Léon XIII

256ᵉ pape ; de 1878 à 1903

11 février 1901

Lettre In maximis occupationibus

Sur le catholicisme libéral et le rationalisme

À nos véné­rables frères Herbert Vaughan Cardinal-​Prêtre de la Sainte Église Romaine, Archevêque de Westminster, et aux autres évêques de la pro­vince de Westminster
Léon XIII, Pape

Vénérables frères

Salut et béné­dic­tion apostolique.

Au milieu des plus graves pré­oc­cu­pa­tions et d’amertumes d’ordres divers, une grande conso­la­tion n’a ces­sé de Nous être appor­tée par la com­plète et constante union des évêques avec le Siège aposto­lique. Nous savions déjà, Vénérables Frères, que vous vous distin­guiez par­ti­cu­liè­re­ment à ce titre, et Nous en avons eu une nou­velle preuve tout récem­ment à l’occasion de la lettre col­lec­tive que vous avez adres­sée à votre peuple, confor­mé­ment à votre auto­ri­té, et que vous avez vou­lu Nous sou­mettre pour savoir si elle répon­dait à Notre sentiment.

Il est trop connu, le fléau — qui sévit ici et ailleurs est mena­çant — de ces opi­nions abso­lu­ment erro­nées dont l’en­semble est com­munément dési­gné sous le nom de Catholicisme libé­ral.

Vous signa­lez, sans l’exagérer, mais en en pré­ci­sant la nature et l’étendue, le dan­ger qui menace actuel­le­ment le catho­li­cisme en Angleterre ; et votre parole, appuyée sur les docu­ments et les ensei­gnements de l’Eglise, ne va eu aucun point au delà de la vérité.

Tout ce que ren­ferment votre ensei­gne­ment et vos conseils a été fré­quem­ment pro­fes­sé par Nos pré­dé­ces­seurs, défi­ni en détail par les Pères du Concile du Vatican, expli­qué plus d’une fois par Nous- même, soit ora­le­ment, soit par écrit.

Elle Nous a paru sage et impor­tante. Vous, en effet, char­gés, comme évêques, par l’Esprit-​Saint de gou­ver­ner cha­cun votre par­tie de l’Eglise de Dieu, vous savez mieux que per­sonne ce que requiert le salut de vos peuples, et vous indi­quez avec à‑propos et pru­dence l’action qu’il faut entreprendre.

C’est une très salu­taire pen­sée que vous avez eue de pres­crire la défiance vis-​à-​vis du natio­na­lisme qui s’in­si­nue avec une per­fide habi­leté : il n’est pas de poi­son plus per­ni­cieux pour la foi.

De même, quoi de plus juste que vos ordres concer­nant l’obéis­sance due aux évêques ? Cette sou­mis­sion et cette doci­li­té à l’égard de la puis­sance épis­co­pale n’est pas, en effet, une ver­tu facul­ta­tive, mais un devoir abso­lu et le prin­ci­pal fon­de­ment de la divine consti­tu­tion de l’Eglise.

Aussi vous louons-​Nous vive­ment et vous approuvons-​Nous sur tous ces points.

Quant aux maux que vous énu­mé­rez avec dou­leur, et que vous signa­lez, pour qu’ils s’en pré­mu­nissent, à ceux qui ont des senti­ments droits, la source en est sur­tout dans la pré­pon­dé­rance acquise par les esprits mon­dains, dans la répu­gnance des âmes pour la tra­di­tion chré­tienne de la souf­france, et dans leur pen­chant à la mol­lesse. Or, nul ne peut conser­ver la foi intacte et com­battre pour la cause du Christ sans une constance éner­gique que les dif­fi­cul­tés ne sau­raient entamer.

Que tous ceux donc qui portent le nom de catho­liques tra­vaillent avec plus de soin à culti­ver leur âme ; qu’ils défendent le grand bien­fait de la foi avec les armes de la pru­dence et de la vigi­lance ; qu’ils s’adonnent avec plus d’ardeur à la pra­tique et à l’exercice des ver­tus chré­tiennes, et qu’ils se forment par­ti­cu­liè­re­ment à la cha­rité, à l’abnégation, à l’humilité et au mépris de ce qui doit périr.

En des occa­sions pré­cé­dentes, Nous avons deman­dé d’instantes sup­pli­ca­tions auprès du Dieu tout-​puissant pour qu’il ramène la nation anglaise tout entière à la reli­gion de ses ancêtres ; Nous avons dit qu’il faut cher­cher dans la pro­bi­té des mœurs et l’inno­cence de la vie le moyen d’être exau­cé. Nous répé­tons aujourd’hui les aver­tis­se­ments et les mêmes exhortations.

Dans la même inten­tion, Nous dési­rons vive­ment que se pro­page et s’étende l’association pieuse éta­blie par Nous sous le vocable de Notre-​Dame de la Compassion.

C’est ain­si que tous les catho­liques doivent s’oc­cu­per du salut du pro­chain en tra­vaillant au leur, et en consa­crant tous leurs efforts à leur propre sanc­ti­fi­ca­tion. Que votre lumière brille devant les hommes de telle sorte qu’ils voient vos bonnes œuvres et glo­ri­fient votre Père qui est dans les cieux (Matth, v, 16.).

Enfin, que la défé­rence à l’égard du Pontife romain soit sacrée pour les catho­liques ; si quelques adver­saires s’efforcent d’affaiblir son auto­ri­té par leurs dis­cours ou de la rendre sus­pecte, qu’ils les réfutent sans crainte en leur oppo­sant cette décla­ra­tion du véné­rable Bède, Docteur de l’Eglise : « Le bien­heu­reux Pierre, qui a confes­sé le Christ avec une véri­table foi et l’a sui­vi avec un véri­table amour, a reçu les clés du royaume des cieux et la sou­ve­rai­ne­té de la puis­sance judi­ciaire pré­ci­sé­ment pour que tous les croyants com­prennent que qui­conque se sépare de l’unité de la foi ou de sa com­mu­nion ne peut être déli­vré des liens du péché ni fran­chir le seuil du royaume céleste. » [1]

Comme gage des faveurs divines et en témoi­gnage de Notre pater­nelle bien­veillance, Nous vous accor­dons très affec­tueu­se­ment dans le Seigneur, à vous, Vénérables Frères, ain­si qu’à votre peuple, la béné­dic­tion apostolique.

Donné à Rome, près de Saint-​Pierre, le 11 février 1901, en la vingt-​troisième année de notre Pontificat.

LEON XIII, Pape.

Source : Lettres Apostoliques de S.S. Léon XIII, t. 6, p. 228, Maison de la Bonne Presse, Paris, rue Bayard

Notes de bas de page
  1. Homélies, l. XVI.[]