen et notamment le respect du pouvoir établi.